M. Doray et L. Reynal
Ifremer,
délégation des Antilles
Laboratoire de Recherche
Halieutique
Pointe Fort, 97231, Le Robert
Martinique
(F.W.I.)
[email protected]
[email protected]
Les informations synthétisées dans ce document ont été fournies par les représentants des 11 îles ayant participé à la 1ère réunion du groupe de travail de la FAO pour le développement durable de la pêche associée aux DCP ancrés aux Petites Antilles. Aucun représentant de la Barbade na assisté au groupe de travail, cependant, du fait de limportance des pêcheries de poissons pélagiques hauturiers barbadiennes, des données issues du site Internet de la Barbados Fisheries Division ont été incluses dans cette synthèse. Toutes les données fournies ont été regroupées dans une base de données Access afin de faciliter larchivage et le traitement. Ces données sont résumées sous forme de tableaux synthétiques en annexe 5.
I. Bilan du développement dun type de pêche nouveau: la pêche associée aux DCP ancrés
Depuis le début des années 90, un nouveau mode dexploitation des poissons pélagiques hauturiers a commencé à se développer aux Petites Antilles: la pêche asociée aux DCP ancrés. Ce type de pêche nouveau cohabite actuellement avec les modes dexploitation traditionnels des poissons pélagiques hauturiers: la traîne au large, la traîne côtieère, la pêche aux poissons volants et la palangre de surface.
Tableau 1: Types de DCP ancrés en usage aux Petites Antilles
Radeau de bambou |
Bambous |
Miroir, drapeau et réflecteur radar |
125m, protection en caoutchouc aux extrémités |
Vieux filets sur bout de 10m lesté |
900kg de sacs de sable et une ancre de 20kg |
3 semaines |
Johnson, 2002 |
Artisanal |
1 ou plusieurs bouées de 2 L (ou de simples bidons), avec parfois un chapelet de quelques bouées de 2 à diamètre total de 10 L |
Aucune |
Polypropylène de 8 à 12 mm Ø, parfois remplacée par plusieurs brins de "cordes à banane" (brins jointifs de polypropylène d'un diamètre total de 4mm) |
Bâches, vieux filets ou feuilles de coco |
Matériaux de récupération |
Plusieurs mois |
Diaz et al., 2002 |
Léger (type Ifremer) |
Bouée gonflable 50 L et chapelet de 20 flotteurs de 4 L |
Réflecteur radar, pavillon et lampe |
250 m PA 12mm avec gaine PVC 25mm sur les 150 premiers mètres puis 1000m PP 12mm |
Bâches plastiques |
2 blocs de béton de 150kg chacun |
6 mois |
Guillou et al., 2000 |
Lourd (type Curaçao MKII) |
Bouée perche métallique à forte réserve de flottabilté: 1126 L |
Réflecteur radar à 4,5m de la surface |
Chaîne en surface, ligne polypropylène 20mm et courte chaîne de mouillage maintenue au dessus du fond par des bouées |
Brins de nylon 14mm accrochés à la chaîne de mouillage |
Ancre champignon inversé monobloc béton/acier: 1550kg |
3 ans |
Van Buurt, 2000 |
Tableau 2: Développement de la pêche associée aux DCP ancrés aux Petites Antilles
1ers DCP |
Ile |
Niveau de développement |
Nb de DCP |
Type de DCP ancré |
Statut du DCP |
Distance mini |
Distance maxi |
Prof. mini |
Prof. maxi |
Coût mini |
Coût maxi |
Type de pêche pratiqué |
1988 |
Guadeloupe |
Pêcherie commerciale |
200 |
Artisanal |
Privé |
2 |
50 |
300 |
2000 |
500 |
|
Traîne et bidon |
1983 |
Martinique |
Pêcherie commerciale |
>31 |
Léger ou artisanal |
Communautaire, financement public ou privé |
3 |
35 |
400 |
2500 |
700 |
2000 |
Traîne et bidon |
1988 |
Curaçao |
Pêcherie commerciale |
6 |
Lourd |
Gestion et financement publics |
|
|
574 |
754 |
11800 |
11800 |
Traîne |
1987 |
Dominica |
Début d'une pêcherie commerciale |
9 |
Léger ou artisanal |
Communautaire, financement public ou privé |
4 |
30 |
|
|
1536 |
|
Traîne et bidon |
Début années 80 |
St. Lucia |
Début d'une pêcherie commerciale |
1 |
Légers et lourds |
Communautaire, financement public |
|
|
|
|
1873 |
3745 |
Traîne et bidon |
Début années 80 |
St. Kitts |
Début d'une pêcherie commerciale |
|
Inconnu |
Privé |
|
|
|
|
|
|
Traîne |
Début années 90 |
Grenada |
Emergence d'une pêcherie commerciale |
2 |
Léger ou artisanal. Actuellement navires ancrés |
Communautaire, financement public |
|
|
360 |
360 |
|
|
Traîne |
1999 |
Trinidad |
1ères expérimentations officielles |
0 |
Radeau de bambou |
Communautaire, financement public |
|
|
|
|
|
|
|
1997 |
St. Vincent et les Grenadines |
1ères expérimentations officielles |
0 |
Radeau de bambou |
Communautaire, financement public |
5 |
5 |
50 |
50 |
|
|
Traîne |
NC |
Cuba |
1ères expérimentations officielles |
0 |
|
Communautaire, financement public |
|
|
|
|
|
|
|
Inconnu |
Antigua Barbuda |
1ères expérimentations informelles |
6 |
Artisanal |
Privé |
8 |
20 |
200 |
600 |
|
|
Traîne sportive |
Les premiers DCP ancrés ont été introduits au début des années 80 aux Petites Antilles et aujourdhui différents types sont utilisés dans la région (tab.1). 4 types de dispositifs ont été distingués ici: radeau de bambou, DCP artisanal, DCP léger et DCP lourd.
Les différences en terme de durée de vie se retrouvent au niveau du coût des différents types de DCP (tab.2). Le coût du DCP est également lié au mode de gestion retenu. Les DCP lourds ont ainsi été développés et financés à Curaçao par les services de létat afin de faire face aux conditions de mer très dures qui règnent autour de lîle (Van Buurt, 2000).
A. Niveaux de développement de la pêche associée aux DCP ancrés aux Petites Antilles
Le niveau de développement actuel des pêcheries DCP des différentes îles (tab.2) ne semble pas être corrélé avec la date de première introduction de ces dispositifs. 4 niveaux de développement ont été distingués, après analyse de la description du développement de la pêche associée aux DCP ancrés dans chacune des îles des Petites Antilles: pêcherie commerciale, début dune pêcherie commerciale, émergence dune pêcherie commerciale et premières expérimentations (officielles ou non). 254 DCP ancrés seraient actuellement en activité aux Petites Antilles daprès les participants du groupe de travail. Le nombre de DCP en activité autour de chaque île semble lié au niveau de développement de la pêcherie, mais également aux coûts de déploiement des DCP et au mode de gestion choisi. Les financements publics ne peuvent être mobilisés que lentement, ce qui limite le nombre de DCP déployés.
Des pêcheries commerciales se sont développées autour de chacun des types de DCP et selon des systèmes de gestion très différents. Le financement public intégral de la pose et de la maintenance semble être le seul mode dorganisation qui permette le maintien de DCP lourds très coûteux, comme à Curaçao. Cest aussi à Curaçao que la gestion de lactivité de pêche associée aux DCP est entièrement gérée au niveau étatique.
Le coût beaucoup moins élevé des DCP légers et/ou artisanaux utilisées au sein des pêcheries commerciales développées en Guadeloupe et en Martinique laisse la place à linitiative privée dans le déploiement des dispositifs. En Guadeloupe, les DCP sont totalement privés et financés par les pêcheurs eux-mêmes: leur nombre est donc très élevé et difficilement estimable. La situation en Martinique est intermédiaire entre la Guadeloupe et Curaçao avec un parc de 30 DCP publics auxquels sajoutent des DCP privés plus loin de la côte.
La pêche associée aux DCP ancrés est pratiquée exclusivement par de petites unités artisanales non pontées aux Petites Antilles cependant, le développement dune pêcherie commerciale semble lié à lemplacement des DCP ancrés et aux technique de pêche employée. Les DCP des 2 îles où ce type de pêche est le plus développé (Guadeloupe et Martinique) sont ancrés au delà du plateau insulaire, aux profondeurs les plus élevées, ce qui semble permettre lagrégation de poissons pélagiques hauturiers de grande taille en profondeur et donc le développement de la pêche à la palangre verticale dérivante. Cette technique de pêche profonde permet en effet de réaliser des captures moyennes beaucoup plus élevées que la traîne de surface.
La pêche au bidon pratiquée aux Antilles Françaises sexporte actuellement vers les îles voisines Ste Lucie et la Dominique avec lesquelles les échanges sont nombreux, ce qui permet un développement de la pêche associée aux DCP sur le modèle français dans ces deux îles. Cette nouvelle activité semble également être en voie de se développer de façon informelle à Antigua, dont la proximité avec la Guadeloupe doit également avoir facilité les échanges.
On peut constater que dans les îles plus éloignées des Antilles Françaises, le développement de la pêche associée aux DCP ancrés est moins rapide et les premières expérimentations officielles avec des radeaux de bambous nont actuellement pas eu de suites connues à St Vincent et Trinidad et Tobago. Le DCP a à Grenade un développement particulier et très limité, basé sur la pratique de la traîne de surface autour de navires épaves mouillés près de la côte.
B. Avantages du DCP ancré aux Petites Antilles
Lanalyse des avantages et problèmes restant à résoudre évoqués dans les différentes îles des Petites Antilles au sujet de la pêche associée aux DCP ancrés permet de préciser les autres raisons qui ont conduit à des écarts de développement de cette activité (annexe 1). Le principal avantage reconnu de ce nouveau type de pêche est lamélioration des rendements ou de la régularité des captures (Martinique). En Guadeloupe le réseau dense de DCP ancrés autour de lîle permettrait de plus daméliorer les captures dune espèce spécifique, capturée par ailleurs par les pêches traditionnelles: C. hippurus.
Le second avantage le plus souvent évoqué est la diminution des efforts tant physiques que financiers consentis à chaque sortie DCP par rapport aux types de pêche traditionnels. Cet avantage nest cependant pas évoqué en Guadeloupe où le déploiement de DCP de plus en plus loin des côtes produit leffet inverse. Limplantation de DCP ancrés semble également permettre de diversifier lactivité de pêche en redéployant une partie de leffort de pêche du plateau vers le large. Dans le cas de Ste-Lucie, limplantation dun DCP ancré en face dune zone côtière récemment mise en réserve a permis de fournir un dédommagement apprécié aux pêcheurs privés de leurs zones de pêche traditionnelles.
La pêche associée aux DCP ancrés semble permettre également linstallation de nouveaux (jeunes) pêcheurs, ce qui est positivement ressenti, même si cela implique en Dominique dinvestir davantage de moyens pour suivre et encadrer cette nouvelle activité. Les DCP sont cités aussi comme facteur limitant des incursions des pêcheurs dans les ZEE des pays voisins. Cette affirmation est cependant contredite par les incursions des pêcheurs français dans les eaux des îles voisines pour implanter des DCP.
Le DCP est également cité aux Antilles Françaises comme terrain détude à part entière qui permet dobserver plus aisément les pélagiques hauturiers migrateurs.
Enfin, il est souligné que le niveau de technicité relativement limité à acquérir pour déployer et exploiter les DCP ancrés constitue un avantage non négligeable pour les pays en développement.
C. Problèmes restant à résoudre avec les DCP ancrés aux Petites Antilles
Le principal problème évoqué est lapparition de conflits autour du DCP, pour laccès au dispositif entre les pêcheurs professionnels ou avec des pêcheurs sportifs ou les vols de lignes de pêche («bidons»). Ces conflits semblent néanmoins nêtre caractéristiques que des pêcheries DCP en développement et ont disparu peu à peu avec létablissement dune pêche commerciale tant en Guadeloupe avec un système de gestion privé des DCP quen Martinique avec un système semi-public. Le vandalisme ou la détérioration volontaire des DCP est également évoqué et ne semble se produire également que lors de la phase dintroduction des DCP ancrés, lorsque les règles daccès au DCP ne sont pas encore clairement établies entre pêcheurs (Reynal et al., 2000).
Le second problème souvent évoqué est le problème du suivi dun parc de DCP, qui pose le problème de lamélioration de la durée de vie des dispositifs et de leur entretien, questions étroitement liées à des problèmes de coût. Il semble que des recherches soient encore à mener dans ce domaine afin de mettre en adéquation le type de DCP utilisé, sa longévité et les ressources matérielles disponibles dans les différentes îles des Petites Antilles.
Le troisième problème concerne les problèmes de sécurité posés par le DCP, tant pour la navigation lorsque la densité des dispositifs est très importante, comme en Guadeloupe, que pour les pêcheurs eux-mêmes qui vont pêcher autour des DCP avec des embarcations non adaptées à leur éloignement de la côte (Dominique et Guadeloupe). Les pêcheurs guadeloupéens signalent en eff une diminution des rendements autour des DCP les plus côtiers qui les oblige à poser des DCP de plus en plus loin des côtes, avec les problèmes de sécurité et de coût que cela engendre.
La seule île des Petites Antilles où des mensurations de captures provenant de DCP ancrés sont réalisées est la Martinique. Ces mensurations ont révélé quune proportion importante des captures réalisées autour des DCP ancrés était des juvéniles, ce qui pose le problème de la gestion des stocks et souligne la nécessité de mener des recherches plus approfondies sur la composition et limportance des concentrations de poissons exploitées sous les DCP ancrés.
La pêche associée aux DCP ancrés semble donc être en voie de se développer dans lensemble des îles des Petites Antilles, du fait davantages reconnus par tous: augmentation des débarquements de poissons pélagiques sans investissement technique important, diminution des coûts de production et assurance dune certaine régularité des apports. Ce type de pêche nouveau semble se diffuser spontanément de pêcheur à pêcheur, à partir des pêcheries commerciales déjà établies, essentiellement en Martinique et Guadeloupe.
Des problèmes restent cependant à résoudre, tant au niveau de la réglementation officielle ou officieuse de lactivité, que de la technologie des DCP ou de la pérénité des ressources exploitées.
II. Flottilles exploitant les stocks de poissons pélagiques hauturiers aux Petites Antilles
A. Pêcheurs exploitant les poissons pélagiques hauturiers
Figure 1: Effectif des pêcheurs exploitant les pélagiques hauturiers
Daprès les données communiquées, 25 894 pêcheurs auraient été recensés dans les différentes îles des Petites Antilles comme étant susceptibles dexploiter les stocks de pélagiques hauturiers au moins une partie de lannée. 4720 de ces pêcheurs pratiqueraient leur activité à plein temps. Tous ces pêcheurs sont professionnels à lexception de pêcheurs sportifs recensés à Antigua Barbuda.
Les effectifs par pays sont regroupés dans lannexe 2.
Le nombre important de pêcheurs impliqués dans lexploitation de ces ressources sexplique par le caractère artisanal des pêcheries.
B. Navires exploitant les poissons pélagiques hauturiers
Description de la flotte et des activités
5 565 embarcations ont été recensées comme pouvant exploiter les pélagiques hauturiers pendant une partie de lannée aux Petites Antilles. Toutes les îles nont pas pu indiquer le nombre dembarcations ciblant les poissons pélagiques hauturiers comme le montre la figure 2. Les pays en bleu plus sombre sur cette figure ne disposent pas dévaluation du nombre de bateaux ciblant effectivement les pélagiques hauturiers car leurs flottilles sont artisanales et pluri-métiers. Dans le cas de ces pays, le nombre de bateaux reportés sur la figure est le nombre total de bateaux enregistrés et est donc surévalué par rapport au nombre de bateaux exploitant réellement les pélagiques hauturiers.
Figure 2: Nombre dembarcations exploitant les pélagiques hauturiers aux Petites Antilles
Leffectif total des embarcations non pontées (7 348) est très supérieur à celui des embarcations pontées (705), ce qui traduit le caractère artisanal des flottilles, confirmé également par la longueur moyenne des embarcations: 7,3m. Les embarcations pontés sont généralement équipées dun moteur inboard diesel contrairement aux embarcations non pontées équipées de moteurs outboards à essence.
Les embarcations pontées mesurent en moyenne 10,6m et pratiquent majoritairement la traîne, comme activité principale à Curaçao, ou en complément de la pêche aux poissons volants à Trinidad et Barbade (annexe 3). Les sorties durent alors généralement de 1 à 10 jours. Une centaine de bateaux pontés pêchent également à la palangre de surface, à Grenade, Curaçao, Trinidad et Barbade, ils sont en moyenne plus grands (15,1m) que les bateaux pontés pratiquant la traîne (9,7m) et ils réalisent des marées de 3 à 15 jours. Seules les embarcations pontées disposent déquipements spécifiques: vire lignes, bac à glace, vivier ou appareils de détection de poisson.
Le nombre dembarcations non pontés ciblant les pélagiques est surestimé pour les raisons exposées plus haut, ces bateaux pratiquent majoritairement la traîne et/ou la pêche associée aux DCP ancrés. Une centaine dembarcations non pontée pratique également la palangre de surface à Grenade. Trinidad rapporte également lexistence dans ses eaux dembarcations artisanales non pontées qui pratiquent le filet maillant et diverses techniques de lignes mais sans en préciser le nombre. La durée des sorties des embarcations non pontées nexcède pas la journée.
Définition des flottilles exploitant les pélagiques hauturiers
Nous avons caractérisé les flottilles ciblant les pélagiques hauturiers qui opèrent aux Petites Antilles. Elles sont définies dans le tableau 3 par un type dembarcation (ponté/non ponté, motorisation et longueur moyenne) associé à un type de pêche:
Tableau 3: Flottilles ciblant les pélagiques hauturiers aux Petittes Antilles
Flottille |
Longueur moyenne (m) |
Nb potentiel |
Nb avéré |
Type de pêche principal |
Motorisation |
Palangriers pontés |
15 |
111 |
90 |
Palangre de surface |
Diesel inboard |
Ligneurs pontés polyvalents |
10 |
594 |
463 |
Traîne |
Diesel inboard |
Palangriers non pontés |
7 |
109 |
109 |
Palangre de surface |
Essence outboard |
Ligneurs non ponté polyvalent |
7 |
4623 |
1242 |
Traîne |
Essence outboard |
Ligneurs DCP non pontés polyvalents |
7 |
2616 |
? |
Traîne et palangre verticale dérivante |
Essence outboard |
La notion de navires «artisans», «industriels» voire «semi-industriels» apparaît dans les rapports des pays des Petites Antilles. Du fait de la multiplicité des définitions de ces termes, ils nont pas été retenus comme critère de définition des flottilles. Seuls les palangriers pontés sont parfois qualifiés d «industriels» ou «semi-industriels», toutes les autres embarcations étant considérées comme «artisanales» cest-à-dire de petite taille.
Curaçao et Trinidad ont également rapporté la présence dans leurs eaux de palangriers étrangers de grande taille (réellement «industriels») dont les activités semblent mal connues.
Les ligneurs sont en règle générale qualifiés de «polyvalents» car ils nexploitent pas les pélagiques toute lannée et pratiquent dautres types de pêche (pêche aux casiers...).
Grenade est lîle des Petites Antilles où les flottilles de palangriers sont les plus développées: elle dispose de loin des flottilles pontées (63 bateaux) ou non pontées (105 bateaux) les plus nombreuses et lactivité effective de ces bateaux est de plus avérée. Les palangriers pontés de Grenade mesurent en moyenne environ 16m. Trinidad ne déclare que 8 palangriers pontés en activité, mais il sagit de bateau de grande taille pour la zone (19m en moyenne). La Barbade, Curaçao et St Vincent déclarent un peu moins dune quinzaine de palangriers pontés, dont certains ne sont cependant pas en activité (cf annexe 3). Ces bateaux sont dune taille plus réduite (12-13m) quà Trinidad et Grenade.
La Barbade et Curaçao se distinguent par des flottilles importantes de ligneurs pontés polyvalents, tandis que les flottes des autres îles des Petites Antilles sont principalement composées de nombreux ligneurs non pontés polyvalents. Le développement de ces unités pontées peut sexpliquer à Curaçao par les conditions de mer difficiles autour de lîle. La Barbade dispose dune ZEE relativement plus vaste que les autres îles des Petites Antilles (Trinidad et Tobago excepté), ce qui pourrait expliquer le développement dune flottille de bateaux pontés pour exploiter au mieux cette ZEE (notamment les ressources de poissons volants). Les pêcheurs barbadiens réalisent ainsi des marées de plusieurs jours et ont développé des stratégies de pêche élaborées en exploitant les poissons pélagiques hauturiers agrégés autour de leurs bateaux en dérive. On ne retrouve pas trace de ce genre de stratégies dans les autres îles des Petites Antilles car les bateaux non pontés qui y sont utilisés en majorité ne permettent que des sorties à la journée.
Le nombre de bateaux pratiquant réellement la pêche associée aux DCP ancrés est actuellement inconnu.
C. Engins et espèces cibles
Palangres
Les palangres de surface utilisées par les palangriers pontés ou non pontés sont des palangres dérivantes qui semblent toutes se rapprocher de la palangre dérivante à thons japonaise décrite par Battaglia (1993). Ces palangres ciblent T. albacares et les hameçons sétagent entre 30 et 50m de profondeur. La différence entre les flottilles des palangriers pontés ou non pontés semble provenir davantage du nombre dhameçons mis en uvre sur chaque palangre que de différences dans le modèle de palangre utilisé. Les palangriers non pontés mettent ainsi en uvre en moyenne entre 100 et 250 hameçons sur une palangre, tandis que les palangriers pontés peuvent mettre en uvre de 300 à 1000 hameçons sur une seule palangre. Les palangriers pontés de la Barbade et St Vincent utilisent des palangres plus courte (24 à 48km) avec moins dhameçons (200 à 300) que les palangriers de Grenade (jusquà 700 hameçons) ou Trinidad (palangre longue de 24 à 88km avec 300 à 1000 hameçons).
Lignes
Tous les ligneurs utilisent en général les mêmes lignes de traîne de surface ou sub-surface (plombées) avec un seul hameçon. Ils utilisent des leurres artificiels pour capturer les thunnini (thons et bonites) et scombrini (thazards) et des appâts frais pour C. hippurus. Les cannes à pêche avec moulinet ne sont utilisées généralement que par les pêcheurs sportifs, les pêcheurs commerciaux nemployant quasi exclusivement que des lignes à main. Il y a donc généralement autant de lignes que de pêcheurs embarqués. Seuls les pêcheurs de Trinidad utilisent des tangons en bambou pour mettre en oeuvre 4 à 6 lignes de traîne sur une même embarcation.
Espèces capturées et espèces ciblées
Tableau 4: Nombre de flottilles capturant chaque espèce de poisson pélagique hauturier aux Petites Antilles
Espèce |
Palangriers pontés |
Ligneurs pontés polyvalents |
Palangriers non pontés |
Ligneurs non pontés polyvalents |
Ligneurs DCP non pontés polyvalents |
Toutes flottilles |
Cory phaena hippurus |
5 |
3 |
2 |
7 |
3 |
20 |
Thunnus albacares |
4 |
1 |
2 |
4 |
4 |
15 |
Acanthocybium solandri |
|
2 |
1 |
6 |
4 |
13 |
Scomberomorus cavalla |
1 |
1 |
|
5 |
3 |
10 |
Katsuwonus pelamis |
|
1 |
|
3 |
3 |
7 |
Thunnus atlanticus |
1 |
1 |
|
3 |
2 |
7 |
Xiphias gladius |
4 |
1 |
|
1 |
1 |
7 |
Makaira nigricans |
1 |
2 |
|
|
3 |
6 |
Carangidae |
1 |
|
|
2 |
2 |
5 |
Exocoetidae |
|
2 |
|
2 |
|
4 |
Thunnus obesus |
3 |
1 |
|
|
|
4 |
Euthynnus alletteratus |
|
1 |
|
3 |
|
4 |
Elagatis bipinnulata |
1 |
1 |
|
1 |
|
3 |
Sphyraena barracuda |
|
1 |
|
2 |
|
3 |
Istiophorus albicans |
1 |
1 |
|
|
|
2 |
Tetrapterus albidus |
1 |
1 |
|
|
|
2 |
Thunnus alalunga |
1 |
1 |
|
|
|
2 |
Scomberomorus brasiliensis |
|
1 |
|
|
|
1 |
Scomberomorus regalis |
|
1 |
|
|
|
1 |
Le tableau 4 résume les informations concernant les espèces capturées par chacune des flottilles pélagiques. Globalement, cest C. hippurus qui est capturée par le plus grand nombre de flottilles aux Petites Antilles, suivie de T. albacares, des espèces les plus courantes de thazards, des petits thonidés (K. pelamis et T. atlanticus) et de 2 poissons à rostre: X. gladius et M. nigricans. Les carangidae et exocoetidae sont également exploités par quelques flottilles. Ces résultats sont à interpréter avec précaution, du fait des erreurs didentification éventuelles des espèces qui sont effectivement capturées par chaque flottille: les ligneurs pontés polyvalents semblent ainsi capturer une très grande variété despèces, dont certaines sont inféodées à un habitat profond comme T. obesus ou X. gladius et ne doivent être capturées que très rarement à la traîne de surface. X. gladius étant principalement distribué très en dessous des profondeurs prospectées à la traîne et ne remontant en surface que la nuit, les captures de cette espèce déclarées par les flottilles de surface nopérant a fortiori pas la nuit sont en général à considérer avec réserves, dautant que M. nigricans est appelé à tort «espadon» dans de nombreuses îles des Petites Antilles. On peut donc considérer que la principale espèce de poisson à rostre capturée est M. nigricans.
Tableau 5: Nombre de flottilles engagées selon que lespèce de poisson pélagique hauturier est capturée comme cible ou non aux Petites Antilles
Espèce |
Capture accessoire |
Capture |
Capture ciblée |
Total |
Cory phaena hippurus |
3 |
5 |
10 |
15 |
Thunnus albacares |
|
5 |
9 |
14 |
Acanthocybium solandri |
|
7 |
3 |
10 |
Scomberomorus cavalla |
|
6 |
2 |
8 |
Thunnus atlanticus |
|
4 |
3 |
7 |
Xiphias gladius |
|
3 |
4 |
7 |
Katsuwonus pelamis |
|
5 |
1 |
6 |
Makaira nigricans |
|
2 |
4 |
6 |
Thunnus obesus |
|
1 |
3 |
4 |
Euthynnus alletteratus |
|
4 |
|
4 |
Carangidae |
1 |
3 |
|
3 |
Exocoetidae |
|
2 |
1 |
3 |
Istiophorus albicans |
|
2 |
1 |
3 |
Tetrapterus albidus |
|
2 |
1 |
3 |
Sphyraena barracuda |
|
2 |
1 |
3 |
Thunnus alalunga |
|
1 |
1 |
2 |
Elagatis bipinnulata |
1 |
1 |
|
1 |
Scomberomorus brasiliensis |
|
1 |
|
1 |
Scomberomorus regalis |
|
1 |
|
1 |
C. hippurus est lespèce capturée par le plus grand nombre de flottilles de palangriers pontés, mais elle est une espèce accessoire pour ce type de bateaux, le tableau 5 distingue le nombre de flottilles capturant chaque espèce en fonction du statut de celle-ci (prise accessoire ou espèce cible).
C. hippurus apparaît ici comme la principale prise accessoire des palangriers pontés, mais également comme la principale espèce cible (et capturée) par les autres flottilles. Les principales espèces capturées par le plus de flottilles (C. hippurus, T. albacares et thazards) sont les espèces qui sont également les plus recherchées. Les petits thonidés (K. pelamis et T. atlanticus) sont capturés par un grand nombre de flottilles, sans être particulièrement ciblés car ils sont facilement capturés à la traîne. Le phénomène inverse est observé pour des espèces qui impliquent lemploi dengins particuliers comme X. gladius et T. obesus qui ne peuvent être capturées que parce quelles sont ciblées spécifiquement (les captures de ces espèces sans quelles soient particulièrement visées sont donc douteuses).
III. Analyse des statistiques de pêche disponibles pour la zone des Petites Antilles
A. Origine et standardisation des données
La nature et lorigine des données qui ont été utilisées dans cette synthèse sont regroupées en annexe 4. Il faut souligner ici les difficultés qui ont été rencontrées pour standardiser les informations fournies par les différentes îles. Les données de base qui ont été communiquées sont les captures totales annuelles par groupes despèces. Ces informations étaient fournies pour un nombre dannées variable en fonction de la date de mise en service des systèmes de collecte de données statistiques, mais la décennie 90 est globalement couverte.
Le principal problème a résidé dans la standardisation des appelations despèces ou groupes despèces utilisées dans les différents pays. En effet, les données de production sont en général ventilées par espèces (avec déventuels problèmes didentification) ou regroupées sous des appellations plus ou moins locales, ce qui complique énormément la comparaison des compositions spécifiques des captures des différents pays. Lorsque lespèce est clairement identifiée, lemploi de son nom latin pourrait simplifier grandement les échanges de données, en évitant la confusion qui naît inévitablement des appellations (et orthographes) locales.
Pour les groupes despèces, des appellations communes devraient être adoptées. Les données de production annuelles ont été compilées et ventilées dans le cadre de cette synthèse selon une liste de groupes despèces qui sadapte à tous les systèmes statistiques en usage et permet néanmoins un niveau danalyse satisfaisant pour une description générale des pêcheries (tab.6). Cette liste pourrait servir de base à lélaboration dun format commun déchange de données. 40 espèces ou groupes despèces et/ou orthographes différents utilisés par les pays des Petites Antilles fournissant des données à lICCAT (Commission Internationale pour la Conservations des Thonidés de lAtlantique; en français CICTA) ont été regroupés ici en 10 grands groupes despèces.
Tableau 6: Liste des groupes despèces utilisés pour la synthèse
Groupes despèces |
Group of species |
Code espèce |
Gros thons (>14 kg) |
Big tunas |
BTUN |
Poissons à rostre |
Billfishes |
BILLF |
Dorade |
Dolphinfish |
DOLP |
Poissons volants |
Flying Fish |
FFISH |
Autres (carangidae, balistidae...) |
Other (triggerfishes, jacks...) |
OTHE |
Requins |
Sharks |
SHAR |
Petits thons (>14 kg) |
Small tunas |
STUN |
Thons/thazards |
Tuna/Mackerel |
TUMA |
Thons divers |
Tunas |
TUNA |
Thazards |
Wahoos and kingfishes |
WHKI |
De manière générale, très peu de pays ont communiqué des données relatives à leffort de pêche. Lutilisation des captures moyennes par sortie pourrait cependant fournir une base de comparaison intéressante entre les différentes flottilles artisanales.
Les données compilées par lICCAT concernant les captures de poissons pélagiques hauturiers réalisées dans les carrés statistiques de 5° de côté contenant les pays des Petites Antilles ont été inclues dans lanalyse afin de dégager la part des débarquements des îles des Petites Antilles.
B. Données de production
Transformation préalable des données
Des comparaisons préalables ont été effectuées entre les productions annuelles totales par groupe despèces de pélagiques hauturiers des différentes îles des Petites Antilles, pour les années les plus récentes.
La disparition dune année à lautre dans les déclarations des captures despèces tenant pourtant une place prépondérante dans les pêcheries pélagiques de la zone (notamment C. hippurus) nous a conduit à réaliser une moyenne des captures par groupe despèce de 1991 à 2000, afin de comparer des compositions spécifiques plus représentatives de la réalité. Cette pondération des captures permet également damortir les fluctuations souvent très importantes des captures totales annuelles déclarées par chaque pays. Ces fluctuations des captures totales annuelles découlent manifestement de difficultés déchantillonnage des débarquements et non de la fluctuation de labondance des stocks.
Les captures spécifiques annuelles par pays fournies par lICCAT pour la zone des Petites Antilles entre 1990 et 1999 ont également été ramenées à une moyenne par espèce pour la décennie 90 afin de permettre une comparaison avec les données des îles de la zone.
Production des îles des Petites Antilles
La figure 3 présente les captures moyennes annuelles de poissons pélagiques hauturiers et leur composition spécifique pour les îles des Petites Antilles. Les valeurs de production totale annuelles doivent être analysées avec précaution car elles sont souvent davantage représentatives de létendue de la couverture du système de collecte de données que des captures réelles. Par exemple, les données de productions de Martinique, Guadeloupe et Curaçao sont issues déchantillonnages limités des captures totales et ne sont donc pas représentatives de la production réelle de ces îles. Pour donner un ordre de grandeur, la production annuelle de pélagiques hauturiers de la Martinique avait été évaluée à 2000 tonnes en moyenne entre 1991 et 1993 (Comité des Pêches Maritimes, 1991, 1992, 1993). Petites Antilles. 1991-2000
Figure 3: Composition spécifique moyenne des captures de pélagiques hauturiers par les pays des Petites Antilles. 1991-2000
Trinidad et Tobago semblent avoir réalisé les captures moyennes annuelles les plus importantes au cours de la décennie 90, en pêchant essentiellement des thazards et des thonidés de petite taille. La part de la production de Trinidad a également été portée sur le graphique. La Barbade semble être le deuxième plus gros producteur, notamment grâce à des captures importantes de dorades coryphène et de poissons volants. Grenade apparaît comme le troisième plus gros producteur et se distingue par des captures abondantes de gros thonidés (>14kg) et de poissons à rostre. La Dominique, Ste-Lucie et St_Vincent semblent se situer à des niveaux comparables de production, avec prédominance de C. hippurus dans les captures.
Ces résultats sont à mettre en relation avec le niveau de développement des états et avec leur position géographique (étendue de la ZEE, proximité des phénomènes hydrologiques favorables à la concentration des pélagiques hauturiers). Ces paramètres déterminent les types de pêcheries qui se sont développées dans les différentes îles et par la même les compositions spécifiques (fig.4)
Figure 4: Composition spécifique moyenne des captures de pélagiques hauturiers par les îles des Petites Antilles par pêcheries. 1991-2000. Palangriers (D), Pêcherie de surface (S) et pêcherie associée aux DCP ancrés (S/D)
Trois pêcheries ont été retenues pour lanalyse des captures: la pêcherie palangrière, la pêcherie de surface et la pêcherie associée aux DCP ancrés (fig.4).
Lorsque les captures annuelles par groupes despèce nétaient pas ventilées par pêcherie dans les données fournies, les captures des différents groupes despèces ont été réparties en fonction des espèces cibles de chaque pêcheries.
Aucune information nayant été fournie sur les pêcheries de Tobago, seules les captures de Trinidad ont pu être ventilées par pêcherie.
Les captures les plus importantes semblent avoir été réalisées par les pêcheries de surface, notamment à la Barbade (poissons volants et C. hippurus) et à Trinidad (thazards). La composition spécifique des captures des pêcheries de surface est caractérisée par une part importante de C. hippurus, de thonidés de petite taille et de thazards.
Les pêcheries palangrières se distinguent par des compositions spécifiques différentes: thonidés de grande taille et poissons à rostre. Leurs apports restent limités à la Barbade et Trinidad mais représentent la majorité des captures de Grenade. Les captures des pêches palangrières de Grenade sont équivalentes aux captures de pays où seule une pêche de surface est pratiquée (Ste-Lucie, St-Vincent, Dominique).
Le développement de cette pêche palangrière à Grenade a été rendu possible par la remontée saisonnières des anneaux du courant Nord Brésil dont certains entrent dans la mer des Caraïbes, notamment par le canal entre Grenade et le Vénézuela (Goni et Johns, 2001). Ces anneaux sont enrichis en matière organique par les fleuves amazoniens et sont donc des zones de haute richesse trophique qui attirent les poissons pélagiques hauturiers. Les palangriers grenadiens, formés par des pêcheurs cubains, exploitent donc ces migrations de pélagiques, particulièrement abondantes autour de leur île.
Il faut noter également que seuls les palangriers opérant à Trinidad sont qualifiés d «industriels», les flottilles de Grenade, Curaçao et la Barbade étant qualifiées d «artisanales». Daprès les données fournies, les palangriers de Trinidad ne réalisent pourtant pas les captures annuelles les plus importantes.
Composition spécifique moyenne relative des captures de pélagiques hauturiers des îles des Petites Antilles.
Figure 5: Composition spécifique moyenne relatives des captures de pélagiques hauturiers des îles des Petites Antilles par pêcheries. 1991-2000. Pêcherie de surface (S) et pêcherie associée aux DCP ancrés (S/D) (cf tab. 6 pour les codes des espèces)
La figure 5 présente les compositions spécifiques moyennes relatives des pêcheries de surface et DCP des îles des Petites Antilles. Cette représentation permet de comparer les compositions spécifiques indépendamment de la taille des échantillons dont ils sont issus.
Comme nous lavons vu précédemment, les dorades, petits thonidés et thazards dominent les captures des pêcheries de surface. Les pêcheries DCP de Guadeloupe et Martinique (GUA S/D et MAR S/D) se distinguent par une part importante des gros thonidés et poissons à rostre en plus des groupes despèces caractéristiques des pêches de surface. Ceci traduit lexistence de deux métiers distincts dans les pêcheries associées aux DCP ancrés: la traîne de surface, dont la composition spécifique est identique à celle des pêcheries de surface classique et la pêche à la palangre verticale dérivante simple hameçon, dont les captures se rapprochent de celles des palangriers classiques (Doray et al., sous presse).
Il faut noter également la part importante de C. hippurus dans les captures DCP de Guadeloupe que lon ne retrouve pas dans celles de Martinique. Ces prises de dorades importantes sont rendues possibles par la très grande densité de DCP ancrés autour de la Guadeloupe (cf Diaz et al. 2002).
Une partie des captures de la pêcherie de surface de Curaçao est réalisée autour de DCP ancrés mais na pas pu être identifiée à partir des données fournies. Les pêcheurs de cette île sarrêtent en effet pour pêcher autour des DCP à laide de lignes de traîne de surface ou sub-surface en allant ou revenant de leurs zones de pêche traditionnelles (van Buurt, com. pers.).
Figure 6: Composition spécifique moyenne relative des captures de pélagiques hauturiers des îles des Petites Antilles par pêcheries. 1991-2000. Palangriers (D) et pêcherie associée aux DCP ancrés (S/D) (cf tab 6 pour les codes des espèces)
Sur la figure 6, la composition spécifique relative des captures des pêcheries DCP de Guadeloupe et Martinique se rapprochent de la structure des captures dune pêcherie palangrière pour laquelle les captures accessoires sont prises en compte, comme celle de Curaçao, requins exceptés. Dans le cas de Grenade, la Barbade et Trinidad, les prises accessoires nont pas pu être identifiées.
Captures de poissons pélagiques hauturiers dans la zone des Petites Antilles
Les données présentées ici ont été fournies par lICCAT et concernent les 3 carrés statistiques de 5° qui incluent toutes les îles des Petites Antilles (fig.7) i.e. la zone susceptible dêtre exploitée par les flottilles artisanales locales. Les espèces prises en compte sont uniquement celles dont les stocks sont évalués par lICCAT i.e.: Thunnus albacares, Thunnus obesus, Thunnus alalunga, Thunnus thynnus, Katsuwonus. pelamis, Makaira. nigricans, Tetrapturus albidus, Tetrapturus pfluegeri., Istiophorus albicans, Xiphias gladius. Aucune prise de K. pelamis na été déclarée dans la zone considéré car les captures de ces poissons pélagiques sont réalisées majoritairement par les palangriers. Les senneurs nont déclaré quasiment aucune captures dans la zone. Des captures réalisées avec des engins non précisés («Other gear») ont été néanmoins été déclarées, par les îles des Petites Antilles et la Colombie notamment.
Figure 7: Carrés statistiques ICCAT incluant les îles des Petites Antilles
Figure 8: Captures à la palangre des espèces de pélagiques hauturiers évaluées par lICCAT dans la zone des Petites Antilles et dans lensemble de la Caraïbe (zone FAO N°31)
Figure 9: Captures à la palangre des espèces de pélagiques hauturiers évaaluées par lICCAT dans la zone des Petites Antilles
Les captures globales des palangriers réalisées dans la zone sont globalement très faibles sur toute la période (fig.8) comparativement à la production de lensemble de la zone Caraïbe (zone FAO 31)
La production de la zone des Petites Antilles a atteint un maximum en 1966 avec de fortes prises du Japon (jusquà 4 255,8 t) qui étaient destinées à alimenter le marché de la conserve américain (Sakagawa et al., 1986). Les pêcheurs japonais semblent disparaître ensuite de la zone à partir des années 70, vraisemblablement parce quils ciblent principalement à partir de cette époque T. obsesus, qui est peu abondant dans lAtlantique Ouest (Gaertner et al., 1989). Ensuite, les captures de chacun des pays nont pas dépassé les 500t sauf à loccasion de pics ponctuels (Corée en 1978, Trinidad, Taïwan et Vénézuela à la fin des années 90).
Figure 10: Captures à la palangre des espèces de pélagiques hauturiers évaluées par lICCAT dans la zone des Petites Antilles. 1990-1997
Les palangriers de Trinidad ont déclaré de fortes captures en 1993. La part des palangriers taiwanais a fortement augmenté à la fin de la décennie, du fait semble-t-il de larrivée récente de navires industriels de ce pays dans le Sud des Petites Antilles. Les prises déclarées des navires vénézuéliens sont en baisse sur la fin de la période et on note une augmentation des captures des palangriers du Honduras.
Figure 11: Captures de pélagiques hauturiers dans la zone des Petites Antilles, catégorie «Autres engins». 1990-1997. Source: ICCAT
Les captures déclarées par les îles des Petites Antilles sont majoritairement classées par lICCAT dans la catégorie «autre engin» (fig.11). Elles correspondent aux captures des palangriers qui ciblent seuls les espèces de gros thonidés évaluées par lICCAT. L«autre engin» de lICCAT serait donc également une palangre, mais qui pêcherait plus en surface, serait moins longue et ciblerait principalement T. albacares, la palangre utilisée par les états non riverains ciblant majoritairement T. alalunga. Le classement des captures déclarées dans les catégories «palangre» et «autre engin» est discutable au regard de la composition spécifique des captures des navires identifiés comme «palangriers» par lICCAT (fig.12).
Les captures de Bélize, des navires Taïwanais opérant au Brésil (BRAS.TAI), du Honduras, de Panama et du Vénézuela sont en effet composées en majorité de T. albacares et non de T. alalunga. Cette dernière espèce est même majoritaire dans les prises de Trinidad.
Les captures des palangriers des Petites Antilles semblent donc être classées dans une catégorie mal définie qui empêche la comparaison direct de leurs prises avec celles des palangriers non riverains et oblige à des interprétations prudentes. La catégorie «autre engin» semble en effet accueillir des données très hétéroclites (fig.11) si lon observe les captures déclarées par la Colombie qui ont augmenté très rapidement avant de retomber aussi brusquement.
Figure 12: Composition spécifique moyenne des captures à la palangre de pélagiques hauturiers dans la zone des Petites Antilles. 1990-1997. Source: ICCAT
La composition spécifique moyenne des captures de 1990 à 1997 (fig.12) montre comme nous lavons vu précédemment une prédominance de T. albacares et de T. alalunga dans les prises des palangriers. X. gladius semble être ciblé par les palangriers américains et dans une moindre mesure trinidadiens opérant dans la zone. La pauvreté de la zone Ouest Atlantique en T. obesus est confirmée par ces données de captures dont lespèce est totalement absente. K. pelamis nétant pas capturé à la palangre, il ne figure logiquement pas dans ces statistiques.
Trinidad a déclaré en moyenne les captures les plus importantes sur la décennie 90, suivi de près par Taiwan. Viennent ensuite le Vénézuela, les USA, le Honduras et Panama.
Il est intéressant de noter ici la présence dans les captures des palangriers de T. alalunga, X. gladius et également dun peu de T. thynnus, espèces qui ne sont que très rarement pêchées par les pêcheries artisanales des îles des Petites Antilles car celles-ci opèrent majoritairement de jour et en surface.
Figure 13: Composition spécifique moyenne des captures de pélagiques hauturiers dans la zone des Petites Antilles, catégorie «Autres engins». 1990-1997. Source: ICCAT
Les îles des Petites Antilles se retrouvent dans la catégorie «autre engin» (fig.13) avec des captures moyennes supérieures au cours de la décennie 90 à celles des palangriers non riverains pour Grenade et comparables pour la Barbade, ce qui confirme que les palangriers de ces pays auraient pu être classés dans la catégorie «palangriers» de lICCAT. Ce classement approximatif pourrait cependant également résulter de déclarations imprécises de la part des îles des Petites Antilles. La production déclarée en moyenne par les autres îles est négligeable. T. albacares domine très nettement les captures de ces «autres engins», ce qui confirme les tendances observées à partir des données fournies lors du groupe de travail (fig.4). La proportion des poissons à rostre est cependant moins importante dans les données ICCAT.
C. Captures par Unité dEffort (CPUE)
Les seules données deffort disponibles concernent les îles des Petites Antilles. Le tableau 6 regroupe les quelques données disponibles sur leffort de pêche déployé et les CPUE enregistrées par les îles des Petites Antilles. Leffort est en général mesuré en heures de sortie (temps de route compris) et les CPUE sont des rendement par heure de sortie ou à défaut en rendement par sortie. Cest ce dernier type de «CPUE» qui a été utilisé pour comparer les résultats des différentes flottilles des différentes îles, en gardant à lesprit que les durées de sortie, les zones de pêche et les engins mis en uvre sont également différents, ce qui rend la comparaison difficile.
Tableau 6: Données deffort de pêche et CPUE fournies par les îles des Petites Antilles (Données estimées en italique)
Ile |
Flottille |
Unité d'effort |
Effort moyen par sortie |
CPUE moyenne par sortie |
Captures moyennes par sortie (kg) |
Grenada |
Palangriers pontés |
sortie |
|
|
750 |
Curaç ao |
Palangriers pontés |
heure de sortie |
61,6 |
10,1 |
620 |
Grenada |
Palangriers non pontés |
sortie |
|
|
135 |
Martinique |
Ligneurs non ponté polyvalent |
heure de sortie |
8,5 |
7,2 |
80 |
Grenada |
Palangriers non pontés |
sortie |
|
|
60 |
Guadeloupe |
Ligneurs DCP non pontés polyvalents |
heure de sortie |
7,2 |
7,5 |
58 |
St. Vincent |
Ligneurs non ponté polyvalent |
sortie |
|
|
50 |
Curaçao |
Ligneurs pontés polyvalents 9-12m |
heure de sortie |
15,2 |
3,2 |
48 |
Martinique |
Ligneurs DCP non pontés polyvalents |
heure de sortie |
6,5 |
8,3 |
47 |
Curaçao |
Ligneurs pontés polyvalents 7-9m |
heure de sortie |
8,8 |
1,6 |
14 |
Curaçao |
Ligneurs non ponté polyvalent 5-7m |
heure de sortie |
7,2 |
1,4 |
10 |
Grenada |
Ligneurs DCP non pontés polyvalents |
sortie |
|
|
10 |
Curaçao |
Ligneurs non ponté polyvalent <5m |
heure de sortie |
5,6 |
0,9 |
5 |
Les palangriers, quils soient pontés ou non, réalisent les captures par sortie les plus importantes, car leurs sorties sont plus longues (61,6 h pour les palangriers pontés de Curaçao contre 8,5 pour les sorties les plus longues des ligneurs non pontés) et leurs rendements horaires apparaissent également comme plus élevés.
Parmi les ligneurs, les embarcations non pontées pêchant autour des DCP ancrés en Martinique réalisent les rendements horaires les plus élevés, proche de ceux des palangriers pontés de Curaçao. Parmi les ligneurs, les bateaux non pontés de Martinique pratiquant la traîne au large réalisent les meilleures captures moyennes par sortie, du fait dun temps de sortie important (pêche «à Miquelon»). Les ligneurs de Curaçao ont des rendements horairestrès faibles en comparaison de ceux obtenus aux Antilles Françaises. Les ligneurs pontés de grande taille (9-12m) compensent ces faibles CPUE en réalisant des sorties plus longues (15,2h), ce qui leur permet de réaliser des captures moyennes par sortie équivalentes aux ligneurs français et de St Vincent (environ 50kg par sortie). La durée des sorties des ligneurs non pontés est équivalente aux Antilles Françaises et à Curaçao. Les ligneurs non pontés de Curaçao ont donc des rendements par sortie notablement plus faibles, du fait de leurs CPUE très faibles.
Dilsorun (2002) explique les faibles CPUE des ligneurs de Curaçao par leur faible rayon daction qui les empêche dexploiter les zones de pêche plus riches fréquentées par les palangriers. Les ligneurs pontés de 9-12m devraient cependant pouvoir atteindre ces zones et leurs CPUE horaires sont néanmoins inférieures de plus de 50% à celles des ligneurs des Antilles Françaises.
Lutilisation du rendement moyen par heure de sortie permet de comparer les stratégies des pêcheurs qui tentent de maximiser leurs captures par rapport aux dépenses de carburant qui augmentent avec la durée de la sortie. Cependant, à durée de sortie équivalente, les pêcheurs des Antilles Françaises semblent pêcher davantage que leurs homologues de Curaçao. Les données fournies par Curaçao ne portent cependant que sur 4 mois de suivi des débarquements, contre 12 mois en Martinique, il faudrait donc attendre de disposer de séries plus longues en provenance des Antilles Néerlandaises ou des autres îles des Petites Antilles pour comparer les CPUE par zone géographique.
D. Bilan sur les captures de pélagiques hauturiers dans la zone des Petites Antilles et sur létat des stocks
Captures de juvéniles
Tableau 7: Proportion des juvéniles dans les captures de poissons pélagiques hauturiers en Martinique (1998-2001) et pour lensemble du stock (Source ICCAT, 1999).
Espèces |
Pêche associée aux |
Traîne au large |
Traîne côtière |
|||
Taille de l'échantillon |
% de juvéniles |
Taille de l'échantillon |
% de juvéniles |
Taille de l'échantillon |
% de juvéniles |
|
Acanthocybium solandri |
71 |
38% |
614 |
14% |
48 |
17% |
Coryphaena hippurus |
88 |
74% |
793 |
56% |
51 |
45% |
Euthynnus alletteratus |
124 |
100% |
9 |
0% |
17 |
59% |
Katsuwonus pelamis |
1106 |
88% |
342 |
22% |
48 |
10% |
Makaira nigricans |
74 |
8% |
3 |
100% |
|
|
Scomberomorus cavalla |
4 |
25% |
|
|
247 |
2% |
Sphyraena barracuda |
36 |
42% |
20 |
55% |
1170 |
68% |
Thunnini |
2 |
0% |
|
|
2 |
100% |
Thunnus albacares |
565 |
85% |
385 |
100% |
70 |
100% |
Thunnus atlanticus |
2661 |
75% |
202 |
30% |
601 |
16% |
Istiophoridae |
32 |
34% |
|
|
|
|
TOTAL |
4763 |
79% |
2368 |
45% |
2254 |
45% |
Les seules distributions en fréquence de taille disponibles concernent les pêcheries de poissons pélagiques hauturiers de Martinique (tab.7). La traîne au large et la traîne côtière étant des types de pêche traditionnels aux Petites Antilles, la proportion de juvéniles recensés dans un cet échantillon non représentatif des captures de la pêche martiniquaise peut donner un ordre de grandeur pour les pêcheries des autres îles.
Le pourcentages de juvéniles dans cet échantillon de captures de la pêche associée aux DCP ancré est élevé, comme cela a été observé dans les captures des autres pêcheries DCP de par le monde. Parmi les espèces les mieux représentées dans léchantillon, celles qui semblent les plus pêchées au stade juvénile, sont K. pelamis, T. albacares et T. atlanticus. Pour les 2 autres types de pêche traditionnels, les pourcentages de juvéniles sont beaucoup moins élevés mais sont relativement élevés pour C. hippurus en traîne au large et pour S. barracuda en traîne côtière.
Ces proportions de juvéniles doivent être analysées en comparant les prélèvements des pêcheries de poissons pélagiques hauturiers aux Petites Antilles et notamment ceux de la pêche associée aux DCP ancrés et le niveau maximum de captures soutenables à long terme (MSY) évalué pour chaque stock par lICCAT (tab.8). La mortalité par pêche des juvéniles doit également être comparées à la mortalité naturelle supposée des classes dâge concernées.
Il faut également rappeler que des captures importantes de juvéniles, même à léchelle dun stock, ne mènent généralement pas à une surexploitation, du fait de la fécondité très élevée des adultes qui suffit à assurer un recrutement suffisant. La mortalité naturelle des juvéniles étant de plus généralement beaucoup plus élevée que la mortalité par pêche, celle-ci peut être considérée comme négligeable si le stock de reproducteurs est suffisant.
Evaluation des stocks
Tableau 8: Captures moyennes de poissons pélagiques hauturiers réalisées au cours de la décennie 90 dans la zone des Petites Antilles et état des stocks. Source: ICCAT, 2001. Captures des îles des Petites Antilles en italique. NE: non évalué
Espèce |
Engin |
Production moyenne dans la zone des Petites Antilles (t) |
MSY (t) |
% MSY ou % prod. Totale |
Production totale actuelle (t) |
Istiophorus albicans |
Palangre |
18 |
NE |
|
506 |
Autre engin |
8 |
|
|||
Katsuwonus pelamis |
Palangre |
2 |
NE |
0,0% |
26 406 |
Autre engin |
96 |
0,4 % |
|||
Makaira nigricans |
Palangre |
5 4 |
2000 |
2,7 % |
3 316 |
Autre engin |
118 |
5,9% |
|||
Tetrapturus albidus |
Palangre |
5 4 |
1300 |
4,1 % |
839 |
Autre engin |
12 |
0,9% |
|||
Thunnus alalunga |
Palangre |
313 |
32600 |
1,0% |
33 134 |
Autre engin |
2 |
0,0% |
|||
Thunnus albacares |
Palangre |
589 |
144600 |
0,4% |
135 200 |
Autre engin |
749 |
0,5% |
|||
Thunnus thynnus |
Palangre |
9 |
3500 |
0,2% |
2 395 |
Autre engin |
2 |
0,1% |
|||
Xiphias gladius |
Palangre |
14 |
13370 |
0,1% |
12 175 |
Autre engin |
4 |
0,0% |
|||
scomberomorin i |
Autre engin |
1728 |
NE |
|
NE |
Coryphaena hippurus |
Autre engin |
1231 |
NE |
|
NE |
A canthocybium solandri |
Autre engin |
280 |
NE |
13% |
2 093 |
Thunnus atlanticus |
Autre engin |
254 |
NE |
8% |
3 181 |
Scomberomorus cavalla |
Autre engin |
76 |
NE |
1% |
10 828 |
Small tunas |
Autre engin |
3 |
NE |
|
NE |
Scomberomorus maculatus |
Autre engin |
1 |
NE |
0,02% |
5 788 |
Mackerel |
Autre engin |
1 |
NE |
|
NE |
A uxis thazard |
Autre engin |
0,1 |
NE |
0,001% |
8 709 |
Le tableau 8 rassemble les captures moyennes de poissons pélagiques hauturiers réalisées au cours de la décennie 90 dans la zone des Petites Antilles et les informations issues de lévaluation des stocks par lICCAT. En ce qui concerne les espèces dont létat des stocks est évalué par lICCAT, la production des îles des Petites Antilles est globalement équivalente à celle des palangriers non riverains pour T. albacares et T. thynnus. Elle est inférieure pour X. gladius et surtout T. alalunga, espèces qui semblent très peu ciblés par les pêcheries artisanales riveraines, vraisemblablement parce que ces espèces évoluent plus profondément que la tranche deau prospectée par les pêcheurs artisans.
Cependant, des espèces trouvées habituellement plus près de la surface, telles M. nigricans ou K. pelamis sont capturées en moyenne en quantités plus importantes par les pêcheurs des îles des Petites Antilles que par les palangriers non riverains. M. nigricans étant une capture accessoire des palangriers, on peut néanmoins sinterroger sur la représentativité de leurs déclarations pour cette espèce. Les pêcheurs artisans ciblent spécifiquement M. nigricans pour alimenter les marchés locaux des îles des Petites Antilles ce qui pourrait expliquer ce niveau de capture supérieur. Se pose alors le problème de la répartition des captures de cette espèce qui est considérée comme surexploitée, mais aussi très mal connue, par lICCAT (ICCAT, 2001). On peut en effet considérer que les pêcheurs artisans qui ciblent cette espèce la valorisent mieux que les palangriers pour qui M. nigricans nest quune prise accessoire.
Cette question mérite dautant plus dêtre posée que les captures de M. nigricans réalisées dans la zone des Petites Antilles représentent 8,6% du MSY estimé par lICCAT, tandis que globalement, les captures des autres espèces évaluées par lICCAT dans la zone ne représentent quun pourcentage infime (inférieur ou égal à 1%) des MSY estimés, sauf dans une moindre mesure pour T. albidus (5%).
Les proportions de juvéniles de T. albacares et K. pelamis apparaissaient comme très élevées dans léchantillon des captures de la pêche associée aux DCP ancrés récolté en Martinique. La proportion des T. albacares juvéniles est néanmoins à comparer aux proportions obtenues sur lensemble du stock Atlantique, qui sont elles aussi élevées: 54,5% en 1998 et 69,9% en 1999 (ICCAT, 2001). Il faut également noter que, malgré cette proportion élevée de juvéniles dans les captures, le stock Atlantique de T. albacares est considéré comme exploité à loptimum par lICCAT. Les prises de T. albacares et K. pelamis dans la zone des Petites Antilles représentent de plus moins de 1% du MSY ou des captures totales des stocks (tab. 8), les captures de juvéniles de cette zone peuvent donc être considérées actuellement comme négligeables à léchelle de ces stocks. On suppose de plus que les mortalités naturelles des juvéniles de ces deux espèces seraient élevées (Hampton et Fourrier, 1999 in Fonteneau et al., 2000, Fonteneau et al., 2000). Les prélèvements de la pêche associée aux DCP ancrés aux Petites Antilles seraient donc négligeables à léchelle des stocks en comparaison de la mortalité naturelle de ces espèces, sauf si les stocks dadultes étaient déjà très intensément exploités (Fonteneau et al., 2000), ce qui nest pas le cas daprès les évaluations de lICCAT(2001).
Le stock de M. nigricans est par contre considéré comme très intensément exploité mais les captures de juvéniles autour des DCP ancrés dans léchantillon issu de Martinique sont faibles (8%).
Les espèces dont les stocks ne sont pas évalués par lICCAT sont regroupées et encadrées en noir dans le bas du tableau. Les captures moyennes de ces espèces ont été déclarées exclusivement ici par les îles des Petites Antilles car ces espèces sont des prises accessoires pour les palangriers qui ne les ont manifestement pas déclarées du fait des trop faibles quantités quils capturent. Les captures moyennes de scomberomorini (thazards) et de C. hippurus sont très supérieures aux captures des espèces de thonidés et poissons à rostre évaluées par lICCAT dont la capture est déclarées dans la zone. Les captures très importantes de scomberomorini ont été déclarées par Trinidad mais ne sont pas ventilées par espèces de thazards (A. solandri et Scomberomorus spp.). Les captures moyennes de T. atlanticus sont également importantes à léchelle de la zone considérée.
Ces tendances traduisent la spécificité des pêcheries artisanales de surface des îles des Petites Antilles qui exploitent essentiellement des stocks répartis à léchelle de la Caraïbe: scomberomorini, C. hippurus et T. atlanticus.
Si lon se réfère aux pourcentages de juvéniles dans léchantillon récolté en Martinique, les juvéniles de scomberomorini sont globalement peu capturés par les pêcheurs artisans martiniquais. Il nen va pas de même des juvéniles de C. hippurus et T. atlanticus dont une proportion élevée est capturée respectivement par la traîne au large et par la pêche associée aux DCP. Le manque de données précises sur la biologie et le niveau exploitation de ces 2 espèces réparties exclusivement dans la zone caraïbe empêche de formuler des hypothèses sur limpact de ces pêches importantes de juvéniles sur les stocks. Le fort pourcentage de juvéniles dans les captures ne permet que de souligner la nécessité dun effort de recherche régional sur la biologie et lexploitation de ces espèces et la mise en place dun système de gestion régionale de ces stocks partagés à léchelle de la Caraïbe.
Lutilisation de la moyenne des captures sur la décennie 90 lisse ici lhétérogénéité des déclarations annuelles. Cependant, les brusques variations de captures déclarées (cf fig.11) doivent amener à interpréter avec prudence ces données, dautant quelles proviennent de carrés statistiques dont la majeure partie est couverte par la ZEE des pays insulaires, ce qui peut inciter les pays non riverains à ne pas déclarer de captures dans ces zones. Le positionnement de ces ZEE pourrait expliquer le peu de différences observées entre les captures moyennes de Trinidad, Grenade et la Barbade et des pays non riverains, pourtant dotés de flottilles de pêche beaucoup plus importantes.
De plus, la faible couverture des systèmes de collecte de données statistiques de nombre dîles des Petites Antilles doit entraîner une sous-estimation des captures totales de poissons pélagiques dans la région. Cette sous-estimation est due notamment à labsence de système global de collecte de données statistiques aux Antilles Françaises. Les flottes de pêche sont en effet bien développées en Martinique et Guadeloupe et doivent capturer des quantités non négligeables à léchelle des Petites Antilles de scomberomorini et C. hippurus. 3081t de poissons pélagiques ont ainsi été enregistrés en moyenne par an en Martinique entre 1991 et 1993 (Comité des Pêches Maritimes, 1991, 1992, 1993). Le développement de la pêche associée aux DCP ancrés aux Antilles Françaises a du entraîner de plus une augmentation significative des captures despèces évaluées par lICCAT (M. nigricans, T. albacares), ainsi que de T. atlanticus, qui na pas été quantifiée à léchelle de la Martinique et de la Guadeloupe jusquici.
Une gestion internationale des portions de stocks partagés de scomberomorini, C. hippurus et T. atlanticus dans la zone des Petites Antilles semble donc nécessaire pour assurer la durabilité des pêches traditionnelles de surface de la zone.
Les espèces de thonidés et de poissons à rostre évaluées par lCCAT semblent peu exploitées jusquà présent dans la zone, tant par les palangriers non riverains que par les îles des Petites Antilles. La pêche associée aux DCP ancrés pourrait permettre aux pêcheurs riverains daccéder davantage à ces ressources, en tentant daméliorer la sélectivité des engins afin de limiter les captures de juvéniles et dans la mesure où les stocks peuvent supporter cette exploitation artisanale.
Un renforcement de leffort de collecte de données sur les poissons pélagiques hauturiers et leurs captures dans la zone apparaît comme un préalable indispensable à un développement de la pêche associée aux DCP ancrés aux Petites Antilles. En effet, lhétérogénéité et lirrégularité des déclarations de captures ainsi que labsence de données sur leffort de pêche rendent impossible un suivi des pêches pélagiques de la zone à léchelle annuelle. Ces déclarations de captures imprécises doivent également inciter les instances internationales à ne pas classer les données provenant des îles des Petites Antilles dans les mêmes catégories que celles les autres membres, et notamment à créer une catégorie «autres engins» qui ne semble pas correspondre véritablement à une différence dengin de pêche mais plutôt à une différence de précision dans la déclaration des captures.
Ce renforcement du suivi des pêches pélagiques pourra seul permettre de justifier vis à vis des instances internationales lexploitation despèces nouvelles dont les stocks sont répartis à léchelle de lOcéan Atlantique et parfois déjà considérés comme trop fortement exploités.
IV. Commercialisation
A. Vente sur le marché local
La quasi-totalité des prises des ligneurs pêchant ou non autour des DCP ancrés est vendue directement par les pêcheurs sur le marché local. En Guadeloupe, on estime que 70% de la production est vendue en direct par les pêcheurs, 20% par des mareyeurs non déclarés et 10% par des mareyeurs déclarés. A Grenade, on compte 63 mareyeurs officiels qui alimentent le marché local.
Le prix moyen pratiqué sur les marchés locaux est denviron 4 US $ /kg avec un minimum aux environs de 2US$/kg à Antigua, en Dominique et à St Vincent et des maximum autour de 6US$/kg aux Antilles Françaises.
B. Exportations
Lexportation de poissons pélagiques concerne exclusivement les prises des palangriers de Grenade, Curaçao et St Vincent et des canneurs de Cuba. A Grenade, les palangriers ramènent systématiquement les T. albacares au port immédiatement après la capture et les vendent à lun des 5 mareyeurs/exportateurs officiels qui affrètent des avions cargo pour exporter 95% de ces thons extra frais vers les Etats Unis. Ces thons se vendent 6 US$/kg pour lexportation.
A Curaçao, les T. albacares, T. obesus et X. gladius sont également exportés vers les USA, comme à St Vincent où le prix à lexport peut atteindre 7,5 US$/kg.
A Cuba, les petits thonidés capturés par les canneurs sont mis en conserve et une partie est exportée vers lEurope.
V. Options en matière de gestion du développement des pêcheries de poissons pélagiques hauturiers
A. Pêche associée aux DCP ancrés
Les îles où sest développées une pêche commerciale autour des DCP ancrés ont adopté des systèmes de gestion différents:
En Guadeloupe, le DCP est privé, financé par le pêcheur lui-même qui doit en outre déclarer la position de ses dispositifs. Le pêcheur qui possède le DCP a priorité pour pêcher autour de celui-ci: les autres pêcheurs présents doivent sécarter lorsque le propriétaire pêche autour de son DCP. Les pêcheurs plaisanciers sont autorisés à pêcher autour des DCP, dans le cadre réglementaire décrit précédemment.
En Martinique, le DCP est communautaire, financé sur fonds publics et nimporte quel pêcheur enrôlé peut exploiter nimporte quel DCP. Les pêcheurs plaisanciers ne sont pas autorisés à exploiter les DCP ancrés. La pose et la gestion du parc de DCP ancrés est confiée au Comité Régional des Pêches qui propose également des mesures daménagement de la pêche, le contrôle étant assuré par les Affaires Maritimes.
A Curaçao, le DCP est financé sur fonds publics et est géré par lEtat.
Antigua et la Dominique ont affirmé leur volonté de développer la pêche associée aux DCP ancrés.
Pour Antigua, lobjectif est daméliorer les débarquements de poissons pélagiques hauturiers tout en diminuant les coûts de production. Les mesures de gestion envisagées sont la cogestion et la fixation de tailles limites de capture et de quotas mais létape préalable est une phase dinformation sur ce type de pêche nouveau.
La principale mesure de gestion envisagée en Dominique est la modification de la réglementation afin déviter le déploiement de nouveaux DCP ancrés sans autorisation. Lorganisation de réunions et débats publics a ensuite été évoquée afin daboutir à une cogestion de cette nouvelle activité.
A St Kitts, la gestion de la pêche associée aux DCP ancrés passera dabord également par ladoption dune nouvelle réglementation visant à organiser le déploiement et lexploitation des dispositifs.
Ste Lucie mène une politique de coopération avec le Japon et la Martinique afin de former les pêcheurs locaux aux nouvelles techniques. Le déploiement de nouveaux DCP ancrés est également prévu.
Enfin, à Trinidad, aucune nouvelle expérimentation de DCP ancré nest prévue depuis léchec de la première tentative.
B. Types de pêche traditionnels
Aucun système de gestion spécifique des pêcheries traditionnelles de poissons pélagiques hauturiers nest en application aux Petites Antilles. La Guadeloupe limite cependant les prises à la traîne des pêcheurs plaisanciers à 3 poissons par personne et par sortie. Une réglementation interdisant la pêche des espèces potentiellement ciguatériques est également en vigueur dans cette île. La Martinique favorise la pêche artisanale locale en imposant un quota sur les importations de poissons pélagiques, durant la saison de pêche au large. La Martinique et la Guadeloupe sont de plus soumis en tant que départements français à la réglementation européenne de la pêche. Les T. albacares de moins de 3,2kg ne devraient ainsi pas représenter plus de 15% du nombre des individus capturés accidentellement et débarqués (JO CE L 137 du 19.05.2001, p. 3).
La Dominique indique vouloir mettre en place une cogestion de la pêche des poissons pélagiques hauturiers avec tous les acteurs de la filière.
Cuba a imposé une taille limite de capture de 30cm pour T. atlanticus et K. pelamis.
VI. Perspectives davenir pour les pêcheries de poissons pélagiques hauturiers aux Petites Antilles
La zone des Petites Antilles est très marquée par la juxtaposition de nombreux états insulaires parvenus à des stades de développement variés. La région ne comporte pas de phénomène hydrologique majeur pouvant alimenter de fortes concentrations de poissons pélagiques, le sud de la zone bénéficie cependant des apports saisonniers des anneaux du courant du Nord Brésil et des migrations concomitantes de poissons pélagiques hauturiers (thons mais aussi C. hippurus et thazards autour dobjets flottants). Labondance relativement faibles de poissons pélagiques, limbrication des nombreuses ZEE et le faible niveau de développement global des îles de la zone ont contribué au développement de pêcheries pélagiques sur un mode artisanal, bien adapté aux conditions locales. Ces pêcheries ont une grande importance sociale et économique en fournissant de très nombreux emplois et en contribuant à alimenter les marchés locaux très demandeurs en produits de la mer frais. La pêche des pélagiques hauturiers permet également dexporter une partie des captures despèce à haute valeur ajoutée.
Les flottilles de la zone sont variées et très majoritairement artisanales, avec des captures (ou des déclarations de captures) limitées de la part des palangriers industriels des pays non riverains pêchant dans la zone daction des pêcheurs artisans des Petites Antilles.
Les captures de poissons pélagiques hauturiers déclarées dans la zone des Petites Antilles sont très faibles comparée à lestimation des MSY des stocks des espèces distribuées à léchelle de lAtlantique. Des captures non négligeables despèces dont laire de répartition est limitée à la Caraïbe sont cependant déclarées alors quaucune gestion internationale de ces stocks régionaux na été mise en place. Le niveau de suivi et de gestion des pêcheries de poissons pélagiques hauturiers est de plus globalement faible dans la zone, du fait de la difficulté déchantillonnage de débarquements très dispersés et du peu de moyens disponibles. Il est donc difficile de dresser un bilan représentatif de la réalité de lexploitation halieutique des pélagiques hauturiers dans la zone.
Les pêcheries de poissons pélagiques hauturiers sont pourtant en plein essor aux Petites Antilles avec notamment le développement de la pêche associée aux DCP ancrés aux Antilles Françaises et Néerlandaises qui semble se diffuser dans les pays en développement voisins. Ce type de pêche nouveau a permis aux flottilles artisanales non pontées daccéder, sans modification majeure de leurs outils de production et en réduisant leurs coûts de production, à des ressources pélagiques à haute valeur ajoutée qui nétaient exploitées jusquà présent que par les palangriers.
La pêche associée aux DCP ancrés et dans une moindre mesure les autres types de pêche pélagique traditionnels se développent et semblent occasionner la capture de nombreux juvéniles, ce qui souligne la nécessité dun effort de recherche et de structuration entre les différentes îles de la zone. Cette coopération doit permettre de dégager les modalités dune gestion durable des stocks régionaux et dengager un dialogue responsable avec les instances internationales chargées de lévaluation des stocks répartis à léchelle de lAtlantique.