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COMMUNICATION III: LA GESTION DES CAPACITÉS DE PÊCHE AU CAP-VERT[4]


par Madame Teresa Paula Barros

1. INTRODUCTION

La pêche au Cap-Vert concerne les grands pélagiques océaniques, représentés par des thonidés, les pélagiques côtiers, représentés par le maquereau et le chinchard, les poissons démersaux et les langoustes. Cette pêche est réalisée par une flotte artisanale et par une flotte industrielle et semi industrielle.

La flotte artisanale est composée d'embarcations de petite taille, de longueur comprise entre 4 et 6 mètres et de largueur comprise entre 1,3 et 1,8 mètres. Ces unités sont pour la plupart équipées d’un moteur hors bord.

La flotte industrielle et semi industrielle est composée d'unités de plus grande taille, de longueur pouvant varier entre 6 et 25 mètres. Ces embarcations sont toutes équipées avec un moteur inboard et possèdent un équipage composé de 8 à 14 pêcheurs. Ce sont des thoniers, des langoustiers et des senneurs ciblant les petits pélagiques.

Les pêcheries capverdiennes peuvent être considérées comme des pêcheries à libre accès, car même si les droits de propriété sont relativement bien définis par la législation en vigueur, on note une absence de régulation effective de l'accès (Cunningham et Gréboval, 2002). Il n’y a pas de contrôle véritable des captures dans le but de préserver les ressources (même si les captures font l'objet d'un suivi statistique), ni de contrôle de la participation des embarcations dans les pêcheries. Pour les embarcations nationales, le permis de pêche artisanale est gratuit. Pour la pêche industrielle une redevance, qui demeure symbolique, est perçue. L'octroi des permis est pratiquement automatique et il n’y a jusqu'à présent aucune mesure de restriction à l’entrée dans les pêcheries.

2. LES APPROCHES UTILISÉES POUR LE SUIVI DES FLOTTES ET L’ÉVALUATION DES CAPACITÉS DE PÊCHE

Les demandes de licence de pêche pour la flotte industrielle, nationale ou étrangère, permettent la collecte de données relatives à la capacité de pêche des embarcations (longueur, tonnage jauge brut - TJB, tonnage jauge net -TJN, capacité de cale, type et puissance du moteur, engins de pêche, nombre de membres d’équipage). Il en va de même pour la pêche artisanale.

Au Cap-Vert, la mise en place du système statistique remonte aux années 80. Le système est semblable à celui des pays de la sous-région ouest africaine. On dispose d’enquêteurs permanents sur toutes les îles qui, pour la pêche artisanale, exécutent annuellement un plan d’échantillonnage pour l’estimation de l’effort de pêche et des captures, et un recensement général (enquête-cadre) pour évaluer l’effectif de la flotte (nombre de barques avec et sans moteur, nombre de pêcheurs à temps complet ou partiel, et nombre et types d’engin de pêche) au niveau de tous les sites de débarquement. L’effort de pêche nominal, estimé en nombre de sorties en mer, a été relativement stable au cours des vingt dernières années, présentant seulement quelques fluctuations. La durée moyenne des sorties en mer de la pêche artisanale n’est malheureusement pas estimée, ce qui ne permet pas d’avoir une bonne évaluation de l’effort de pêche réel. Il a, par exemple, été constaté que la durée moyenne des sorties en mer a augmenté entre 1994 et 1995, passant de 6,5 à 7,5 heures pour l’île de S. Vicente et de 6,2 à 7 heures pour l’île de Santiago. A partir des échantillons, on estime aussi la capture par unité d’effort (en kg/sortie) des embarcations de la pêche artisanale. On constate qu'au cours des dix dernières années la CPUE (catch per unit effort) est restée stable (36 kg/sortie), malgré les innovations technologiques introduites. On constate également qu’il y a eu une légère augmentation de la taille et de la largueur des embarcations et que le taux de motorisation est en franche évolution, passant de 8 pour cent en 1984 à 69 pour cent en 1995 et à 73 pour cent en 1999. En plus, on note une tendance à l’acquisition de moteurs hors bord de plus en plus puissants, passant de 5 CV à 15 CV. La capacité de pêche a donc augmenté sensiblement, même si l'effort nominal est resté assez stable.

Pour la pêche industrielle nationale, une collecte exhaustive des données de capture et d’effort de pêche est effectuée par l’intermédiaire des carnets de bord des embarcations. Des données relatives à la longueur, le TJB, la puissance du moteur, le nombre de pêcheurs et le type d’engin de pêche des embarcations sont collectées. L’effort de pêche nominal, estimé en nombre de jours de mer, présente de grandes fluctuations. Les sorties, qui étaient journalières, se sont rallongées mais restent encore de courte durée (un à quatre jours). La CPUE de la pêche industrielle est estimée en tonnes/jour de mer. On constate qu’elle est en diminution au cours des cinq dernières années.

Pour la pêche étrangère les données de capture et d’effort de pêche sont fournies par les capitaines et armateurs. Ceux-ci ont obligation de retourner régulièrement à la Direction Générale des Pêches des formulaires destinés au suivi de l'activité de pêche.

3. LES OUTILS DE CONTRÔLE DE LA CAPACITÉ DE PÊCHE

Les outils de contrôle de la capacité de pêche sont uniquement réglementaires. On trouve dans la législation nationale toute une série de mesures concernant inter alias: des interdictions de pêche (mammifères marins); des périodes de repos biologique (pour la langouste et la tortue); des restrictions relatives au maillage et aux engins de pêche; des restrictions relatives à certains types de pêche (pêche à la dynamite ou substances toxiques); des zones et des activités de pêche réservées aux nationaux (eaux intérieures et archipélagiques, espèces sédentaires du plateau continental); la non-transmissibilité des permis de pêche; l'obligation de maintenir un carnet de bord avec enregistrement des opérations de pêche et de fournir des données statistiques sur les captures effectuées. La législation prévoit aussi l’élaboration de plans pluriannuels de gestion des ressources halieutiques qui doivent contenir un programme de gestion des licences de pêche pour les principales pêcheries et de régulation des opérations de pêche locales et étrangères. Le Cap-Vert applique également les directives de gestion et conservation de la CICTA (Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’atlantique) relatives aux thonidés (limite de poids, etc.).

Malheureusement les mesures légales ci-dessus mentionnées ne font pas l'objet d’une application effective. La surveillance et le contrôle de la zone économique exclusive (ZEE) sont effectués par la Garde Côtière en collaboration avec la Direction générale des pêches. Pour s'assurer de l'application des réglementations, la législation prévoit également la création d’un corps d’agents de surveillance qui exercent leurs fonctions en terre, mais jusqu’à présent ce corps n’a pas été créé.

Il existe aussi l’obligation, pour les embarcations de pêche étrangère, d’embarquer des observateurs de bord. Ces observateurs doivent observer toutes les opérations de pêche et vérifier si elles sont conformes. L’embarquement de ces observateurs se fait encore de manière trop sporadique.

4. LES POLITIQUES ACTUELLES D’AMÉNAGEMENT DES PÊCHES

Les politiques d’aménagement des pêches développées au cours des vingt dernières années ont visé surtout à développer la capacité de pêche de la flotte nationale. Différents programmes ont été exécutés à cette fin et sont toujours en cours d’exécution, dont: le programme de motorisation des embarcations de la pêche artisanale, qui a conduit à une forte augmentation du taux de motorisation; le programme d’introduction d’embarcations améliorées dans la pêche artisanale, avec des embarcations plus longues et équipées de moteurs inboard de 180 CV, de radar et d'une plus grande autonomie pour effectuer des sorties de plus longue durée et exploiter des zones de pêche plus éloignées; le programme d’introduction de nouveaux engins et techniques de pêche, qui a introduit la palangre et le filet maillant; le programme de pose de dispositifs de concentration du poisson (DCP); et le programme de construction et amélioration des infrastructures d’appui à la pêche.

Actuellement, le programme de modernisation de la flotte industrielle est en cours de révision. Il prévoyait l’acquisition de dix embarcations de 26 mètres de longueur, 600 CV de puissance, utilisant la palangre et la senne, équipées de sonars et d'équipements modernes de navigation. Trois embarcations seront prêtes au début de l’année prochaine.

Le programme d’incitations, crédits et subventions au secteur de la pêche a conduit à une forte augmentation du nombre d’embarcations et de pêcheurs, aussi bien pour la pêche artisanale qu’industrielle. Il est actuellement l'objet de débats liés aux problèmes de remboursement du crédit octroyé et au risque de non-durabilité de l'exploitation.

Le programme d’attraction de l’investissement externe fait que des armateurs européens qui ont reçu des primes pour la casse de leurs navires se localisent au Cap-Vert. En obtenant le statut d’investisseur externe, ils peuvent y bénéficier de tout un ensemble d’incitations économiques (exemptions d’impôts, de taxes douanières, possibilité de réexportation des devises, etc.).

Concernant la formulation d'un plan de gestion des pêches, les autorités sont actuellement dans la phase d’élaboration d’un diagnostic des pêcheries. Ceci devrait permettre de recueillir l'information nécessaire à l’élaboration du plan. Il est évident que ce plan, une fois élaboré et adopté, sera un outil important pour la gestion des capacités de pêche.

5. CONTRAINTES AU SUIVI ET AU CONTRÔLE DES CAPACITÉS DE PÊCHE

Les contraintes au suivi et contrôle des capacités de pêche au Cap-Vert sont nombreuses. La contrainte principale est le fait que le Cap-Vert est un archipel, composé d'îles dispersées et d'une vaste ZEE.

Le manque de ressources financières et humaines constitue également une contrainte majeure. On note en particulier l’absence d’un corps d’inspecteurs de pêche et une surveillance insuffisante de la ZEE.

Parmi les autres contraintes à un suivi et contrôle des capacité de pêche plus efficace, on peut souligner: le manque de définition d’objectifs clairs pour la politique sectorielle et le manque de données fiables sur le potentiel de pêche - ce qui ne permet pas de définir une capacité de pêche limite et constitue un handicap à l'élaboration d'un plan de gestion des capacités de pêches.

6. BIBLIOGRAPHIE

Cunningham, S. et Gréboval, D. 2002. La gestion de la capacité de pêche: étude des politiques et des aspects techniques. FAO Document technique sur les pêches. No. 409. Rome, FAO. 2002. 66p.


[4] Communication préparée par: Mme Teresa Paula Barros, Direction générale des pêches, Ministère de l'agriculture et des pêches, Cap-Vert, E-mail: [email protected]

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