FAO/SMIAR: Rapport sur l'Afrique No.3 - décembre 2002 p.4

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PREMIÈRE PARTIE: VUE D'ENSEMBLE

Alors que l'année 2002 touche à sa fin, la situation alimentaire de l'Afrique australe demeure très préoccupante, en particulier au Zimbabwe. En Afrique de l'Est, les perspectives sont tout aussi sombres, notamment en Éthiopie et en Érythrée, essentiellement à cause de la sécheresse. Dans la région des Grands Lacs, l'insécurité et les flambées de violence engendrées par les troubles civils continuent de perturber les activités agricoles. En Afrique de l'Ouest, la situation alimentaire est particulièrement grave en Mauritanie après trois mauvaises récoltes consécutives.


AGGRAVATION DE LA CRISE ALIMENTAIRE EN AFRIQUE AUSTRALE, EN PARTICULIER AU ZIMBABWE ET EN ZAMBIE

La crise alimentaire qui sévit en Afrique australe est due à deux mauvaises récoltes successives et ne cesse de s'aggraver, compte tenu de la diminution des stocks vivriers et de la lenteur des importations, notamment de l'aide alimentaire. La situation pourrait se détériorer et provoquer une famine de grande ampleur si l'aide internationale demeure insuffisante et tarde à venir.

Au Zimbabwe, la crise alimentaire ne fait qu'empirer. De graves pénuries de produits alimentaires de base comme le maïs, le lait, le pain et le sucre ont été signalées dans les zones rurales et urbaines et les boulangeries sont contraintes de fermer, faute de blé. Dans plusieurs régions du pays, on observe une progression du nombre d'individus souffrant de malnutrition et aujourd'hui, près de la moitié de la population, soit 6,7 millions de personnes vivant pour la plupart en milieu rural, ont besoin d'une aide alimentaire d'urgence qui devra être maintenue jusqu'au mois de mars prochain. En dépit des vastes efforts déployés par les organisations humanitaires et les autorités nationales pour importer du maïs, le volume des importations demeure largement inférieur aux besoins.

La crise économique généralisée que traverse le pays, caractérisée par un taux d'inflation qui devrait, selon les prévisions, atteindre 155 pour cent d'ici la fin de l'année, et la dépréciation continue de la monnaie nationale aggravent les difficultés que rencontrent la plupart des habitants du pays pour se procurer des produits alimentaires de base. Au début du mois de novembre, à la suite des graves pénuries de carburant survenues en octobre, le gouvernement a décidé d'autoriser le secteur privé à importer du carburant.

Il convient d'accroître et d'accélérer de toute urgence les importations de maïs afin d'éviter une famine dans le pays.

En Zambie, après deux mauvaises récoltes, la situation alimentaire de 2,9 millions de personnes, soit le quart de la population, suscite de profondes inquiétudes. Elle est particulièrement alarmante dans le cas des individus vulnérables qui vivent dans les zones les plus isolées du pays et ont épuisé leurs réserves de vivres, alors même que le prix du maïs affiche une forte hausse par rapport aux niveaux, déjà très élevés, enregistrés l'année dernière. Le PAM prévoit un déficit de 100 000 tonnes de maïs entre novembre et mars, période pendant laquelle le risque de famine est le plus grand, et consacre à l'achat de maïs les contributions en espèce qui lui ont été récemment versées.

Au Malawi, les distributions de vivres effectuées en octobre ont été deux fois supérieures à celles du mois de septembre et ont permis de venir en aide à quelque 2,3 millions de personnes. La communauté internationale a répondu favorablement à l'appel lancé par le PAM, qui souhaitait réunir 171 000 tonnes de céréales pour le Malawi dans le cadre de l'opération régionale d'aide d'urgence pour l'Afrique australe; à la fin du mois d'octobre, 83 000 tonnes avaient déjà été acheminées sur place. Les importations commerciales de maïs se sont également avérées suffisantes et la majeure partie des 225 000 tonnes requises, selon les estimations établies en avril-mai par la mission FAO/PAM, pour couvrir les besoins alimentaires de la population, a été livrée sur place. Toutefois, en dépit de l'amélioration globale des approvisionnements, l'accès aux denrées alimentaires continue de poser de sérieux problèmes. Les prix du maïs, bien que globalement inférieurs début octobre à ceux enregistrés l'année précédente à la même période, demeurent élevés. Nombre d'habitants des zones rurales ne disposent toujours pas d'un pouvoir d'achat suffisant pour acheter des vivres.

En Namibie, 345 000 personnes, sur une population totale de 1,8 million, ont besoin d'une aide alimentaire d'urgence du fait de la sécheresse prolongée qui sévit dans le pays et s'est traduite par une forte baisse de la production céréalière 2002 dans les principales zones de production du nord du pays. La région de Caprivi, située dans le nord-est, a été la plus durement touchée. Le gouvernement a débloqué 14 millions de dollars en vue de la fourniture d'une aide alimentaire d'urgence. Au terme d'une procédure d'appel à la concurrence, il a récemment attribué plusieurs marchés à des compagnies de transport qui seront chargées d'acheminer l'aide alimentaire dans les régions touchées.

À Madagascar, en dépit d'une récolte céréalière 2002 globalement satisfaisante, la situation des disponibilités alimentaires est difficile pour un grand nombre de personnes vulnérables, en raison des effets persistants de la crise politique survenue au cours du premier semestre de l'année, laquelle a gravement perturbé l'activité économique du pays. La hausse des prix des hydrocarbures et des transports a conduit à une augmentation considérable des prix des produits alimentaires de base dans les zones urbaines et, dans le même temps, à une baisse des prix payés aux producteurs des régions rurales les plus isolées. On estime qu'au total, 150 000 personnes ont perdu leur emploi du fait de la crise.

On relève par ailleurs de sérieuses difficultés dans les 13 districts du sud, où la sécheresse a entraîné un recul de la production agricole pour la deuxième année consécutive, ainsi que dans certaines zones de la province orientale de Toamasina, où les cultures et les infrastructures d'irrigation ont été détruites à la suite du passage du cyclone Kesiny en mai.

La FAO a récemment approuvé une opération d'urgence du PAM visant à fournir, d'ici le mois de mars de l'année prochaine, 18 000 tonnes de vivres au titre de l'aide alimentaire à 394 250 personnes vulnérables victimes de la crise socioéconomique et des catastrophes naturelles qui ont frappé le pays.

En Angola, la situation alimentaire de nombreuses personnes déplacées est source de vives préoccupations. Le nombre d'individus ayant besoin d'une aide alimentaire d'urgence a été réévalué à la hausse, passant de 1,42 million, selon les estimations établies en mai 2002 par la mission FAO/PAM, à 1,9 million. Des rapports récents indiquent que, si les taux de malnutrition ont diminué, grâce à un meilleur accès aux populations dans le besoin, ils demeurent malgré tout élevés. La plupart des régions dans lesquelles les personnes déplacées retournent s'installer ne disposent d'aucun service de santé de base. En dépit de l'amélioration progressive de l'accès aux provinces, le mauvais état du réseau routier, la destruction des ponts et les mines terrestres font encore obstacle à l'élargissement des opérations d'aide d'urgence et au commerce intérieur.

Au Lesotho et au Swaziland, l'amélioration de la distribution de l'aide alimentaire a permis de subvenir aux besoins de nombreux individus victimes de mauvaises récoltes. Au Mozambique, les pluies abondantes relevées en octobre ont entravé l'accès aux communautés vulnérables des zones reculées du pays, notamment dans les provinces de Inhambane et de Tete.


IMMINENCE D'UNE CRISE ALIMENTAIRE DANS LA CORNE DE L'AFRIQUE

La situation alimentaire des pays de la Corne de l'Afrique est très préoccupante, la sécheresse ayant fortement réduit le volume de la récolte céréalière de 2002. La situation est particulièrement alarmante en Éthiopie et en Érythrée, où il va falloir importer de grosses quantités de céréales pour repousser le risque d'une famine de grande ampleur. À ce jour, les interventions généreuses des bailleurs de fonds ont permis d'écarter le danger, mais les pénuries de vivres devraient perdurer pendant une bonne partie de 2003.

En Érythrée, plus du tiers de la population subit actuellement une grave pénurie de vivres due à une sécheresse prolongée qui a profondément perturbé la production agricole et de l'élevage. Une mission FAO/PAM d'évaluation des cultures et des approvisionnements alimentaires s'est récemment rendue sur place et a conclu que, du fait de l'absence de petites pluies «azmera» pendant la période allant de mars à juin et de l'insuffisance des grandes pluies «kiremti», qui surviennent entre juin et septembre, la production céréalière de la campagne 2002 a été la plus faible enregistrée depuis l'indépendance du pays, en 1993. Les éleveurs ont eux aussi été très durement touchés: dans certaines régions du pays, le cheptel a été réduit de 20 pour cent par rapport à 2001. En outre, l'aide humanitaire qu'il a fallu apporter aux personnes déplacées durant le conflit récent avec l'Éthiopie voisine (on en dénombre plus de 60 000) ainsi qu'aux quelque 50 000 rapatriés érythréens de retour du Soudan a très lourdement grevé les ressources du pays. Les Nations Unies et le Gouvernement érythréen ont conjointement appelé la communauté internationale à fournir à l'Érythrée l'équivalent de 163,4 millions de dollars en vivres et une aide non alimentaire.

En Éthiopie, les faibles précipitations de la campagne secondaire «belg» conjuguées à l'arrivée tardive et à l'arrêt précoce des pluies de la campagne principale «meher» ont engendré une situation alimentaire très préoccupante. Un grand nombre de têtes de bétail ont péri et des mouvements inhabituels de populations à la recherche d'eau et de pâturage ont été signalés dans plusieurs régions du pays. Face à cette crise, le gouvernement a récemment demandé à la communauté internationale de lui fournir une aide alimentaire pour couvrir les besoins de plus de 11 millions d'individus d'ici la fin de 2002. Une mission FAO/PAM d'évaluation des cultures et des approvisionnements alimentaires vient de rentrer d'Éthiopie et un rapport sur la production de la campagne principale «meher» 2002 et l'évaluation des besoins d'alimentaire du pays pour 2003 sera prochainement diffusé.

Au Kenya, la récolte de maïs en cours dans les principales zones de production a contribué à améliorer dans son ensemble la situation alimentaire. La baisse des prix des denrées alimentaires est particulièrement bénéfique aux ménages établis dans les zones agricoles marginales touchées par la sécheresse. Toutefois, selon les estimations préliminaires de la récolte de maïs de grandes pluies, la production devrait être ramenée de 2,32 millions de tonnes en 2001 à 1,89 million de tonnes environ, ce qui représente un recul de 19 pour cent. Si le régime pluvial a été favorable dans plusieurs zones de pâturage frappées par la sécheresse, l'insécurité alimentaire persiste dans les districts de Mandera, Turkana, Samburu, Marsabit, West Pokot et Baringo.

En Somalie, les pluies de la deuxième moitié du mois d'octobre, particulièrement abondantes dans les principales zones de culture, ont encouragé les populations à préparer les sols et à semer plus tôt que d'ordinaire les cultures de la campagne secondaire «deyr» 2002/03. Dans le sud du pays, la bonne récolte céréalière de la campagne principale «gu» a contribué à améliorer la situation alimentaire. Cela étant, de nombreuses difficultés liées aux disponibilités alimentaires persistent par endroits, du fait de plusieurs années successives de sécheresse et d'insécurité. Dans le nord-ouest du pays (Somaliland), en dépit des récentes pluies, la situation alimentaire est grave dans les régions de Sool, Sanag et Nugal où les faibles précipitations observées durant la campagne principale «gu» ont affecté les cultures et la production dans le secteur de l'élevage. En dépit de l'ouverture de nouveaux marchés d'exportation de viande réfrigérée vers certains pays du Proche-Orient, le maintien par ces derniers de l'interdiction des importations d'animaux vivants potentiellement porteurs de la fièvre de la Vallée du Rift a fait chuter les recettes en devises et menace les moyens d'existence d'un grand nombre d'éleveurs.

Au Soudan, la mission FAO/PAM d'évaluation des cultures et des approvisionnements alimentaires qui s'est récemment rendue dans le sud du pays a constaté que la situation des disponibilités alimentaires s'était dégradée depuis l'année précédente et estimé que le déficit céréalier serait également plus important. L'arrivée tardive des pluies et les nouveaux déplacements de population provoqués par l'aggravation récente du conflit, qui dure déjà depuis fort longtemps, ont eu de lourdes conséquences sur la production agricole. Dans le centre et le nord du Soudan, la récolte céréalière de la campagne principale de 2002 vient tout juste de commencer. Une mission FAO/PAM d'évaluation des cultures et des approvisionnements alimentaires vient de rentrer du Soudan et un rapport sera prochainement diffusé.

En Tanzanie, la situation alimentaire demeure globalement satisfaisante, grâce à l'accroissement des stocks vivriers à la ferme et des approvisionnements commerciaux. Toutefois, à la date de rédaction du présent rapport, les prix de gros du maïs pratiqués dans les principales régions de production (parmi lesquelles Rukwa, Mbeya et Iringa, dans les hauts plateaux du Sud, et Dodoma en Tanzanie centrale) étaient supérieurs à la moyenne des cinq dernières années. En outre, sur certains marchés comme Kilimanjaro et Tanga (Tanzanie du Nord), les prix de gros du maïs ont commencé à augmenter plus tôt que d'ordinaire.

En Ouganda, les effets conjugués de l'arrivée tardive des pluies de la campagne secondaire et de l'intensification du conflit dans le nord ont eu dans certaines régions de sérieuses conséquences sur la situation des disponibilités alimentaires. Dans la région de Karamoja, dans le nord-est du pays, les mauvaises récoltes dues à de longues périodes de sécheresse n'ont fait qu'aggraver la situation alimentaire. Dans le nord, des milliers d'Ougandais ont fui l'insécurité et les combats en pleine recrudescence et sont venus grossir les rangs des populations, déjà fort nombreuses, déplacées à l'intérieur du pays. Au total, près de 750 000 personnes bénéficient actuellement d'une aide d'urgence dans plusieurs régions du pays.


PERSPECTIVES DE RÉCOLTES DÉFAVORABLES ET AGGRAVATION PROBABLE DE L'INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE AU BURUNDI ET EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

En République démocratique du Congo, la situation humanitaire demeure très préoccupante du fait de la persistance de la guerre civile. L'intensification, en octobre dernier, des activités militaires dans la province de Kivu-Sud, en particulier aux abords de la ville frontière de Uvira, a contraint les habitants à fuir les combats et entraîné de nouveaux mouvements de populations. Dans le même temps, elle a sérieusement entravé l'acheminement de l'aide humanitaire et l'insuffisance des stocks fournis par le PAM a conduit à une réduction des distributions de vivres. L'état nutritionnel des personnes déplacées à l'intérieur du pays suscite les plus vives inquiétudes. De récentes évaluations indiquent qu'entre 10 et 30 pour cent de la population de l'est du pays souffre de malnutrition aiguë.

La situation alimentaire et nutritionnelle est tout aussi alarmante dans les zones urbaines, notamment dans la capitale Kinshasa et les zones environnantes, où une enquête réalisée en août dernier dans les quartiers les plus pauvres a montré que l'apport calorique journalier est inférieur de moitié environ à la dose minimale recommandée. L'aide alimentaire fournie par les organismes humanitaires demeure insuffisante pour couvrir les besoins de la population. On enregistre par ailleurs des taux de malnutrition alarmants dans certaines zones du Katanga, où la production céréalière accuse cette année un très net recul, du fait de la sécheresse qui sévit dans la région.

En dépit d'incidents violents, quelque 2 000 miliciens rwandais et leurs familles ont été rapatriés début novembre sous les auspices des forces de maintien de la paix des Nations Unies (MONUC).

Au Burundi, la situation ne cesse de se dégrader. Les négociations de cessez-le-feu engagées fin octobre en Tanzanie entre le gouvernement et les rebelles n'ont rien donné. L'aggravation des affrontements dans les provinces du centre et de l'est du pays, notamment celles de Gitega, Bujumbura Rural, Bubanza et Ruyigi, a déclenché de nouveaux déplacements de population à l'intérieur du pays et vers les États voisins, principalement la Tanzanie. Selon une évaluation réalisée récemment par le PAM dans cinq communes des provinces de Gitega et de Rutana, plus de 14 000 ménages à Gitega et 16 670 à Rutana ont été durement touchés par le conflit et ont besoin d'urgence d'une aide alimentaire, tout comme les réfugiés congolais de plus en plus nombreux qui fuient les combats en République démocratique du Congo. Les Nations Unies, avec le concours d'autres organismes internationaux implantés dans le pays, procèdent actuellement à la révision des estimations relatives au nombre de personnes à secourir et il est à craindre que les stocks d'aide alimentaire disponibles ne suffisent pas à couvrir les besoins croissants.



Les perspectives concernant les cultures vivrières de la campagne principale, qui doivent être récoltées vers la fin de l'année, ne sont guère encourageantes. En septembre et durant les 20 premiers jours du mois d'octobre, le pays a connu un temps très sec, ce qui a entraîné une réduction de la superficie consacrée à la culture du haricot et du maïs. On ne pourra dresser de bilan définitif qu'en fonction de la pluviométrie qui sera enregistrée durant les dernières semaines du cycle de croissance des cultures. Cela étant, compte tenu de la baisse probable de la production agricole dans plusieurs régions du pays, on peut d'ores et déjà s'attendre à une augmentation du nombre d'individus auxquels il faudra apporter une aide alimentaire

Au Rwanda, en dépit d'une situation des approvisionnements alimentaires globalement satisfaisante, grâce à la bonne récolte engrangée au terme de la deuxième campagne de 2002, de récentes évaluations de vulnérabilité réalisées localement par le PAM et FEWS NET dans les zones de haute altitude à déficit vivrier chronique des provinces de Kibuye, Gisenyi, Gikongoro et Ruhengeri et dans certains districts de la province de Butare, où la dernière récolte a été médiocre, ont mis en évidence les grandes difficultés que rencontrent les populations vulnérables pour se nourrir. Selon ces évaluations, quelque 274 000 personnes ayant épuisé leurs réserves de vivres et tous les recours possibles ont actuellement besoin d'une aide alimentaire pour tenir jusqu'à la prochaine récolte, qui commencera à la fin de l'année.

Les premières prévisions relatives aux cultures de la campagne principale de 2003, qui seront récoltées vers la fin de l'année, sont plutôt sombres, la saison des pluies ayant commencé avec beaucoup de retard. La production va probablement s'orienter à la baisse du fait du démarrage tardif des travaux de semis et de la réduction de la superficie ensemencée.


PÉNURIES DE VIVRES AU SAHEL ET URGENCE ALIMENTAIRE EN MAURITANIE

Dans les pays du Sahel, les perspectives alimentaires pour 2002/03 sont mitigées. La vague de sécheresse qui a commencé début juillet et s'est prolongée pendant tout le mois d'août a gravement touché les cultures au Cap-Vert, en Gambie, en Guinée-Bissau, en Mauritanie et au Sénégal, entraînant un fort recul de la production agricole. À l'inverse, dans les régions du centre et de l'est du Sahel (où se trouvent les principaux pays producteurs de céréales), les conditions de croissance ont été plus favorables, en dépit du démarrage aléatoire de la saison des pluies, lequel a contraint les agriculteurs à replanter dans la plupart des régions.

Les missions conjointes FAO/CILSS d'évaluation des cultures qui se sont rendues en octobre dans les neuf pays membres du CILSS ont estimé à 11,3 millions de tonnes la production céréalière cumulée de 2002, soit 3 pour cent de moins que l'année précédente, mais 11 pour cent de plus que la moyenne des cinq précédentes années. Alors que le Burkina Faso enregistre cette année de très bons résultats, les récoltes devraient être médiocres au Cap-Vert, en Guinée-Bissau et en Mauritanie. La production a fortement baissé au Tchad, en Gambie et au Sénégal par rapport à 2001, mais se maintient au même niveau au Mali et au Niger.

La situation des disponibilités alimentaires devrait être difficile en 2003, du fait de la baisse des volumes récoltés. Il convient par ailleurs de noter qu'en dépit des récoltes globalement satisfaisantes engrangées en 2001 dans la plupart des pays du Sahel, certains groupes de population ont eu beaucoup de mal à se procurer des vivres du fait de la forte augmentation des prix du mil enregistrée sur la plupart des marchés. Les communautés rurales ont été les plus durement touchées, le mil constituant leur principal aliment de base. Les importations commerciales de riz et de blé devraient suffire à compenser les pénuries de céréales secondaires relevées à l'échelle nationale durant l'année 2002/03, mais on peut néanmoins s'attendre à ce que le prix des céréales d'origine locale demeure élevé.

En Mauritanie, après trois mauvaises récoltes céréalières successives, la situation des approvisionnements alimentaires cause de vives inquiétudes. Une mission FAO/PAM d'évaluation des cultures et des approvisionnements alimentaires a séjourné dans le pays du 20 au 26 octobre et a estimé à environ 100 000 tonnes la production céréalière cumulée de 2002, ce qui représente 40 pour cent de moins que la moyenne des cinq précédentes années et 18 pour cent de moins que la récolte de 2001, qui était déjà mauvaise. Les cultures «dieri», qui occupent plus de 80 pour cent des superficies cultivées et représentent 60 pour cent environ de la production céréalière totale les années normales, ont diminué de 80 pour cent par rapport à l'année dernière.

La mission a évalué à 322 534 tonnes les importations céréalières (riz et blé principalement) nécessaires durant la campagne commerciale 2002/03 (novembre à octobre). Si l'on tient compte des importations commerciales prévues, qui s'élèvent à 228 000 tonnes, et des 11 000 tonnes d'aide alimentaire annoncées, le déficit céréalier à combler pendant la période considérée sera de l'ordre de 95 000 tonnes et devra être couvert au titre de l'aide alimentaire. Quelque 400 000 personnes réparties sur l'ensemble du territoire mauritanien auront besoin d'une aide alimentaire d'urgence. Il faudrait aussi fournir d'urgence aux agriculteurs des intrants agricoles, et notamment des semences, pour permettre aux ménages touchés de reprendre les travaux agricoles dès la prochaine campagne de semis principale, qui démarrera en juin 2003.

En ce qui concerne le reste de l'Afrique de l'Ouest, les perspectives alimentaires en Côte d'Ivoire sont peu réjouissantes, compte tenu du conflit qui a éclaté le 19 septembre 2002. Des milliers de personnes ont dû fuir Abidjan et la plupart ont du mal à subvenir à leurs besoins de base, notamment alimentaires. À Bouaké, la situation ne cesse de se dégrader et la pénurie de vivres a contraint nombre de résidents (ils seraient entre 150 000 et 200 000 selon la Croix Rouge) à fuir la ville, qui compte en temps normal 600 000 habitants. Des milliers d'immigrants venus de pays voisins ont dû rentrer dans leurs pays d'origine.

En outre, les précipitations largement inférieures à la normale enregistrées en septembre et octobre ont eu des effets négatifs sur la deuxième récolte de maïs. On prévoit cette année un recul de la production de riz et d'autres céréales du fait des mauvaises conditions météorologiques et des combats, qui ont obligé de nombreux agriculteurs à quitter leurs terres.

Le PAM a lancé une opération d'urgence de trois mois pour venir en aide à 94 000 personnes touchées par le conflit. Les interventions se dérouleront pour l'essentiel en Côte d'Ivoire et une aide sera également fournie au Burkina Faso, au Mali et au Ghana, pays voisins de la Côte d'Ivoire.

En Guinée, les perspectives de récoltes sont bonnes, en dépit de précipitations globalement inférieures à la moyenne au début de la saison des pluies. La situation des approvisionnements alimentaires est satisfaisante dans l'ensemble du fait des bonnes récoltes engrangées en 2000 et 2001. Toutefois, la présence de nombreux réfugiés et la persistance de l'instabilité dans les pays voisins ont été lourdes de conséquences pour la Guinée. Selon le PAM, quelque 30 000 réfugiés libériens sont entrés dans le pays depuis le début de l'année. De plus, depuis septembre, on assiste à un nouvel afflux de réfugiés en provenance de la Côte d'Ivoire. On dénombre par ailleurs quelque 82 000 personnes déplacées à l'intérieur du pays (PDI) ayant fui les combats qui ont éclaté dans le pays entre septembre 2000 et mars 2001.

Au Libéria, 184 000 personnes déplacées victimes des affrontements qui se poursuivent dans le nord, le nord-ouest et le centre du pays vivent actuellement dans des camps installés dans d'autres régions du pays. Le PAM, qui s'inquiète de l'augmentation du nombre de personnes déplacées, leur fournit des vivres, tout en continuant à aider les 22 000 réfugiés de la Sierra Leone toujours présents dans le pays. En dépit de l'amélioration de l'accès aux communautés qui vivent dans les zones placées sous le contrôle des forces régulières, la situation demeure précaire pour les populations établies dans les zones en proie aux combats, où l'insécurité et la violence entravent la livraison de l'aide humanitaire.

Depuis le début de l'année, la reprise du conflit au Libéria a contraint au moins 40 000 Libériens à traverser la frontière pour se réfugier en Sierra Leone. Dans le même temps, quelque 39 000 ressortissants de la Sierra Leone réfugiés dans des camps au Libéria et 15 000 autres livrés à eux-mêmes sont rentrés chez eux pour fuir les combats en pleine recrudescence. Les précipitations ont été inférieures à la moyenne, mais les perspectives de récoltes sont globalement encourageantes; de fait, la sécurité s'est améliorée, les réfugiés et les agriculteurs déplacés de retour sur leurs terres ont recommencé à semer et la distribution des intrants agricoles s'est améliorée.


LE POINT SUR LES ANNONCES ET LES LIVRAISONS D'AIDE ALIMENTAIRE 

Les besoins d'importations céréalières, aide alimentaire comprise, de l'Afrique subsaharienne devraient augmenter en 2002/03 en raison de récoltes beaucoup moins abondantes en Afrique australe, en Afrique de l'Est et au Sahel. Les estimations préliminaires du SMIAR concernant la production céréalière de 2002 et les besoins en matière d'importations et d'aide alimentaire de 2002/03 dans les 24 pays dans lesquels la campagne commerciale 2002/03 a déjà commencé sont résumées au Tableau 1. Le calcul définitif de l'augmentation du volume des importations et des besoins d'aide alimentaire dépendra des résultats de la campagne agricole en cours dans les 24 pays concernés.


DOMAINES D'INTERVENTION PRIORITAIRES

Comme l'indique le tableau ci-dessous, plus de 40 millions de personnes vivant en Afrique subsaharienne ont besoin d'une aide alimentaire:

Afrique de l'Est 19,3 millions
Afrique australe 16,7 millions
Afrique de l'Ouest 2 millions
Afrique centrale 2,75 millions

FAO/SMIAR - décembre 2002

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