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Pourquoi avons-nous besoin d’une politique d’information et de communication?[3]


Les gouvernements et d’autres institutions élaborent des politiques qui assurent la cohérence et évitent les contradictions dans les activités de diverses entités publiques et privées. Les outils politiques cherchent également à résoudre des problèmes sociaux ou techniques et à légitimer la mise en place de programmes et projets.

Les pays africains ne sont pas en reste en matière d’élaboration de politiques. Nombre d’entre eux ont déjà mis en place des politiques dans différents secteurs et quelques-unes sont très bien formulées, s’agissant notamment des politiques économiques, sanitaires, agricoles, éducatives, environnementales et étrangères. Dans quelques pays, on ne trouve que des documents symboliques, virtuellement moribonds, sans réalité dynamique et sans réelle possibilité de mise en œuvre. Dans d’autres pays, ces politiques proposent des orientations sectorielles qui peuvent contribuer aux objectifs globaux du développement national. Dans ce contexte, une politique de communication peut constituer une contribution de plus au développement national, en permettant le renforcement d’actions autour de problèmes intersectoriels.

Les politiques de communication sont définies comme

«une série de principes et de normes mis en place pour piloter le comportement des systèmes de communication. Au fil du temps, elles sont façonnées dans le contexte général de l’approche de la communication et des médias par les sociétés. Construites sur les idéologies politiques, les conditions économiques et sociales du pays et les valeurs sur lesquelles elles sont basées, elles s’évertuent à les mettre en relation avec les besoins réels et le potentiel de la communication.[4]»

Dans toute société, les institutions publiques et privées, comme les individus, s’engagent dans des actions de communication internes et externes pour diverses raisons. Souvent, il n’y a pas d’idée ou de vision partagée par tous pour aider à la coordination ou la rationalisation de ces différentes actions, sans doute parce que les décideurs politiques et les planificateurs ne voient pas comment ils pourraient le faire. Une politique nationale d’information et de communication pour le développement peut fournir le cadre conceptuel et institutionnel nécessaire pour la coordination et l’intégration des interventions techniques et sociales entreprises par des institutions allant de la vulgarisation agricole aux ministères de l’éducation et de la santé, d’ONG comme les groupes d’appui aux femmes, ou les militants des droits de l’homme, à des intérêts privés comme les chambres de commerce ou les banques. La contribution d’une politique nationale consiste à articuler les principes, les valeurs et les normes applicables à la communication à tous les niveaux du gouvernement, de la société civile et du secteur privé, dans le cadre des objectifs de développement d’une nation. Une autre approche qui considèrerait l’information et la communication comme un «secteur» de la planification du développement[5] pourrait aussi aider à rationaliser les investissements et constituer une base pour intégrer les interventions d’information et de communication au sein des stratégies nationales de développement.

Une politique de communication peut donc constituer un outil d’appui à la planification, au développement et à l’usage systématiques du système de communication, ainsi qu’à ses ressources et possibilités, pour renforcer efficacement le développement national.

Une diffusion efficace et continue de la communication publique est un pré-requis important pour une gouvernance démocratique. Dans les démocraties naissantes ou renaissantes d’Afrique, la communication sociale apporte le ciment qui lie divers groupes sociaux et communautés dans leur résolution à construire des sociétés nouvelles. Elle permet de créer des liens entre les dirigeants politiques, religieux, traditionnels, communautaires et leurs partisans et de bâtir des ponts entre les communautés urbaines et rurales ainsi qu’entre les générations.

C’est à travers la communication que les agences gouvernementales et les ONG s’efforcent de fournir des informations techniques et des services sociaux pour améliorer la qualité de vie des citoyens et que la société civile cherche à élargir la participation à la gouvernance et à la rendre durable. Le succès des nouvelles politiques et pratiques agricoles, des campagnes de santé, d’alphabétisation, d’éducation politique et civique des adultes est largement dû à l’apport de la communication. Face aux enjeux liés à la propagation rapide du VIH/SIDA, la communication est aujourd’hui une nécessité cruciale pour la mobilisation et les changements sociaux afin de susciter des comportements préventifs et de soutenir les personnes infectées et affectées.

Mais la communication peut aussi diviser la population, sur différents aspects socioculturels et contribuer à des clivages sociaux, à la marginalisation voire à la violence. Ces possibilités apparemment contradictoires soulignent le défi des choix et des prises de décision délibérées pour s’assurer que la communication joue bien un rôle positif dans la société. Les effets de ces décisions peuvent être explicités dans une déclaration politique.

Dans ce contexte général, les stratégies peuvent être conçues pour faciliter une utilisation intensifiée et rationalisée des canaux de communication interpersonnelle, de groupe et de masse afin qu’ils soient adaptés aux ressources et aux orientations culturelles et suffisamment décentralisés pour soutenir les programmes de développement. Il existe un besoin accru d’inciter les organisations locales à utiliser les nouvelles technologies de communication comme Internet, à promouvoir les liens sociaux et à assurer un soutien étendu aux efforts de communication. C’est pourquoi la communication, dans une acceptation dynamique et systématique, peut devenir un outil de construction de solidarités pour atteindre des objectifs partagés, au plan national et régional, en matière d’amélioration de la santé et de la situation économique, d’éradication de la pauvreté, d’émancipation des femmes et des jeunes et de bonne gouvernance. Ces résultats peuvent être facilités par une politique de communication explicitement liée à la politique nationale de développement.


[3] Les politiques d’information traitent davantage des équipements et des logiciels qui constituent l’infrastructure d’une société, en relation avec les implications des NTIC et des «autoroutes de l’information» pour le traitement des données factuelles, leur conservation et leur utilisation en tant que savoir. La communication est davantage orientée vers les processus sociaux, les interactions entre les individus et les groupes ainsi que le développement des mass-media. Naturellement les deux concepts se croisent largement et d’un point de vue politique, ils doivent être utilisés ensemble. Dans ce document, on accordera moins d’importance aux politiques d’information en tant que telles, qui méritent un traitement à part entière. Voir aussi UNESCO, op. cit. 1996, pour un approfondissement de ce thème.
[4] Voir Mwaura, Peter, Communication Policies in Kenya, UNESCO, 1980, préface.
[5] L’idée de «planification de la communication pour le développement» a été introduite dans les écrits sur la communication au cours des années 80. Elle était conçue comme un outil permettant d’aller des politiques vers l’action, en tant que processus de formulation d’objectifs de société en les liant au potentiel du système de communication et en utilisant les technologies permettant d’atteindre au mieux ces objectifs. Voir: A. Hancock, Communication Planning for Development: An Operational Framework, Paris, UNESCO 1981; also A. Hancock, Communication Planning Revisited, Paris, UNESCO 1992.

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