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PART I
TECHNICAL AND REVIEW PAPERS (Contd.)

LA PÊCHE DANS L'ESTUAIRE DE LA GIRONDE (FRANCE): SES PARTICULARITÉS ET SES PROBLÈMES1

G. Castelnaud, O. Clément, M. Trouvery et Ph. de Verdilhac

Centre Technique du Génie Rural des Eaux et des Forêts, Division Aménagements Littoraux et Aquaculture, 50, Avenue de Verdun, BP 3 Gazinet, 33610 Cestas, France

RÉSUMÉ

Nous presentons une étude des conditions écologiques et socio-économiques de la pêche dans l'estuaire de la Gironde. Outre la pollution chimique et les aménagements liés à la navigation, trois types d'utilisations concurrentes de l'estuaire portent prejudice aux poissons et à la pêche. Ce sont les barrages, les extractions de granulats et les centrales électriques. Les principales espèces exploitées sont les aloses, les lamproies, l'anguille adulte et la civelle. La pêche a un caractére artisanal très marquée. La reglementation diffère selon les zones et selon les catégories de pêcheurs. Environ 300 pêcheurs professionels et 1 000 à 1 500 pêcheurs “amateurs” cohabitent et defendent des intérêts souvent différents. La production totale de la pêcherie a été évaluée en 1978 à environ 1 500 tonnes

ABSTRACT

The social and ecological conditions related to the fishery in the Gironde estuary are discussed. Besides chemical pollution and navigational alterations, three other concurrent activities have detrimental effect on the fish and fishing. These are dams, sediment extraction, and power generation. The main fish taken from the estuary are herring, lamprey, and adult and juvenile eels. The fishery is regulated according to zones and categories of fishermen. About 300 professional and 1 000–1 500 sport fishermen use the resource, often with conflicting objectives. Total catch in 1978 was estimated at 1500 tons.

1 Le lecteur pourra disposer à sa demande, d'une version plus développée de cette communication, et portant le même intitulé.

L'estuaire de la Gironde, pris dans son acception la plus large, comprend la Gironde proprement dite, constituée par le prolongement commun de la Garonne et de la Dordogne, ainsi que les parties aval de la Garonne, de la Dordogne et de l'Isle soumises au balancement des marées. La longueur totale de cet ensemble est d'environ 150 km.

Depuis 1976, une équipe y étudie les conditions écologiques et socio-économiques de la pêche, suite notamment à une demande d'Electricité de France, d'études préalables à la mise en service de la centrale nucléaire de Braud et Saint-Louis.

CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE L'ESTUAIRE DE LA GIRONDE ET DE SA PÊCHERIE

Les caractéristiques hydrodynamiques de l'estuaire jouent un rôle primordial dans les déplacements des populations de poissons et dans l'exercice de la pêche. Ces caractéristiques en un point et à un instant donné, en particulier la direction et la force du courant, la salinité et le taux de matière en suspension, résultent de la conjugaison de la marée et des débits fluviaux. La variation de ces forces sont soumises à des rythmes saisonniers et astronomiques. La température et l'oxygène dissous jouent également un rôle important; leurs variations sont surtout saisonnières.

Le cadre naturel a subi de multiples dégradations; outre la pollution chimique d'origine agricole, industrielle ou urbaine, et les aménage liés à la navigation, trois types d'utilisations concurrentes de l'estuaire portent un réel préjudice aux poissons et à l'exercice de la pêche:

La pêche dans l'estuaire de la Gironde se particularise par les aspects suivants:

La situation actuelle de la pêcherie est le résultat, sans doute provisoire d'une évolution complexe marquée simultanément par la dégradation de la qualité du milieu et le développement de l'effort de pêche.

LES PRINCIPALES ESPÈCES EXPLOITÉES

Notre travail d'approche s'est développé dans trois domaines:

Les Aloses

Les deux espèces d'aloses présentes sont des migrateurs potamotoques qui remontent l'estuaire de la Gironde de mars à juillet (Fig. 1). La grande Alose mesure alors 40 à 60 cm pour 1 à 3 kg, et l'Alos feinte 25 à 45 cm pour 0,2 à 1 kg.

La première remonte loin en amont et meurt généralement après le frai, alors que la seconde se reproduit dans la zone non salée où se fait sentir la marée dynamique. Elle survit généralement après le frai. Les jeunes redescendent à la mer entre l'automne et le printemps suivants.

La pêche se pratique principalement au tramail dérivant. Cette pêche concerne environ 520 pêcheurs. La production a été évaluée en 1978 à 630 tonnes pour 8,6 millions de francs. La consommation est locale. La grande Alose est fortement menacée par la disparition des dernières frayères encore accessibles en aval des barrages.

Les Lamproies

Comme les aloses, les lamproies sont des migrateurs potamotoques. La Lamproie marine remonte l'estuaire de décembre à juin et la Lamproie fluviatile d'octobre à avril. La première mesure alors 0,7 à 1 m pour 0,9 à 2 kg; la seconde mesure 30 à 40 cm pour 100 à 200 g. Pour les deux espèces, les frayères sont situées en amont de l'estuaire, principalement en Dordogne. Les lamproies meurent après le frai et les larves, appelées ammocoetes, demeurent 4 à 7 ans dans les rivières.

Fig. 1

Fig. 1. Calendrier général de la pêche pour l'ensemble de l'estuaire.

La pêche des lamproies se pratique à l'aide de tramails dérivants et de nasses. La production des 350 pêcheurs de lamproies pour 1978 est évaluée à 74 tonnes soit 3,7 millions de francs. La consommation est locale.

L'Aguille et la Civelle

L'anguille est, comme chacun sait, un grand migrateur thalassotoque dont les formes juvéniles, connues sous le nom de civelles ou pibales, arrivent de l'océan et envahissent les eaux continentales européennes.

Dans l'estuaire de la Gironde, la civelle et l'anguille supportent des pêches importantes. En aval du Bec d'Ambès, les civelles sont relativement dispersées et se pêchent à l'aide de filets-poches poussés par des embarcations de 6 à 10 m. Dans les zones fluviales, les civelles sont beaucoup plus regroupées et se pêchent à proximité des rives à l'aide d'un tamis manoeuvré à la main. Les anguilles sédentaires ou d'avalaison sont capturées à l'aide de nasses.

La civelle se pêche de mi-novembre à fin mars. L'anguille se pêche surtout de la fin du printemps à la mi-automne.

La production de civelles est évaluée pour 1978 à 190 tonnes pour 5,7 millions de francs, et celle de l'anguille est estimée à 400 tonnes soit 8 millions de francs.

Les Grands Migrateurs “Historiques”

Il convient de mentionner en outre le mulet (Liza ramada), le flet (Platichthys flesus), la sole (Solea vulgaris), les bars (Dicentrarchus labrax et D. punctatus), le maigre (Argyrosomus regius), et les crevettes (Crangon crangon, Palaemonetes longirostris).

La production totale de la pêcherie a été évaluée à environ 1 500 tonnes pour 30 millions de francs en 1978.

NATIONAL SURVEYS RELATED TO DATA NEEDS FOR RECREATIONAL FISHERIES

J. John Charbonneau

Division of Program Plans, U.S. Department of the Interior, Fish and Wildlife Service, Washington, D.C. 20240 USA

ABSTRACT

National surveys can be effective in collecting some of necessary data to plan long-term fishery programs. The broad overview that can be gained from analyzing national data as well as regional differences in the data can help to determine the trends in recreational fishermen's preferences for various fisheries. The use of the estimated value of recreational fisheries can assist in both the determination of preferable species for stocking programs and the justification of future sites for locating hatcheries. National surveys can also be used in assessments of the current fishery programs and, based on trends in use, suggest future directions to meet long-term needs for recreational uses and fishery resource protection.

RÉSUMÉ

Les études nationales peuvent être utiles dans le rassemblement des données necessaires à l'établissement de programmes de pêche à long-terme. Les données nationales et les differences regionales permettent d'obtenir une vue d'ensemble qui peut aider à déterminer les tendances péeférentielles de pêcheurs sportifs pour certaines pêcheries. L'estimation de la valeur de la pêche sportive peut aider à choisir des espèces pour les programmes de repeuplement et des sites pour la construction d'écloseries. Les études nationales peuvent aussi contribuer à l'évaluation des programmes de pêche en cours et à mettre en évidence les directions à adopter dans l'avenir qui permettent d'assurer les besoins de la pêche sportive, ainsi que sa protection.

INTRODUCTION

The use of national surveys to collect information needed for recreational fishery management is the primary focus of this paper. The role of national survey data and subsequent analyses in helping to plan long term fishery programs, especially in freshwater, has not been clearly defined in the past. Also, the usefulness and some of the limitations of using large scale surveys to compile relevant fishery statistics have not been fully explored or discussed. These have been contributing factors to the underutilization of past survey data.

This paper is divided into two parts: first, a short discussion of how U.S. national surveys are conducted so that the discussion of limitations can be readily understood; and second, the ability and usefulness of national surveys to provide management data.

THE DESIGN OF THE NATIONAL SURVEYS

There are two major national surveys conducted by the U.S. that gather fishery data: the National Survey of Fishing and Hunting conducted by the Fish and Wildlife Service and the National Marine Recreational Fishing Survey conducted by the National Marine Fisheries Service. To get an appreciation for the data generated by these national surveys it is informative to understand how the surveys are designed to collect data. First, I will discuss the National Survey of Fishing and Hunting which is conducted every 5 years by the Fish and Wildlife Service. This survey is scheduled for data gathering in 1981 covering the activities of the calendar year 1980. It is a national survey covering the 50 states of the U.S. and produces a separate report for each state and a national total. The results are extrapolated to cover the fishing activities of all U.S. residents; it was estimated in 1975 that nearly 54 million people went fishing sometime during the year in U.S. waters. These data are representative of an area of 9,4 million km2 of which there are nearly 400 000 km2 of fishing area.

The national Fishing and Hunting Survey data are collected in two stages. The first is a telephone screening survey of the U.S. population wherein hunters and fishermen are identified. In the second stage a sample of those identified in the telephone survey are chosen for a detailed personal interview. The screening survey is where the percentage of fishermen in the population will be estimated and where basic social and demographic information will be collected. There is known probability for everyone being chosen in the telephone screening survey. These probabilities form the basis for extrapolating the data from those selected for an indepth personal interview to total fishermen. Such information as the location of their fishing activities, the number of trips and days spent fishing, the expenses incurred both for equipment and travel, and the species sought will be collected during the in-depth interview.

In summary, the National Survey of Fishing and Hunting is designed to produce state-level detail and statistical reliability for recreational fishing activities. In addition, the recreational fishermen's social and demographic characteristics and preferential species of fish sought will be reported along with the origin/destination of recreational fishermen.

The second national survey is conducted by the National Marine Fisheries Service1. The significant aspect of statistical design, which uses two independent surveys, is that it represents a marked improvement in methodology over past marine surveys to collect data on recreational fisheries. Fishermen are not required to recall information about their catches over a long period of time, since the interviewer in the intercept survey examines the catches. The interviewer identifies the species of fish caught, not relying on the fishermen for identification. The data provided by the recreational fishery statistics surveys will be used for the management and planning of fishery programs by Regional Fishery Management Councils, State Fisheries Agencies and others concerned with management and conservation of fishery resources. Accurate estimates of the harvest by the recreational fishery are essential to the U.S. to complement statistics on the commercial fishery and to allow the development of comprehensive fishery management plans.

1 A discussion of the objectives and design of the Marine Recreational Fishing Survey is included in these proceedings in a paper by Deuel titled “Survey Methods Used in the United States Marine Recreational Fishery Statistics Program.”

APPLICATIONS OF SURVEY DATA TO MANAGEMENT DECISIONS

The information from national fishing surveys made a substantial contribution to fishery resource management decisions in a number of ways. First, however, I must clarify that there is a distinction being made between the data produced by a survey and the analysis of that data. It is the latter that finds direct management application. Even the best data cannot readily be used without interpretation. The determination of the optimum location for future fish hatcheries to minimize the travel distance for shipment of the fish from the hatchery to the river, lake, stream, etc., is an example of a study that would have significant management implications. This kind of study can form the basis for long-term planning. The optimum location for future hatchery sites can be determined with the objective of meeting the greatest user demand and minimizing energy consumption. The current distribution of hatchery fish could also be examined with the same objective. This kind of analysis can be refined to include a mix of the desired recreational fishes that are indicated as the most sought after by recreational fishermen.

Using national survey data to estimate the value of the demand for a recreational fishery can be used to determine whether a proposed hatchery facility is economically justified at the required level of production. That is, whether the costs of the fish produced are justified when they are compared to recreational fishermen's value for the fish. Of course, this is not the only criteria for judging a proposed facility but it would certainly improve the justification for funding the new site. Evaluating the recreational value of various fish species can be used as a factor in setting hatchery objectives to produce and distribute fish that have the greatest benefit for recreational fishermen.

In addition to the above, there exists the opportunity in 1980 to combine a part of the results of two separate national surveys to produce a unique data base that normally would not be available. This is the case with the National Survey of Fishing and Hunting and the Ontario Province recreational fishing survey 1980. Preliminary meetings have taken place to coordinate the content of the questionnaires of these two surveys to produce the first compatible and standardized data base for the management of the Great Lakes fisheries. To date, the discussion has been on coordination of the fishing section of the questionnaires, that is to ask questions that can be interpreted in a similar way and therefore the results can be additive to produce total estimates of the number of recreational fishermen, recreational fishing trips, ependitures, and a complete set of descriptive socio-demographic characteristics of fishermen of the Great Lakes.

Once the questionnaire design phase is complete for both surveys, and this includes any suggested additional data needs submitted by the Great Lakes Fishery Commission, the next logical step to be taken will be to analyze the results of both surveys. This study will be the beginning of a long process to develop a coordinated fishery policy for the management of the Great Lakes recreational fisheries both on the Canadian and American side of the lakes.

National survey data which produce statistically reliable state, regional, and national estimates are useful in projecting trends in preferences for recreational species. These data are essential to planning our future programs. The effect of travel distance on the use of recreational fisheries is another application of survey data that will help us tie the recreational fishermen to our management programs. As an example, a state-level study usng the 1975 National Fishing and Hunting Survey data has been completed that has resulted in a reorientation of priorities in both the kinds of species stocked and the distance from major population centers that stocking programs were used. The result was a fishery program that had a projected increase in user benefits. The revised program not only increased estimated user benefits but also decreased travel distance to the fishery for a significant number of fishermen.

LIMITATIONS OF NATIONAL SURVEYS

Considering the expense and time involved in conducting a national survey it is incubent upon us to make the best use of the results. However, there are limitations to national surveys that have not been overcome at the present time. The major limitations are: 1) recall bias—that is, with the exception of the recent marine recreational fishing survey a year long recall was required of fishermen. For some categories of data, the ability to remember over a 12-month period has not been satisfactorily demonstrated. 2) The ability to obtain reliable estimates for activities that are rare events. A national survey can be used to obtain statistically reliable data on relatively popular activities where there are many participants across the country. For reliable studies of localized fisheries where there are relatively few participants a special survey should be conducted as discussed by Mr. Deuel in this symposium. There are instances when both surveys may be needed. An example is the energy study of the striped bass where participation will be estimated from previous national surveys and local economic losses will be estimated with a special survey. Our inability to trust the predicted recreational catch with a national survey using the 1-year recall has led to the modified two survey approach used in the marine recreational fisheries survey. Another aspect is the ability of fishermen to identify the species of fish they catch. With the numerous common names for the same species of fish it is difficult to interpret the results of a national survey for all but the very popular species of fish.

REJETS DE MATIÈRES EN SUSPENSION PAR LES EXPLOITATIONS DE GRANULATS DANS LA RIVIÈRE ALLIER—EFFETS SUR LA VIE AQUATIQUE1

Robin Cuinat

Conseil Superieur de la Pêche, 6ème Délégation Régionale “Auvergne et Limousin,” 84 Avenue du Puy-de-Dôme, 63000 Clermont-Ferrand, France

RÉSUMÉ

Les sédiments (sable, graviers, cailloux) extraits dans le lit mineur ou majeur de la Loire ou de l'Allier contiennent de 5 à 25 pour cent de “fines” (limon ou vase, particules <200 μm). Lorsque ces fines sont remises en circulation ou rejetées dans la rivière, elles y créent parfois une certaine pollution organique, mais surtout une “pollution mécanique,” qui se traduit par: (a) une augmentation de la teneur de l'eau en matières en suspension (M.E.S.), sensible surtout dans les premières centaines de mètres à l'aval; (b) une turbidité de l'eau, perceptible parfois sur plusieurs kilomètres, avec réduction de la pénétration lumineuse; (c) un recouvrement du fond par une couche de boue, et un colmatage des interstices entre les cailloux, décelables parfois sur plusieurs kilomètres, surtout dans les parties calmes et profondes. Ces M.E.S. n'étant pas bio-dégradables, l'étendue et l'évolution de ces phénomènes dépend avant tout du courant et de la dilution: ils sont très marqués en période d'étiage, plus diffus et souvent plus étendus en période de débit moyen à fort; les crues remettent en suspension une partie des dépôts et les entraînent vers l'aval. La multiplication des exploitations tout au long de l'Allier semble cumuler les nuisances de l'amont à l'aval de ce cours d'eau. Les conséquences biologiques sont principalement: (a) réduction de la production primaire par le périphyton (diatomées benthiques); (b) diminution de la densité pour la quasi-totalité des invertébrés benthiques (vers exceptés), se traduisant par une baisse de “capacité biogénique”; (c) baisse de la biomasse de poissons, avec tendance à la réduction du nombre d'espèces, résultant notamment: (i) du colmatage des frayères (mortalités accrues aux stades oeuf et alevin), (ii) de la réduction de la nourriture disponible. Il est facile et très peu coûteux de réduire considérablement les pollutions mécaniques: (a) suppression des extractions dans le lit mineur, responsables de l'entraînement des plus grosses quantités de M.E.S.; (b) lavage des granulats en circuit fermé (décantation des eaux chargées et réutilisation pour le lavage).

ABSTRACT

The sediments (sand, gravel, pebbles) extracted from the minor or major bed of the Loire or the Allier River contain 5 to 25% “fine” particles (<200 μm). When these particles are returned to the river, they sometimes produce some organic pollution but mostly a physical pollution that results in (a) an increase in suspended matter, particularly in the first 100 meters downstream; (b) a water turbidity, sometimes for several kilometers; and (c) a covering of the bottom with mud, mostly in slow and deep parts of the river. This suspended matter is not bio-degradable. The magnitude and evolution of its effects depend primarily upon the current and dilution rate: the effects are very important during periods of low water flow and more diffuse and wide-spread during periods of medium to high water flow. The multiplication of sediment extraction installations all along the Allier River seem to cumulate the harmful effects. Biological consequences include (a) a decrease in primary productivity (periphyton); (b) a decrease in density for most bentic invertebrates (except worms); and (c) a decrease of the fish biomass with a tendency for reduction of the number of species because spawning grounds are covered and available food is lessened. It is easy and inexpensive to considerably reduce pollution from sediment extraction by either eliminating the extractions from the minor bed where much of the suspended matter originates or by washing the sediments in closed systems.

1 Synthèse réalisée principalement d'après les travaux effectués avec l'aide financière du Ministère de l'Environnement et de la Taxe parafiscale sur les granulats, et avec l'aide technique et scientifique de l'U.E.R. Sciences, Université Clermont II de 1974 à 1978 par B. Bouchaud, B. Clavel, Y. Hamon et C. Romaneix.

INTRODUCTION

Des quantités importantes de granulats—de 5 à 10 millions de tonnes par an, dans les années 1970 à 78—ont été extraites des lits majeurs ou mineurs des cours d'eau de trois départements d'Auvergne: Haute-Loire, et surtout Allier et Puy-de-Dôme.

Les cours d'eau les plus affectés sont le Cher, la Dore, la Loire, et surtout l'Allier. Sur 300 km de ce dernier cours d'eau, il y avait, en 1978, 65 chantiers d'extraction (1 tous les 4,5 km en moyenne), dont la moitié opérait dans les berges ou le lit mineur.

La densité et l'importance de ces exploitations, jointe à l'insuffisance fréquence de précautions dans la conduite des chantiers, ont fait apparaître des nuisances importantes, pour l'environnement aquatique et pour beaucoup d'autres usagers de la rivière et de la vallée. Ces inconvénients peuvent être classées en deux grandes catégories:

C'est ce dernier aspect qui est traité ici, en s'appuyant sur les études réalisées de 1974 à 79 en Auvergne, sur l'Allier, la Dore, et la Loire Supérieure (Bouchaud et Clavel 1978; Clavel et al. 1977; Clavel et al. 1978).

LA “DYNAMIQUE” ET LES EFFETS PHYSIQUES DES MATIÈRES EN SUSPENSION (M.E.S.)

Avant d'indiquer leurs effets sur la vie aquatique et sur ls poissons, nous décrivons brièvement les phénomènes d'ordre physique: il convient en effet de les comprendre si l'on veut mieux réduire leurs nuisances. Précisons que nos observations portent presque toutes sur des cours d'eau importants (30 à 100 m de large).

Nature et Quantité des M.E.S. Rejetées

Les gisements exploités en Auvergne contiennent généralement de 5 à 25% de “fines” (vase, limon, argile), de granularité inférieure à 200 μm (et en majorité à 100 μm).

Leur teneur en matière organique est généralement inférieure à 7% de la matière sèche.

Lorsqu'aucune précaution particulière n'est prise, la quasi-totalité de ces fines est rejetée au cours d'eau, de deux façons:

  1. Au moment même de l'extraction, lorsque celle-ci est pratiquée directement dans le lit mineur. Nous avons observé et calculé que plus de la moitié des fines contenues dans le gisement pouvait être ainsi directement remise en suspension dans l'eau de la rivière, à l'aval immédiat de l'engin d'extraction, surtout lorsqu'il s'agit d'un scraper. Les granulats sortent donc déjà partiellement lavés, ce qui contribue à expliquer pourquoi la plupart des exploitants souhaitent extraire dans le lit mineur, et de préférence même en plein courant.

  2. Avec les eaux de lavage: elles peuvent contenir jusqu'à 40 000 mg/l de M.E.S., pour certaines exploitations non munies de dispositif de décantation efficace.

Ainsi, une exploitation opérant dans le lit mineur et/ou ne traitant pas ses eaux de lavage peut rejeter jusqu'à 200 kg de M.E.S. par tonne de matériaux extraits. Une installation “moyenne,” fournissant 1 million de tonnes de granulats lavés par an, peut ainsi mettre en suspension dans la rivière jusqu'à 25 000 tonnes de fines par an ( 100 t/jour) si elle ne prend aucune précaution.

Dans la pratique, les rejets de M.E.S., en phases (a) et/ou (b), sont très variables selòn les exploitations; en 1976, la plupart d'entre elles en envoyaient en rivière entre 0,5 et 4 tonnes (jusqu'à 7 tonnes) par jour; dans les dernières années, les précautions accrues ont réduit, d'une façon générale, les quantités de M.E.S. ainsi rejetées.

Evolution des M.E.S. et des Turbididés dans le Cours d'Eau, à l'Aval du Rejet

A partir de l'effluent ou de la zone de dragage, on peut, schématiquement, considérer successivement deux zones (Fig. 1):

  1. Zone de mélange et de décantation intense. Le “panache” d'eau chargée s'élargit progressivement, pour s'étendre à toute la largeur après un parcours variable selon les vitesses, turbulences, largeur du cours d'eau (généralement plusieurs centaines de mètres). Il y a donc dilution, dans cette zone. Il y a aussi décantation assez intense: la plus grande partie des fines se dépose sur le fond, y compris dans les parties courantes. À la fin de cette zone, qui s'étend généralement de 0,5 à 1 km à l'aval du rejet, la teneur en M.E.S. est redevenue approximativement la même qu'à l'amont.

  2. Zone de turbidité. Il ne reste plus que les particules les plus fines (granularité généralement inférieure à une dizaine de microns), influant très peu sur la teneur en M.E.S., mais encore responsables d'une turbidité notable. Ces particules décantant mal, cette zone peut être très étendue (jusqu'à dix kilomètres).

Fig. 1

Fig. 1. Schéma de l'évolution de la pollution mécanique d'un cours d'eau, à l'aval d'un reject de matières fines. A: schéma du cours d'eau (echelle de largeur = double de celle des longeure). B: matières en suspension (M.E.S.), turbidité, et colmatage du fond, observés près de la rive droits.

La dynamique des M.E.S. est également influencée par le rythme de fonctionnement des exploitations: il y a dilution, du fait qu'il n'y a généralement rejet que pendant une dizaine d'heures par jour; ces cours d'eau sont aussi nettement plus clairs le Dimanche et le Lundi matin, par suite de l'arrêt des extractions pendant le week-end. Du fait de la multiplicité des exploitations sur la Loire, et surtout l'Allier, et que ces matières en suspension décantent mal et ne sont pas biodégradables, on constate un net cumul de la turbidité tout au long de ces cours d'eau; dans leur partie aval, il est ainsi presque impossible de discerner individuellement les effets de chaque exploitation.

Effets des M.E.S. sur la Pénétration Lumineuse

Pour des teneurs en M.E.S. de l'ordre de 15 mg/l (fréquemment observées à l'aval de rejets d'eau de lavage), l'absorption de l'énergie lumineuse entre la surface et 40 cm de profondeur est de 50 à 65%; pour des teneurs d'environ 50 mg/l, elle est de 60 à 80%. Les radiations bleues (les plus efficaces pour la photosynthèse) sont les plus affectées. La turbidité réduit donc la productivité primaire du cours d'eau.

Colmatage des Fonds

Le dépôt d'une partie des M.E.S. colmate les interstices entre les matériaux grossiers du fond (graviers et cailloux), ainsi que la végétation aquatique, qui tend à disparaître, ou du moins à dépérir en période de faible débit.

Ce colmatage affecte aussi bien les courants que les calmes, près du rejet (zone a); plus aval, seuls les calmes sont recouverts; l'épaisseur de limon peut dépasser un mètre en zones profondes.

Outre ses conséquences sur la vie aquatique, le colmatage réduit la perméabilité du lit, et a entraîné le tarissement de certains puits dans les aquifères alimentés par la rivière (région de Vichy).

Influence du Débit

En périodes de faible débit, les phénomènes décrits ci-dessus sont nettement observables au niveau de chaque rejet: la pollution mécanique apparaît alors “en dents de scie”.

Lorsque le débit est important, la zone de décantation s'allonge vers l'aval, du fait des vitesses de l'eau plus importantes, et les effets deviennent diffus. En crue, une partie des dépôts est remise en suspension et transportée beaucoup plus loin vers l'aval.

LES CONSÉQUENCES HYDROBIOLOGIQUES DES MATIÈRES EN SUSPENSION

Bien que les communautés vivant dans le cours d'eau interférent de façon complexe, nous tenterons de classer les effets observés selon les trois principaux niveaux trophiques:

Effets sur la Végétation Aquatique

Cette végétation est soit planctonique (algues en suspension dans les eaux calmes), soit periphytique (algues fixées sur des cailloux du fond), soit macrophyte (végétaux aquatiques supérieurs).

C'est la deuxième forme qui est la plus importante dans l'Allier et la Loire Supérieure. Ce pèriphyton, qui sert normalement de nourriture à beaucoup d'invertébrés aquatiques et contribue à oxygéner l'eau, est nettement affecté par les M.E.S. et par la turbidité, à l'aval d'un rejet; les études sur la Dore (Bouchaud et Clavel 1978) ont montré que:

La végétation supérieure est, elle aussi, généralement raréfiée, surtout dans les parties calmes, mais nous n'avons pas fait de mesures systématiques sur ce point.

C'est probablement à la fois le manque de lumière et l'étouffement par les dépôts de M.E.S. qui expliquent cette inhibition plus ou moins importante de la végétation.

Effets sur les Invertébrés Aquatiques

Le colmatage des interstices entre les graviers et les cailloux entraîne la raréfaction de la plupart des groupes faunistiques, et principalement des Diptères (Chironominae, Orthocladiinae, Limnobiinae, Simuliidae) et des Trichoptères (presque toutes les familles et genres). Or, ces deux groupes constituent, dans les parties non affectées, environ 80% de la biomasse d'invertébrés aquatiques dans les grands cours d'eau d'Auvergne.

Sont également raréfiés les Coléoptères, les Plécoptères, la plupart des Ephéméroptères (sauf Caenis et Ecdyonurus), les Crustacés (Gammarides), Hydracariens et beaucoup de Mollusques.

Quelques groupes sont au contraire favorisés par les accumulations de vase ou limon: vers Oligochètes (Lumbriculidae et Tubificidae), et un Mégaloptère (Sialis).

Au total, à un kilométre en aval d'un rejet de M.E.S., la biomasse totale d'invertébrés peut étre réduite à 120 kg/ha, au lieu de 600 kg/ha à l'amont. La capacité biogénique, c'est à dire la nourriture disponible pour les poissons, est donc considérablement réduite.

Par contre, l'Indice Biotique est généralement peu affecté, du fait qu'il y a rarement disparition totale de chacune des espèces peuplant la zone témoin amont.

Les études de Bou (1977) ont montré que le colmatage des fonds par les fines affectaient aussi la faune intersticielle, qui participe normalement à l'auto-épuration des cours d'eau et des nappes phréatiques.

Effets sur les Poissons

Leur étude est plus difficile que pour les deux niveaux trophiques inférieurs, du fait notamment de leur mobilité. Ces effets peuvent être les suivants:

  1. Mortalités accrues pour les oeufs, qui tendent à être asphyxiés par les dépôts de M.E.S. Nous avons pu mesurer (Clavel et al. 1977, 1978) la baisse du taux d'éclosion d'oeufs de truites, dans les graviers du fond, entre l'amont d'un rejet de M.E.S. (80%) et 750 m aval (35%).

  2. Colmatage des branchies, principalement chez les alevins (F.A.O. 1970).

  3. Difficultés d'alimentation. Les cyprinidés d'eau vive recherchent essentiellement des insectes des groupes Diptère, Ephémèroptère et Trichoptère, qui sont justement les plus affectés par le colmatage des fonds. Les vers sont au contraire très peu consommés (Clavel et al. 1977, 1978).

  4. Au total, la densité de population de poissons est réduite de 17% à 750 m à l'aval d'une exploitation, sur la Loire Supérieure, par rapport à l'amont. Les espèces les plus affectées sont l'Ablette (Alburnus alburnus L.), la Vandoise (Leuciscus leuciscus L.), la Loche (Nemachilus baratulus L.), le Vairon (Phoxinus phoxinus L.), le Goujon (Gobio gobio L.) et le Spirlin (Spirlinus bipunctatus Bl.). Par contre, le Barbeau (Barbus barbus L.) est plus abondant. Précisons qu la baisse de production en poisson est certainement supérieure à la baisse de densité observée: en effet, la zone témoin amont est normalement exploitée par la pêche, alors que l'aval n'est que très peu fréquenté par les pêcheurs, peu attirés par l'eau trouble (Clavel et al. 1977, 1978).

COMMENT RÉDUIRE OU SUPPRIMER LES REJETS DE MATIÈRES FINES

Il suffit pour cela de mettre en oeuvre quelques précautions et techniques simples, supprimant l'entraînement ou le rejet de fines à l'aval des chantiers exploitations.

Au Niveau des Chantiers d'Extraction

L'extraction dans le lit mineur du cours d'eau produit le plus important larguage de fines, surtout lorsque l'on emploie le drag-line. C'est une des raisons (s'ajoutant au surcreusement du lit qui en résulte) pour lesquelles ce type d'extraction est à proscrire. Là où, à titre exceptionnel, il reste autorisé, il est indispensable d'isoler le chantier par une bande de terrain ou un talus de protection, que l'on ne supprimera qu'en fin d'exploitation. Si ce cordon est occasionnellement submergé par une crue, les conséquences sur l'environnement semblent acceptables, du fait de la forte dilution et du caractère temporaire de la pollution mécanique.

Fig. 2

Fig. 2. Exploitation de granulats: précautions pour éviter les rejets de fines en rivière. E = zone d'extraction, séparée de la rivière par une bande de protection (B) qui ne sera enlevée qu'en fin de chantier. Les granulats bruts (GB) sont traités dans la tour de lavage-criblage (LC). L'eau très chargée en fines (ETC) subit une décantation primaire dans le bassin DP1; les boues du bassin DP2, après essorage, sont enlevées et transportées dans une ancienne fosse d'extraction (AE), qui sera progressivement comblée. DP1 et DP2 fonctionnent alternativement. L'eau encore chargée (EC) est envoyée au grand bassin de décantation D (ancienne zone d'extraction). L'eau nécessaire au lavage (EL) est reprise à l'extrémité du même bassin par une crépine flottante (C) et une pompe (P). Un prélèvement éventuel d'eau de rivière (P') comptense les pertes par évaporation.

Au Niveau des Eaux de Lavage

Le temps de séjour nécessaire à la décantation varie beaucoup selon la nature des matières fines mélangées aux sédiments. Dans le cas des sédiments de l'Allier, il faut environ six heures pour que 80 à 95% des fines se déposent. Cela correspond, pour un rejet de 10 l/sec par exemple, à un bassin de décantation de 300 à 500 m3, qu'il faudra curer au moins toutes les semaines.

Les fines qui restent, constituées principalement par des argiles, nécessitent des temps de décantation beaucoup plus importants, sauf si on peut employer des floculants.

Dans la pratique, les bassins de décantation sont toujours trop petits et ne sont pas curés assez fréquemment. A la sortie, l'effluent reste donc trop souvent chargé en M.E.S., et de toutes façon trés trouble (argiles).

La seule méthode qui soit à la fois “propre” pour le cours d'eau récepteur et économique pour l'exploitant est donc le “lavage en circuit fermé”: les eaux chargées en M.E.S. s'écoulent dans un très grand bassin de décantation (par exemple une ancienne zone d'extraction), sont reprises à l'extrémité opposées par une crépine flottante et une pompe, et sont réutilisées pour le lavage. Un très faible apport d'eau suffit à compenser l'évaporation. Des études ont montré que la qualité des granulats ainsi lavés était tout à fait satisfaisante (Mishellany et Montvenoux 1979).

On peut améliorer la méthode en faisant transiter le rejet dans deux bassins de première décantation, faciles à mettre alternativement à sec et à curer; ils recueilleront la plus grande partie des fines, et retarderont beaucoup le comblement du grand bassin (Fig. 2).

Les boues résultant de la décantation peuvent parfois être valorisées pour divers usages, selon leur composition (Mishellany et Montvenoux 1979). Le plus souvent, elles peuvent servir à combler d'anciennes zones d'extraction. De toute façon, les remettre (ou les laisser partir) au cours d'eau ne doit plus être considéré comme une solution.

CONCLUSION

Jusqu'aux années 1970, les nuisances des rejets de M.E.S. dans les cours d'eau ont généralement été sous-estimées, en France. Beaucoup considéraient qu'elles n'étaient pas toxiques, puisqu'elles apparaissaient normalement, de façon naturelle dans l'eau, lors des crues.

Depuis les années 1976–78, où diverses études ont clairement démontré la baisse de qualité et de productivité piscicole qui en résultaient, on a pris plus de précautions afin de réduire ces rejets. La plupart des effluents de carrière sont maintenant traités par décantation, sur la Loire Supérieure et l'Allier. Il resterait encore:

Sachant aussi que les exploitations de granulats de rivière, dans le lit mineur ou dans de lit majeur, entraînent beaucoup d'autres nuisances (surcreusement du lit, déchaussement des ouvrages d'art, appauvrissement des aquifères), il devient urgent de réduire considérablement les tonnages extraits et de rechercher des gisements plus éloignés des cours d'eau.

RÉFERÉNCES BIBLIOGRAPHIQUES

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MODIFICATION DU LIT DES COURS D'EAU: CONSÉQUENCES ÉCOLOGIQUES ET PISCICOLES

Robin Cuinat

Conseil Supérieur de la Pêche, 6ème Délégation Régionale “Auvergne et le Limousin,” 84 Avenue du Puy-de-Dôme, 63000 Clermont-Ferrand, France

RÉSUMÉ

Nous avons tenté de rassembler diverses observations françaises et étrangères sur les effets de transformations inconsidérées du lit des cours d'eau (“chenalisation,” extraction de sédiments) sur leur productivité piscicole. Même dans une eau d'excellente qualité, la “chenalisation” d'une rivière appauvrira considérablement la faune aquatique pour plusieurs décénies si l'érosion et les crues ne viennent pas boulverser la régularité du chenal. L'extraction intensive de sédiments grossiers pose des problèmes sérieux pur l'économie de la vallée, l'équilibre écologique et la vie piscicole. Les granulats doivent être considérer comme une ressource peu renouvelable et utilisés avec restriction en ménageant mieux l'avenir.

ABSTRACT

We attempted to gather various French and foreign observations on the effects of unconsidered modifications of stream beds (channelization, sediment extraction) on fish productivity. Even when the water quality is excellent, channelization of a stream will considerably impoverish the aquatic fauna for several decades if erosion and floods do not change the channel regularity. The intensive extraction of coarse sediments raises serious problems for the valley economy, the ecological balance and the fisheries. The gravel should be considered as a not-so-renewable resource and should be exploited with restrictions.

La qualité et la productivité piscicoles d'un cours d'eau dépendent de multiples facteurs, que l'on peut classer en trois grandes catégories:

  1. la qualité de l'eau (degré éventuel de pollution, température…); le rôle de ces facteurs a toujours été traditionnellement considéré comme primordial;

  2. le débit, ses effets sur le renouvellement de l'eau, les vitesses, profondeurs, etc...;

  3. le “contenant,” c'est à dire le lit du cours d'eau: ses pentes, sa morphologie, ses composants solides (sédiments, berges…).

Bien que presque tous les facteurs interférent, il est certain que ceux des catégories (b) et (c) ont été trop longtemps sous-estimés. Ainsi, beaucoup de cours d'eau ont été profondément et durablement dégradés, soit par des manipulations excessives de leur débit, soit par des transformations inconsidérées de leur lit (inutilement “chenalisé,” ou bouleversé par des extractions de sédiments).

C'est sur ce dernier point que nous avons tenté de rassembler diverses observations françaises et étrangères, espérant ainsi contribuer à éviter, ou au moins à réduire, bien des conflits autour du lit de la rivière.

DIVERSITÉ DU LIT ET POPULATIONS DE POISSONS

A l'aide d'un seul exemple, celui de la Truite, le Biologiste des Pêches peut facilement expliquer aux autres usagers du cours d'eau l'importance, pour la vie aquatique, de la diversité du lit d'une rivière:

À tous les stades, ces poissons se nourrissent en grande partie d'invertébrés aquatiques, essentiellement sous forme de “dérive” (“drift”); ces invertébrés sont produits en quantité maximale dans les interstices entre graviers et cailloux. Si ces interstices sont comblés par des sédiments plus fins (sable, limon, vase), la productivité en invertébrés est diminuée; il est donc utile que les sédiments soient “triés” selon leur granularité au lieu de se trouver tous mélangés.

La situation la plus favorable pour une truite est celle où elle peut voir les invertébrés dérivant dans le courant, sans avoir elle-même à déployer un effort de nage considérable ou permanent contre ce courant: dans un remou, une simple turbulence, un contre-courant créé par une pierre, une racine, etc. Les poissons habitant un “pool”1 viendront fréquemment chercher leur nourriture à sa limite amont (“la tombée du courant”), ou aval (“plats,” où les “gobages” sont fréquents).

Pour bien d'autres espèces que la Truite, le niveau de populaton est également fonction de la diversité du milieu.

Dans plusieurs tronçons expérimentaux (65 × 6 m) aménagés chacun d'une façon différente, Ruggles (1966) a obtenu la production la plus importante de jeunes saumons dans le tronçon comportant un courant dans sa moitié amont et un pool dans sa moitié aval; la plus faible était observée dans le tronçon sans pools, à courant uniformément rapide. Dans une rivière à cyprinidés d'eau vive, Lelek et Lusk (1965) ont observé les densités maximales de poissons aux endroits où le lit est le plus hétérogène et le fond le plus irrégulier.

Dans certains cours d'eau trop uniformes, l'implantation de déflecteurs et d'abris peut réduire la proportion de fonds sableux et limoneux au profit des graviers, et augmenter sensiblement la productivité en salmonides (Hunt 1969, Arrignon 1976). Cependant, le coût élevé de ces aménagements et de leur entretien limite sérieusement leur emploi (Swales 1979).

Mais, normalement, une diversité suffisante existe, et s'entretient d'elle-même, dans la plupart des cours d'eau non perturbés, “à pente perceptible” (c'est à dire ceux de la “zone à Truite,” “à Ombre” ou “à Barbeau,” de Huet 1949).

Elle découle de l'alternance “courant-pools,” qui est édifiée par les débits liquides et solides (transport de sédiments) du cours d'eau en périodes de hautes eaux; à ce moment, la rivière tend à creuser les pools et à déposer des alluvions grossiers dans les courants; par faible débit, la tendance est inversée (Keller 1978). Cette alternance est en partie associée aux méndres; la distance entre deux pools varie selon les sédiments transportés, mais reste le plus souvent comprise entre 5 et 7 fois la largeur du cours d'eau (Keller 1978). Bien que ces cours d'eau évoluent, ils sont considérés, au moins à l'échelle de la vie humaine, comme “en équilibre.”

1 Zone profonde, à courant généralement faible ou présentant des remous.

DIVERSES CAUSES POSSIBLES DE DÉGRADATION DU LIT DES COURS D'EAU

Cet équilibre peut être rompu:

Par des Altérations Directes du Lit

Soit par exemple:

  1. Extractions de granulats (voir plus bas).

  2. Certaines pollutions, accentuant l'envasement (Baudet et Mouille 1980).

  3. Construction de barrage, modifiant les débits liquides et solides.

  4. Excès de végétation rivulaire. Sur beaucoup de rivières, une section optimale s'était établie, depuis plusieurs siècles, compte-tenu de l'élagage et surtout de l'exploitation régulière des arbres sur les berges.2 Cette exploitation a pratiquement cessé dans les pays, comme la France, où on n'utilise presque plus ce bois pour le chauffage. Tombant dans la rivière, les arbres s'accumulent en certains points, formant des bouchons (“embacles”), aggravant inondations ou divagations.

2 En France, le curage et le nettoyage des cours d'eau incombent à l'État sur les cours d'eau du Domaine Public, et aux riverains sur les autres. En fait, surtout depuis les profondes mutations intervenues dans la répartition de la population et les activités rurales, l'un et les autres assument de plus en plus rarement cette tâche (Duport et Maresca 1980).

Cet envahissement par la végétation rivulaire, par ailleurs, obscurcit exagérément les cours d'eau étroits, y supprimant toute végétation aquatique et réduisant la productivité piscicole; l'accès au cours d'eau et la pêche sont également contrariés, surtout par la végétation buissonnante.

Par des Modifications Apportées par l'Homme au Bassin Versant

Elles aboutissent le plus souvent à augmenter les apports de sédiments fins, et à accélérer le ruissellement, donc à augmenter l'amplitude des crues. En certaines régions françaises (Bretagne notamment) où les haias et les talus ont été arasés pour agrandir les parcelles, le déséquilibre hydrologique, sédimentologique et hydrobiologique de certains cours d'eau est devenu flagrant, depuis une ou deux décennies.

Ces déséquilibres se traduisent par une instabilité accrue du cours d'eau, qui change plus souvent de lit et “mange” des terrains. Les inondations deviennent aussi plus fréqentes et plus sérieuses. Elles sont d'autant plus dommageables que l'homme, oubliant la prudence, a construit ses habitations dans des zones pourtant réputées “inondables”; ou que des cultures intensives, fragiles, tendent à y remplacer les pâtures qui supportaient sans inconvénients des submersions temporaires.

Ces réactions de la rivière, l'homme s'est efforcé de les combattre. Faute généralement de pouvoir s'attaquer aux causes, il a tenté de contrôler les effets. C'est dans cet esprit qu'ont été le plus souvent entrepris les travaux dits “aménagements de rivière.”

Notons cependant que les aménagements ne résultent pas toujours d'un déséquilibre de la rivière; ils s'associent parfois à une expansion humaine sur les terrains des vallées (assèchement et assainissement de marais, tourbières, polders…), ou au développement de la navigation fluviale.

Ces aménagements de rivières sont conçus et réalisés, suivant les pays et les époques, selon diverses méthodes, que nous classerons—pour la facilité de l'exposé—en trois groupes, dont nous examinerons les conséquences pour la pêche:

MÉTHODES DURES D'AMÉNAGEMENT: “CHENALISATION”

1. Nous appelerons “chenalisation” la technique qui a été la plu utilisée jusqu'aux années 1960 à 70, et qui comporte:

2. Les avantages de cette chenalisation étaient:

3. Ses inconvénients, outre son coût très élevé, se sont révélés très importants, quant aux conséquences écologiques et esthétiques d'une part, quant à la fiabilité hydraulique elle-même d'autre part.

Inconvénients Écologiques et Esthétiques

Ils ont été décrits par de très nombreux auteurs3 et peuvent se résumer en:

Les conséquences piscicoles sont généralement les suivantes:

Toutes ces observations (sauf France) ont été faites de 3 à 9 ans après chenalisation. Nunally et Keller (1979) observant des aménagements anciens, considèrent qu'il faut de 50 à 100 ans pour que le cours d'eau retrouve sa diversité initiale. Tarplee (op. cit.) considère qu'il faut environ 15 ans pour que les populations retrouvent approximativement leur niveau initial; nous pensons que ce délai dépend en fait de la capacité de la rivière à reprendre une morphologie plus naturelle, donc à retrouver sa diversité, de la présence de végétation aquatique, et de la recolonisation éventuelle des berges par des arbres.

Ces pertes de population sont en fait encore plus prononcées du fait que la longueur de cours d'eau est toujours réduite (de 25 à 50% en général) par les rectifications (Huet et Timmermans, op. cit.).

Ainsi, pour une rivière de qualité moyenne, de 20 mètres de large, permettant anuellement la capture de 75 kg de poissons par hectare (150 kg/km), la chenalisation d'un parcours de 10 km (ramené à 7 km après les travaux), entraînera une perte totale de captures de l'ordre de 10 à 20 tonnes de poissons, selon que le reconstitution du biotope demandera 15 ou 30 années.

Cet inconvénient a été très souvent sous-estimé jusqu'ici. S'y ajoute aussi, généralement, une baisse de productivité des parcours situés à l'aval des tronçons chenalisés, qui peuvent rester envasés très longtemps après les travaux (Huet et Timmermans, op. cit.).

Dans certains cas, le recreusement du lit et la pente donnée aux berges rendent difficile l'accès au cours d'eau et la pêche.

L'esthétique du cours d'eau et son intégration dans le paysage sont également sacrifiés, sauf effort particulier au niveau du project. Kirwald (1974) insiste sur l'importance des plantations d'arbres et du choix des essences, à la fois pour préserver l'esthétique et améliorer la stabilité des rives.

3 Notamment: Stuart 1959; Rouyer 1975; Cuinat 1974; Keller 1976 et 1979; Vivier 1977; Cuinat 1979.

4 Densités considérées, dans ce chapitre, en poids par unité de longueur de rivière.

Inconvénients Hydrauliques et Agricoles

L'économie de l'eau est souvent perturbée, à l'aval de longs tronçons chenalisés: aggravation des déficits estivaux et des pointes de crue; accroissement des charges en sédiments fins. Ces charges sont d'autant plus augmentées que le chenal a été creusé plus profondément, par rapport au lit d'origine; leur niveau de base étant abaissé, les affluents vont subir une reprise d'érosion régressive, et se trouver perturbés.

Le chenal lui-même est souvent instable:

Ces effondrements amorcent une timide reprise de diversité du lit. Ainsi, paradoxalement, les nuisances piscicoles sont souvent moins durables lorsque la chenalisation est considérée, comme “ratée” au point de vue hydraulique! Ces “ratages” sont d'autant plus fréquents que les concepteurs ont ignoré ou négligé les données, très complexes, de l'hydraulique fluviales, exposées dans des ouvrages spécialisés (notamment Leopold et al. 1964; Lebreton 1974; Nunally et Keller 1979), mais nécessitant aussi une solide expérience.

C'est à notre avis à tort que ces chenalisations ont été longtemps appelées “aménagements hydrauliques”: ne prenant généralement en compte qu'un objectif, l'écoulement rapide des crues, elles négligeaient tous les autres usages de l'eau, présents ou futurs, et même parfois la sécurité des usagers situés à l'aval; elles n'avaient ainsi rien de commun avec un véritable aménagement. Par ailleurs, elles ont le plus souvent témoigné d'un regrettable mépris envers les lois de l'hydraulique fluviale: elles ne méritent même pas le qualificatif d'hydraulique.

Depuis une ou deux décennies, le Public, et même la plupart des concepteurs, a reconnu les multiples inconvénients de ces interventions brutales. On s'achemine donc de plus en plus vers des conceptions plus douces et beaucoup moins coûteuses: “restaurations” ou “nettoyages-entretiens.”

MÉTHODES DE “RESTAURATION”

Nous regrouperons dans cette catégorie les aménagements dans lesquels:

  1. Le tracé original du lit est maintenu, seuls quelques méndres particulièrement prononcés étant coupés. La quasi-totalité des hydrologues actuels savent qu'un lit à méandres est plus stable qu'un lit rendu artificiellement rectiligne.

  2. La section originale est également maintenue, avec son couvert végétal, chaque fois que possible.

Dans les sections où un élargissement est nécessaire:

Là où il est impérativement nécessaire de contenir les crues importantes dans le chenal, on peut résoudre les problèmes liés au surdimensionnement de celui-ci:

  1. Le fond du lit est généralement respecté, avec diversités de ses pentes et contre-pentes; l'alternance “courants-pools” est plus stable qu'un écoulement uniforme.

  2. La végétation en excès est enlevée, de la même façon qu'indiqué au chapitre suivant.

Les restaurations peuvent prendre des formes très diverses. Elles se caractérisent par leurs principes:

Elles sont maintenant préconisées par la plupart des responsables de l'hydraulique fluviale, même si leur efficacité pour l'écoulement des débits de crue est un peu inférieure à celle des chenalisations (du moins lorsque ces dernières restent stables).

Leurs conséquences piscicoles sont généralement considérées comme satisfaisantes, du fait que la diversité des écoulements, des profondeurs et des substrats est généralement maintenue; nous ne disposons toutefois, jusqu'ici, que de peu de données quantitatives quant à leur impact sur la pêche et les populations de poissons. Baudet et Mouille (1980), après restauration d'une rivière dégradée, constatent une amélioration quantitative et qualitative de la population de poissons.

Tous les auteurs s'accordent sur le fait que le coût de la restauration est nettement moindre que celui de la chenalisation (Nunally et Keller 1979; Swales 1979; Gross et Dutartre 1980).

SIMPLES NETTOYAGES—ENTRETIENS

La végétation terrestre améliore la stabilité des berges, selon deux mécanismes (Nunally et Keller 1979): (1) les racines confèrent au sol une très bonne résistance à l'érosion; (2) la partie aérienne des plantes (surtout les buissons), augmentant la rugosité, réduit la vitesse de l'eau au voisinage de la berge. Cette végétation est donc favorable également à la qualité piscicole.

De plus, les racines fournissent des abris aux poissons. Enfin, l'ombrage est la meilleure façon d'empêcher le développement excessif de la végétation aquatique (Cuinat 1977).

Toutefois, nous avons vu les nombreux déséquilibres résultant d'une végétation ligneuse excessive.

En France, et surtout en Bretagne, où les petits cours d'eau tendaient, faute d'élagage et d'exploitation des arbres, à disparaître sous un tunnel de branches, un grand mouvement s'est développé, depuis 1970, en faveur du “nettoyage” des rivières (Kermarrec 1977). Ce sont souvent des équipes de bénévoles (jeunes gens, pêcheurs), aidés financièrement par des collectivités locales, par le C.S.P. ou par l'État, qui réalisent les travaux: enlèvement des embacles, arbres morts, coucheés en travers de la rivière ou trop serrés, débroussaillage…. On améliore aussi les accès au cours d'eau (passerelles, échalliers pour franchir les clôtures…).

Les interventions par engins mécaniques sont limitées au maximum; le tracé et le profil du lit sont respectés.

Agriculteurs riverains et pêcheurs apprécient presque toujours la “régénération” qui en résulte pour le cours d'eau: limitation des inondations, réduction des accumulations de vases, ré-apparition de végétation aquatique (Vivier 1977).

Des études actuellement en cours en France évaluent l'amélioration qui en résulte pour les populations de poissons (principalement salmonidés).

Ces nettoyages, parfois plus ou moins associés à des restaurations, commencent à remplacer les chenalisations dans d'autres régions de France: Massif-Central, Aquitaine; dans cette dernière région, ils sont même subventionnés par l'Agence Financière de Bassin “Adour-Garonne”, qui a reconnu leur intérêt pour l'économie générale de l'eau. Relativement peu coûteuses, ces opérations nécessitent par contre d'être renouvelées-ou du moins entretenues—assez fréquemment. Du fait qu'elles occasionnent un minimum de traumatisme pour la vie aquatique, et qu'elles préservent—et souvent améliorent—la diversité du milieu, elles constituent la forme d'intervention la plus favorable à la pêche et à la valeur attractive de la plupart des cours d'eau.

Le problème de l'entretien se pose dans tous les cas: chenalisations, restaurations, nettoyages. L'évolution de la végétation ligneuse doit être contrôlée. Dans les deux derniers cas, où il est difficile d'utiliser des engins mécaniques, cela nécessite une main d'oeuvre assez importante, non compensée par la faible valeur actuelle de ce bois.

L'emploi de débroussaillants chimiques (2.4.5-T) est actuellement essayé (Dutartre et Roqueplo 1980); sur un ruisseau débitant environ 200 l/sec, la pulvérisation de 26 litres de ce produit, sur 4 km de chacune des rives (3 ha), a eu les effets suivants, immédiatement après traitement:

Aucun effet à long terme n'a pu être constaté, après deux traitements effectués à un an d'intervalle. Il est prudent toutefois de pour-suivre les tests biologiques avant d'envisager une généralisation des phytocides sur les rives des cours d'eau.

Les curages sont parfois nécessaires, pour enlever des dépôts de vase excessifs. Mais ils perturbent l'édifice trophique, notamment la végétation; la dérive d'invertébrés est considérablement augmentée dans les jours qui suivent, leur densité en place est diminuée, et la reconstitution nécessite environ quatre mois (curage effectué en hiver, sans enlever les graviers du fond) (Pearson et Jones 1980). Les populations de poissons (surtout les oeufs et alevins) sont souvent perturbées par ces travaux.

On peut souvent éviter les curages en traitant les causes mêmes de l'envasement: réduction des pollutions, suppression (ou abaissement pendant les crues) des petits barrages ou vannages inutiles.

Les faucardages sont traditionnellement pratiqués, surtout dans les rivières de plaine en terrains crayeux où la végétation aquatique se développe intensivement, en vue:

En Angleterre, l'opération est pratiquée deux ou trois fois par an (les végétaux coupés sont obligatoirement retirés du cours d'eau, ce qui limite les nuisances en aval). Toutefois, le faucardage coûte cher et tend, à la longue, à uniformiser les profils transversaux et longitudinaux du lit (Dawson 1977); cet auteur conseille plutôt de limiter cette végétation par la plantation d'arbres sur une des rives, de façon à réduire l'éclairement de 20 à 50 pour cent.

Dans la plupart des cas, le nettoyage-entretien de la végétation des berges, et/ou parfois quelques curages, suffiraient à maintenir la stabilité des cours d'eau et leur valeur pour l'équilibre rural et pour la pêche. Restent à trouver des solutions économiques et juridiques originales, pour faire face à l'abandon actuel, qui résulte des profondes modifications de la population et des activités rurales. Les pêcheurs devraient désormais jouer un rôle important dans ce domaine.

PROBLÈMES POSÉS PAR LES EXTRACTIONS DE GRANULATS DANS LE LIT DES COURS D'EAU

En France, une grande partie des granulats (sables, graviers, galets) utilisés dans le bâtiment et les travaux routiers est extraite du lit mineur des cours d'eau. Après avoir été longtemps sous-estimées, les nuisances résultant de cette pratique apparaissent depuis une dizaine d'années d'une façon évidente. Nous les classerons en trois catégories, la troisième étant la plus préoccupante:

  1. Pollution mécanique dûe à la remise en suspension de sédiments fins (argiles, limons) par le chantier d'extraction ou de lavage-criblage: la turbidité est accrue à l'aval, principalement du fait des argiles, ce qui réduit la photosynthèse; une partie de ces sédiments colmatent le fond à l'aval, et réduisent la biomasse d'invertébrés les plus intéressants pour les poissons (Clavel et al 1977; Bou 1977; Cuinat 1980a).

  2. Approfondissement et uniformisation des zones draguées; au fond de ces grandes fosses se déposent des limons et des vases, pauvre en faune benthique consommable par les poissons (Clavel et al 1977; Larinier 1980).

  3. A partir de ces fosses d'extraction, extension d'un processus de destabilisation et d'enfoncement du lit: la pente de la ligne d'eau augmente, entrainant une accélération de l'écoulement qui se traduit par une érosion du fond et une destabilisation des berges, qui progressent vers l'amont. Cet abaissement du fond et de la ligne d'eau se produit aussi vers l'aval de l'extraction (érosion descendante): le débit solide y étant diminué ou supprimé, le cours d'eau a tendance à rétablir l'équilibre entre sa capacité de transport et le débit solide réel; le fond s'abaissera d'autant plus que la capacité de transport (liée notamment à la pente) du cours d'eau était initialement plus élevée (Larinier 1980).

L'enfoncement du lit est maintenant constaté sur de nombreuses rivières françaises, parmi lesquelles: le Fier et les Usses (supérieur à 4 m), le Doubs (jusqu'à 1,5m), l'Isère (jusqu'à 3 m), le Tarn, la Dordogne (jusqu'à 2 m), la Loire et l'Allier (jusqu'à 3 m), etc.

a) Les répercussions économiques de cet enfoncement sont multiples:

Pour tenter de remédier à ces problèmes, les services gestionnaires de la rivière implantent parfois des seuils, en vue de relever le niveau d'eau; leurs effets sont discutés, et en touts cas néfastes au point de vue piscicole.

b) Les inconvénients de cette situation sont également très marqués, pour la pêche et les poissons:

Depuis 1977–78, l'Administration française s'efforce donc de restreindre les autorisations d'extraction dans le lit mineur. Sur l'Allier, seules sont maintenant permises celles considérées comme nécessaires pour “corriger” ou “dégager” le lit; cette nécessité nous paraît d'ailleurs très discutable actuellement, dans la plupart des cas où le lit est déjà trop surcreusé.

Les exploitations dans le lit majeur restent encore généralement autorisées (là où les gisements ne sont pas épuisés); leurs effets sur les aquiféres sont tout aussi prononcés; dans les autres domaines, leurs nuisances semblent moins immédiates.

Quoiqu'il en soit, l'intensification des exploitations de sables et graviers dans les rivières françaises, dans les dernières décennies, conduit aux réflexions suivantes:

CONCLUSIONS

Bien que beaucoup d'espèces de poissons diffèrent des deux cotés de l'Atlantique, la convergence des observations dans ce domaine est totale: même dans une eau d'excellente qualité, la chenalisation d'une rivière, c'est à dire la suppression de la diversité des écoulements et des fonds et la réduction des abris, appauvrira considérablement la faune aquatique, la variété des espèces de poissons et leur niveau de population. Et cela pour plusieurs décennies, si l'érosion et les crues ne viennent pas bouleverser le tracé et la régularité du chenal.

Heureusement, les véritables spécialistes en hydraulique fluviale savent maintenant que l'aménagement des cours d'eau peut, dans la plupart des cas, être réalisé de façon beaucoup moins coûteuse, et presque toujours plus stable, selon des techniques de restauration, qui respectent les caractéristiques propres à chaque cours d'eau. On peut donc, dans ce domaine, être relativement optimiste puisque, sauf exception, les exigences des poissons concordent finalement avec celles des autres usagers de la rivière et de sa vallée. Il serait plus sûr, néanmoins, que dans l'enseignement de l'hydraulique fluviale —qui est encore autant “un art” qu'une science (Keller 1977)—soient systématiquement incluses quelques notions essentielles d'écologie et d'ichtyologie!

Dans la plupart des cours d'eau, d'ailleurs, le simple “nettoyage-entretien” (contrôle de la végétation des rives) suffirait. De nouveaux moyens restent cependant à trouver, en France du moins, pour y faire face.

Apparue plus récemment, dans les cours d'eau comportant beaucoup de sédiments grossiers, l'extraction intensive de ces sédiments pose de nouveaux problèmes, tout aussi sérieux pour l'economie de la vallée (stabilité du lit et des ouvrages d'arts, ressources en eau) que pour l'équilibre écologique et la vie piscicole (bouleversement du milieu, perte de diversité). L'enlèvement de certains bancs de sables ou graviers s'intégrait traditionnellement dans un entretien raisonnable du chenal. Par contre, dans les deux ou trois dernières décennies, les volumes extraits ont dépassé langement les débits solicles; ils représentent les apports cumulés depuis plusieurs siècles, dans beaucoup de cours d'eau français. Les granulats, dans le lit majeur comme dans le lit mineur—qui sont étroitement associés l'un à l'autre, ainsi qu'avec l'hydraulique fluviale et l'économie de l'eau (Nunally et Keller 1979)—doivent désormais être considérés comme une ressource peu renouvelable, et utilisés en ménageant mieux l'avenir.

Enfin, il apparaît dangereux pour l'intérêt général, à l'échelle de l'ensemble d'un réseau hydrographique, de prétendre supprimer toutes les zones traditionnellement inonables, même si cela paraît souhaitable localement et à court terme. Pour résourdre des problèmes de cette dimension, des organismes tels que les Rivers Authorities en Grande-Bretagne ou que les Agences Financières de Bassin en France, ont un rôle important à jouer.

Il serait impensable, pour l'homme, que tous les cours d'eau soient laissés entièrement à l'état sauvage. Des aménagements, très variables selon les caractéristiques hydrographiques et les implantations humaines, sont et seront encore in-en hydraulique fluviale, évitons de renouveler des excès qui ont appauvri, inutilement, à grands évitable. Mais, à la lumière des connaissances actuelles en écologie, en biologie des pêches, et frais, et souvent pour longtemps, le patrimoine esthétique, piscicole et halieutique de trop de cours d'eau.

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* = Document préparé pour la Consultation F.A.O.


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