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Les évaluations forestières mondiales, leur évolution et leurs perspectives futures

P. Holmgren et R. Persson

Peter Holmgren travaille à la
Division des ressources forestières,
Département des forêts de la FAO.

Reidar Persson travaille auprès de
la faculté de l'Université des sciences
agronomiques, Uppsala (Suède).

Les évaluations forestières mondiales tendent à élargir leur portée pour couvrir toute la gamme d'avantages que procurent les forêts et les ressources arborées et tous les bénéficiaires.

L'avenir des ressources forestières et arborées mondiales est au cœur de plusieurs grands problèmes écologiques ou de développement - notamment la conservation de la diversité biologique, le changement climatique, la sécurité alimentaire, la durabilité des moyens d'existence et les activités récréatives pour agrémenter la qualité de vie. Parallèlement, les forêts continuent à fournir une vaste gamme de produits, tels que bois, énergie et produits non ligneux. Elles offrent aussi des possibilités d'expansion agricole dans de nombreuses régions du monde, si bien que la société a pris conscience des conflits à propos des ressources et de leur rareté.

On note un intérêt considérable à tous les niveaux - local, national, régional et international - pour l'utilisation rationnelle et durable des forêts et, dans ce domaine, la volonté politique est très forte. Il faut donc suivre les progrès réalisés pour soutenir cette volonté politique.

Les évaluations forestières mondiales fournissent des informations sur les faits nouveaux, les changements ou les progrès enregistrés dans le secteur, dont les instances nationales et les pays ont besoin pour prendre les décisions. Pour répondre à cet objectif, il ne suffit pas de quantifier les ressources forestières; les évaluations cherchent de plus en plus à analyser tous les avantages des forêts, c'est-à-dire l'utilisation des ressources.

Pourtant une grande partie des informations nécessaires au niveau des pays font défaut. Peu de pays ont des inventaires forestiers qui fournissent les données de base requises. Sur 137 pays en développement, 22 seulement disposent d'inventaires successifs, 54 se sont fondés sur un seul inventaire, 33 ont des inventaires forestiers partiels et 28 n'en ont pas du tout (FAO, 2001). Très peu de pays en développement ont des informations à jour sur leurs ressources forestières, et ils sont encore moins nombreux à disposer des capacités voulues pour produire ces informations. Ce problème ne concerne pas seulement le monde en développement: dans plusieurs pays industrialisés, la situation est loin d'être satisfaisante. De même, l'absence de données de base fiables engendre des évaluations mondiales peu fiables.

Le présent article décrit l'évolution de la portée et des méthodes des évaluations forestières mondiales et nationales et tente de définir une plate-forme théorique pour les évaluations futures à l'échelle mondiale.







Pour soutenir les efforts
politiques visant à promouvoir
l'utilisation rationnelle et
durable des forêts, il faut
surveiller le développement,
les changements ou les progrès
en matière de forêts et de foresterie
-

PNUD-CMSC

HISTORIQUE DES ÉVALUATIONS NATIONALES

Les premiers inventaires nationaux ont été établis dans le but de connaître la quantité de bois disponible. Les éventuelles autres valeurs ou utilisations de la forêt n'entraient pas du tout en ligne de compte. La Suède, par exemple, a entrepris un inventaire forestier national en 1923, par crainte d'une pénurie imminente de bois (crainte qui s'est révélée infondée 10 ans plus tard, lorsque sont arrivés les premiers résultats). La portée des inventaires nationaux a progressivement été élargie en même temps que l'horizon de la foresterie.

L'appui aux inventaires nationaux dans les pays en développement est devenu une forme courante d'assistance au secteur dans les années 60. Les ressources forestières étaient normalement décrites de la même manière qu'en Europe, de sorte que les inventaires ignoraient certaines questions qui avaient de l'importance pour les pays en développement. En général, l'objectif était de connaître la quantité de bois de tailles et d'espèces commercialisables disponible pour l'exploitation. Des questions cruciales, comme l'expansion de l'agriculture au détriment des zones forestières et le rôle des forêts dans la lutte contre la pauvreté, étaient à peine survolées. En outre, l'assistance aux pays en développement était généralement fournie pour un inventaire unique et n'a pas permis de mettre sur pied des organisations d'inventaire durables, de sorte que peu de pays en développement ont une connaissance détaillée de leurs ressources forestières. Les résultats des inventaires ont rarement été utilisés pour une planification au vrai sens du terme, leur seul but étant pratiquement d'identifier les surfaces forestières exploitables. Les gouvernements et les donateurs ont été beaucoup plus hésitants à soutenir ce type d'inventaires depuis les années 70.

A partir des années 70, l'idée s'est répandue que les inventaires de terrain n'étaient plus nécessaires car la télédétection pouvait donner tous les renseignements requis (FAO, 1968). Des sommes considérables ont été dépensées pour produire des cartes colorées et pour tester les multiples utilisations potentielles que l'on prêtait à la télédétection. Pendant ce temps, en Afrique par exemple, il semble que les informations sur les forêts et leur utilisation se soient raréfiées depuis l'abandon des inventaires de terrain. La télédétection offre certes des possibilités pour la mesure de certaines surfaces, mais une carte du couvert végétal ne saurait remplacer une évaluation forestière. On réalise de plus en plus que le fait d'avoir misé à l'excès sur la télédétection a probablement conduit les évaluations forestières dans une impasse. Un retour aux inventaires de terrain pour fournir des informations nationales utiles pour les politiques semble se dessiner.

HISTORIQUE DES ÉVALUATIONS MONDIALES

En 1910, le Service forestier des Etats-Unis a préparé un rapport sur les ressources forestières mondiales (Zon, 1910). C'était, semble-t-il, la première tentative de présentation complète et détaillée de toutes les forêts et de leurs utilisations. L'évaluation visait à faire une analyse quantitative et qualitative des produits forestiers de tous les pays. Les aspects relatifs au type de propriété, à la gestion et à la durabilité étaient couverts. En fait, la portée de cette publication vieille de près d'un siècle était extraordinairement semblable à celle de l'Evaluation des ressources forestières mondiales 2000 de la FAO (ERF 2000) (FAO, 2001).

Le premier Inventaire forestier mondial de la FAO (IFM), recommandé par la Conférence en 1945, a été réalisé de 1947 à 1948. Il a ensuite été décidé qu'un Inventaire forestier mondial serait effectué tous les cinq ans. C'est ce qui a été fait avec les inventaires de 1953, 1958 et 1963.

L'objectif des IFM est clairement énoncé d'entrée de jeu dans l'inventaire de 1948, et reflète les préoccupations au niveau national: «Le monde entier souffre d'un déficit de produits forestiers» (FAO, 1948). Pour évaluer l'équilibre entre l'offre et la demande, il fallait avoir des renseignements sur les ressources. La FAO a réalisé des études pour suivre les tendances régionales et mondiales du bois dans les années 60. Il ne fait aucun doute que l'on espérait aussi faire ressortir les changements en effectuant des inventaires tous les cinq ans.

Dans les années 70, la FAO a effectué une série d'évaluations régionales, mais aucune enquête à l'échelle mondiale. Une synthèse mondiale indépendante des résultats régionaux (Persson, 1974) a aussi analysé la forêt, principalement comme ressource, mais le problème de la déforestation était également traité.

Les Evaluations des ressources forestières mondiales de la FAO pour 1980, financées par le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) ont mis au premier plan la déforestation. L'ERF 1990 avait aussi pour thème principal la déforestation, mais d'autres questions, comme la diversité biologique, étaient également abordées.

L'ERF 2000 a élargi son horizon à une bien plus vaste gamme d'avantages procurés par les forêts que les évaluations précédentes (Institut finlandais de la recherche forestière, 1996); la déforestation était considérée comme un problème important, mais on s'intéressait de plus en plus à la conservation et à des thèmes comme la biodiversité, les aires protégées et les feux de forêt étaient également couverts. L'ERF 2000 devait aussi donner des informations sur des aspects de la production, tels que l'offre totale de bois, les plantations forestières, les arbres hors forêts et les produits forestiers non ligneux. Les résultats définitifs de l'ERF 2000 ont toutefois révélé un manque d'informations utiles pour décrire plusieurs des avantages procurés par les forêts. On a également noté que les utilisateurs et les médias semblaient toujours intéressés avant tout par la superficie des forêts et ses variations.

Identification d'une parcelle expérimentale en Thaïlande: après une décennie d'enquêtes par télédétection, les inventaires de terrain reprennent leur rôle de source vitale d'informations au niveau national pour l'élaboration des politiques

I. ERIKSSON

MÉTHODOLOGIES DES ÉVALUATIONS MONDIALES PASSÉES

Les méthodes et définitions employées dans les évaluations forestières mondiales ont continuellement évolué à la lumière de l'expérience accumulée et des nouvelles demandes des utilisateurs. Lorsque des définitions et des méthodes ne donnent pas satisfaction, elles doivent être modifiées - mais ces changements font qu'il est difficile de faire des comparaisons entre des évaluations successives.

Les IFM réalisés de 1948 à 1963 ont eu recours à un questionnaire pour obtenir des informations auprès des pays. Lorsque cette méthode a de nouveau été tentée à la fin des années 60, elle a échoué, car la capacité de nombreux pays avait été réduite. Les études régionales des années 70 et l'ERF 1980 ont adopté une «méthode d'experts»: toutes les informations sur les forêts disponibles dans les pays ont été recueillies et un expert a tenté d'en faire la synthèse et de présenter un tableau cohérent. Cette approche était subjective et le dialogue avec les pays était pratiquement inexistant.

Dans l'ERF 1990, on a recherché une approche plus scientifique. Une base de données, intitulée Système d'information sur les ressources forestières (FORIS), a été créée pour regrouper les informations provenant des pays (en les ajustant pour les harmoniser avec les définitions de la FAO). L'utilisation de FORIS a renforcé le dialogue avec les pays. Une méthode de télédétection a également été introduite pour donner des informations sur les forêts et la déforestation aux niveaux mondial et régional, et pour vérifier la justesse de l'ordre de grandeur des chiffres compilés au niveau régional, à partir des données de FORIS.

L'ERF 2000 a repris les méthodes de l'évaluation de 1990 en les perfectionnant. Le partenariat avec les pays a été encore renforcé, en invitant tous les pays à valider les résultats. La relation entre la série de données mondiales de l'ERF 2000 et les données signalées par les pays a été présentée de manière transparente. En effet, on estime que, si l'on a les moyens de retracer toutes les estimations en les raccordant aux documents de base, la qualité des évaluations futures sera meilleure. Une enquête par télédétection a de nouveau été utilisée de manière indépendante, pour étudier les variations du couvert forestier et les comparer avec les estimations nationales, au niveau régional.

La FAO réalise des évaluations mondiales sur les ressources forestières depuis plus de 50 ans

PORTÉE DES ÉVALUATIONS FORESTIÈRES MONDIALES FUTURES

Une fois achevée l'ERF 2000, le processus de définition de la prochaine évaluation mondiale des forêts a démarré, avec la participation de parties prenantes à l'échelon national et international (voir compte rendu de la récente Consultation d'experts sur l'évaluation des ressources forestières [Kotka IV] qui clôt ce numéro). La définition de la portée générale de l'évaluation mondiale se fonde sur l'hypothèse que l'objectif principal des évaluations forestières est de suivre et d'évaluer les progrès globalement accomplis sur la voie de la gestion durable des forêts et d'autres objectifs politiques, à l'échelle internationale, et de placer ces efforts dans une perspective de développement élargie. Est-il, par exemple, préférable d'investir dans de nouvelles plantations forestières ou dans l'amélioration des infrastructures? Vaut-il mieux utiliser une partie des terres pour l'agriculture, ou les laisser à l'état de forêt?

En outre, l'évaluation devrait faciliter d'importantes analyses, par exemple sur les tendances du commerce et de l'industrie forestière. Toute évaluation forestière devrait à la fois réunir des données émanant d'inventaires forestiers, et décrire et évaluer les avantages procurés par les forêts, ou tout au moins leurs indicateurs, établis d'après les données des inventaires. L'évaluation pourrait aussi inclure une projection des avantages forestiers futurs (autres scénarios possibles) pour faciliter la prise de décisions.

L'évaluation devrait être soumise à un contrôle de la qualité, en termes de signification statistique et d'objectivité, afin que les progrès puissent être confirmés. Les mesures et les observations doivent être stables de manière à pouvoir établir des séries chronologiques comparables.

Comme le montre l'analyse qui précède, les évaluations forestières sont devenues de plus en plus complexes au fil du temps, en incorporant un plus grand nombre d'avantages procurés par les forêts. En principe, une évaluation forestière mondiale devrait analyser toutes les valeurs des forêts, depuis la diversité biologique jusqu'au bois à pâte. Elle devrait aussi prendre en compte toute la gamme de bénéficiaires, depuis les utilisateurs locaux des terres jusqu'à la population mondiale, faute de quoi, toute l'attention risque d'être concentrée sur les informations liées aux problèmes mondiaux dominants (tels que les changements climatiques et la diversité biologique), au détriment des aspects liés à la production locale et au développement rural, qui n'auraient qu'une place marginale. L'évaluation forestière mondiale peut donc être définie comme un processus de suivi de la valeur de tous les avantages que procurent les forêts à tous les bénéficiaires, incluant une analyse des tendances passées et des projections futures concernant ces avantages. Cela peut être fait au moyen des critères de la gestion durable des forêts adoptés par les processus forestiers régionaux.

En d'autres termes, une évaluation forestière mondiale ne devrait pas se limiter à analyser les ressources forestières et arborées biophysiques, elle devrait aussi s'intéresser à la gestion et à l'utilisation de ces ressources, en mettant l'accent sur les tendances à long terme. La focalisation actuelle sur la superficie forestière et ses variations ne donne qu'une évaluation très incomplète des avantages procurés par les forêts, car la plupart dépendent d'autres paramètres.

SIMPLIFICATION: L'UTILISATION D'INDICATEURS

Il est évidemment complexe d'étudier tous les avantages des forêts au fil du temps; aussi faut-il se résoudre à opérer certaines simplifications et approximations. Le tout est de garder ces simplifications présentes à l'esprit pour maintenir le rapport avec la base théorique et éviter que l'ensemble d'informations simplifié ne devienne un but en soi - par exemple en focalisant l'attention sur la réduction d'un seul chiffre, le taux de déforestation mondial.

Fort heureusement, il existe des processus internationaux qui facilitent la tâche, par exemple, en élaborant des critères et indicateurs de l'aménagement durable des forêts. Les critères sont clairs. Ils expriment les objectifs du secteur forestier, tels qu'ils ont été négociés dans les processus politiques. Leur formulation est vague (voir encadré ci-dessous), mais ils reflètent un objectif multifonctionnel, englobant toute la gamme des avantages procurés par les forêts. Les critères sont donc un bon point de départ pour concevoir les évaluations forestières mondiales.

En revanche, il a été plus difficile d'identifier des indicateurs permettant de voir dans quelle mesure un pays applique les critères, et de suivre les progrès au fil du temps. Les indicateurs ne sont pas optimaux car, comme on souhaitait avancer rapidement, on les a sélectionnés essentiellement sur la base des données disponibles. On ne peut pas partir du principe que les indicateurs ont la même validité ou le même poids d'un pays à l'autre. On n'a donc toujours pas trouvé le moyen de produire des informations relatives aux critères qui soient systématiques et valides pour tous les pays. Cela constituera l'une des grandes difficultés de la prochaine évaluation mondiale. La solution pourrait être d'adopter un ensemble de critères universellement acceptés, alors que les méthodes d'évaluation de l'avancement vers ces critères pourraient varier suivant les pays et les régions.

Une évaluation des ressources forestières mondiales devrait tenir compte de tous les avantages procurés par les forêts allant de la diversité biologique à la production de bois à pâte, et porter non seulement sur les ressources forestières et arborées biophysiques, mais aussi sur la gestion et l'utilisation de ces ressources -

BUREAU RÉGIONAL DE LA FAO POUR L'ASIE ET LE PACIFIQUE/M. KASHIO

INFORMATIONS FOURNIES PAR LES PAYS

Les évaluations forestières mondiales se font dans une large mesure en regroupant et en normalisant les informations nationales; telle a été l'approche adoptée dans l'ERF 2000. Cette approche s'impose car la quasi-totalité des informations forestières (à quelques exceptions près, comme les enquêtes sur le couvert végétal, qui couvrent de plus vastes étendues) sont compilées au niveau national, sous la conduite des pays. Cette approche est également souhaitable car la participation des pays garantit une plus grande acceptation des conclusions, contribue à renforcer les capacités nationales et établit un pont entre le niveau national et mondial où les politiques sont mises en œuvre.

Toutefois, les informations sur les forêts fournies par les pays doivent être passées au crible par une organisation neutre, car elles ont souvent un caractère politique. Par exemple, on a récemment accordé une grande attention aux variations du couvert forestier, car c'est la question la plus brûlante et l'indicateur de l'état des forêts qui est le plus facilement compris. Or, certains pays veulent cacher leurs taux de déforestation élevés, alors que d'autres surestiment les chiffres dans le souci de mobiliser un appui plus grand en faveur du secteur. Le Protocole de Kyoto peut déclencher d'autres manipulations des chiffres. Le choix des définitions influence aussi les résultats et les interprétations: la superficie déboisée chaque année dans le monde pourrait s'échelonner entre un niveau voisin de 0 (si l'on ne compte que les vraies forêts vierges) et plus de 50 millions d'hectares (si l'on compte tous les défrichements temporaires). Plusieurs ONG ont contesté le ralentissement de la déforestation dont fait état l'ERF 2000. Ainsi, même l'utilisation d'un indicateur de développement simple, comme la déforestation, ne fait pas l'unanimité. Malgré les efforts faits pour harmoniser les définitions, il reste une marge d'interprétation, même pour les variables les plus simples.

La condition des forêts signalée dépend dans une large mesure du contexte politique national. Ainsi, quelques pays minimisent la proportion de plantations forestières, car ils veulent mettre en évidence les forêts naturelles, alors que d'autres préfèrent exagérer le rôle des plantations, pour mettre en lumière la production potentielle de bois. Certains pays déclarent que toutes leurs forêts sont protégées en se réclamant de la législation générale sur les forêts, alors que d'autres signalent comme zones protégées uniquement celles qui sont soumises à des mesures de conservation rigoureuses.

Pour beaucoup de questions particulièrement à l'ordre du jour, comme la conservation de la biodiversité, l'effet de la pollution atmosphérique sur les écosystèmes forestiers, le cycle du carbone, les fonctions sociales des forêts et le type et l'intensité d'aménagement forestier, l'accord sur les relations et les concepts pertinents est encore loin, d'où le caractère souvent irrégulier et subjectif des rapports établis au niveau national.

De surcroît, de nombreux inventaires forestiers nationaux ne reposent pas sur un échantillonnage, mais sur une synthèse des inventaires du plan d'aménagement. Cette méthode peut conduire à de graves erreurs. Par exemple, en Arménie, on a constaté que l'accroissement réel en volume était deux fois plus élevé que celui estimé d'après les plans d'aménagement (voir encadré dans l'article de Thuresson, p. 22).

Faute d'une approche neutre et systématique, l'information sur les forêts s'est politisée. Des pays peuvent exercer des pressions pour cacher des informations qu'ils jugent embarrassantes. L'information est parfois mise en circulation ou «arrangée» dans un but politique précis. Cet usage sape la confiance dans l'information forestière.

La FAO et d'autres organismes peuvent prendre (et prennent) un certain nombre de mesures pour contrôler la fiabilité des informations fournies par les pays, notamment des enquêtes par télédétection et de la validation effectuée par des tiers. Une approche transparente, dans laquelle chacun peut accéder facilement aux statistiques, devrait être bénéfique pour le processus. Globalement, on considère que les avantages de la participation des pays l'emportent sur les éventuels problèmes concernant la qualité des données (FAO, 2001).

Exemple de critères relatifs à la foresterie durable: six critères définis par la Conférence ministérielle sur la protection des forêts en Europe

Les critères tendent à être vagues, mais ils reflètent un objectif multifonctionnel, à savoir:

  • Entretien et amélioration appropriée des ressources forestières et de leur contribution au cycle mondial de carbone
  • Maintien de l'état de santé et de la vitalité de l'écosystème forestier
  • Entretien et promotion des fonctions productives des forêts (bois et produits non ligneux)
  • Entretien, conservation et renforcement approprié de la diversité biologique dans les écosystèmes forestiers
  • Entretien et renforcement approprié des fonctions de protection dans le cadre de la gestion des forêts (notamment pour le sol et l'eau)
  • Maintien d'autres fonctions et conditions socioéconomiques.

RENFORCER LES CAPACITÉS NATIONALES POUR LA COLLECTE ET L'UTILISATION DES INFORMATIONS

Une organisation internationale n'est pas en mesure de collecter elle-même des informations détaillées sur les pays. Les méthodes d'experts et les techniques de télédétection peuvent donner les informations plutôt approximatives que l'on demandait jusqu'à présent au niveau international, mais si l'on recherche des informations plus précises, il faut accroître la participation des pays. C'est pourquoi il est nécessaire de renforcer les capacités dans les pays de telle sorte qu'ils puissent améliorer leurs informations.

L'intérêt que portaient auparavant les professionnels aux inventaires forestiers semble avoir diminué. Dans les années 60 et par la suite, un certain nombre d'organismes d'inventaire ont été institués dans les régions tropicales. Aujourd'hui, il n'y a plus guère d'infrastructures dans ce domaine ailleurs qu'en Asie. Peu d'organisations sont suffisamment solides pour pouvoir contribuer utilement au processus politique. De plus, les programmes des donateurs concernaient la collecte d'informations, et non pas leur utilisation. Le renforcement des capacités doit repartir de zéro.

Certains problèmes actuels au niveau national sont liés au manque de coordination entre les informations sur l'offre et la demande. Il semble que les informations forestières aient été dictées par l'offre durant les dernières décennies, en partie en raison de la promotion de la télédétection au détriment des travaux de terrain. Le processus politique dépendait des renseignements qu'il était possible d'obtenir avec la télédétection au lieu d'être dicté par les informations nécessaires.

Ainsi, il ne suffit pas, pour remédier à la situation, d'introduire des inventaires forestiers ou d'améliorer ceux qui existent, et de rassembler les données les concernant. Il est indispensable d'examiner le rôle de l'information dans le processus politique, à tous les stades de son développement (Janz et Persson, 2002), qui sont les suivants:

Le processus est cyclique - la mise en œuvre et le suivi engendrent un nouveau débat et l'identification de nouveaux problèmes - d'où le besoin continu d'informations à jour.

LES BESOINS AU NIVEAU INTERNATIONAL

A l'heure actuelle, de multiples organisations et instruments internationaux demandent des informations forestières, sans coordonner leur action, ce qui irrite les pays. Etant donné que différentes organisations présentes dans les pays répondent aux questionnaires, les informations émanant d'un pays sont parfois aussi incohérentes. Il serait bien préférable que les différents organismes, comme la FAO, la Convention sur la diversité biologique (CDB) et la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV), se mettent à coopérer et à aider les pays à établir des rapports qui fournissent les informations demandées par la plupart des processus internationaux (voir article de Braatz dans ce numéro, sur l'harmonisation des prescriptions des instruments internationaux, concernant l'établissement des rapports).

Il est indispensable de s'assurer que l'information demandée au niveau international puisse réellement être fournie par les pays. Dans ce contexte, il est également nécessaire de renforcer les capacités nationales. Des progrès considérables pourraient être faits avec relativement peu d'argent, en l'espace d'une ou deux décennies, pour répondre aux besoins au niveau international, si les donateurs et les organisations internationales joignaient leurs efforts en collaborant.

Individuellement, les processus internationaux mettent l'accent sur certains avantages des forêts, mais pas sur tous, et avec quelques variations au fil du temps. Actuellement, le captage du carbone et la diversité biologique dominent le débat et la demande d'informations, alors qu'il y a 30 ans, l'argument prioritaire était l'approvisionnement en bois. Il est probable qu'a l'avenir de nouveaux thèmes - sans doute en rapport avec les bilans hydriques et l'énergie - accapareront le devant de la scène. Les évaluations forestières mondiales devraient mettre en relief des thèmes qui sont importants aujourd'hui, mais aussi se placer dans une perspective à long terme, en regardant à la fois vers le passé et vers le futur.

CONCLUSIONS

Les évaluations forestières mondiales ont sans cesse évolué. Cette évolution se poursuivra, essentiellement en fonction des exigences des rapports internationaux. Il est certain que, dans 10 ans, les informations requises et les méthodes disponibles seront différentes de ce qu'elles sont aujourd'hui. Si l'on adopte pour plate-forme générique de couvrir tous les avantages provenant des forêts et des ressources arborées et tous les bénéficiaires, les évaluations forestières mondiales futures pourront rester neutres et indépendantes des programmes d'action spécifiques des processus internationaux et des différentes organisations.

Les évaluations mondiales continueront à faire fond sur les efforts nationaux dont elles extrairont des informations pertinentes au niveau international. Il est plus facile de produire des informations et des connaissances au niveau national, et celles-ci doivent être intégrées aux processus politiques nationaux. L'amélioration des évaluations forestières mondiales nécessite une coopération efficace avec les pays et les professionnels qui y exercent. On y arrivera plus facilement si les pays savent quels avantages ils peuvent tirer de la coopération. Par exemple, le processus de l'ERF mondial peut faciliter des inventaires de terrain polyvalents qui aideront les pays à rassembler les informations dont ils ont besoin.

Les processus d'établissement de critères et d'indicateurs permettant de suivre les progrès accomplis sur la voie de la gestion durable des forêts peuvent être intéressants pour les évaluations forestières mondiales. L'utilisation de critères comme point de départ pour concevoir les évaluations peut resserrer le lien entre les travaux d'inventaire et d'évaluation et la mise en œuvre et le suivi des politiques.

Le rôle des indicateurs est ambigu. D'une part, ils représentent une tentative d'utiliser les données existantes ou accessibles pour suivre l'application des critères. De l'autre, ils correspondent bien souvent à des simplifications excessives et ne sont pas toujours applicables à des échelles différentes. Le processus de l'ERF mondial devrait participer à l'élaboration et au perfectionnement des indicateurs, et de leurs applications.

De nombreux processus internationaux ne traitent qu'une partie des avantages des forêts, tels que la prévention des changements climatiques ou la diversité biologique. Il est donc essentiel de trouver des synergies pour utiliser au mieux les ressources financières et les compétences. Le manque de ressources n'est pas toujours le problème principal. Si l'on utilisait les ressources disponibles pour renforcer les capacités des pays en développement et produire des informations utiles pour les politiques, sur le terrain - au lieu, par exemple, de produire des cartes du couvert végétal, à l'aide de techniques de télédétection - de grands progrès pourraient être faits, tant aux plans national qu'international. La mise en place d'un système de collaboration pour les processus politiques et l'amélioration des statistiques, pourrait être une solution.

Bibliographie


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