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Comment améliorer l'efficacité opérationnelle de la Décision de Marrakech sur les mesures concernant les effets négatifs possibles du programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires[57]


1. Rappel des faits

L'une des questions les plus largement débattues pendant les négociations du Cycle d'Uruguay a été l'impact négatif que pouvait avoir la libéralisation du commerce de produits agricoles sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires. L'on craignait en effet que la libéralisation n'ait des répercussions relativement plus marquées sur les prix mondiaux des produits alimentaires que ces pays importent en grandes quantités, d'ailleurs croissantes, que sur les produits de l'agriculture tropicale, qui représentent les principales exportations de ces pays. La libéralisation du commerce de produits agricoles pouvait également avoir un impact négatif en entraînant une érosion des préférences par le biais de la réduction des droits de douane et en aggravant la difficulté pour ces pays d'accroître le volume de leurs exportations de produits agricoles du fait des contraintes qui existaient sur le plan de l'offre. Plusieurs études sont parvenues à la conclusion que, tout au moins pendant le processus de réformes, celui-ci pourrait avoir un impact négatif sur ce groupe de pays, dont beaucoup sont parmi les plus pauvres du monde et parmi ceux où l'insécurité alimentaire est la plus grave.

Ces craintes ont été prises en considération au niveau politique. Ainsi, la Décision ministérielle de Marrakech sur les mesures concernant les effets négatifs possibles du programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires (ci-après dénommée la "Décision") comportait notamment le passage suivant:

“Les Ministres reconnaissent que, pendant la mise en oeuvre du programme de réforme conduisant à une libéralisation accrue du commerce des produits agricoles, les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires risquent de subir des effets négatifs pour ce qui est de disposer d'approvisionnements adéquats en produits alimentaires de base provenant de sources extérieures suivant des modalités et à des conditions raisonnables, y compris d'avoir des difficultés à court terme à financer des niveaux normaux d'importations commerciales de produits alimentaires de base.”

Cette Décision prévoyait quatre mécanismes tendant à parer à ces effets négatifs:

Les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires sont actuellement au nombre de 49 et 19 respectivement. Toutes les statistiques pertinentes font apparaître une nette différence entre ces deux groupes de pays et le reste des pays en développement pour ce qui est de la sécurité alimentaire et de la capacité d'importer des denrées alimentaires[59].

Cette Décision n'a toujours pas été appliquée comme il convient, ce dont s'inquiètent tous les pays, aussi bien donateurs que bénéficiaires, alors même que l'engagement politique de la mettre en oeuvre a été périodiquement réaffirmé lors de grandes conférences, comme le Sommet mondial de l'alimentation, la CNUCED et l'OMC. Pour de nombreux observateurs, l'inapplication de cette Décision, même pendant une période comme celle qui s'est écoulée entre 1995/96 et 1996/97, pendant laquelle les prix des produits alimentaires sur les marchés mondiaux ont nettement augmenté, de même que la facture des importations de produits alimentaires (voir encadré 1), est peut-être due au fait que la manière dont elle a été conçue souffre d'un sérieux vice inhérent.

Encadré 1. La facture des importations céréalières pendant la période 1995-1998

Pendant les période 1995/96 et 1996/97, les cours mondiaux des céréales ont considérablement augmenté, ce qui s'est traduit pour les PMA et les PDINA par une hausse d'approximativement 49 pour cent de la facture d'importations céréalières par rapport à la moyenne des deux années précédentes. La hausse de la facture des importations de denrées alimentaires a été imputable principalement à l'augmentation du coût unitaire des importations de céréales, mais il y a eu aussi un net recul des expéditions d'aide alimentaire pendant cette période (qui sont tombées d'à peu près 15 pour cent du total des importations céréalières en 1993/94 à 9 pour cent en 1995-97). Le déficit a dû être comblé par des importations commerciales aux cours plus élevés des marchés mondiaux, non subventionnés. Avec la baisse des cours mondiaux enregistrée après 1997, le coût des importations de céréales a lui aussi diminué, mais pas dans les mêmes proportions du fait de l'augmentation du volume des importations, de la faiblesse continue de l'aide alimentaire et de la réduction du subventionnement des exportations. Il semble par conséquent que la facture des importations céréalières se soit actuellement stabilisée à un niveau plus élevée qu'avant le Cycle d'Uruguay 1995.

Source: Voir note 3.

Dans le contexte des nouvelles négociations sur le commerce de produits agricoles, il est essentiel de créer un climat de confiance pour favoriser la poursuite du processus de réformes. À cette fin, il faudra notamment que tous les engagements pris, y compris dans le contexte de la Décision, soient honorés. Pour tous les pays en développement qui souffrent d'insécurité alimentaire, la sécurité alimentaire demeure l'une des premières priorités. La mise en place d'un mécanisme sur lequel l'on puisse compter lorsque les temps sont difficiles pourrait à la fois créer un environnement propice aux négociations commerciales et encourager les pays à libéraliser davantage leurs marchés des produits alimentaires.

L'objectif de la présente note est d'analyser un certain nombre d'idées qui pourraient faciliter l'application de la Décision. Dans ce contexte, la section 2 définit quelle est la nature des "effets négatifs" évoqués dans la Décision et donne un ordre de grandeur approximatif de l'"excédent" de la facture des importations de produits alimentaires. La section 3 contient des informations au sujet des trois instruments prévus dans la Décision pour aider les pays qui se heurtent dans l'immédiat à des difficultés en matière d'importation de produits alimentaires. La section 4, enfin, analyse deux propositions concernant la mise en oeuvre de la Décision.

2. La nature et l'ampleur du problème alimentaire envisagé dans la Décision

Définition des "effets négatifs"

La Décision définit la nature du problème alimentaire en termes généraux, indiquant que la mise en oeuvre du programme de réforme risque d'avoir des effets négatifs sur les PMA et les PDINA, pour lesquels il pourra être difficile de se procurer à l'étranger des quantités suffisantes de produits alimentaires de base à des conditions raisonnables. Les difficultés évoquées ont manifestement trait à des considérations économiques ou à la possibilité de se procurer des produits alimentaires sur les marchés mondiaux "à des conditions raisonnables", ce qui est effectivement un problème pour un grand nombre de pays en développement importateurs nets de produits alimentaires. La Décision envisage donc trois[60] mécanismes d'intervention de nature à améliorer l'accès économique à l'alimentation et à atténuer ainsi les effets négatifs possibles du programme de réformes.

Que faut-il entendre par "conditions raisonnables" et comment peut-on déterminer que des conditions sont "déraisonnables"? L'on pourrait certes définir ce problème de bien des façons différentes, mais une interprétation simple de ce qu'il faut entendre par des conditions "déraisonnables" pour les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires serait des factures d'importation dépassant la normale.

Mécanisme de déclenchement de l'assistance

Un mécanisme de déclenchement est indispensable pour pouvoir décider comment et quand intervenir. Le texte de la Décision offre certaines indications sur ce point. En particulier, elle ne repose pas sur une interprétation étroite des effets négatifs qui serait fondée sur les causes spécifiques du problème, par exemple une hausse brutale des prix sur les marchés mondiaux ou une diminution marquée de l'aide alimentaire mais se réfère plutôt aux effets négatifs de caractère plus général du programme dans son ensemble.

Ces considérations portent à penser que les mécanismes de déclenchement ne devraient pas être fondés sur les divers facteurs qui sont à l'origine du problème (par exemple une augmentation des cours mondiaux) mais plutôt sur l'intégralité du résultat lui-même, c'est-à-dire le niveau imprévu des factures d'importations alimentaires. Il en découle en outre que le mécanisme de déclenchement est fondé sur un résultat propre à un pays, par exemple à une augmentation exceptionnelle de sa facture d'importation. Ainsi, la Décision paraît avoir envisagé la nécessité de fournir chaque année une assistance à certains pays, bien que généralement différents, plutôt qu'à tous les PMA et PDINA pendant une année déterminée, comme 1995/96, année pendant laquelle les prix mondiaux des céréales ont brutalement augmenté.

Comment déterminer que la facture des importations de produits alimentaires est "déraisonnable" ou "excessive"

Bien que, pour la plupart des PDINA, les céréales représentent une proportion importante du total des importations de produits alimentaires, les autres produits, en particulier les huiles végétales, la viande et les produits laitiers, ainsi que le sucre, constituent également un élément significatif du régime alimentaire des pauvres et du total de la facture des importations de produits alimentaires. Aux fins de la présente analyse et pour démontrer leur ordre de grandeur, l'excédent des factures d'importation de produits alimentaires a été calculé séparément pour les céréales uniquement (Aliments I) et pour une plus large catégorie de denrées, comprenant également la plupart des produits de grande consommation, à savoir les huiles végétales, les produits laitiers et la viande et le sucre (Aliments II).

Deux seuils différents ont été établis pour mesurer l'excédent de la facture: i) les factures d'importation dépassant 105 pour cent de la tendance générale et ii) les factures dépassant 110 pour cent de cette tendance[61]. La différence entre les factures effectives et ces seuils est considérée comme la partie "excessive" ou "déraisonnable" de la facture des importations de produits alimentaires, pour reprendre les termes employés dans la Décision[62].

Aux fins des calculs, l'excédent, en chiffres absolus, des factures d'importation de produits alimentaires, tel que défini selon les critères susmentionnés, a été ajouté séparément pour 46 PMA[63], les 19 PDINA et les deux groupes ensemble. Les valeurs indiquées au tableau 1 sont les moyennes de ces totaux pour la période considérée de dix ans (1989-1998). La valeur maximum est le total annuel le plus élevé. Dans le contexte de la règle des 10 pour cent, l'excédent moyen de la facture des importations de produits alimentaires des PMA a été de 179 millions de dollars EU pour la catégorie Aliments I et de 224 millions de dollars EU pour la catégorie Aliments II. Les maximums correspondants ont été de 421 millions EU et de 441 millions de dollars EU, en 1992 et 1996 respectivement. Selon la règle des 5 pour cent, les moyennes et les maximums ont été plus élevés. Pour l'ensemble de l'échantillon de 65 pays, selon la règle des 10 pour cent, la moyenne de l'excédent a été de 401 millions de dollars EU pour la catégorie Aliments I et de 432 millions de dollars EU pour la catégorie Aliments II, et le maximum a légèrement dépassé 1 milliard de dollars EU. L'excédent de la facture des importations n'a dépassé 500 millions de dollars EU que trois années sur dix: en 1995 (984 millions EU), en 1996 (1 037 millions EU) et en 1998 (502 millions EU). À l'autre extrême, c'est en 1991 que cet excédent, pour l'ensemble des 65 pays, a été le plus faible (84 millions de dollars EU).

Il est évident que, dans le cas d'un échantillon aussi nombreux, l'excédent des factures d'importation variera beaucoup d'un pays à un autre et, pour le même pays, d'une année sur l'autre. Il convient cependant de noter que, pendant une année considérée, seul un groupe plus restreint de pays est confronté à des factures excessives, et que c'est ce qui importe dans le contexte d'un mécanisme de compensation[64].

Tableau 1. Factures des importations de produits alimentaires dépassant de 5 pour cent et de 10 pour cent les tendances générales (en millions de dollars EU)


Plus de 5% au-dessus des tendances

Plus de 10% au-dessus des tendances

Moyenne

Maximum

(année)

Moyenne

Maximum

(année)

Aliments I (céréales uniquement)






PMA (46)

216

466 (1992)

179

421 (1992)


PDINA (19)

300

914 (1996)

222

714 (1996)


Total 65 pays

515

1 252 (1996)

401

998 (1996)

Aliments II (céréales et autres produits)






PMA (46)

290

549 (1996)

224

441 (1996)


PDINA (19)

336

978 (1996)

208

647 (1995)


Total 65 pays

627

1 527 (1996)

432

1 037 (1996)

Notes: La moyenne correspond aux chiffres moyens, pour 1989-1998, de l'excédent total des factures d'importation. Le maximum représente le chiffre le plus élevé atteint pendant une année quelconque durant la période 1989-1998. La catégorie Aliments II comprend les céréales, les produits laitiers et la viande, les huiles végétales et le sucre.

Source: Calculs effectués sur la base des données FAOSTAT.

3. Les trois mécanismes d'intervention prévus par la Décision

Pour évaluer les différentes propositions exposées dans la section 4, il faut bien comprendre comment les trois mécanismes d'intervention opèrent actuellement. C'est ce que l'on verra ci-après.

Aide alimentaire

La Décision prévoit une action à deux niveaux. Premièrement, les Ministres doivent revoir le niveau de l'aide alimentaire fixé périodiquement par le Comité de l'aide alimentaire créé en application de la Convention de 1986 relative à l'aide alimentaire (CAA) et entamer des négociations pour établir un niveau d'engagements d'aide alimentaire suffisant pour répondre aux besoins légitimes des pays en développement pendant la mise en oeuvre du programme de réforme. Deuxièmement, elle prévoit "l'adoption de principes directeurs tendant à faire en sorte qu'une proportion croissante de produits alimentaires de base soit fournie aux PMA et aux PDINA sous forme de dons et/ou à des conditions concessionnelles appropriées, conformément à l'article IV de la Convention relative à l'aide alimentaire".

Pour ce qui est du premier point, la CAA de 1999 a fixé le minimum des engagements d'aide alimentaire à 4 895 000 tonnes d'équivalents blé (plus 130 millions d'euros en espèces). Le volume effectif de l'aide alimentaire accordée a généralement dépassé ce niveau minimum.

Pour ce qui du deuxième point, et c'est là l'important dans le contexte actuel, la CAA de 1999 range les pays et territoires pouvant bénéficier d'une assistance en quatre catégories (voir encadré 2) comme suit: a) tous les PMA; b) 24 pays à faible revenu (dont 6 PDINA); c) 52 pays de la tranche inférieure des revenus intermédiaires (dont 9 PDINA) et d) 4 PDINA ne figurant dans aucune des trois catégories précédentes (voir encadré 2).

Encadré 2. Pays et territoires pouvant recevoir une assistance en vertu de la Convention relative à l'aide alimentaire de 1999

Article VII - Pays et territoire pouvant recevoir une assistance

a) Une aide alimentaire peut être fournie en vertu de la présente Convention aux pays et territoires en développement énumérés à l'annexe B, à savoir:

i) les pays les moins avancés;
ii) les pays à faible revenu;
iii) les pays de la tranche inférieure des revenus intermédiaires et les autres pays figurant sur la liste des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires établie par l'OMC en vigueur à la date de négociation de la présente Convention lorsque des situations d'urgence ou des crises financières internationalement reconnues entraînent des pénuries de produits alimentaires ou lorsque des opérations d'aide alimentaire sont organisées pour secourir les groupes vulnérables.

b) Aux fins de l'alinéa a) ci-dessus, les modifications apportées à la liste établie par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) où figurent les pays et territoires en développement énumérés aux rubriques a) à c) de l'annexe B s'appliquent également à la liste des pays et territoires pouvant recevoir une assistance en vertu de la présente Convention.

c) Les membres, dans l'allocation de leur aide alimentaire, accordent la priorité aux pays les moins avancés et aux pays à faible revenu."

Annexe B - Pays et territoire pouvant recevoir une assistance

"Les pays et territoires pouvant bénéficier d'une aide alimentaire en vertu de l'article VII de la présente Convention sont les pays et territoires en développement figurant sur la liste des pays bénéficiaires d'une assistance établie par le CAD de l'OCDE en vigueur au 1er janvier 1997 ainsi que les pays figurant sur la liste des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires établie par l'OMC en vigueur au 1er mars 1999.

a) Pays les moins avancés - 48 pays énumérés.*

b) Pays à faible revenu - 24 pays énumérés, y compris 6 PDINA (Côte d'Ivoire, Honduras, Kenya, Pakistan, Sénégal et Sri Lanka).

c) Pays de la tranche inférieure des revenus intermédiaires - 52 pays énumérés, y compris 9 PDINA (Botswana, Cuba, Égypte, Jamaïque, Maroc, Pérou, République dominicaine, Tunisie et Venezuela).

d) PDINA figurant sur la liste de l'OMC (non inclus ci-dessus) - 4 PDINA énumérés (Barbade, Maurice, Sainte-Lucie, Trinité-et-Tobago)."

* Comme indiqué ci-dessus, le Sénégal a depuis lors été ajouté à la liste des PMA.

Aux termes de l'article VII de la Convention, la priorité doit être accordée aux catégories a) et b), c'est-à-dire aux PMA et aux pays à faible revenu (dont six PDINA). Le même article définit certains critères pour les deux autres groupes, qui comprennent les 13 autres PDINA.

En résumé, plusieurs points méritent d'être relevés dans le contexte de la Décision. Le premier est que comme la CAA de 1999 n'a pas mis tous les PMA et PDINA sur le même pied pour ce qui est des priorités et critères applicables aux allocations d'aide alimentaire, l'on pourrait se trouver en présence de situations telles que les besoins des 13 autres PDINA ne soient pas pleinement pris en compte. Deuxièmement, les critères d'allocation de l'aide alimentaire suggérés pour les groupes c) et d) ne sont pas tout à fait conformes à ceux énoncés dans la Décision, le principe de compensation implicite dans cette dernière étant rigoureusement lié au processus de réforme et non à des considérations comme l'existence de crises financières internationales ou de programmes d'alimentation de groupes vulnérables. Il est donc douteux que la CAA reflète fidèlement les préoccupations exprimées dans la Décision.

Facilité de financement compensatoire

Au paragraphe 5 de la Décision, les Ministres ont reconnu que "par suite du Cycle d'Uruguay, certains pays en développement risquent d'avoir à court terme des difficultés à financer des niveaux normaux d'importations commerciales et que ces pays pourraient être admis à tirer sur les ressources d'institutions financières internationales, disponibles au titre des facilités existantes ou de facilités qui pourraient être créées, dans le contexte de programmes d'ajustement, pour faire face à ces difficultés de financement". La phrase suivante mentionne les consultations entre le Directeur général du GATT, le Directeur général du FMI et le Président de la Banque mondiale. Étant donné cette référence, l'attention s'est tournée surtout vers les mécanismes existants des deux institutions de Bretton Woods et en particulier du Fonds, qui avait déjà établi un mécanisme de financement pour les céréales. Jusqu'à présent, l'autre option mentionnée ci-dessus, c'est-à-dire les "facilités qui pourraient être créées" n'a guère suscité de débat. Les principales caractéristiques de la facilité céréalière du FMI sont résumées dans l'encadré 3.

Encadré 3. La Facilité de financement compensatoire du FMI

La Facilité de financement compensatoire (FFC) du FMI a été créée en 1963 pour aider les pays à faire face à des chocs exogènes temporaires affectant les recettes d'exportation sans devoir avoir recours à des ajustements excessifs et inutiles. La couverture de la FFC a été élargie en 1981 pour englober les coûts excessifs d'importations céréalières. En 1998, cette facilité a été intégrée à un nouveau mécanisme de financement pour aléas extérieurs afin de créer un nouveau mécanisme appelé Facilité de financement compensatoire et de financement pour imprévus (FFCI). Le mécanisme de financement pour aléas extérieurs a cependant été éliminé au début 2000, et le nouveau mécanisme a repris le titre de Facilité de financement compensatoire.

La FFC a pour but de fournir, au moment opportun, une assistance aux pays membres qui sont confrontés à des difficultés de balance des paiements résultant d'une diminution temporaire des recettes d'exportation (ou d'une augmentation du coût des importations de céréales). La baisse des recettes d'exportation et/ou hausse du coût des importations de céréales doit être considérée comme temporaire, c'est-à-dire comme un écart par rapport à la tendance qui devrait s'inverser, et il doit être imputable à des facteurs échappant pour l'essentiel à la volonté des autorités.

Les limites fixées pour l'accès à la FFC (montant de l'indemnisation) dans le cas d'augmentation excessive du coût des importations de céréales sont déterminées par: i) la position de la balance des paiements du pays membre intéressé; ii) la coopération passée avec le FMI aux fins du règlement des difficultés de balance des paiements du pays; et iii) la mesure dans laquelle le pays est disposé à adopter des politiques d'ajustement répondant aux règles de conditionnalité applicables aux pays de la tranche supérieure des revenus intermédiaires. Selon ces considérations, les limites d'accès peuvent varier entre 10 pour cent et 50 pour cent des quotes-parts. En outre, à l'intérieur de ces limites, les possibilités d'accès sont fonction de l'importance du déficit ou de l'excès et de la capacité du pays membre de rembourser le prêt.

Tel qu'elle était initialement conçue, le trait saillant de la FFC était une faible conditionnalité et un traitement rapide des demandes. Toutefois, pour l'accès à cette facilité, la position de la balance des paiements du pays dans son ensemble était considérée comme un élément important, et pas seulement la partie dépendant de la baisse des recettes d'exportation ou de la hausse du coût des importations de céréales.

La FFC elle-même n'a guère été utilisée et son élément céréales encore moins. Sur les 4,1 milliards de DTS de ressources de la FFC utilisés pendant la période 1993-1999, 14 pour cent seulement ont correspondu à l'élément importation de céréales (le reste était lié à l'élément recettes d'exportation). Quatre pays seulement ont utilisé l'élément céréales à six occasions en tout pendant ces sept années: Moldova, Afrique du Sud, Algérie et Bulgarie, aucun n'est un PMA ou un PDINA. Aucun pays n'a utilisé cette facilité en 1995, année pendant laquelle les prix des céréales ont atteint des niveaux très élevés, et seule l'Algérie a contracté un emprunt en 1996.

Source: Étude du FMI citée à la note 9 du présent document

Les raisons pour lesquelles la FFC n'a guère été utilisée sont liées à la mise en oeuvre de la Décision. L'un des principaux éléments paraît tenir au fait que les trajets doivent être opérés dans le contexte de "programmes d'ajustement", c'est-à-dire à la conditionnalité à laquelle est subordonné l'accès à cette facilité. Le fait qu'il est très difficile pour la plupart des pays en développement de réunir les conditions nécessaires ressort clairement d'une analyse récente de cette facilité par les services du FMI:

"En fait, c'est essentiellement parce qu'il a été reconnu qu'il était rare, dans la pratique, qu'un pays connaisse par suite de facteurs exogènes un fléchissement temporaire des recettes d'exportation sans avoir simultanément un problème plus persistant de balance des paiements que la conditionnalité attachée à la FFC a été resserrée en 1980 et que le système complexe des limites d'accès à cette facilité a été modifié. Il y a lieu de noter, à ce propos que, au début des années 80, aucun pays n'a été considéré, dans le contexte de la FFC, comme ayant un problème de balance des paiements dû exclusivement à l'effet d'un choc temporaire sur les recettes d'exportation ou sur les importations de céréales et que la grande majorité des achats effectués au titre de la FFC l'ont été dans le cadre d'autres arrangements. Ces considérations porteraient à penser que des FFC 'indépendantes' ne seraient appropriées que dans des circonstances - dans lesquelles un ajustement n'est pas nécessaire - qui, dans la pratique, ont peu de chances de se matérialiser" (paragraphe 15 de l'analyse[65])."

Un autre élément est que la FFC ne s'applique qu'aux céréales tandis que la Décision se réfère à tous les produits alimentaires de base. En outre, la FFC établit expressément un lien entre des importations anormales de céréales et des recettes d'exportation, le surcroît de coût des importations de céréales ne pouvant donner lieu à une assistance que dans la mesure où il n'est pas compensé par un surcroît de recettes d'exportation. Il se pose également des problèmes d'interprétation sur le point de savoir si les chocs sont non seulement exogènes mais aussi purement temporaires (c'est-à-dire n'exigent pas d'ajustement des politiques générales) ou au contraire plus durables (c'est-à-dire requièrent un programme d'ajustement)[66].

La place occupée par cette facilité parmi les autres facilités du FMI n'a jamais été solide non plus, son origine et sa continuité étant liées à des considérations d'aide humanitaire et d'insécurité alimentaire. Pour citer à nouveau l'analyse susmentionnée:

"L'élément importation de céréales a été ajouté en 1981 (à la FFC initiale) à la suite de l'instabilité accrue des prix des denrées alimentaires qui avait caractérisé les années 70, initialement pour une durée déterminée de quatre ans. Le Conseil avait rejeté cette idée en 1978, considérant qu'il ne serait pas approprié pour le Fonds de singulariser les importations de produits alimentaires comme problème de balance des paiements, mais il a reconsidéré sa position après que le Conseil mondial de l'alimentation et la FAO lui ont demandé de tenir compte des 'considérations humaines qui entourent cette question'. L'élément céréales a depuis lors été reconduit sans autre formalité"[67].

Étant donné ces difficultés, l'avenir de la FFC paraît également incertain. Une étude ultérieure de cette facilité par le Conseil d'administration du FMI a résumé la situation comme suit: "Aucun Administrateur n'a défendu le maintien de la FFC telle qu'elle fonctionne actuellement et le débat a été centré sur les deux principales options évoquées dans le document établi par les services du Fonds: i) élimination de la FFC; ou ii) modifications substantielles de cette facilité, qui ne pourrait être utilisée que lorsqu'un arrangement a été mis en place ou lorsqu'il ne se pose aucun autre problème de balance des paiements". La conclusion de cette étude était que "La FFC demeurera telle quelle pour l'instant, en attendant l'analyse plus générale qui doit être faite de toutes les facilités, étant entendu que s'il est décidé, à la suite de cette analyse, de conserver la FFC, chacun s'accorde à reconnaître qu'il faudra la modifier et la rationaliser dans le sens proposé par les services du Fonds"[68].

En résumé, la FFC devrait sans doute être considérablement modifiée pour pouvoir être utilisée comme envisagé dans la Décision. À tout le moins, il faudrait: i) étendre son champ d'application du coût des importations céréalières à tous les produits alimentaires de base; ii) assouplir les conditions liées à la balance des paiements et à d'autres ajustements, étant admis que les chocs sont exogènes et temporaires; iii) uniformiser les critères d'accès pour tous les PMA et les PDINA, conformément à la Décision; et iv) accroître le niveau de financement concessionnel pour rendre cette facilité plus attrayante, par exemple en la rapprochant de la Facilité du FMI pour la réduction de la pauvreté et la croissance (PRGF).

Crédits agricoles à l'exportation

La Décision a souligné la nécessité de "faire en sorte que tout accord relatif aux crédits agricoles à l'exportation contienne des dispositions appropriées prévoyant l'octroi d'un traitement différencié en faveur des PMA et des PDINA”. Les négociations concernant un arrangement relatif aux crédits à l'exportation de produits agricoles se poursuivent au sein de l'OCDE depuis plusieurs années, mais aucun accord n'est encore intervenu.

Une étude récente de l'OCDE a montré que les crédits agricoles à l'exportation accordés par les pays de l'OCDE ont nettement augmenté ces dernières années, passant de 5,5 milliards de dollars EU en 1995 à 7,9 milliards en 1998, bien que l'élément subvention de ces crédits soit généralement réduit (environ 300 millions de dollars EU en 1998)[69]. Il en ressort en outre que la plupart des crédits à l'exportation étaient utilisés pour l'achat de produits alimentaires de base, principalement de céréales, suivies par les produits végétaux (y compris graines oléagineuses et farines de blé) et les produits de l'élevage. Troisièmement, pour ce qui était des bénéficiaires, les PMA comme les PDINA, ne recevaient qu'une très faible proportion des crédits agricoles à l'exportation (0,2 pour cent et 9 pour cent du total respectivement). L'une des incidences de cette constatation - que soulignait également l'étude de l'OCDE - était que les actuels programmes de crédits agricoles à l'exportation ne s'adressaient pas nécessairement aux pays qui manquaient de liquidités pour acheter des produits alimentaires sur les marchés mondiaux, comme on le prétendait souvent pour justifier leur existence.

Pour revenir à la Décision, qui souligne la nécessité pour l'accord qui sera un jour conclu de prévoir un "traitement différencié" pour les PMA et les PDINA, il y a lieu de relever en particulier deux points. Premièrement, il faudra sans doute accorder une attention spéciale à la proportion du total des crédits agricoles à l'exportation dont bénéficient les PMA et les PDINA, dont les parts actuelles sont très réduites. Deuxièmement, comme c'est l'élément subvention des crédits et pas nécessairement leur montant qui représente une "assistance" au sens authentique du terme, il faudra veiller à ce que le niveau de la subvention demeure aussi favorable que possible aux PMA et aux PDINA, en constituant par exemple en quelque sorte un traitement de la nation la plus favorisée (c'est-à-dire les meilleures conditions de crédit accordées par un donateur à un pays quelconque).

4. Application de la Décision: Deux options

L'on examinera ci-après pour l'application de la Décision deux options: selon la première, la Décision serait appliquée par les donateurs et organisations internationales de façon décentralisée, comme c'est actuellement le cas, sous réserve d'un certain renforcement, tandis que dans le cas de la seconde, il serait créé une Facilité spéciale pour la sécurité alimentaire.

Option 1: Renforcement des mécanismes actuels

Chacun des trois mécanismes d'intervention immédiate a pour but d'opérer un transfert du donateur au pays bénéficiaire. Certains d'entre eux fonctionnent sur une base multilatérale, par exemple la FFC du FMI et l'aide alimentaire du Programme alimentaire mondial, tandis que d'autres opèrent sur une base bilatérale, par exemple les crédits à l'exportation et l'aide alimentaire fournie dans le contexte de la CAA. Chaque mécanisme est caractérisé par des calendriers de décaissement et, le cas échéant, de remboursement différents, et par des procédures comptables différentes.

Pour établir une correspondance entre les contributions versées au titre des différents programmes et les besoins des pays bénéficiaires dans le contexte de la Décision, il faudra créer sous une forme ou sous une autre un système centralisé de comptabilisation et de rapports étant donné qu'indépendamment des buts envisagés dans la Décision, chacune de ces trois sources d'assistance a ses propres objectifs: les facilités du FMI sont destinées aux membres du Fonds qui se heurtent à divers types de difficultés de balance des paiements; l'aide alimentaire est accordée pour différentes autres raisons que des factures d'importation exceptionnellement élevées (par exemple programmes de nutrition ou secours d'urgence); les crédits à l'exportation sont accordés pour une variété de produits, à des conditions différentes et pour des raisons diverses. Si l'on veut suivre toutes ces différentes formes d'assistance et leur impact dans le contexte de la Décision, il faut disposer d'un mécanisme de suivi permettant au comité intéressé de l'OMC d'adopter les mesures appropriées.

Encadré 4. Exemple de formulaire de rapport sur l'application de la Décision
(toute l'assistance est exprimée en termes d'équivalent subvention, en millions de dollars)

Pays bénéficiaire

Aide alimentaire

Mécanisme de financement

Crédits à l'exportation

Assistance totale

Total des besoins

PMA






Pays 1






Pays 2






........






........






PDINA






Pays 1






Pays 2






..........






..........






À tout le moins, tous les donateurs devraient annoncer chaque année l'assistance qu'ils entendent fournir pour aider les pays à faire face à des factures d'importations exceptionnelles à un secrétariat central qui aurait pour tâche de normaliser les données pour les présenter sous une forme commune, exprimée en unités de valeur comparables (par exemple l'élément subvention) compilées par donateur et par bénéficiaire et comparées au montant estimatif du surcroît de la facture d'importations de produits alimentaires. Ce secrétariat ferait régulièrement rapport au Comité de l'agriculture de l'OMC. L'encadré 4 illustre comment pourrait se présenter le formulaire à utiliser pour communiquer cette information. Cette approche devrait permettre d'identifier les besoins d'assistance non couverts assez tôt dans l'année pour que les donateurs puissent ajuster comme il convient le niveau de leur assistance pour permettre aux pays de faire face à des besoins d'importation exceptionnels. Ce format serait utile aussi pour identifier les domaines dans lesquels des améliorations s'imposent pour pouvoir établir une correspondance complète entre l'assistance et les besoins[70].

Un mécanisme de rapports bien conçu devrait se traduire peu à peu par une amélioration de la situation à mesure que les lacunes de l'assistance et les difficultés d'exécution sont identifiées. Toutefois, rien ne garantit que les ressources puissent être prédites avec certitude, c'est-à-dire que l'intégralité des ressources fournies le soient au moment opportun et soient suffisantes pour répondre aux besoins envisagés par la Décision. De plus, une telle option n'a guère de chances de déboucher sur des engagements contraignants à l'OMC et ne représenterait qu'une "obligation de moyens", comme c'est le cas à l'heure actuelle.

Ce sont ces faiblesses de l'approche décentralisée qui ont conduit plusieurs pays à manifester une préférence pour la création d'une facilité distincte pour la sécurité alimentaire, selon laquelle les engagements seraient consolidés à l'OMC, ce mécanisme comportant en outre un système de décaissement de nature à garantir le financement d'une proportion équitable des factures exceptionnelles d'importations de produits alimentaires.

Option 2: Création sous les auspices de l'OMC d'une facilité spéciale pour la sécurité alimentaire (FSA)

Cette option consisterait à créer un mécanisme distinct, qui pourrait être appelé Facilité de l'OMC pour la sécurité alimentaire, à seule fin d'appliquer la Décision. Les détails devraient être étudiés plus avant, mais la FSA pourrait, d'une manière générale, fonctionner comme suit:

Mécanisme d'application centralisé

À la différence de l'actuelle approche décentralisée, la FSA serait un système centralisé spécialement créé aux fins de la mise en oeuvre de la Décision. Elle serait dotée de ressources propres sur lesquelles seraient opérés les tirages nécessaires et d'un mécanisme administratif d'exécution. En outre, à la différence de ce qui se passe actuellement, les engagements d'assistance seraient consolidés au sein de l'OMC.

Financement requis

L'évaluation du surcroît de coûts des importations de produits alimentaires figurant à la section 2 permet de calculer un ordre de grandeur approximatif des ressources qui seraient requises pour cette facilité. L'on a estimé que le niveau annuel moyen d'indemnisation serait d'environ 600 millions de dollars. À supposer que le processus de réforme dure six ans, le total des ressources nécessaires serait de 3,6 milliards de dollars, ou de 6 milliards s'il dure dix ans. Les donateurs pourraient verser des contributions en espèces ou en nature, par exemple sous forme d'aide alimentaire, l'assistance étant exprimée sur la base de son équivalent subvention.

Conditions d'octroi et niveau de l'indemnisation

Pour mettre en oeuvre cette proposition, il faudrait tout d'abord que la FSA s'assure que le pays dont il s'agit remplit les conditions requises pour effectuer des tirages jusqu'à concurrence du plafond fixé pour lui pour l'année considérée. Il faudra pour cela calculer le surcroît de coûts des importations pour chaque pays bénéficiaire.

Pour éviter que des tirages excessifs une année considérée ne compromettent la viabilité du mécanisme lui-même, il faudrait probablement imposer un plafond au niveau de l'indemnisation à laquelle peut prétendre chaque pays. Ce plafond pourrait être déterminé sur la base, par exemple, a) du volume des importations de produits alimentaires pendant une période de référence et de la hausse des prix sur les marchés mondiaux par rapport à un montant seuil, ou b) de la valeur des importations de produits alimentaires pendant la période de référence.

Les ressources devraient-elles être intégralement contrôlées par la FSA?

Le principal trait distinctif de cette option est que les ressources seraient intégralement contrôlées par la FSA. L'on pourrait cependant, à titre de variante, considérer qu'il n'est peut-être pas essentiel que la FSA contrôle matériellement les ressources. Les ressources pourraient être détenues ailleurs, comme dans le cas de l'option 1, mais elles devraient faire l'objet d'engagements aux fins de l'application de la Décision pour que la FSA puisse les utiliser selon que de besoin. Cet arrangement exige, essentiellement, que les engagements soient consolidés au sein de l'OMC.

Rapports

Comme le seul objectif de la FSA serait d'appliquer la Décision, elle relèverait directement du Comité de l'agriculture, qui est l'organe responsable du suivi de la mise en oeuvre de la Décision.

Annexe I - Décision ministérielle de Marrakech sur les mesures concernant les effets négatifs possibles du programme de reforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires

1. Les Ministres reconnaissent que la mise en oeuvre progressive de l'ensemble des résultats du Cycle d'Uruguay générera des possibilités de plus en plus grandes d'expansion du commerce et de croissance économique, au bénéfice de tous les participants.

2. Les Ministres reconnaissent que, pendant la mise en oeuvre du programme de réforme conduisant à une libéralisation accrue du commerce des produits agricoles, les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires risquent de subir des effets négatifs pour ce qui est de disposer d'approvisionnements adéquats en produits alimentaires de base provenant de sources extérieures suivant des modalités et à des conditions raisonnables, y compris d'avoir des difficultés à court terme à financer des niveaux normaux d'importations commerciales de produits alimentaires de base.

3. Les Ministres conviennent donc d'établir des mécanismes appropriés pour faire en sorte que la mise en oeuvre des résultats du Cycle d'Uruguay en matière de commerce des produits agricoles ne soit pas préjudiciable à la mise à disposition de l'aide alimentaire à un niveau qui soit suffisant pour continuer d'aider à répondre aux besoins alimentaires des pays en développement, en particulier les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires. A cette fin, les Ministres conviennent:

i) d'examiner le niveau de l'aide alimentaire établi périodiquement par le Comité de l'aide alimentaire en vertu de la Convention de 1986 relative à l'aide alimentaire et d'engager des négociations dans l'enceinte appropriée pour établir un niveau d'engagements en matière d'aide alimentaire qui soit suffisant pour répondre aux besoins légitimes des pays en développement pendant la mise en oeuvre du programme de réforme;

ii) d'adopter des lignes directrices pour faire en sorte qu'une part croissante des produits alimentaires de base soit fournie aux pays les moins avancés et aux pays en développement importateurs nets de produits alimentaires, intégralement à titre de don et/ou à des conditions favorables appropriées, conformément à l'article IV de la Convention de 1986 relative à l'aide alimentaire;

iii) de prendre pleinement en considération, dans le contexte de leurs programmes d'aide, les demandes d'assistance technique et financière des pays les moins avancés et des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires pour leur permettre d'améliorer leur productivité et leur infrastructure agricoles.

4. Les Ministres conviennent en outre de faire en sorte que tout accord se rapportant à des crédits à l'exportation de produits agricoles prévoie de manière appropriée un traitement différencié en faveur des pays les moins avancés et des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires.

5. Les Ministres reconnaissent que, par suite du Cycle d'Uruguay, certains pays en développement risquent d'avoir à court terme des difficultés à financer des niveaux normaux d'importations commerciales et que ces pays pourraient être admis à tirer sur les ressources d'institutions financières internationales, disponibles au titre des facilités existantes ou de facilités qui pourraient être créées, dans le contexte de programmes d'ajustement, pour faire face à ces difficultés de financement. A cet égard, les Ministres prennent note du paragraphe 37 du rapport du Directeur général des PARTIES CONTRACTANTES du GATT de 1947 sur ses consultations avec le Directeur général du Fonds monétaire international et le Président de la Banque mondiale (MTN.GNG/NG14/W/35).

6. Les dispositions de la présente Décision seront examinées périodiquement par la Conférence ministérielle et le suivi fera l'objet d'une surveillance, selon qu'il sera approprié, de la part du Comité de l'agriculture.

Annexe II - Indicateur de la capacité d'importation de produits alimentaires de PMA et de PDINA sélectionnés


Pays

Importations de produits alimentaires

Exp.BS-dette[71]

Ratio

(a)

(b)

(a)/(b)

millions de dollars EU

pourcentage

PMA[72]





1.

Angola

235

3 401

6,9

2.

Bangladesh

766

4 385

17,5

3.

Bénin

89

538

16,5

4.

Burkina Faso

60

260

23,2

5.

Burundi

11

55

20,0

6.

Cambodge *

60

862

6,9

7.

Cap-Vert *

41

97

42,6

8.

République centrafricaine

16

159

10,3

9.

Tchad

19

192

9,7

10.

Comores *

20

44

45,5

11.

Djibouti

44

193

22,7

12.

Guinée équatoriale *

8

100

7,8

13.

Gambie

55

179

30,9

14.

Guinée

143

600

23,9

15.

Guinée-Bissau

25

28

90,7

16.

Haïti

262

262

100,1

17.

Laos

21

408

5,1

18.

Lesotho

65

196

32,9

19.

Madagascar

62

673

9,2

20.

Malawi

121

320

37,8

21.

Maldives

24

364

6,7

22.

Mali

56

431

13,1

23.

Mauritanie

150

353

42,4

24.

Mozambique

153

355

43,1

25.

Myanmar

156

1 308

11,9

26.

Népal *

53

1 038

5,1

27.

Niger

61

264

23,2

28.

Rép.-Unie deTanzanie

165

1 019

16,2

29.

Rwanda

60

81

73,7

30.

Samoa *

20

71

28,4

31.

Sierra Leone

75

103

72,3

32.

Îles Salomon

15

205

7,3

33.

Soudan *

176

588

29,9

34.

Togo

46

461

9,9

35.

Ouganda

62

572

10,8

36.

Vanuatu *

8

124

6,6

PDINA





1.

Barbade

47

1 134

4,1

2.

Botswana

157

2 430

6,5

3.

Côte d'Ivoire

279

3 535

7,9

4.

Cuba

459

n.d.

-

5.

République dominicaine

319

6 193

5,1

6.

Égypte

2 546

11 589

22,0

7.

Honduras

97

1 502

6,5

8.

Jamaïque

221

2 761

8,0

9.

Kenya

340

2 209

15,4

10.

Maurice

173

2 296

7,5

11.

Maroc

950

6 266

15,2

12.

Pakistan

1 193

6 392

18,7

13.

Pérou

923

5 095

18,1

14.

Sénégal[73]

293

1 082

27,0

15.

Sri Lanka

449

4 746

9,5

16.

Sainte-Lucie

36

339

10,7

17.

Trinité-et-Tobago

137

2 447

5,6

18.

Tunisie

564

6 756

8,3

19.

Venezuela

785

16 590

4,7

Note: Les données sont les valeurs moyennes pour 1995-1998 ou pour les quatre dernières années pour lesquelles des chiffres sont disponibles. Un astérisque (*) signifie que le pays considéré n'est pas membre de l'OMC.

Source: Les données concernant les importations de produits alimentaires proviennent de FAOSTAT. Les produits alimentaires sont définis comme dans le texte (Aliments II). Les données concernant les exportations et le service de la dette proviennent du FMI, International Financial Statistics.

Observations de M. Amr Ramadan

Premier Secrétaire, Mission permanente de l'Égypte auprès de l'OMC

L'étude décrit à juste titre la façon peu satisfaisante dont la Décision a été appliquée jusqu'à présent dans le contexte des quatre principaux objectifs qu'elle est censée promouvoir: i) un niveau suffisant d'aide alimentaire; ii) un accès plus facile à des ressources à court terme pour financer des niveaux normaux d'importations commerciales; iii) des conditions favorables pour les crédits à l'exportation de produits agricoles; et iv) la fourniture d'une assistance technique et financière afin d'améliorer la productivité et l'infrastructure dans le secteur agricole dans les PMA et les PDINA.

Il est beaucoup plus instructif de discuter aujourd'hui de la Décision car l'on dispose maintenant de six années d'expérience pour déterminer si le programme de réforme a eu ou non des effets négatifs, étant donné qu'il ne s'agit plus d'effets "possibles" dans l'avenir. La facture d'importations céréalières des PMA et des PDINA au cours des trois premières années d'application de l'Accord sur l'agriculture a augmenté de 49 pour cent environ, encore que force soit de reconnaître que cette augmentation n'a pas été intégralement due à la mise en oeuvre de l'Accord: il y a eu aussi d'autres raisons, comme l'absence d'exportations subventionnées et l'insuffisance de l'aide alimentaire. Je ne suis pas expert de l'agriculture, et mes observations ne reflètent pas nécessairement les vues du Gouvernement égyptien. Je souscris à l'approche suivie dans l'étude, à une large part de l'analyse qui y figure et, d'une manière plus générale, aux recommandations qui y sont formulées. J'essaierai néanmoins de me faire l'avocat du diable.

La nature et l'ampleur du problème alimentaire visé par la Décision

Il est vrai que l'une des principales carences de la Décision tient à la définition ou à l'interprétation de certaines expressions, et en particulier de l'expression "effet négatif". Il ressort implicitement de la Décision que les effets en question affectent la capacité d'importer des quantités suffisantes de produits alimentaires aux prix élevés qui sont pratiqués sur les marchés mondiaux. Il est dit dans l'étude que l'accent devrait être mis sur "l'accès économique à l'alimentation", mais ce concept se heurte au même problème de définition. L'on peut dire que la meilleure approche résiderait dans une interprétation simple, comme celle visée dans l'étude, fondée sur l'excédent des factures d'importation de produits alimentaires par rapport à une période de référence de cinq ans environ.

Il est dit dans l'étude qu'il faut éviter de considérer ce qu'elle appelle des "facteurs individuels", notamment une hausse des prix mondiaux, comme des éléments pouvant constituer un tel effet négatif ou pouvant déclencher les mesures envisagées dans la Décision. L'étude préfère le concept de "résultat", comme un augmentation des factures d'importations de produits alimentaires. Autrement dit, elle adopte une approche individuelle, pays par pays, de l'effet négatif plutôt qu'une approche globale. Cela paraît raisonnable, en ce sens que, comme il est dit dans l'étude, une telle approche permettrait d'orienter plus facilement une assistance exclusivement vers les pays affectés pendant une année donnée. Toutefois, il faudrait, pour appliquer cette approche, définir des critères d'octroi, ce qui exigerait des négociations difficiles.

L'étude définit les "produits alimentaires de base" comme étant les céréales, les produits laitiers et la viande, les huiles végétales et le sucre (Aliments II), ce qui est acceptable, mais elle emploie également l'expression "excédent des factures d'importations de produits alimentaires" alors que celle-ci ne se trouve pas dans la Décision et n'est pas nécessaire étant donné que la Décision mentionne déjà que le problème principal tient à pouvoir se procurer des produits alimentaires à des conditions raisonnables.

Les trois mécanismes d'intervention prévus dans la Décision

En ce qui concerne l'aide alimentaire ou la relation entre la Décision et la Convention relative à l'aide alimentaire (CAA), l'étude indique très clairement comment les bénéficiaires sont classés dans le contexte de l'OMC (PMA et PDINA) et dans le contexte de la CAA (48 PMA, 24 pays à faible revenu dont 6 sont des PDINA et 52 pays de la tranche inférieure des revenus intermédiaires, dont 9 sont des PDINA, tandis que 4 autres PDINA figurant sur la liste de l'OMC manquent (Barbade, Maurice, Sainte-Lucie et Trinité-et-Tobago). Discutant de la priorité accordée à certains groupes dans la classification de la CAA, l'étude doute que la Convention reflète pleinement les préoccupations visées dans la Décision.

La question peut également être envisagée d'une autre façon: jusqu'à présent, en ce qui concerne les 48 bénéficiaires de l'OMC (30 PMA et 18 PDINA), la Convention couvre en fait 44 d'entre eux, d'une façon ou d'une autre, en termes d'engagements d'aide alimentaire. Des modalités pourraient être définies pour affiner les allocations de l'assistance et faire en sorte que les quatre derniers pays en reçoivent une.

L'étude décrit bien le Mécanisme du FMI et relève en particulier qu'il ne s'applique qu'à une gamme limitée de produits (céréales exclusivement) et que les éléments de conditionnalité suscitent des difficultés. Elle conclut à juste titre que le Mécanisme ne peut aucunement servir à promouvoir la réalisation des objectifs de la Décision. Un élément plus important est que l'on peut dire que la Décision traite des effets découlant de facteurs internationaux tandis que le MFC concerne la question des ajustements des politiques internes. Il serait intéressant d'entendre les vues de M. Taplin, représentant du FMI, à ce propos.

La mise en oeuvre de la Décision: deux scénarios

Pour activer les trois principaux mécanismes d'intervention prévus dans la Décision (aide alimentaire, accès à des facilités de financement et assistance en vue d'accroître la productivité agricole), l'étude présente deux scénarios, à savoir le maintien de la situation actuelle, mais sous une forme légèrement modifiée, avec un système centralisé de comptabilisation et de rapport, ou la création d'une facilité spéciale exclusivement aux fins de la mise en oeuvre de la Décision.

Le premier scénario, toutefois, ne permettrait toujours pas de rassembler des attributions ou actions disparates dans le cadre d'un seul mécanisme qui aurait exclusivement pour but d'appliquer les dispositions de la Décision, à l'exclusion de tous autres facteurs ou considérations, comme la fourniture de secours d'urgence en cas de conflit, pour important que celui puisse être. L'étude reconnaît que ce scénario ne permettra sans doute pas d'obtenir des engagements contraignants et exécutoires au sein de l'OMC, à la différence de ce qui se passe pour les autres accords et engagements de l'OMC.

Le second scénario envisage un mécanisme centralisé doté de ressources propres. L'étude estime que l'indemnisation à prévoir dans le cadre de la Décision représenterait chaque année environ 600 millions de dollars. Néanmoins, l'on ne voit pas si ce chiffre est lié au degré de libéralisation provenant de l'application de l'Accord sur l'agriculture de 1995 ou des arrangements futurs qui pourraient découler de l'étape actuelle des négociations. Il semble raisonnable de penser que les PMA et les PDINA essaieront d'obtenir un mécanisme d'indemnisation beaucoup plus large à mesure que la libéralisation avance, maintenant qu'ils ont appris leur leçon.

En ce qui concerne les ressources de la Facilité proposée, je souscris à l'idée selon laquelle elles devraient être contrôlée par elle, même si d'autres organes pourraient en détenir une partie en les engageant aux fins de l'application de la Décision. Le fait que la nouvelle Facilité relèverait du Comité de l'agriculture ne devrait pas l'empêcher de mettre ce type d'information à la disposition des autres institutions multilatérales intéressées.

Il y a lieu de mentionner dans ce contexte que 16 PDINA, y compris mon propre pays, l'Égypte, ont récemment soumis au Comité de l'agriculture une proposition (G/AG/NG/W/49, mars 2001), dans le contexte de "l'exercice de mise en oeuvre" des engagements de 1995. Cette proposition prévoit la création d'un Fonds autorenouvelable interinstitutions qui constituerait une facilité de financement de l'assistance technique et financière à fournir aux PMA et aux PDINA pour la réalisation de projets spécifiques tendant à améliorer la productivité de l'agriculture et l'infrastructure connexe.

Observations de M. Grant B. Taplin

Représentant spécial auprès de l'OMC et Directeur adjoint du Bureau du Fonds monétaire international à Genève

Le Mécanisme de financement compensatoire du Fonds - évolution récente

La discussion d'aujourd'hui a été centrée sur les options pouvant être envisagées pour améliorer la mise en oeuvre pratique de la Décision de Marrakech. Cette Décision a souvent suscité des questions concernant l'utilisation potentielle du Mécanisme de financement compensatoire du Fonds (MFC). En novembre 2000, le Conseil d'administration du Fonds, dans le cadre de l'opération qui est menée actuellement pour revoir toutes les facilités du Fonds afin de les adapter à la situation qui prévaut actuellement aux plans mondial et national, a approuvé un certain nombre de modifications de cette Facilité.

Comme cela a été souligné dans les différentes études, le MFC n'a été que très peu utilisé ces dernières années. Le dernier achat réalisé dans le cadre du MFC a été celui auquel a procédé l'ex-République yougoslave de Macédoine en août 1997; pour ce qui est de l'élément céréales, l'achat le plus récent est celui de la Bulgarie, en avril 1997. Si ce Mécanisme est utilisé si peu fréquemment, c'est pour différentes raisons, y compris sa conditionnalité, c'est-à-dire la question de savoir si la baisse des exportations ou la hausse des coûts des céréales est due à des facteurs exogènes échappant à la volonté des autorités, si le choc est "temporaire", c'est-à-dire peut être considéré comme réversible, ou "permanent", c'est-à-dire exigeant des politiques d'ajustement appropriées, et si d'autres mécanismes de soutien financier offrent la flexibilité nécessaire pour répondre aux besoins de financement du pays.

Il n'est peut-être pas inutile, à titre de référence, d'énumérer les changements qu'il a été jugé nécessaire d'apporter au MFC dans les documents préparés en vue de cette Table ronde, de sorte que le Mécanisme soit conforme à la Décision de Marrakech. Les quatre ajustements mentionnés sont les suivants:

1. Élargissement de la couverture à toutes les importations de produits alimentaires de base;

2. Assouplissement de la conditionnalité;

3. Critères d'octroi uniforme pour les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires; et

4. Octroi des ressources à des conditions concessionnelles.

En réalité, les modifications apportées au MFC ont une orientation différente:

1. En ce qui concerne la couverture par produits, le MFC demeure limité aux importations de céréales exclusivement. En outre, la situation des importations céréalières est évaluée dans le contexte de celle de la balance des paiements du pays. Lors de sa création, en 1963, le MFC ne prévoyait d'indemnisation qu'en cas de baisse temporaire des recettes d'exportations. En 1981, après une période d'augmentation rapide des cours internationaux des produits alimentaires de base, il a été ajouté un élément distinct pour couvrir la hausse du coût des importations de céréales. Cet élément céréales a toujours été considéré comme "temporaire", c'est-à-dire comme soumis à reconduction par le Conseil à intervalles de quelques années. La clause prévoyant sa disparition progressive a été éliminée dans le cadre des amendements qui ont été apportés récemment au MFC;

2. La conditionnalité a été renforcée et elle constitue désormais un élément intégrant des arrangements applicables à la grande majorité des cas. Ainsi, d'une manière générale, il ne sera désormais possible d'accéder au MFC révisé que dans le contexte d'un arrangement relevant de la conditionnalité applicable à la tranche supérieure des crédits. Un accès "indépendant" au MFC ne sera possible que pour les membres dont la position de la balance des paiements est satisfaisante, indépendamment de la baisse temporaire des recettes d'exportation ou de la hausse du coût des importations céréalières.

3. Pour ce qui est des conditions d'octroi, le Fonds applique le principe de l'uniformité de traitement à tous les membres, de sorte que peut avoir accès au MFC tout membre du Fonds ayant un problème de balance des paiements et étant disposé à accepter la conditionnalité requise;

4. Les ressources fournies par le biais du MFC sont des ressources de caractère général sujettes aux commissions au taux standard. (En revanche, les prêts accordés dans le cadre de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) sont actuellement assortis de taux d'intérêt de 0,5 pour cent par an.) Les tirages effectués sur le MFC sont censés être remboursés dans un délai de deux ans et trois mois à quatre ans, chaque versement étant dû 12 mois avant l'échéance. Le pays membre intéressé est censé procéder à ces remboursements anticipés à moins que le Conseil n'ait fait droit à une demande de prorogation.

Ces modifications ne diminuent pas le problème à résoudre grâce à la Décision de Marrakech, mais portent plutôt à conclure que le MFC n'est pas l'instrument le mieux approprié à cette fin, et ce pour plusieurs raisons:

Premièrement: il y a lieu de présumer que ce seraient principalement des pays à faible revenu, n'ayant qu'un accès très limité, voire aucun, aux marchés des capitaux, qui rechercheraient un tel financement compensatoire. Les pays ayant accès aux marchés des capitaux peuvent en tout état de cause aplanir les problèmes de balance des paiements pouvant résulter d'une augmentation des prix des produits alimentaires. Comme on l'a vu, le MFC du Fonds n'est pas concessionnel, de sorte qu'il n'est pas très approprié pour les pays à faible revenu, qui sont déjà souvent confrontés à une dette extérieure excessive. Néanmoins, les pays à faible revenu ayant conclu des arrangements dans le cadre de la FRPC peuvent demander à procéder à des tirages accrus à ce titre pour faire face à des difficultés de balance des paiements résultant d'une hausse excessive du coût des importations céréalières.

Deuxièmement: le Fonds a pour mission, conformément à ses Statuts, de n'accorder des prêts que sur la base de "garanties adéquates", et d'une façon qui donne l'assurance que ces ressources sont utilisées pour promouvoir la viabilité externe d'un pays et non de façon à perpétuer les difficultés des balances des paiements. Lorsqu'il a examiné pour la dernière fois les résultats donnés par le MFC, le Conseil d'administration du Fonds est parvenu à la conclusion que la plupart des pays ont besoin de s'ajuster sous une forme ou sous une autre, et qu'il est plus prudent de ne fournir un financement compensatoire à de tels pays que dans le contexte d'un programme d'ajustement appuyé par le Fonds.

Troisièmement: l'on peut s'interroger sur la question de savoir quels sont les types d'importations de produits alimentaires qui risquent d'être renchéris par suite de la libéralisation. Si, par exemple, la libéralisation multilatérale des échanges se traduit par une instabilité accrue des prix pouvant entraîner à l'occasion des difficultés de balance des paiements dans un pays membre, un financement compensatoire du type de celui que fournit le Fonds serait défendable. En revanche, si l'augmentation du coût des importations de produits alimentaires est "permanente", la mission du Fonds serait manifestement d'aider le pays à s'ajuster plutôt que de lui fournir un financement inconditionnel.

Rien n'empêche de revoir à nouveau le MFC si les pays membres du Fonds le souhaitent. Tel ne semblerait pas être le cas dans l'immédiat, la dernière évaluation ayant été achevée il y a quelques mois seulement. Il convient de noter en outre que quelques membres ont manifesté une préférence pour la suppression du MFC plutôt que pour sa prolongation.

Observations de Mme Robin Jackson

Conseillère principale pour les politiques, Programme alimentaire mondial, Rome

PAM - Le Programme alimentaire mondial, institution d'aide alimentaire du système des Nations Unies

Les courants mondiaux d'aide alimentaire

· Le total de l'aide alimentaire a représenté 15 millions de tonnes de produits en 1999, chiffre le plus élevé depuis cinq ans (1995-2000) et a atteint 10 millions de tonnes en 2000, soit à peu près le même niveau qu'en 1995;

· La part des PMA dans les courants mondiaux d'aide alimentaire a diminué entre 1997 et 1999; il ressort des chiffres provisoires pour 2000 qu'elle a augmenté cette année-là, mais sans dépasser, pour l'essentiel, ce qu'elle était en 1995;

· Les objectifs de la Décision de Marrakech ne sont pas réalisés étant donné que celle-ci prévoit une augmentation de la part détenue par les PMA dans l'aide alimentaire mondiale;

· En 2000, les secours d'urgence ont représenté 47 pour cent du total de l'aide alimentaire, soit la proportion la plus élevée des cinq dernières années. Par exemple, l'assistance fournie par le PAM à la suite de catastrophes naturelles a représenté 4 millions de dollars EU en 1994 mais 49 millions en 1999; cette assistance est importante dans le contexte de la Décision car les secours alimentaires d'urgence sauvent des vies humaines. Toutefois, tel n'est pas le type d'aide alimentaire visé dans la Décision.

Types d'aide alimentaire

Il importe de considérer non seulement quels sont les pays qui reçoivent une aide alimentaire mais aussi quels sont, dans ces pays, les groupes qui bénéficient de l'assistance. L'aide alimentaire revêt différentes formes, ce qui détermine l'identité des groupes qui bénéficient de ce type d'assistance. Pour appliquer efficacement la Décision, il importe de bien comprendre ces différentes formes d'aide.

Programmes d'aide alimentaire: il s'agit d'une aide de gouvernement à gouvernement, accordée souvent à des conditions concessionnelles, non ciblée. Les produits sont vendus sur les marchés libres, ce qui risque de les déstabiliser.

Aide alimentaire ciblée: telle est l'aide fournie par le PAM et par de nombreuses ONG et quelques donateurs bilatéraux. Le PAM est convaincu que c'est la forme d'aide alimentaire qui est, à valeur égale, la plus efficace. Elle est préférable en termes de stabilité sociale et tend à résoudre des problèmes de sécurité alimentaire à beaucoup plus longue échéance. Il s'agit d'une assistance fournie sous forme de dons qui est ciblée sur les groupes les plus pauvres et qui en ont par conséquent le plus besoin, souvent les femmes et les enfants.

Ce type d'aide alimentaire, qui cadre mieux avec l'esprit de la Décision que les programmes d'aide alimentaire, revêt principalement trois formes:

Ces trois formes d'aide contribuent à renforcer la sécurité alimentaire à long terme, ce qui est l'un des objectifs de la Décision.

Un avantage supplémentaire de l'aide alimentaire ciblée est qu'elle repose sur des achats locaux ou des transactions triangulaires, qui contribuent à stimuler les marchés locaux et à dynamiser l'économie locale. Le PAM achète plus de 50 pour cent de ses produits alimentaires dans les pays en développement.

Conclusion


[57] Document préparé par la Division des produits et du commerce international de la FAO pour la Table ronde sur des aspects sélectionnés des politiques concernant le commerce de produits agricoles tenue à Genève le 21 mars 2001.
[58] Pour le texte intégral de la Décision, voir l'annexe I.
[59] Voir The Food Situation in the Least-Developed and Net Food-Importing Developing Countries, Division des produits et du commerce international, FAO, Rome, 1999.
[60] La Décision envisageait aussi un quatrième mécanisme, qui était la fourniture aux PMA et aux PDINA d'une assistance technique et financière tendant à améliorer leur productivité agricole et leur infrastructure. Cette disposition concerne des problèmes alimentaires à plus longue échéance, à la différence des trois autres mécanismes. En incluant également cet instrument, la Décision appelle à juste titre l'attention sur l'importance qu'il y a à améliorer la productivité et à accroître la production agricoles dans ces pays. Cependant, comme la présente Note est axée principalement sur les problèmes immédiats, cet instrument n'est pas inclus dans l'analyse.
[61] Les tendances générales ont été calculées sur une base linéaire en utilisant les données concernant les importations annuelles de produits alimentaires pendant la période 1985-1998. Une autre méthode communément utilisée comme variable de remplacement pour calculer les tendances est celle des moyennes mobiles.
[62] Ainsi, essentiellement, l'excédent des factures jusqu'à concurrence de 5 pour cent (et de 10 pour cent dans le deuxième cas) est exclu des calculs. Les écarts négatifs par rapport à la tendance ne sont pas pris en considération non plus étant donné que ce n'est pas à eux que tiennent les problèmes visés dans la Décision.
[63] Des données n'étaient pas disponibles pour deux autres PMA. Le 49ème (Sénégal) a été ajouté à la liste de l'Organisation des Nations Unies après les calculs.
[64] L'annexe II contient des informations sur la capacité d'importation de produits alimentaires des 65 pays, en fonction du ratio entre la facture d'importation de denrées alimentaires et les exportations de biens et de services déduction faite du remboursement de la dette.
[65] Examen de la Facilité de financement compensatoire et de financement pour imprévus et de la Facilité de financement de stocks régulateurs - Considérations préliminaires (Analyse des services du FMI), 9 décembre 1999; le texte peut être consulté à l'adresse: http://www.imf.org/external/np/ccffbsff/review/index/htm.
[66] La distinction entre chocs temporaires et durables est importante dans ce contexte. En effet, les possibilités de stabilisation des cours des produits de base en présence de chocs de longue durée sont limitées. Nonobstant les conclusions qui se dégagent de plusieurs études empiriques récentes, à savoir que les chocs qui influent sur les prix des produits de base sont généralement de longue durée, l'impact des chocs sur les prix sur les marchés mondiaux des céréales et des autres produits alimentaires de base (comme le sucre) est relativement moindre. De plus, la durée des hausses des prix sur les marchés mondiaux est habituellement bien plus courte que celle des creux.
[67] Encadré 2, FMI (1999), op. cit.
[68] Résumé du Président par intérim - Analyse de la Facilité de financement compensatoire et de financement pour imprévus et de la Facilité de financement de stocks régulateurs - Considérations préliminaires, Réunion 00/5 du Conseil d'administration, 14 janvier 2000, dont le texte peut également être consulté à l'adresse du site web du FMI indiqué plus haut.
[69] An Analysis of Officially Supported Export Credits in Agriculture, document COM/AGD/TD/WP (2000) 91/Final, 2000, OCDE, Paris. Le texte peut être consulté à l'adresse: http://www.oecd.org/agr.
[70] À l'heure actuelle, le Comité de l'agriculture de l'OMC suit l'application de la Décision en traitant séparément les différents éléments. Chaque donateur et chaque institution communique des informations sur ses programmes d'assistance, et notamment sur le volume de l'assistance fournie aux PMA et aux PDINA. Ces informations sont ensuite compilées par le Secrétariat de l'OMC. Toutefois, aucune tentative n'est faite d'identifier et de quantifier les besoins des pays, comme stipulé dans la Décision ni de vérifier que le montant total de l'assistance fournie a été suffisant ou même a dépassé les besoins.
[71] Exportations de biens et de services, moins paiements au titre du service de la dette.
[72] Chiffres indiqués pour 36 PMA seulement, faute de données concernant le commerce de services.
[73] Depuis que cette annexe a été préparée, le Sénégal a été ajouté par l'ONU à la liste des PMA.

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