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Introduction


Une deuxième version complétée et corrigée

En 1999, la FAO publiait la première version française du thesaurus multilingue du foncier. Cette version avait surtout pour vocation d'être mise à l'épreuve du terrain, c'est-à-dire soumise aux critiques constructives tant des usagers à la recherche d'informations et d'éclairages nouveaux que des experts du foncier. En effet, sur le fond comme sur la forme, sont apparus un certain nombre de points forts mais aussi des lacunes, relevés depuis 1999 par l'équipe des rédacteurs et par de nombreux autres spécialistes du foncier. Cette deuxième version tient compte autant que possible de ces retours du terrain. Par ailleurs, la discipline "foncier", à l'instar des disciplines qui la nourrissent, est en évolution constante et une période de cinq ans peut certainement être considérée comme suffisamment longue pour percevoir des mutations ou des tendances au niveau des bases conceptuelles comme dans les approches. Cela justifie également le projet d'une version ultérieure comme cela annonce aussi le projet d'une troisième version. Plus de quarante nouveaux termes ont de la sorte été ajoutés, comme entrée principale ou comme entrée secondaire. Environ le même nombre de termes ont également été complétés et exemplifiés. Des références à des sites internet où des compléments d'information ou des illustrations peuvent être trouvés sont également incluses.

Enfin, il importe de mentionner l'édition récente des versions hispanophone (2003) et anglophone (2003) du thesaurus qui, plus que de simples traductions de la version francophone, constituent de réelles adaptations aux mondes géographico-culturels de l'espagnol et de l'anglais. Cette deuxième version francophone a bien sûr bénéficié de l'expérience éditoriale acquise avec la préparation des versions espagnole et anglaise. Une version chinoise a également vu le jour très récemment.

Pourquoi un thesaurus du foncier?

La version française initiale du thesaurus multilingue du foncier est le produit d’une refonte en profondeur du bulletin de terminologie, en cinq langues (bulletin n° 35) réalisé en 1979 dans le contexte de la Conférence mondiale sur la Réforme agraire et le développement rural.

Le bulletin de terminologie consistait en un listage alphabétique de sept cents termes puis en leur traduction littérale dans les principales langues utilisées à la FAO. Ce premier travail avait permis un «débroussaillage» de la terminologie utilisée dans ce domaine. Il comportait cependant des limites qui rendaient son emploi difficile tant pour les divisions normatives du siège de la FAO que pour les experts de terrain.

La refonte du bulletin de terminologie en véritable thesaurus, où thesaurus est pris dans le sens de lexique, s’inscrit donc dans la perspective d'une mise à la disposition du public intéressé d'un outil lexicographique du foncier.

En réalité, il constitue plus qu'un simple lexique car il va au-delà de la juxtaposition de définitions succinctes. Pour chaque terme, les auteurs ont essayé d'apporter des développements importants pour leur compréhension, de montrer les différentes acceptions en fonction de contextes spécifiques, ou encore d'illustrer leur usage par des exemples concrets. En outre, certains concepts ou notions offrent l'occasion de présenter une problématique, un courant de pensée, ou certains enjeux des thématiques foncières retenues. Un souci de présenter au lecteur des ouvrages de référence dans les domaines concernés a également guidé le travail des auteurs, même s'il ne s'agit pas d'un travail de bibliographie commentée.

Cet ouvrage vise à atteindre deux grands objectifs. En premier lieu, contribuer à une plus grande rigueur dans les analyses et les applications du foncier à partir d'un usage plus discipliné et contrôlé des concepts et des notions; harmoniser l'emploi de la terminologie foncière dans l'espace francophone (et dans d'autres contextes linguistiques), mais aussi expliciter la polysémie de ces termes et expressions, «contextualiser» les différents usages et donc préserver leur diversité, notamment culturelle.

Il devrait aussi servir d'outil de base pour les non-initiés, leur ouvrir le champ du foncier. S'adressant donc également à des non spécialistes, qu'ils soient étudiants, hommes ou femmes de terrain, chercheurs confirmés dans d'autres champs disciplinaires, l'ouvrage peut constituer une première entrée, une référence de base pour ces personnes, ce qui leur permettra ensuite de mieux s'orienter dans la littérature spécialisée. À travers cet objectif, il vise à contribuer à une meilleure interdisciplinarité dans les approches des problèmes fonciers.

Ce thesaurus n'a toutefois pas la prétention de l'exhaustivité: l'horizon du foncier est si vaste et touche à tant de disciplines: le droit, la géographie, l'agronomie, la sociologie, l'économie, le marketing... Ses limites sont d'ailleurs passablement floues. De même, l'espace géographique de référence du thesaurus est tout aussi large puisqu'il couvre l'ensemble des continents (avec toutefois, pour cette version en langue française, un regard préférentiel sur l'espace francophone, en particulier l'Europe et l'Afrique).

De plus, la sphère du foncier est en évolution rapide, tant les théories, les courants de pensée, les concepts que les approches, les politiques ou les enjeux autours des questions foncières connaissent des mutations profondes. En Europe par exemple (comme dans le reste du monde), l' «aménagement du territoire» a jusqu'à présent essentiellement fonctionné sur le principe de surface, privilégiant la dimension institutionnelle du territoire, c'est-à-dire sur un principe juridique de territorialité qui définit l'aire à l'intérieur de laquelle s'exerce un pouvoir par une institution reconnue (l'État, la commune...). Mais les scientifiques et les praticiens s'intéressent de plus en plus à la dimension relationnelle du territoire (et à plus forte raison dans un contexte de globalisation croissante), celle qui est pertinente pour le monde de la production et des échanges et tentent de l'intégrer dans les politiques et pratiques de gestion du territoire[1]. Le développement d'outils tels que les Systèmes d'Information Géographique, qui permettent de travailler tant en termes de lignes et de points qu'en termes de surface, favorisent ces avancées conceptuelles et méthodologiques.

Pour les questions foncières dans les pays en développement, ces dernières années se caractérisent par une redécouverte de la subtilité et de la complexité des arrangements fonciers locaux et par la dénonciation des schémas conceptuels binaires (propriété privée/communaux, domaine public/domaine privé) issus des systèmes juridico-institutionnels des pays développés et qui ont longtemps fortement imprégné les approches et les politiques foncières dans les pays du Sud. En particulier, de plus en plus d'analyses empiriques montrent la supériorité, dans de nombreuses situations, des modes de tenure communautaires sur les modes de tenure privés et publics. Cette prise de conscience de la capacité des communautés locales à construire des arrangements institutionnels spécifiques et relativement performants conduit certains chercheurs à proposer, à la suite de J. BRUCE et M. FREUDENBERGER, la substitution du «paradigme de remplacement» par un «paradigme d'adaptation»[2]. Il est en effet pratiquement impossible à des intervenants techniques externes de comprendre et de maîtriser entièrement la complexité des conditions locales, pour définir de l'extérieur les cadres institutionnels ad hoc de gestion de ces espaces. Il semble plus réaliste pour les interventions externes de chercher à appuyer des évolutions et des institutions existantes et ceci, par des propositions modestes plutôt que par l’imposition d’une assimilation pure et simple de dispositions foncières dites modernes.[3]

Il n'est pas toujours facile de tenir compte de ces évolutions en quelques lignes dans un ouvrage introductif qui se veut de portée générale. Il est encore moins aisé d'apprécier si telles ou telles pistes innovantes ne sont en fait que des «effets de mode» ou si elles sont réellement porteuses de pratiques nouvelles dans la résolution des problèmes fonciers.

Il a donc fallu opérer des choix, forcément arbitraires. Certains aspects de ce vaste domaine thématique sont à peine abordés; d'autres le sont suivant une vision particulière, liée à la sensibilité des auteurs, à leur expérience, à leurs attaches nationales. Inévitablement, certains spécialistes ne s'y retrouveront pas.

Cela dit et pour cette raison, ce thesaurus ne doit pas être considéré comme un travail achevé. Son élaboration est conçue et programmée comme un processus continu de construction progressive d'un édifice auquel chacun doit avoir l'occasion d'apporter sa pierre. À cette condition, le thesaurus pourra devenir un lieu de rencontre, une référence pour les chercheurs, les décideurs, les hommes de terrain. C’est pourquoi il est diffusé sous plusieurs formes (ouvrage papier, support électronique) et avant tout, il sera accessible sur Internet. Un site FAO lui sera consacré, site sur lequel le thesaurus sera bien entendu accessible, mais surtout une boîte aux lettres permettra à tout un chacun d'apporter ses commentaires, ses critiques, ses suggestions. Cet apport intellectuel, que nous souhaitons varié et constructif, constituerait la matière première pour l'élaboration d'une nouvelle version du thesaurus.

Une deuxième version plus facile à utiliser

La première version du thesaurus était le fruit d'un processus qui a commencé par le choix des termes et expressions qui y figurent. Ce choix a procédé d'une large consultation auprès des différents services de la FAO concernés par la problématique foncière. La consultation fut également externe puisque dès le départ, un grand nombre de spécialistes, tant anglophones que francophones, rassemblant des expériences accumulées dans toutes les parties du monde, ont été invités à proposer des «entrées».

Les principaux auteurs avaient ensuite procédé à une structuration du thesaurus, c'est-à-dire à une répartition des «entrées» en chapitres. Le thesaurus contenait de la sorte sept chapitres thématiques.

Il s'est avéré à l'usage que ce découpage quelque peu arbitraire apportait davantage d'inconvénients que d'intérêt. Avec ce système, la recherche d'une entrée nécessitait un recours systématique à l'index puisqu'il était difficile pour le lecteur de déterminer a priori le chapitre d'appartenance de cette entrée. Dans cette deuxième version, ce découpage est abandonné au profit d'un seul système de classement, celui de l'ordre alphabétique. Nous espérons que cela rendra plus agile l'usage du thésaurus.

Un index général en fin d'ouvrage reprend néanmoins l'ensemble des «entrées» (termes principaux) du thesaurus de même qu'une série de termes «secondaires» inclus dans ces entrées, c'est-à-dire des vocables qui font également l'objet d'une description ou d’une explication ou qui simplement constituent un élément important dans la définition d'un des termes principaux.

Dans le texte, l'accentuation d'un terme (terme en gras) signifie que celui-ci constitue une «entrée», c'est-à-dire qu'il fait spécifiquement l'objet d'une définition. Les termes étrangers sont placés en italiques.


[1] Allant dans ce sens, plusieurs équipes de recherche suisses travaillent autour de la notion de «management du territoire» en complément de celle d'«aménagement du territoire» en intégrant aux politiques publiques de gestion territoriale des outils propres aux milieux privés (voir à ce propos l'ouvrage de DECOUTERE S., RUEGG J. et JOYE D. (eds.), Le management territorial. Pour une prise en compte des territoires dans la nouvelle gestion publique, Lausanne: Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 1996, 328 p.).
[2] BRUCE J. W, MIGOT-ADHOLLA, J., ATHERTON, J., «The findings and their policy implication: institutional adaptation or replacement», in, BRUCE J. W, MIGOT-ADHOLLA, J, (Eds), Searching for land tenure security in Africa, Kendall/Hunt Publishing Company, for the World Bank, Dubuque, 1994
[3] VERHAEGEN É., MATHIEU P., DEGAND J., Ajustement des communautés locales aux effets de la croissance démographique et de l’intégration au marché: quelles conséquences pour l’intervention publique en Afrique subsaharienne? Partie III: appui aux transformations des systèmes de production agricoles pour un développement durable au Burkina Faso, Rapport de recherche, Institut d’étude du développement de l’Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve, 1998.

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