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Communication pour le développement


La pratique de la communication pour le développement est un processus multisectoriel de partage de l’information sur l’agenda du développement et les actions planifiées. Elle lie les planificateurs, les exécutants et les bénéficiaires des activités de développement, y compris la communauté des donateurs. Elle contraint les planificateurs et les exécutants à fournir des données et des informations claires, explicites et intelligibles sur leurs objectifs et leur rôle dans le développement, ainsi que des informations explicites sur les possibilités de participation pour les bénéficiaires qui souhaitent contribuer aux résultats du développement. Elle assure que la communauté des donateurs est tenue informée en permanence des réalisations et des contraintes des efforts du développement sur le terrain.

La communication pour le développement utilise tous les dispositifs et les moyens de partage de l’information. Elle n’est donc pas limitée aux seuls médias de masse. Elle mobilise également des groupes formels et des canaux informels de communication, comme les associations de femmes et de jeunes, ainsi que les lieux de polarisation de la population comme les marchés, églises, festivals ou rassemblements.

Mais la spécificité de sa contribution est de les utiliser d’une façon systémique, systématique, permanente, coordonnée et planifiée, afin de créer les liens et activer les fonctions.

Cela demande une analyse de l’environnement communicationnel, des ressources et des compétences disponibles et requises (matérielles, logicielles, financières et humaines) et d’indiquer clairement les résultats escomptés pour chaque type de ressource engagée, afin de permettre la responsabilité financière. En bref, la communication pour le développement est une fonction légitime de planification et de mise en œuvre du développement. Elle doit donc être considérée comme une «technologie» utile pour mettre en œuvre les processus de communication sociale visant à favoriser et à renforcer le développement durable aux niveaux local et national. Elle devrait être prise plus au sérieux par les programmes de changement social et figurer explicitement dans les politiques et stratégies de développement. Une façon de le faire est de formuler une politique nationale d’information et de communication, qui peut être intégrée explicitement dans la conception et la mise en œuvre du développement national.

Quelques questions appelant une action politique

Compte tenu de l’étendue et de la nature multisectorielle des besoins et des objectifs du développement national, une stratégie nationale d’information et de communication pour le développement durable peut aussi être vue comme une question multisectorielle et multidimensionnelle autour de laquelle les divers acteurs du développement peuvent trouver un point de ralliement, et à laquelle ils peuvent apporter des contributions constructives appréciables.

Des tentatives précédentes pour traiter les questions de politique d’information et de communication dans certains pays n’ont pu être mises en œuvre de façon ad hoc et ont été sur-politisées, car elles manquaient d’un cadre et d’orientations communes orientées vers le développement. En se centrant presque exclusivement et sans marges de négociations sur des secteurs d’intérêt particuliers ou des considérations thématiques (comme la commercialisation, la privatisation, le service public, les monopoles, la liberté d’expression, les droits des minorités, etc.), elles ont tendance à exacerber les zones de tension et de désaccord, au lieu de promouvoir les opportunités d’un dialogue constructif. Le développement et la gestion d’une politique nationale d’information et de communication peuvent être vus comme un mécanisme de diffusion de l’éducation à grande échelle et de participation publique consciente aux prises de décision sur les directions futures du développement dans les sociétés africaines.

Quelques questions pertinentes

Le processus d’élaboration et de mise en oeuvre d’une politique nationale sur quelque sujet que ce soit, passe par les étapes suivantes.

1 - Développement

L’Afrique se développe-t-elle? Votre pays est-il en train de se développer? Selon que votre réponse sera «oui», «non» ou «peut-être», comment l’information et la communication peuvent-elles accélérer le développement dans votre pays? Plus spécifiquement, comment une approche politique de l’information et de la communication peut-elle accélérer le développement de votre pays? Dans le même esprit, quels sont les objectifs de développement de votre pays? Etes-vous concerné par la croissance économique? la réduction du niveau de pauvreté? la qualité de vie de la population? les droits de la population et sa liberté de s’exprimer? Comment une approche politique de l’information et de la communication peut-elle accélérer le développement dans votre pays?

2 - Politiques

Les politiques sont une question politique. La politique concerne le pouvoir; le pouvoir de choisir, le pouvoir de décider. Qui a le pouvoir de décision aujourd’hui en Afrique?

Le défi concerne la volonté politique. Où se trouve-t-elle aujourd’hui, en Afrique? Les gouvernements sont naturellement importants; mais la société civile et les citoyens individuels deviennent également importants. Comment le processus de conception et de mise en œuvre de politiques nationales de communication peut-il influencer «l’équilibre des pouvoirs» dans les pays africains?

3 - Démocratie

Les gouvernements et les citoyens africains expriment un engagement pour la démocratie, même s’il n’est pas toujours très clair que la démocratie signifie davantage que l’organisation périodique d’élections. Rappelons-nous ce que disait le regretté Claude Ake: «Dans une grande partie de l’Afrique, les gens votent sans choisir». Quoiqu’elle signifie, la démocratie doit inclure la notion de participation de la majorité des gens dans le débat des questions d’importance nationale. Comment la conception et la mise en œuvre d’une politique nationale d’information et de communication peut-elle renforcer la démocratie?

4 - Culture

La culture, c’est l’adaptation à l’environnement physique et métaphysique.

La culture, c’est l’identité, la définition de qui nous sommes, quelles sont nos valeurs, comment nous nous voyons nous-mêmes, comment nous voulons que les autres nous voient.

Comment une politique nationale d’information et de communication peut-elle contribuer au développement culturel? Au XXIe siècle, pouvons-nous encore parler de cultures nationales en Afrique? Ne sommes-nous pas devenus une partie de la société mondiale? Qui définit comment cette société mondiale peut communiquer et à propos de quoi? Quelle peut être la contribution des Africains à un environnement culturel mondial? Comment cela peut-il s’articuler avec les politiques nationales de communication?

La culture, c’est aussi des institutions, comme la religion. Quelles dispositions doit-on prendre, dans les politiques nationales d’information et de communication, en rapport avec la religion?

Presque partout en Afrique, la culture c’est la diversité. Parce que beaucoup de nations africaines sont pluri-éthniques avec des contextes culturels diversifiés. Comment une politique nationale d’information et de communication peut-elle prendre des dispositions pour préserver la diversité culturelle en même temps que favoriser son intégration, très souhaitée?

5 - Langage

La communication s’appuie sur le langage et le langage de la communication peut tout à la fois exclure ou intégrer les individus et les groupes. Le langage d’une politique nationale de communication est un aspect important de son acceptabilité et de son impact.

6 - Libertés

Le droit de communiquer, de parler et d’écouter les autres est désormais un droit universel. Une politique nationale de communication doit reconnaître le droit à communiquer et s’assurer qu’il est respecté, en droit et en fait.

7 - Accès

Il y a un grand fossé à la fois entre les individus et entre les groupes dans la possibilité d’accéder aux médias et aux autres canaux de communication publique. Une politique nationale de communication doit tenter d’améliorer cet accès et de diminuer les facteurs qui lui font obstacle.

8 - Technologie

Un rapport de l’UNESCO de 1972 déclarait que: le développement rapide des technologies de communication rend importante la formation continue des utilisateurs potentiels. Ce qui était techniquement ou économiquement indéfendable hier peut être possible aujourd’hui et attractif demain. «Une politique nationale de communication cherchera à équilibrer les besoins d’après-demain à partir des réalités d’aujourd’hui.»

9 - Economie

Les politiques d’information et de communication doivent-elle s’occuper seulement de ce qui est accessible? Les analyses et les propositions de la politique doivent-elles se baser seulement sur les ressources nationales?

10 - Le cadre institutionnel

Qui devrait être responsable du pilotage et de la gestion d’une politique d’information et de communication? Dans quelques pays, l’initiative est venue du département ministériel chargé de l’information ou des télécommunications. Souvent, c’est un ministère, rebaptisé ministère de la communication, qui a dirigé la politique de communication.

Plus tard, des discussions au niveau international ont suggéré la mise en place d’un Conseil national de la communication, en tant qu’entité indépendante, sous contrôle du Parlement, ou la création d’un cadre non partisan. En fait, dans tous les pays, les décisions font l’objet d’une négociation entre les intérêts et les forces sociales en présence, dans le contexte du développement.

Toutefois, l’existence d’actions stratégiques de communication en appui aux programmes ou projets du secteur du développement peut aussi influencer les choix des directions prises par la politique nationale de communication pour le développement. Par exemple, plusieurs pays ont un système ou un projet d’appui à la communication dans le domaine de l’agriculture, y compris la vulgarisation et l’information agricoles, en combinant des stratégies basées sur la communication interpersonnelle et les mass-media.

De nombreux pays ont également développé des programmes ou projets de promotion et d’éducation sanitaire. Dans d’autres pays, la communication en matière de population est encore souvent basée sur une stratégie sectorielle pour la promotion de la santé reproductive ou sur les changements de comportement des adolescents. De même, dans plusieurs pays, les activités de communication en soutien à la prévention du VIH/SIDA sont basées sur des stratégies multimédias et multisectorielles. Toutes ces actions de terrain construisent les éléments de mise en œuvre d’une politique nationale de communication pour le développement. La société civile, y compris les professions juridiques, les journalistes, les groupes de publicité et de marketing, les associations féminines, les militants des droits de l’homme et les ONG se sont activement impliqués pour pousser un ou plusieurs secteurs de la politique de communication pour le développement, afin que cette dernière prenne en compte leur programme politique ou économique particulier. Ceci contribue aussi à définir des perspectives et des actions pour faire face aux principaux défis qui sont: développer ou ne pas développer, comment l’information et la communication peuvent jouer un rôle?

11 - Conception et mise en œuvre des politiques

Pour concevoir une politique, quelques considérations préalables sont nécessaires, sous forme de questions comme celles-ci: Qui en a besoin? Le besoin d’une politique de communication est souvent ressenti au niveau des institutions publiques ou privées ou encore de la société civile. Quelle que soit la nature du problème posé, la politique d’information et de communication aura un impact sur les divers groupes ou individus concernés. La conception et la formulation de la politique devraient donc être considérées comme un «bien public» représentant un intérêt potentiel pour une grande partie de la société. Le processus doit donc être transparent et chercher à intégrer tous les intérêts en présence. Au-delà de l’implication des techniciens et des professionnels de l’information et de la communication dans le processus, d’autres groupes devraient également y être représentés afin que l’appropriation du processus et des résultats soit vraiment «nationale».

Une autre question concerne le défi et la vision, en d’autres termes: Pourquoi a-t-on besoin d’une politique de communication? L’accroissement de l’influence mondiale des organisations et des technologies d’information et de communication est ressentie à différents niveaux en Afrique. De même, les changements intervenus dans l’arène politique, avec la démocratisation et l’implication accrue de la société civile dans la gouvernance, créent des tensions qui appellent des changements dans la gestion des biens et services publics, y compris dans le domaine de la communication. En conséquence, les questions du contrôle et de la propriété des organismes de télécommunication et des médias, de la liberté d’expression et de l’accès aux médias par les partis politiques à l’occasion des élections sont devenues un élément important du discours national dans nombreux pays. De plus, le besoin des individus et des communautés à participer aux activités de développement fait que le rôle de la communication comme outil favorisant la confiance et le consensus sur l’agenda du développement est un objectif important pour les gouvernements comme pour les sociétés en général. L’émergence des nouvelles technologies y compris les ordinateurs, Internet et les outils qui s’y rattachent, crée une situation qui appelle une action concertée au sein de l’espace national et régional. Voici quelques unes des raisons qui rendent généralement une politique nécessaire: traiter avec clarté et publiquement les questions techniques et culturelles.

Mais la résolution des problèmes quotidiens n’est pas le seul but recherché. Une bonne politique devrait aussi être en mesure de fournir des indicateurs pour les dix ans à venir. Comme le secteur de la communication change rapidement dans le monde entier, l’environnement de la politique peut devenir plus dynamique, même à court terme. Pour cette raison, il est important que les politiques soient ouvertes sur l’avenir et qu’elles puissent satisfaire les attentes futures de ceux qui les mettront en œuvre ou seront influencés par elles. Une façon concrète de s’en assurer consiste à anticiper, c’est à dire se faire une idée sur un échantillon de la société, en termes de type d’environnement futur dans lequel les gens voudraient vivre et imaginer les rôles que l’information et la communication pourront jouer dans ces scénarios du futur. Ceci pourrait alors faire partie de l’environnement auquel une politique de communication pourrait répondre. L’anticipation collective est un outil de gestion sociale qui devrait être intégré dans le processus de conception de la politique.[6]

Autres questions: quels sont les enjeux du développement sur le terrain? Qu’en savons-nous? Que devons-nous savoir? L’analyse de la situation est la première étape de la conception de la politique. Elle entreprend de «balayer» l’environnement politique. Elle devrait aider à définir le besoin d’une politique en identifiant les problèmes de développement qu’une politique d’information et de communication pourrait contribuer à résoudre. Questions pertinentes: quelle est la situation actuelle du système de communication, y compris ses diverses composantes et sous-secteurs? Quelles sont ses forces et ses faiblesses? L’analyse de la situation devrait contribuer à évaluer les capacités potentielles de changement du système à court et moyen terme, en prenant en compte les difficultés et les obstacles qu’il peut rencontrer.

Les objectifs, buts et principes font partie des questions préalables. Toute politique doit avoir des buts et des objectifs. Ils représentent les réponses aux besoins de développement que la politique devra satisfaire à moyen et long terme. Une politique devrait également avoir établi des normes et des principes pour guider son orientation et ses contenus. Ils sont généralement tirés des objectifs nationaux en matière de développement ou des dispositions constitutionnelles. Parmi ces principes sous-jacents, notons particulièrement:


[6] Voir O. Adesida, Health futures, OMS, région africaine, Harare, 2001.

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