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L'UTILISATION POST CAPTURE DU POISSON AU MALI

RESUME

Le Mali est un pays enclavé, mais avec une pêcherie importante dans les plains d'inondation du fleuve Niger. La production annuelle était de 100 000 t avant les sécheresses récentes. Les techniques de transformation sont en harmonie avec les conditions socio-économiques imposées par les crues et les décrues du fleuve, la migration des poissons, l'isolement des zônes de pêche, l'absence d'une infrastructure permettant l'écoulement du poisson frais, et par une forte filière traditionnelle du poisson fumé et séché. La consommation du poisson est d'environ 9 kg/personne/an, composée de 2,2 kg de poisson frais et 6,8 kg de poisson traité (30% séché et 70% fumé). Le poisson séché est d'abord fermenté par trempage dans l'eau pendant 1 à 2 jours pour le donner le goût recherché. Les pertes après la capture sont dues à l'altération du poisson frais, calcination pendant le fumage, infestation par les insectes du poisson séché et fumé, brissures et réhumidification. Les pertes, qui étaient de 30% jusqu'aux années 1970, ont été reduites à environ 10% par la vulgarisation de l'utilisation d'insecticides (Gardona, puis K'othrine) et de fours améliorés de fumage.


ABSTRACT

Mali is a landlocked country with an important fishery in the floodplains of the Niger river system. Annual production was about 100 000 t prior to the recent drought years. Traditional processing techniques are in harmony with socio-economic conditions imposed by the alternating floods and recessions of the river system: migration of fish and fishermen, isolation of fishing zones, absence of fresh fish marketing infrastructure, strong traditional marketing system based on smoked and dried fish, traditional food habits. Fish consumption is about 9 kg/person/year of which 2.2 kg is fresh fish and 6.8 kg is processed fish (30% dried and 70% smoked). Before drying, fish is fermented by steeping in water for 1 to 2 days, to impart flavour. Post-harvest losses are due to spoilage of fresh fish, burning during smoking, insect infestation in dried and smoked fish, breakage and rehumidification. Total losses, which were about 30% up to the 1970s, have been reduced to about 10% through extension of the use of insecticides (Gardona, later K'othrine) to prevent insect infestation, and of improved smoking ovens (Haussa oven and Baut oven).

1. INTRODUCTION

Pays typiquement continental, le Mali dispose de deux grands fleuves: le fleuve Sénégal et le fleuve Niger ainsi que de nombreux lacs, mares, marrigots et rivières.

Avant la mise en eau du barrage de Manantali sur le fleuve Sénégal la production de ce dernier était presque marginalisée tandis que le fleuve Niger, avec son affluent principal le Bani, a été et reste le siége d'une pêche plaçant la Mali parmi les premiers producteurs de poisson d'eau douce de l'Afrique.

Le complexe hydrographique créé par le Niger et le Bani, outre une plaine d'inondation variant entre 2 000 et 3 000 km2 entre les mois de Juillet et de Novembre du fait de crues issues des pluies sur leurs bassins versants, alimente de nombreux lacs (Walado-Dèb, Niageye, Horo, Fati, Kabara, Faguibine et autres).

La production de cette zone d'inondiation et de ces grands lacs dépassait les 100 000 t de poisson avant les dures années de sécheresse. La production est majoritairement transformée en poisson séché et en poisson fumé. La pratique de ces techniques traditionnelles de transformation du poisson n'est pas la fait du hasard. Elle répond à un mode de vie caractéristique de la pêche continentale au Mali, notamment:

  1. Le nomadisme.

    Le caractére itinérant des pêches dû à la migration des espèces de l'amont vers l'aval determine de grands déplacements des pêcheurs les obligeant à rester 4 à 6 mois sur les lieux de pêche à des centaines de kilomètres de leurs villages d'origine.

  2. L'absence d'infrastructures permettant l'écoulement rapide du poisson à l'état frais.

    Le commerce du poisson frais est resté dans un système traditionnel se limitant à l'écoulement de modestes quantités sur les marchés locaux des zones de production. L'approvisionnement en poisson sous glace de quelques centres urbains reste très limité par l'insuffisance sinon même l'inexistence d'une chaîne de froid appropriée.

  3. L'existence d'un marché traditionnel du poisson séché et fumé relativement structuré.

    Le commerce du poisson séché et fumé est une très vieille activité qui s'est forgée des débouchés tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays et qui est restée l'appanage de commerçants “bailleurs de fonds” des pêcheurs pour leurs besoins divers.

  4. L'enclavement des zones de production.

    Les lieux de pêche se situent à des distances souvent éloignées des centres de consommation.

  5. Les habitudes alimentaires.

    Même dans les villes et villages producteurs de viande, le poisson séché ou fumé trouve son utilisation soit comme condiment soit pour la préparation de plats spéciaux et même comme remèdes à certaines maladies.

Ainsi donc, la nature périssable du poisson, l'absence d'une chaîne de froid (glace notamment), le lenteur des moyens de déplacement, l'enclavement des zones de production sont autant de facteurs qui obligent le pêcheur malien à traiter son produit sur place.

Si vers les années 60 le séchage du poisson prenait le pas sur le fumage, la repartition du poisson transformé s'est presque équilibrée depuis les années 70 avec 70% de fumé et 30% de séché du fait des contingences socio-économiques d'adaptation aux nouvelles tendances alimentaires des consommateurs.

2. LES TECHNIQUES DE SECHAGE ET DE FUMAGE AU MALI

  1. Séchage

    Tout séchage procède par élimination de l'eau par évaporation. Quand le taux d'humidité du poisson est ramenée à 25% environ, les bacteries ne peuvent plus survivre et l'activité autolytique est réduite. C'est ce principe qui est appliqué par les femmes transformatrices de poisson au Mali. Les poissons sont en général et selon leur taille étêtés, écaillés, éviscerés, ouverts et lavés avant d'être étalés pour sécher, de plus souvent à même le sol. Au Mali, le poisson ainsi preparé aurait été d'abord mis à tremper pendant 24 à 48 heures pour un début de fermentation. C'est cette fermentation qui donne un goût particulier au poisson apprécié par le consommateur local.

  2. Fumage

    Il consiste à la réduction de l'humidité du poisson par un feu vif qui en plus d'un séchage superficiel instantané, permet la cuisson de la chair. Ensuite il est entretenu dans la fumée pour sécher et pour impregner cette chair.

Malgré ces procédés de transformation rentrent dans les habitudes des pêcheurs maliens, les causes de pertes depuis le poisson frais et tout au long de la chaine traditionnelle de transformation sont nombreuses:

C'est pour lever ces contraintes qui faisaient subir au poisson malien une perte de près de 30% que differentes techniques ont été envisagées pour réduire ces pertes.

Au niveau du séchage, il est apparu suite aux expérimentations menées de concert avec les pêcheurs que la lutte chimique préventive correspondait mieux aux habitudes locales de ces pêcheurs. La recherche de produits appropriés moins toxiques pour l'homme à faible remanance conduisit au Gardona puis à la K-Othrine qui furent diffusés dans le milieu pêcheur par le biais de l'encadrement. Il faut préciser que ces produits ont été conditionnés de façon à rendre la mode d'emploi trés facile pour des utilisateurs analphabets.

Quand au fumage, il s'est agit d'améliorer les techniques en cours en apportant des modifications à la conception des fours traditionnels. L'économie de combustible réalisée, ajoutée au temps de fumage relativement court, ont coduit à l'adoption de fours type nouveau comme le four “haoussa” ou le four “baut”.

Les pertes de poisson evaluées à 30% vers les années 70 sont descendues à 10% grâce surtout aux efforts de vulgarisation concernant la diffusion de produits insecticides pour le traitement préventif du poisson destiné au séchage, mais aussi à celle des fours améliorés.

Les succès enrégistrés sont principalement dûs à la prise en compte de toute la socio-économie des méthodes de transformation chez les pêcheurs. Une intervention au niveau d'un seul maillon ne peut resoudre des contraintes qui ont leur origine dans le maillon supérieur.

3. CONSOMMATION DU POISSON AU MALI

Il n'existe pas à ce jour des statistiques fiables sur la consommation de poisson au Mali. Il ressort quand bien mème une grande disparité de consommation entre les zones de production et les localités qui en sont eloignées.

Il est indéniable que le poisson représente un element très important du régime alimentaire des maliens. Il fournit au moins le tiers des protéines animales consommées. D'après certaines estimations le poisson serait consommé frais à raison de 2,2 kg/personne/an en moyen contre 6,8 kg/personne/an équivalent frais pour ce qui concerne le poisson transformé.


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