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2. L’IMPORTANCE DU RÉGIME FONCIER


2.1

Pour répondre aux préoccupations concernant la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté, les institutions et organisations qui s’occupent du développement élaborent des stratégies visant à permettre aux pauvres d’acquérir des biens et de parvenir à l’autosuffisance. Elles les aident notamment à protéger et mettre mieux en valeur les ressources naturelles dont ils disposent, améliorent l’accès aux terres agricoles en procédant à des réinstallations de populations, et assurent la sécurité alimentaire des personnes vulnérables, y compris les femmes, les minorités et les groupes autochtones.



2.2

Dans de nombreux cas, les solutions choisies pour résoudre les problèmes d’environnement, de conflits sociaux et de sécurité alimentaire des personnes vulnérables sont influencées par le régime foncier et ont également des répercussions sur lui. Si ces influences ne sont pas prises en considération au début d’une intervention, cela peut entraîner des résultats imprévus et n’apporter aucune amélioration à la situation. Celle-ci est même parfois aggravée, notamment si les mesures prises privent par inadvertance certains groupes de leurs droits fonciers, par exemple, quand des personnes déplacées sont réinstallées sur des terres identifiées à tort comme vacantes.



2.3

Pour éliminer la faim, il faut assurer à une personne ou à une famille un meilleur accès aux vivres. La mesure dans laquelle celles-ci peuvent parvenir à la sécurité alimentaire dépend en grande partie des possibilités qu’elles ont d’améliorer leur accès aux facteurs de production tels que la terre, mais également aux marchés et à d’autres possibilités économiques. Les personnes qui jouissent de droits importants sur des terres sont généralement mieux à même d’assurer durablement leur subsistance que celles dont les droits fonciers sont limités, mais qui, pour leur part, sont mieux loties que celles qui sont totalement privées de terres.



2.4

Le régime foncier est important dans le cadre des interventions de développement rural qui mettent l’accent sur l’acquisition de biens par leurs bénéficiaires afin qu’ils puissent disposer de moyens durables de subsistance. Un tel résultat est atteint quand les personnes concernées peuvent surmonter les problèmes et les chocs ainsi que conserver ou améliorer leurs capacités et leurs avoirs dans l’immédiat et dans le futur, sans porter préjudice à leur base de ressources naturelles. Dans ce contexte, les moyens de subsistance incluent les capacités, les avoirs (y compris les ressources matérielles autant que sociales) et les activités nécessaires pour gagner de quoi vivre. Les droits de propriété foncière et la main-d’œuvre sont les facteurs les plus couramment utilisés pour produire des vivres destinés à la consommation domestique ainsi que des cultures commerciales permettant à la famille ou au cultivateur individuel de disposer de l’argent nécessaire pour couvrir d’autres besoins comme la santé et l’éducation. Les droits de propriété foncière sont donc une des ressources les plus efficaces pour disposer d’avoirs ne se limitant pas aux terres et à la main-d’œuvre mais incluant toute la gamme de ceux qui sont nécessaires pour assurer des moyens durables de subsistance, c’est-à-dire les ressources naturelles, le capital social, humain et financier ainsi que les biens matériels (figure 1).




FIGURE 1 Capitaux nécessaires pour assurer des moyens durables de subsistance



2.5

Le régime foncier est également important pour les interventions et projets de développement rural basés sur les droits. Ces programmes visent à éliminer ou réduire les facteurs qui empêchent les gens de jouir de leurs droits. La Commission de la condition de la femme des Nations Unies a, par exemple, noté en 1998 que la discrimination contre les femmes en matière de droit foncier constitue une violation de leurs droits fondamentaux. Une démarche fondée sur les droits devrait faire en sorte qu’un programme de développement ne renforce pas la discrimination contre les femmes, les minorités et les autres groupes vulnérables, mais aide au contraire à surmonter celle-ci. En ce qui concerne l’aide et le développement dans les zones rurales, une programmation fondée sur les droits doit prendre en compte les droits fonciers des groupes bénéficiaires. Il faut identifier quels droits sont reconnus dans la zone couverte par le projet, comment ils sont organisés et s’il existe des dispositions institutionnelles satisfaisantes pour déterminer qui a quels droits fonciers, pour combien de temps, à quelles fins et dans quelles conditions.



2.6

Les droits fonciers constituent souvent un élément essentiel quand les ménages ruraux dressent le bilan de leurs capacités et de leurs avoirs et déterminent les stratégies à mettre en œuvre pour assurer leur production quotidienne et leur sécurité alimentaire. Les droits fonciers ne constituent cependant pas uniquement une source de production économique; ils représentent également un des éléments sur lesquels reposent les rapports sociaux et les valeurs culturelles ainsi qu’une source de prestige et, souvent, de pouvoir. Les réseaux sociaux qui s’édifient ainsi au sein d’un groupe social et culturel déterminé constituent un facteur très important pour assurer la durabilité des moyens de subsistance des ménages ruraux.




2.7 Les récentes recherches portant sur le régime foncier fournissent notamment les enseignements généraux suivants:




  • Les pays qui ont investi dans l’infrastructure technique et institutionnelle nécessaire pour assurer une administration efficace et équitable du régime foncier et qui ont donné l’exemple pour ce qui est d’assurer une jouissance égale des droits de propriété aux femmes et aux hommes, se sont développés beaucoup plus rapidement et ont atteint un niveau beaucoup plus élevé de sécurité alimentaire, de santé et de bien-être. Ces progrès se sont avérés plus durables là où les décideurs, tout en reconnaissant la nécessité de réformer les modalités du régime foncier, ont appuyé la protection des droits des femmes et des autres groupes défavorisés par rapport aux ressources traditionnellement à leur disposition.

  • La production alimentaire agricole restera dominée par les familles et les ménages. Les défauts des politiques foncières sont souvent dus en partie à la méconnaissance de la complexité des relations sociales qui caractérisent le «ménage» dans toute société rurale. Les mesures concernant le régime foncier prises par les pouvoirs publics peuvent donner des résultats aussi bien positifs que négatifs. Si elles sont fondées sur des renseignements exacts et tiennent compte des dynamiques locales, elles ont beaucoup plus de chance de produire les résultats souhaités.

  • Priver d’importants secteurs d’une société rurale d’un accès équitable aux terres et des avantages d’un régime foncier stable entraîne des coûts imprévus. Cela peut contribuer fortement à la pauvreté extrême, la dépendance, l’instabilité sociale (y compris les conflits et les troubles civils), la migration rurale, l’abandon des terres et de nombreuses autres conséquences fâcheuses. Par contre, un accès plus équitable aux terres et à d’autres facteurs de production peut contribuer à stimuler une croissance économique plus rapide et plus générale.


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