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ANNEXE - Expériences de ciblage de programmes nutritionnels


FAO/22082/G. Bizzarri

Ciblage et secours alimentaires

ÉTHIOPIE

L'Éthiopie a une longue histoire en matière de programmes de secours alimentaires. Les méthodes utilisées pour cibler ces programmes d'assistance ont beaucoup changé au fil des ans. La révision la plus récente des principes directeurs du ciblage date de 1993: on y définit les principes clefs régissant la mise en œuvre des activités de secours. Parmi ces principes se trouve la priorité qu'il faut accorder à la distribution alimentaire dans les zones où les vies humaines et les moyens d'existence sont les plus menacés. Dans ces zones, les secours alimentaires sont ciblés en direction des plus démunis sans distribution gratuite de nourriture aux personnes valides. Celles-ci n'ont accès aux secours alimentaires qu'en participant à des travaux d'intérêt public, partie intégrante du dispositif de couverture sociale du pays.

Les bénéficiaires éligibles aux secours alimentaires gratuits doivent appartenir être: a) sans famille capable et tenue selon la coutume de leur apporter soutien et b) âgés de plus de 60 ans, infirmes, aveugles, avec des handicaps physiques ou mentaux, c) des femmes enceintes ou allaitantes, d) de jeunes enfants sans aucun soutien familial, e) obligés de s'occuper constamment de jeunes enfants et d'adultes infirmes, ou f) des femmes ayant accouché récemment (celles-ci, selon la coutume, ne peuvent apparaître en public). Les bénéficiaires sont sélectionnés par un conseil local composé d'anciens et de représentants élus localement.

Les bénéficiaires des secours alimentaires basés sur l'emploi doivent être adultes, âgés de plus de 14 ans, aptes au travail et membres de la communauté dans laquelle les travaux d'intérêt public sont mis en œuvre. La politique stipule que tous les membres valides d'un ménage peuvent être autorisés à travailler mais elle reconnaît le besoin éventuel de rationner le travail dans des périodes de difficultés particulières. Les journées de travail peuvent être rationnées au sein d'un ménage en fonction de la taille du ménage, même si aucune politique explicite n'est exprimée à ce sujet.

Le ciblage au niveau des ménages repose principalement sur des méthodes de ciblage de type administratif ou communautaire. Les critères de ciblage sont les mêmes d'une localité à l'autre, mais leur interprétation est complexe. Les ménages sont généralement jugés non sur un seul et unique indicateur mais selon une idée subjective des besoins qui, de manière implicite, prend en compte plusieurs facteurs. S'ils semblent ouverts à tous et à toutes, les emplois «vivres contre travail» sont souvent rationnés entre les ménages selon des critères établis par les communautés elles-mêmes. Dans une communauté par exemple, la priorité a été donnée à ceux qui ne disposaient d'aucuns biens à vendre et d'aucune terre. On observe que les communautés rejettent totalement l'idée d'utiliser les bas salaires comme moyen d'auto-cibler les programmes«vivres contre travail» pour qu'ils ne bénéficient qu'aux plus démunis. Dans de nombreuses régions, la tendance est de répartir les vivres des secours alimentaires entre un grand nombre de communautés et de ménages, sans faire grand cas de l'évaluation des besoins. Les distorsions liées au favoritisme dans l'allocation du travail sont également un problème généralisé qui réduit l'efficacité du ciblage.

En Éthiopie, le ciblage régional est un problème important. Une analyse suggère que les disponibilités alimentaires varient davantage d'une unité administrative locale (weredas) à l'autre qu'à l'intérieur de ces weredas, ce qui laisse à penser que le ciblage au niveau des weredas serait plus efficace que le ciblage au niveau des ménages. En théorie, il devrait être possible d'attribuer les vivres des secours d'urgence proportionnellement aux besoins locaux estimés. En pratique, la prise de décision est plus difficile. En effet, les quantités de vivres sont souvent insuffisantes pour répondre entièrement aux besoins locaux. De plus les estimations du nombre de ménages démunis ne reflètent pas totalement la gravité des conditions d'un endroit à l'autre. L'allocation des secours alimentaires en provenance des autorités centrales et régionales aux weredas est souvent critiquée parce qu'elle se baserait trop sur des estimations de la production vivrière locale sans prendre suffisamment en compte les facteurs socio-économiques plus larges et, il est vrai, plus complexes, qui déterminent l'accès à la nourriture des ménages.

Il semblerait que l'utilisation de méthodes ayant trait au ciblage géographique plutôt qu'au ciblage des ménages ait un plus grand potentiel. Actuellement, 42 pour cent des weredas reçoivent une aide alimentaire, principalement ceux concentrés dans deux régions où le déficit alimentaire est chronique. Pourtant, d'après certaines indications, l'aide alimentaire n'est pas ciblée correctement au plan régional. Parmi les weredas recevant une aide alimentaire gratuite, 48 pour cent des ménages auraient un apport énergétique insuffisant, à peu près la même proportion qui existe dans les weredas qui ne reçoivent pas d'aide alimentaire gratuite. De plus, la proportion de ménages en déficit alimentaire au sein des weredas qui reçoivent une aide alimentaire dans le cadre de programmes «vivres contre travail» est à peu près la même que dans les weredas qui n'en reçoivent pas. Ce système de ciblage au niveau des weredas s'est traduit par une couverture légèrement supérieure à 45 pour cent de tous les ménages en déficit alimentaire dans le pays. Par contre, si les secours alimentaires étaient ciblés uniquement sur les weredas dont les besoins sont les plus pressants, et même si l'allocation se faisait au hasard au niveau des ménages, 50 pour cent de tous les ménages participants seraient des ménages en déficit alimentaire. A l'intérieur de chaque wereda, les conditions de déficit alimentaire ont tendance à se ressembler beaucoup d'un ménage à l'autre et ceci élimine pratiquement le besoin du ciblage au niveau des ménages. Un ciblage géographique serait peut être plus approprié.

KENYA

En réponse à de sérieux problèmes liés à l'achat et à la distribution de maïs comme aide alimentaire d'urgence, un nouveau système basé sur la communauté a été conçu et est actuellement mis en œuvre par le Gouvernement du Kenya. Parmi les problèmes associés au système précédent, on peut citer: a) un manque de ciblage avec, pour résultat, des ménages bénéficiaires ne recevant généralement que de très petites rations mensuelles (parfois à peine 2 kg); b) une allocation de fonds insuffisante pour le transport, ce qui nécessite l'utilisation d'une partie importante de l'approvisionnement en maïs pour financer les frais de transport; et c) un détournement considérable de l'aide d'urgence en maïs. De plus, pendant la sécheresse de 1997 et les inondations de 1998, la distribution de l'aide alimentaire internationale a été effectuée par un système parallèle mis en place par quelques organisations non gouvernementales (ONG). De toute évidence ce système n'était pas un système durable. Un nouveau système unifié a été élaboré fin 1999 avec la participation du Gouvernement du Kenya, de donateurs, d'ONG et d'organismes des Nations Unies.

Les principaux objectifs de ce nouveau système, qui centralise l'aide alimentaire d'urgence gouvernementale et non gouvernementale, sont de maximiser l'impact humanitaire des secours alimentaires et d'abaisser les coûts administratifs du programme d'aide alimentaire. En particulier, le nouveau système vise à améliorer le ciblage géographique des divisions et des districts les plus touchés, et de soulager les instances provinciales et régionales du fardeau des tâches administratives en nommant un organisme chef de file pour coordonner et mettre en œuvre les opérations de secours au niveau de chaque district. Le système insiste particulièrement sur la participation de la communauté, en particulier des femmes, pour cibler les ménages les plus vulnérables de la communauté ainsi que pour gérer la distribution de l'aide alimentaire d'urgence. Un Groupe directeur au niveau du district (GDD, DSG en Anglais), approuvé par le Bureau du Président et le Programme alimentaire mondial (PAM), attribue aux différentes divisions les stocks d'aide alimentaire d'urgence du district.

Le système a d'abord été mis en œuvre dans le district de Turkana en décembre 1999 pour répondre à un grave problème d'insécurité alimentaire dû à la sécheresse, qui depuis a empiré. «Vision du Monde» a été désigné comme organisme chef de file. En juin 2000, il s'est avéré nécessaire de cibler 75 pour cent de la population dans le district. Les districts de Marsabit, Moyale et Mandera ont été ciblés en mars 2000 dans le cadre du nouveau système. Dans le district de Mandera, des subdivisions du DSG, composées de présidents (ou présidentes) des comités de secours, de chefs, de conseillers et autres notables importants, attribuent les secours alimentaires de la division au niveau communautaire.

A ce jour, l'expérience du nouveau système a démontré: 1) l'importance du rôle du DSG en tant qu'instance de coordination et 2) le besoin d'allouer l'aide alimentaire d'urgence sur la base d'informations sûres reflétant la situation de crise alimentaire dans les différentes parties du district. Le succès du système dépend de la sensibilisation des communautés et des gouvernements locaux et de la capacité de l'organisme chef de file à prendre en compte les facteurs tribaux et culturaux qui régissent la vie locale. Dans certains cas, des responsables locaux ou politiques ont cherché à s'ingérer dans la distribution alimentaire mais un solide soutien du gouvernement et du DSG a rendu cette ingérence inefficace. Le ciblage de ménages remplissant les conditions d'éligibilité peut être une entreprise difficile pour les comités de secours dans les communautés où il n'y a qu'un petit pourcentage de ménages à cibler et où il est nécessaire de sensibiliser toute la communauté. Les désaccords concernant les estimations faites au niveau national et par le DSG de l'aide alimentaire requise ont été relativement faciles à résoudre. Les réactions des bénéficiaires vis à vis du fonctionnement du nouveau système ont en général été positives.

Programmes ciblés de bons d'alimentation

HONDURAS

Dans le Programme «Bono de Madre Jefe de Familia» du Honduras, on demande aux enseignants de procéder à des examens de ressources simplifiés. Au début de l'année scolaire, les enseignants des écoles primaires des états participants doivent recenser les enfants provenant de ménages dirigés par des femmes et dont les revenus ne dépassent pas un certain seuil. De plus, dans les écoles où les résultats de l'enquête nutritionnelle annuelle indiquent une prévalence de la malnutrition, tous les élèves de première année primaire sont admis au programme. Pour obtenir des informations sur les niveaux de revenus, les enseignants ont une entrevue avec les mères au cours de visites à domicile ou à l'école. Les enseignants passent environ trois jours au début de l'année à identifier les bénéficiaires du programme. Dans les sept départements où se déroule le programme, 13 000 enseignants environ sont mobilisés. Le programme touche environ 150 000 élèves par an de la première à la troisième année primaire. Des bons d'alimentation sont aussi distribués au Honduras par l'intermédiaire des centres de santé au bénéfice d'enfants de moins de cinq ans, de femmes enceintes ou allaitantes identifiés dans le cadre de la surveillance nutritionnelle.

JAMAÏQUE

Dans le Programme de bons d'alimentation de la Jamaïque, les travailleurs sociaux du Ministère du Travail, de l'aide sociale et des sports visitent chaque ménage candidat à la participation et remplissent un court formulaire récapitulant l'adresse du candidat, les conditions et les revenus du ménage. Les visites à domicile permettent aux travailleurs sociaux de vérifier si les conditions de vie semblent être en accord avec les revenus déclarés par la famille. Les caractéristiques de l'habitation ou la possession de biens durables ne sont pas utilisées de manière formelle dans la vérification de l'éligibilité. Au cours des premières années du programme, un seuil unique de revenu était appliqué pour l'éligibilité. Plus récemment, on a adopté un seuil à deux paliers, un palier pour les ménages composés d'une seule personne et un autre pour les ménages plus importants. Le programme jamaïcain est administré par environ 150 agents de terrain à plein temps qui travaillent sur un cycle bimestriel. Le premier mois du cycle est consacré à l'identification des bénéficiaires et le deuxième à la distribution des bons d'alimentation. Le programme comporte environ 300 000 bénéficiaires. Pour la moitié d'entre eux, l'éligibilité est établie selon un examen des ressources tandis que l'autre moitié participe au volet protection maternelle et infantile du programme, pour lequel l'éligibilité a lieu sans examen de ressources.

VENEZUELA

Les Programmes de bons d'alimentation du Venezuela ciblent tous les enfants des écoles primaires sélectionnées. Le choix de l'école est laissé aux autorités des services de l'éducation au niveau gouvernemental, mais on sélectionne en principe les écoles situées dans les zones urbaines à faibles revenus et dans les zones rurales. Plutôt que de fournir des directives ou des normes rigides pour sélectionner les écoles ayant besoin d'aide, on laisse les spécialistes utiliser leurs «opinions d'experts» pour évaluer les besoins de chaque école. Le pourcentage d'écoles recevant des bons d'alimentation varie de 60 pour cent dans le tiers le plus pauvre des états (selon la définition de la carte nationale de pauvreté) à 40 pour cent des écoles dans le tiers le plus riche des états. Un comité composé de représentants du Ministère de l'éducation, d'associations de parents d'élèves, d'associations de quartiers et de l'école certifie la liste des bénéficiaires.

Programmes ciblés d'alimentation scolaire

BANGLADESH

Dans le programme «Alimentation pour l'éducation» du Bangladesh, les bénéficiaires admissibles sont sélectionnés parmi les ménages pauvres, que l'on identifie comme a) sans terre, ou possédant moins de 0,2 hectares de terres; b) dirigés par quelqu'un travaillant comme journalier; c) dirigé par une femme ou d) dirigé par un adulte occupant un emploi faiblement rémunéré (par exemple des pêcheurs, des potiers ou des cordonniers). Les enfants participants au programme doivent assister à 85 pour cent des classes chaque mois. Avec un seul enfant en âge de fréquenter l'école primaire, un ménage aura droit à 15 kg de blé par mois. Si le ménage a plus d'un enfant en âge de fréquenter l'école primaire et les envoie tous à l'école, il aura droit à 30 kg de blé par mois. Grâce à ce programme, la fréquentation scolaire a augmenté, passant de 63 pour cent en 1993 à 77,6 pour cent en 1994 et le taux d'abandon scolaire a diminué, de 18,5 à 10,9 pour cent. Les pertes en direction des non pauvres ont été estimées à seulement 6,5 pour cent du total des prestations.

CHILI

L'objectif du Programme d'alimentation scolaire du Chili est de fournir une aide sociale et alimentaire aux enfants de familles à bas revenus fréquentant les écoles publiques ou privées. Les objectifs principaux du programme sont de promouvoir la fréquentation de l'école et d'améliorer les résultats scolaires en offrant aux enfants des repas gratuits. L'assistance alimentaire peut prendre les formes suivantes: le petit déjeuner seulement, le petit déjeuner et le repas de midi, ou le repas de midi et le goûter. Les repas sont distribués environ 180 jours par an. Tous les repas des élèves en internat sont financés par le programme. La composition énergétique des repas dépend de l'indice de vulnérabilité de l'école.

Le programme est ciblé au niveau de l'école mais on utilise des données individuelles par enfant pour classer les écoles selon un indice de vulnérabilité. Certains enfants dans les écoles sélectionnés ne participent pas au programme, apparemment pour éviter la stigmatisation associée au programme; d'autres élèves se rendent tôt à l'école pour recevoir leurs repas, pour les mêmes raisons.

Au fil des ans, la façon de cibler le programme a beaucoup changé. Jusqu'en 1980, les enseignants sélectionnaient les participants au programme d'après une évaluation subjective de la situation socio-économique de chaque enfant. On a jugé néanmoins que cette méthode était trop subjective pour assurer une distribution équitable des ressources du programme. Entre 1980 et 1982, on a utilisé pour identifier les bénéficiaires le système d'index socio-économique des Stratégies d'aide aux pays (SAP). Cependant, il a été décidé que les variables contenues dans ces SAP ne convenaient pas pour classer les ménages pauvres des zones rurales. L'application de cet instrument comportait en outre des difficultés logistiques car il était difficile d'obtenir des indices SAP récents pour toutes les familles souhaitant participer au programme.

En 1983, on a effectué un recensement scolaire pour identifier les enfants en manque de nourriture. Jusqu'en 1985, le recensement était annuel et contenait des informations diverses: rapport poids/taille, rapport taille/âge, index SAP, évaluation des besoins établie par les enseignants, distance entre la maison de l'élève et l'école, emplacement de l'école et âge de l'enfant. Les besoins alimentaires des enfants fréquentant la première année primaire étant, d'après les observations, représentatifs de l'ensemble des besoins à l'école primaire, les activités de collecte de données ne portaient que sur ces groupes. En 1985, une évaluation qualitative a déterminé que la stratégie de ciblage n'atteignait pas pleinement ses objectifs, et on a tenté une nouvelle approche. Les prestations du programme ont été définies au niveau national plutôt qu'au niveau de chaque école et les autorités locales de la province ont eu la responsabilité de déterminer le nombre et le type de repas à offrir dans chaque école. Puis, au sein de l'école, les enseignants ont sélectionné les enfants devant bénéficier des prestations.

En 1986, une autre évaluation a déterminé que 13 pour cent des enfants des «quintiles» supérieurs se trouvaient parmi les bénéficiaires. Pour remédier à cette perte, on a de nouveau révisé la stratégie de ciblage. Un indice pondéré a été défini avec les variables suivantes: niveau d'instruction de la mère, pourcentage d'enfants dépassant l'âge normal en première année de primaire, prévalence des petites tailles, critères d'urgence établis par les enseignants et pourcentages de redoublement. Des informations ont été collectées sur ces variables chez les élèves de première année pour déterminer un classement au niveau de l'école que l'on a ensuite utilisé comme base pour attribuer le nombre de repas par école. En 1990, une nouvelle approche statistique a été appliquée pour identifier et évaluer différents indicateurs de ciblage qui permettraient de déterminer à l'avance les besoins des écoles. Différents modèles ont été développés en 1993 pour les écoles primaires urbaines et rurales, ainsi qu'un modèle pour l'attribution de repas aux écoles secondaires.

La collecte de données s'effectue graduellement, sans contrainte particulière. Les informations sont analysées au cours du deuxième trimestre et utilisées pour le ciblage du programme de l'année suivante. Le classement des écoles sur l'index de vulnérabilité se termine avant la fin de l'année, en temps voulu pour pouvoir intégrer facilement ces informations dans le processus de budgétisation de l'année suivante.

Les résultats confirment que le programme atteint effectivement les populations pauvres. Plus de 80 pour cent de ses bénéficiaires au niveau de l'école primaire appartiennent aux «quintiles» des revenus les plus bas. On estime que les coûts de ciblage sont très peu élevés: 36 772 dollars E.U., soit moins de 0,05 pour cent du budget total du programme. Le programme incite fortement les parents à envoyer leurs enfants à l'école: en 1990, 58 pour cent des enfants dans les zones rurales avaient terminé le cycle primaire comparé à seulement 40 pour cent en 1986.

COSTA RICA

Pendant de nombreuses années, toutes les écoles participaient au Programme de repas scolaire du Costa Rica. On a évalué que 62 pour cent des prestations de cette période allaient à des enfants de ménages situés dans la tranche des 40 pour cent les plus pauvres, ce qui indique un taux de perte élevé. Plus récemment, on a établi trois niveaux de prestations et la quantité d'aide alimentaire que reçoit chaque école par enfant est déterminée en fonction de la taille de l'école et du classement de pauvreté de la région desservie par l'école, d'après la carte de pauvreté du Ministère du Plan. En combinant les informations concernant la taille de l'école et celles de la carte de pauvreté, on a établi trois niveaux de priorité pour la distribution des repas. Les écoles à priorité 1 sont celles de la couche la plus pauvre, d'après la carte de pauvreté, ainsi que les écoles avec un seul enseignant et ne dépassant pas 100 élèves. Les écoles à priorité 2 sont celles de la couche de pauvreté intermédiaire ainsi que celles de la couche la plus haute mais qui ne scolarisent qu'entre 100 et 500 élèves. Les écoles à priorité 3 comprennent toutes les écoles des couches les plus aisées et dépassant plus de 500 élèves. Ceci est un exemple de ciblage géographique pur, sans ciblage individuel supplémentaire.

JAMAÏQUE

Le Programme de nutrition de la Jamaïque est destiné à venir en aide aux écoles des régions pauvres. La sélection des écoles n'est basée que sur des données informelles du Ministère de l'éducation sur les écoles des régions pauvres. Le programme comprend la distribution quotidienne de produits alimentaires en provenance de boulangeries centrales. Il apparaît donc que les écoles desservies par de bonnes routes sont avantagées par rapport à celles des zones moins accessibles. Néanmoins 72 pour cent des prestations vont aux 40 pour cent de la population la plus pauvre.

 

 

 

URUGUAY

Le programme d'alimentation scolaire en Uruguay remonte au début des années 1900. Il a débuté dans les écoles rurales pour être par la suite élargi aux écoles urbaines. En 1983, l'administration des services alimentaires est passée au Conseil de l'éducation primaire et le but de ce programme a été défini comme un soutien à l'amélioration nutritionnelle des enfants en âge scolaire. En septembre 1991, on a fixé comme objectif pour 1995-2000 l'expansion de la couverture du programme et l'amélioration des services de distribution. Le programme fournit différents services alimentaires, selon les besoins nutritionnels définis pour différents enfants: le repas de midi, le petit déjeuner et/ou le repas de midi, plus un goûter; le petit déjeuner, le repas de midi et le repas du soir, plus un goûter ou un verre de lait. En 1994, le programme a concerné 37 365 enfants dans 173 écoles de Montevideo (31,6 pour cent du total), les 68,4 pour cent restants ne recevant aucune aide alimentaire. En 1995, 128 661 élèves d'écoles rurales ont bénéficié du programme (85 pour cent) pour la plupart sous la forme du repas de midi.

Le programme n'a pas de population cible clairement définie et ses effets sur le plan nutritionnel et scolaire n'ont pas été connus avant la mise en place d'une évaluation en 1996-97. L'évaluation a pour but d'examiner, entre autres, le résultat des dispositifs de ciblage du programme. En ce qui concerne l'impact nutritionnel du programme, l'évaluation des écoles de Montevideo a conclu que: 1) l'état nutritionnel des enfants bénéficiaires ne s'était généralement pas amélioré au fil du temps par rapport aux enfants ne participant pas au programme; 2) dans l'ensemble, l'état nutritionnel des participants était pire que celui des enfants ne participant pas au programme; et 3) plus grande était la dépendance des enfants bénéficiaires vis à vis du programme alimentaire scolaire pour leur ration alimentaire quotidienne, plus grand était le risque de voir empirer leur état nutritionnel. Puisqu'une partie de l'évaluation est basée sur une analyse transversale, on peut interpréter ces résultats pour indiquer que, dans l'ensemble, les plans de ciblage ont réussi à atteindre les enfants les plus à risque de carences nutritionnelles.

Le ciblage du programme se fait de manière administrative à deux niveaux: a) la sélection des écoles destinées à recevoir une aide alimentaire; et b) la sélection des élèves devant bénéficier du repas ou du goûter dans les écoles fournissant ce type de services. L'évaluation indique que le pourcentage médian d'enfants de taille inférieure à la moyenne de leur âge était de 20 pour cent dans les écoles dispensant un service alimentaire et de 14 pour cent parmi celles qui n'en dispensaient pas. A Montevideo, 31,6 pour cent des écoles offrent un service alimentaire qui concerne 18 pour cent des élèves du primaire. En classant les écoles selon un indice de carence scolaire (Indice de Escuelas Carenciadas), on a vu que le pourcentage d'écoles fournissant une aide alimentaire avait une nette tendance à augmenter selon l'indice de carence scolaire: 76 pour cent des écoles avec un indice supérieur à 75, représentant 46 pour cent de la population scolaire, contre un pourcentage nul d'écoles ayant un indice inférieur ou égal à 40. Les quartiers où les écoles se trouvent implantées ont également été classés selon un indice de pauvreté de carences en besoins essentiels (Indice de Necesidades Basicas Insatisfechas) en fonction des conditions de logement, du niveau d'instruction et de la profession des chefs de famille. Environ 55 pour cent des écoles dans des quartiers avec un indice supérieur à 40 ont fourni une aide alimentaire à 33 pour cent des écoliers contre 7 pour cent d'écoles dans les quartiers avec un indice inférieur ou égal à 20, concernant 2 pour cent de la population scolaire.

La sélection interne des écoliers admis à participer au programme alimentaire est placée sous la responsabilité du chef d'établissement. Aucun critère spécifique et opérationnel n'a été établi. C'est donc l'évaluation personnelle par le chef d'établissement des besoins des enfants qui détermine la participation au programme alimentaire. Dans certains cas, le chef d'établissement est aidé dans sa sélection par l'inspecteur des services alimentaires et/ou un agent des services sociaux. Les éléments suivants sont pris en compte par les chefs d'établissements: enfants semblant être en danger nutritionnel, particulièrement ceux signalés par les services de santé, la situation familiale de l'enfant, et ses résultats scolaires.

Les résultats de l'analyse ont montré que dans les écoles situées dans les quartiers défavorisés, la participation au service alimentaire était tout à fait aléatoire (E=0,03) si l'on prenait l'état nutritionnel (rapport taille/âge) comme critère de participation au programme. Dans les écoles situées dans des quartiers plus aisés, l'accès au service alimentaire avait en fait moins de chance d'être dirigé vers les écoliers en déficit nutritionnel (E=-0,27). En prenant comme critère d'accès au service alimentaire les résultats de l'IBA de la famille, les résultats du ciblage s'amélioraient légèrement (E=0,38 dans les écoles des quartiers défavorisés et E=0,14 dans les écoles des quartiers plus aisés). Dans leur sélection des écoliers devant participer aux services alimentaires, les chefs d'établissement s'appuyaient donc davantage sur les conditions socio-économiques des familles que sur les risques nutritionnels encourus par l'enfant.

On peut dire en conclusion que, dans le ciblage du programme d'alimentation scolaire, le pourcentage de perte et de non-participation des écoliers du primaire en danger nutritionnel était dû davantage au processus de sélection interne qu'à la méthode de sélection des écoles.

Programmes ciblés de nutrition intégrée: Bangladesh

BANGLADESH

Au Bangladesh, une ONG du nom de BRAC dirige depuis 1993 un projet ciblé de nutrition dans le thana (sous-district) de Muktagacha. L'objectif principal du projet est d'améliorer la santé et l'état nutritionnel des enfants, des adolescentes et des femmes enceintes et allaitantes de cette région. Le projet comprend la surveillance nutritionnelle, l'éducation nutritionnelle et à la santé, une supplémentation alimentaire pour les personnes en santé précaire et souffrant de malnutrition aiguë ainsi que le signalement des cas les plus graves aux services de santé du gouvernement. En plus des services sanitaires et nutritionnels de base, le projet centre aussi ses activités sur les adolescents (éducation) et les femmes (développement de savoir-faire et mise en place de crédits pour des activités génératrices de revenus) selon un schéma de participation communautaire.

La supplémentation alimentaire est destinée aux personnes souffrant de malnutrition aiguë et de troubles de la croissance, détectés par les activités de surveillance. Des critères spécifiques de ciblage ont été mis au point après un examen détaillé par le personnel du projet des autres méthodes de ciblage utilisées dans des programmes similaires, comme le Programme de nutrition intégré du Tamil Nadu.

Les critères de ciblage sélectionnés sont les suivants:

Bien qu'on ne dispose pas de données détaillées sur l'efficacité du ciblage, le projet fait état de perte minime des prestations du projet, ainsi que d'un certain degré de non-participation. Ce dernier est dû à l'incapacité dans laquelle se trouve le projet à surmonter certains obstacles sociaux et personnels à la participation, ainsi que des défaillances non spécifiées dans la mise en œuvre du programme. La couverture de la partie du programme liée à la surveillance a augmenté au fil du temps et, en 1995, 90 pour cent des enfants des communautés participantes étaient sous surveillance. Le pourcentage de personnes ayant besoin et bénéficiant d'une supplémentation est passé de 26 pour cent en 1993 à 46 pour cent en 1994, pour retomber à 32 pour cent en 1995. Une préoccupation importante du projet est de savoir si les critères de sortie sont appropriés. Par exemple, les enfants chétifs qui ont pris du poids à la suite de la supplémentation mais qui restent en dessous du poids moyen doivent actuellement quitter le programme de supplémentation. On examine actuellement des dispositifs parallèles pour réintégrer ces enfants et faire en sorte que leurs familles reçoivent une attention particulière.

Programmes ciblés d'alimentation complémentaire

CHILI

Le Programme d'alimentation complémentaire national (PNAC) du Chili est l'action nutritionnelle en cours la plus ancienne du pays et celle dont la couverture est la plus ample. Les compléments nutritionnels sont distribués tous les mois par le biais des dispensaires publics et font partie intégrante du système de soins de santé primaire (SSP). Le type et la quantité d'aliments dispensés varient selon l'âge et l'état nutritionnel du bénéficiaire. Actuellement, 1,2 millions d'enfants de moins de six ans et 200 000 femmes enceintes participent au programme annuellement. Ce chiffre correspond à environ 80 pour cent du nombre total d'enfants de moins de deux ans et 70 pour cent des enfants de d'âge préscolaire ainsi que des femmes enceintes et allaitantes. En 1996, environ 30 000 tonnes de produits alimentaires ont été distribués pour un coût total d'environ 60 millions de dollars E.U., soit environ 7 pour cent du budget total du Ministère de la Santé.

Le complément de base du PNAC est dispensé à des bénéficiaires normaux sur le plan nutritionnel et qui ne montrent aucun signe de malnutrition protéino-énergétique (défini comme un gain en poids de plus de 75 pour cent par rapport au poids de référence de leur âge correspondant aux standards de l'Organisation mondiale de la santé [OMS]). Le programme a été amélioré en 1983 pour fournir des compléments nutritionnels aux nourrissons et aux enfants jugés à risque du fait de l'insuffisance de leur croissance et de leur développement, ou d'indicateurs socio-économiques. Les quantités d'aliments sont bien plus importantes dans les rations des programmes améliorés avec des quantités supplémentaires de riz destinées à tous les membres du ménage afin d'éviter le partage des aliments destinés aux enfants au sein du ménage.

Les femmes. En 1989, on a commencé à inclure l'anthropométrie maternelle dans la surveillance nutritionnelle. Jusqu'en 1987, les conditions de participation au PNAC étaient déterminées en fonction de la norme de prise de poids en cours de grossesse mise au point par l'Université du Chili. La norme Rosso-Mardones a été introduite: elle est basée sur un rapport poids/taille idéal et ajustée en fonction de l'âge de gestation et du poids en début de grossesse. Actuellement, environ 80 pour cent du montant total des compléments nutritionnels reçus par les femmes enceintes sont distribués à des femmes classées comme étant à risque d'après ces normes.

Les enfants. De 1983 à 1994, on a défini les enfants en déficit de croissance à l'entrée du programme selon un des critères suivants: a) rapport poids/taille inférieur à -1 ET par rapport à la norme de référence de l'OMS; ou b) rapport poids/taille supérieur à -1 ET, mais avec un gain de poids de moins de 75 pour cent de celui attendu pour l'âge gestationnel au cours de deux contrôles de santé consécutifs; ou c) enfants de moins de deux ans pesant moins de 50 pour cent du poids normal pour leur âge. Les critères de sortie correspondaient à une prise de poids supérieure à la norme au cours de trois examens de santé consécutifs. En 1990, 17 pour cent de tous les enfants du PNAC étaient classifiés comme étant «à risque biomédical» et ont reçu 52 pour cent du montant total des aliments distribués. Ces enfants ont été suivis de plus près et ont subi des examens médicaux plus fréquents.

Une évaluation du programme en 1992 a montré que les bénéfices nutritionnels du programme amélioré étaient marginaux pour la plupart des enfants et qu'il n'y avait aucune relation entre la durée de la participation dans le programme amélioré et l'état nutritionnel à l'entrée. En fait, en moyenne, les enfants dont le rapport poids/taille était inférieur à -1 ET par rapport à la norme d'entrée OMS de référence sont restés autant de temps dans le programme que ceux dont le rapport poids/taille était supérieur ou égal à la médiane. A l'entrée du programme, seuls 14 pour cent des enfants étaient classés comme très légèrement émaciés (rapport poids/taille inférieur à -1 ET). Les autres avaient un rapport poids/taille normal ou élevé. En outre, les critères de gains de poids se sont avérés très sensibles mais peu spécifiques pour déterminer ceux qui avait besoin de davantage de nourriture. L'évaluation a conclu que le programme amélioré tendait à cibler des enfants qui n'étaient pas vraiment en danger de malnutrition. De plus, les critères de sortie ont été jugés inadéquats, puisqu'une grande proportion des enfants maintenus dans le programme n'en a pas tiré de bénéfice réel en termes de croissance.

Suite à cette évaluation, les méthodes de ciblage ont été révisées et correspondent actuellement aux définitions internationales: les enfants souffrant de malnutrition sont définis comme étant ceux dont le rapport poids/âge est inférieur à -2 ET par rapport aux normes de référence de l'OMS pour les enfants de moins de deux ans. Pour les enfants de plus de deux ans, la malnutrition est définie pour un rapport poids/taille inférieur à -2 ET. Les enfants de moins de deux ans en danger de malnutrition sont définis comme ayant un rapport poids/âge situé entre -1 et -2 ET. Après deux ans, c'est un rapport poids/taille entre -1 et -2 ET qui indique un risque de malnutrition. Le programme a également modifié les critères de sortie. Actuellement, les enfants en danger de malnutrition sont maintenus au maximum six mois par an. Pour sortir du programme, les enfants mal nourris doivent présenter en trois examens de santé successifs un rapport poids/taille supérieur à -1 ET (norme de référence de l'OMS). Ces modifications, basées sur des informations pertinentes et des critères techniques, ont amélioré le ciblage et le rapport coût/efficacité du programme.

Le PNAC se basant sur des informations collectées au cours d'examens de santé réguliers, le ciblage n'entraîne pas de charge administrative supplémentaire. Compte tenu des bons résultats du ciblage, il est clair qu'un système de surveillance efficient, basé au dispensaire, pouvant faire état du niveau de l'aide dispensée selon l'âge et l'état nutritionnel est vital pour assurer une utilisation rationnelle de ressources limitées. Un ciblage géographique implicite a lieu également à l'intérieur du PNAC puisqu'il y a davantage de dispensaires publics dans les zones défavorisées que dans les zones plus aisées. Le PNAC est en partie auto-ciblé puisque de nombreuses familles aux revenus moyens et plus élevés n'y participent pas en raison des longues files d'attente nécessaires pour obtenir les compléments. Jusqu'à 1994, la participation dans les deux «quintiles» les plus élevés était relativement importante, 60 pour cent et 23 pour cent respectivement. Bien que le niveau des revenus ne soit pas un critère de ciblage spécifique, les observations semblent démontrer qu'il serait toujours nécessaire de procéder à des critères de ciblage plus restrictifs.

COSTA RICA

Les centres de nutrition CEN-CENA assurent les services suivants: a) garderies de jour fournissant des repas, éducation nutritionnelle, surveillance de la croissance et éducation des jeunes enfants; b) un programme de distribution de lait à emporter; et c) un panier alimentaire familial à emporter. Le ciblage est basé sur l'emplacement géographique, les cas signalés par des experts, la situation des mères en matière d'emploi et le pourcentage de risques psychosociaux déterminés par des réponses à un questionnaire simple. Pour tous les programmes, l'intégration des enfants se fait en fonction des priorités suivantes: a) les victimes de malnutrition, de mauvais traitement ou d'abandon, les enfants dont le cas aura été signalé par une institution ou ceux ayant obtenu un score supérieur à 40 au questionnaire; b) ceux dont les mères travaillent hors de la maison et dont le score au questionnaire atteint ou dépasse 50; c) ceux dont les mères ne travaillent pas à l'extérieur et qui obtiennent un score de 60 ou plus. Les garderies nécessitent aussi que les enfants vivent dans un rayon d'un kilomètre. Les enfants souffrant de malnutrition sont identifiés par l'intermédiaire des centres de santé locaux. Ceux qui sont admis après une évaluation des risques sont habituellement évalués à la demande de membres de la famille. Les agents de santé des dispensaires ou les enseignants peuvent aussi signaler certains enfants pour une évaluation des risques.

RÉPUBLIQUE DOMINICAINE

Le Programme maternel et infantile (PROM) n'a été mis en place que dans les trois régions les plus pauvres du pays. Il consiste en une surveillance de la croissance, une éducation nutritionnelle et des rations de compléments au femmes enceintes et allaitantes, ainsi qu'au enfants de moins de trois ans que l'on juge en danger de malnutrition. Les femmes enceintes sont considérées à risque dans les cas suivants: a) elles ont un périmètre brachial de moins de 23,5 cm; b) leur dernière grossesse remonte à l'année précédente; c) leur dernier enfant est décédé moins d'un après sa naissance; ou d) elles sont âgées de plus de 35 ans. Les enfants sont considérés à risque s'ils ont un rapport poids/âge insuffisant, compris entre le deuxième ou troisième degré, ou s'ils n'ont pas pris de poids pendant deux mois consécutifs. Les évaluations sont faites sur place par les agents de santé.

PÉROU

Le ciblage du «Programme de nutrition et d'alimentation pour les familles à haut risque» est effectué par des agents de santé par le biais d'évaluations faites en dispensaire ou à domicile. Pour chaque enfant évalué dans le cadre du programme, les agents de santé des centres de soins concernés remplissent un formulaire évaluant dix facteurs de risque, y compris des facteurs socio-économiques et biomédicaux. Les enfants de moins de deux ans qui pèsent moins de 90 pour cent du poids normal correspondant à leur âge sont automatiquement admis à participer. Dans les autres cas, l'agent de santé classe les enfants selon le nombre de facteurs de risque indiqués dans leurs réponses. Les rations restantes sont attribuées par ordre de priorité. L'allocation des rations à chaque centre de soins est basée sur les renseignements dont on dispose sur la population et sur des mesures de l'état nutritionnel spécifiques à chaque centre. La mise en œuvre de ce système ne s'est pas avérée très efficace. Selon l'évaluation, 89 pour cent des ménages étudiés remplissaient les conditions d'éligibilité, principalement sur la base d'une évaluation des facteurs socio-économiques. Peu d'importance était accordée aux facteurs de risque biomédicaux. En pratique, les visites à domicile sont très rares.

Subventions alimentaires ciblées

ÉGYPTE

L'Égypte a un système de subventions alimentaires vaste et relativement complexe. Il remonte à 1941, date à laquelle un rationnement a été mis en place par le Gouvernement égyptien pour fournir aux consommateurs des produits de première nécessité à prix modiques tels que l'huile, le thé et le pétrole. Le système de subventions alimentaires fait partie d'une politique cohérente suivie depuis les cinquante dernières années pour assurer à la population un accès généralisé aux produits essentiels. Au cours des années 50 et 60, le prix de revient total du système se maintenait à un niveau peu élevé, mais pendant les années 70 les coûts ont fortement augmenté en réponse à la hausse des cours du blé. En 1980, le système de subventions alimentaires avait pris de l'extension: il englobait 18 produits alimentaires et représentait 17 pour cent des dépenses totales du gouvernement. A cette époque, presque toute la population égyptienne avait accès aux aliments subventionnés par l'intermédiaire de cartes de rations.

Depuis le début des années 80, le Gouvernement égyptien a réduit les dépenses publiques sur tous les produits subventionnés, y compris les produits alimentaires. Pour diminuer les coûts des subventions alimentaires, le gouvernement a utilisé toute une série de stratégies: augmentation du prix des produits alimentaires, réduction du nombre des détenteurs de cartes de rations et réduction à la fois du nombre et de la quantité de produits alimentaires subventionnés accessibles aux consommateurs. Ces stratégies ont été mises en place petit à petit, sans heurt, permettant aux consommateurs de s'adapter plus facilement aux changements et évitant les difficultés immédiates que peuvent causer des changements abrupts dans une politique de subventions alimentaires.

Depuis 1995, seuls quatre produits (le pain, la farine de blé, le sucre et l'huile) sont subventionnés en Egypte, ce qui représente moins de 6 pour cent des dépenses totales du gouvernement. Le pain bis (baladi) et la farine de blé sont vendus à tous les Egyptiens sans restriction. Le sucre et l'huile sont distribués aux consommateurs sur la base d'un quota mensuel par le biais de cartes de rations divisées en deux catégories, selon un critère de revenus: les cartes vertes fournissent un taux de subsides plus élevé aux ménages à bas revenus et les cartes rouges catégorisent les ménages aux revenus plus élevés. Dans le système de cartes de rationnement, la quantité d'huile et de sucre subventionnés que l'on peut se procurer tous les mois dépend de la taille de la famille (rations par tête). Environ 80 pour cent des ménages égyptiens détiennent une carte d'alimentation, sous une forme ou une autre.

Les boulangers reçoivent une quantité journalière de farine de blé subventionnée et doivent produire une quantité déterminée de miches de pain «baladi» d'un poids spécifié par un kilogramme de farine. Une surveillance de la production est en place pour assurer le respect des normes et prévenir les pertes. Il existe un système d'amendes en cas d'infractions au règlement.

Grâce à ces réformes, le gouvernement a réussi à réduire le coût total des subventions alimentaires de 2 918 millions LE en 1980-81 à 865 millions LE en 1994-95. En 1994-95 les subventions pour le pain et la farine représentaient 60 pour cent du budget total des subventions alimentaires. De plus, l'existence d'autres types de pains non subventionnés a créé une demande au sein de la population plus aisée, permettant de réduire les coûts proportionnellement au nombre de bénéficiaires, de 92 pour cent à seulement 67 pour cent. Il est intéressant de noter que le pain bis «baladi» subventionné (82 à 90 de taux d'extraction) est supérieur sur le plan nutritionnel aux autres pains non subventionnés faits avec une farine fine ou très fine (respectivement 76 et 72 pour cent de taux d'extraction). Il contient en effet davantage de fibres, de vitamines et de minéraux et il a très bon goût.

Sur un plan général, le système actuel de subventions alimentaires a réussi à assurer aux pauvres la sécurité alimentaire en offrant un certain nombre de produits de base par une combinaison d'auto-ciblage (pour le pain «baladi» et le blé) et de ciblage sur la base des revenus pour le sucre et l'huile. Cependant, le coût absolu des subventions alimentaires reste élevé. Le gouvernement procède actuellement à une évaluation rigoureuse du programme de subvention alimentaire pour continuer à améliorer l'efficacité du programme et lui permettre d'atteindre les couches les plus démunies de la population.

RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D'IRAN

En Iran, la subvention des produits alimentaires de base fait partie d'une longue tradition de politique de prix à la consommation. Un des objectifs majeurs de cette politique est de maintenir à un niveau modeste les prix alimentaires pour les consommateurs. Parmi les produits subventionnés, on trouve la farine de blé et le pain, le sucre, le riz, les produits laitiers, la viande, le thé et l'huile de table.

Le programme de subventions alimentaires iranien s'adresse à toutes les classes socio-économiques rurales et urbaines. Ce programme de subvention non ciblé entraîne peu de coûts administratifs mais il implique des coûts fiscaux élevés pour le gouvernement. En 1997 par exemple, le coût des subventions alimentaires représentait presque 6 pour cent du produit intérieur brut (PIB) au prix courant. Environ 64 pour cent de l'aide a été dirigée vers les populations urbaines et le reste vers les populations rurales.

La majeure partie du budget de subvention alimentaire (75 pour cent en 1997) a été consacrée à la farine de blé pour que le pain se maintienne à un prix modique pour les consommateurs. Pour y parvenir, le gouvernement achète aux agriculteurs locaux leur production de blé à un cours conventionné, révisé chaque année par le Conseil Economique National, et il la vend aux boulangeries à un prix beaucoup plus bas. En 1997 par exemple, le gouvernement a payé 480 rials le kilogramme de blé au producteur local et l'a fourni aux boulangeries au prix de 40 rials le kg (moins d'un dixième du prix payé aux producteurs).

En raison des coûts élevés du système généralisé de subvention alimentaire, le gouvernement étudie maintenant la mise en place d'un système de subvention alimentaire plus efficient par le biais de l'auto-ciblage.

TUNISIE

Depuis 1970, le Gouvernement tunisien subventionne la consommation de produits alimentaires de base. Dès les années 80, le système de subvention généralisé s'est avéré très coûteux, représentant 4 pour cent du PIB et 10 pour cent des dépenses totales du gouvernement. L'ampleur et la hausse des coûts du programme, combinées à un taux de perte important en direction des non nécessiteux, ont rendu urgente la révision du système de subvention généralisé. Le gouvernement a mis en place un programme de réformes prévoyant: 1) l'amélioration de l'intervention ciblée en direction des pauvres; 2) l'ajustement graduel des prix pour réduire et éliminer progressivement les subventions sur certains produits (comme les aliments pour animaux); et 3) la réduction des coûts inutiles de production et de distribution pour les produits subventionnés.

Le gouvernement a adopté une politique pour promouvoir l'auto-ciblage par le biais d'une différentiation de qualité. Ceci implique l'examen de données relatives aux dépenses des ménages pour déterminer s'il existe des différences de consommation significatives entre les différents groupes de revenus. Ainsi, si les pauvres consomment un panier alimentaire différent des consommateurs plus riches, on pourra choisir de subventionner le panier des pauvres pour se concentrer sur les produits (inférieurs) que les consommateurs plus riches jugeront peu attractifs parce qu'il existe d'autres produits de meilleure qualité. Cette approche de «produits supérieurs» permet la mise à disposition sur le marché, à des prix plus élevés, d'autres variétés ou qualités de produits pour ceux qui ont les moyens de se les procurer. On assistera alors à une modification de la demande de la part des ménages plus aisés qui, par conséquent, consommeront moins de produits subventionnés. Avec ce type de stratégie d'auto-ciblage, les produits alimentaires subventionnés restent à la disposition de tous, mais ils sont sélectionnés de manière à ne pas inciter les riches à les consommer.

Dès 1993, le programme tunisien de réforme par l'auto-ciblage avait déjà réduit de manière notable les coûts d'ensemble et les dépenses gouvernementales. La réforme a également été efficace sur le plan de l'équité: dans le cadre d'un programme généralisé de subvention, davantage de bénéfices en termes absolus étaient transférés aux riches plutôt qu'aux pauvres alors que l'auto-ciblage permet aux pauvres de bénéficier plus des aliments subventionnés que les riches.

On peut tirer plusieurs leçons de l'exemple tunisien:

Résumé des actions d'auto-ciblage en Tunisie


ACTIONS SUR LES PRODUITS ALIMENTAIRES «INFÉRIEURS»

ACTIONS SUR LES PRODUITS ALIMENTAIRES «SUPÉRIEURS»

Produits à base de blé dur

· Maintien des subventions sur la semoule (continu)

· Elimination des subventions directes sur le couscous et les pâtes (1993)

Produits à base de blé sur les panifiable

· Remplacement des subventions sur n Elimination des subventions le gros pain par des subventions sur un seul pain subventionné (pain unique) fait à partir d'une farine distincte à haute extraction (1995-96)

· Elimination des subventions sur les baguettes (1993)

· Elimination des subventions sur la farine de pâtisserie (1991)

· Déréglementation de la fabrication d'autres pains attirant la demande des consommateurs à plus hauts revenus (à partir de 1991)

Huiles de cuisson

· Elimination de l'huile d'olive de la composition de l'huile de mélange subventionnée: création d'une huile générique subventionnée (1989)

· Glissement des subventions vers l'huile générique vendue principalement aux pauvres en petites quantités à partir de grands bidons (en vrac) et retrait des subventions sur l'huile en bouteille principalement achetée par les riches (différenciation du type d'huile: depuis 1989; différenciation d'emballage, à l'étude)

· Libéralisation des importations d'huiles pures en bouteilles en verre et vendues au prix coûtant pour attirer les consommateurs à plus hauts revenus et réduire la consommation des huiles subventionnées (1992)

· Création d'une huile de consommation «mixte fixe» avec 40 % d'huile d'autres grains pour diversifier l'éventail des produits sur le marché et réduire les subventions par litre (1993)

· L'huile d'olive joue aussi le rôle de produit «supérieur» (continu)

Sucre

· Glissement des subventions vers le sucre brun moins raffiné qui n'est

pas apprécié des groupes à plus hauts revenus (1990)

· Elimination des subventions sur le sucre en morceaux qui n'est pratiquement consommé que par les riches (1991)

Lait

· Glissement des subventions vers le lait pasteurisé reconstitué (type de lait le moins apprécié), conditionné dans des packs moins attrayants pour les consommateurs aisés, comme les berlingots et les coussins (1991-1994)

· Application d'une petite subvention promotionnelle, de courte durée, sur le lait frais stérilisé produit localement (très prisé) consommé principalement par les riches (1992)

Programmes ciblé d'enrichissement des aliments: Pakistan

PAKISTAN

Le Pakistan a essayé de corriger un problème très grave de carence en vitamine A par un enrichissement alimentaire. Le «Banaspati ghee», une sorte d'huile hydrogénée largement utilisée pour la cuisson des aliments, a été choisi pour servir de support alimentaire à l'enrichissement en vitamine A. Afin de réduire l'écart entre la demande croissante en huile hydrogénée et les stocks limités, le gouvernement a adopté des mesures pour inciter les industriels à augmenter la production, tout en la fortifiant en vitamine A (33 ui/g ou 9,9 µg/g). Le gouvernement a rendu obligatoire par un texte de loi l'enrichissement en vitamine A du ghee et de l'huile.

Si les mesures adoptées ont conduit à une augmentation de la production, peu d'attention a été prêtée au contrôle et à la garantie de qualité. En conséquence des quantités relativement importantes d'huile ont été produites mais avec un niveau d'enrichissement en vitamine A peu élevé et même dans certains cas, l'huile n'était pas enrichie. Une évaluation en 1993 du niveau de vitamine A dans différentes marques de «Banaspati ghee», d'huile végétale et de margarine a révélé qu'aucun de ces produits ne contenaient le niveau en vitamine A spécifié par l'Institut pakistanais des normes. Seulement 40 pour cent des échantillons analysés contenaient la moitié du niveau recommandé, et ceci dans le meilleur des cas. Les 60 pour cent restants avaient des niveaux de vitamine A encore inférieurs.

Ceci est un exemple d'auto-ciblage par sélection du support alimentaire à enrichir. Un produit qui est très présent dans le régime alimentaire des groupes à faibles revenus, comme c'est le cas du ghee au Pakistan, atteindra les groupes les plus vulnérables. Il pourra en outre contribuer à la prévention des carences en micronutriments dans d'autres groupes, selon les habitudes de consommation de l'aliment fortifié. La préoccupation est davantage la couverture adéquate des groupes vulnérables que les pertes vers des groupes moins vulnérables.


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