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La révision des estimations de combustible ligneux dans FAOSTAT

A. Whiteman, J. Broadhead et J. Bahdon

Adrian Whiteman est forestier (Sous-Division de la planification et des statistiques forestières), Département des forêts de la FAO, Rome. Jeremy J. Broadhead et Jamal Bahdon sont consultants et travaillent dans le même service.

De nouveaux modèles d’estimation de la production de combustible ligneux ont été utilisés pour améliorer les statistiques de ce matériau dans la base de données sur les produits forestiers de la FAO.

Depuis plus de cinq décennies, la FAO collecte des statistiques sur la production et le commerce des produits forestiers, et présente ces informations annuellement dans son Annuaire des produits forestiers et sur CD-ROM. Ces statistiques, qui remontent à 1961, sont aussi disponibles dans FAOSTAT, la base de données statistique en ligne de la FAO. FAOSTAT (apps.fao.org) est révisée quatre fois par an à mesure que de nouvelles statistiques lui parviennent des pays.

Ces statistiques des produits forestiers sont les seules qui couvrent chaque grande catégorie de produits forestiers et tous les pays du monde.

Les statistiques du combustible ligneux de FAOSTAT ont été révisées récemment, les responsables ayant constaté que la méthode appliquée jusque-là pour estimer les données manquantes donnait des tendances erronées de la production de combustible ligneux pour certains pays et pour le monde entier. Le présent article explique brièvement pourquoi il est nécessaire de réviser ces estimations et décrit les méthodes utilisées pour ce faire ; il montre comment les révisions ont altéré les tendances présentées dans FAOSTAT. Enfin, il examine certains des problèmes que soulève encore l’interprétation de ces statistiques.


LES STATISTIQUES DU COMBUSTIBLE LIGNEUX DE FAOSTAT

FAOSTAT contient des statistiques relatives à cinq différents éléments du secteur du combustible ligneux: le volume de production1, le volume et la valeur des importations et le volume et la valeur des exportations. La valeur est indiquée en dollars EU (convertis au besoin à partir des devises locales). Les chiffres relatifs à la production et au commerce du charbon de bois sont exprimés en tonnes, et ceux concernant tous les autres combustibles ligneux en mètres cubes.

Jusqu’en 1997, ces statistiques étaient présentées pour trois catégories de produits (bois de feu de feuillus, bois de feu de résineux et charbon de bois) et deux combinaisons de produits (bois de feu total, c’est-à-dire feuillus plus résineux; et bois de feu et charbon de bois, c’est-à-dire l’ensemble des trois catégories de produits). Les quantités de bois de feu et de charbon de bois étaient exprimées en mètres cubes et, pour les calculer, les poids de la production ou du commerce de charbon de bois étaient multipliés par six pour les convertir dans les volumes de bois nécessaires pour obtenir les poids de charbon de bois spécifiés.

En 1997, il a été estimé que ce système de classification était en désaccord avec les conventions utilisées dans d’autres statistiques de l’énergie, car la quantité de bois de feu produite dans un pays devrait déjà inclure la quantité de bois nécessaire pour la fabrication du charbon de bois. C’est pourquoi la catégorie englobant le bois de feu et le charbon de bois a été éliminée de la base de données, et les deux catégories de bois de feu (résineux et feuillus) ont été combinées et rebaptisées “combustible ligneux, y compris le bois pour le charbon de bois”.

Il reste incertain si les pays incluent la quantité de bois servant à la fabrication du charbon de bois dans les statistiques des combustibles ligneux qu’ils présentent à la FAO. Dans certains cas, la comparaison entre les statistiques de la production de bois et de charbon de bois enregistrées donne à penser que les premières pourraient ne pas comprendre le bois utilisé pour la fabrication du charbon de bois.


Sources des statistiques utilisées dans FAOSTAT

Depuis 1997, les quatre organisations qui collectent les statistiques des produits forestiers – FAO, Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT), Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE) et Eurostat (le bureau statistique de l’Union européenne) – sont convenues de n’envoyer qu’un questionnaire unique aux correspondants statistiques nationaux. Le questionnaire demande à ces correspondants des informations sur la production et le commerce de produits forestiers dans leur pays au cours de l’année précédente. Les pays sont partagés entre les quatre organisations, et la réponse de chaque pays est présentée à tous les partenaires intéressés aux statistiques de ce pays. La FAO reçoit les réponses de tous les pays.

Bien que la plupart des statistiques viennent de correspondants nationaux, certains pays renvoient des questionnaires incomplets et quelques-uns ne répondent pas du tout. C’est pourquoi, pour obtenir des totaux mondiaux, la FAO pallie l’absence de statistiques par des estimations de la production et du commerce. Dans la plupart des cas, ces estimations sont produites en comblant tout simplement les lacunes de la base de données à l’aide des statistiques de l’année précédente.

Cependant, dans le cas du combustible ligneux, de nombreux pays n’ont jamais envoyé de statistiques sur la production et le commerce. Dans ces cas, la production était estimée auparavant en multipliant le nombre d’habitants dans chaque pays par une estimation par habitant de la production de bois de feu ou de charbon de bois. Ces estimations par habitant se fondaient sur un examen de la littérature relative à l’utilisation de combustible ligneux établie en 1980, et qui identifiait 265 estimations de la consommation de bois de feu et de charbon de bois couvrant 66 pays (pour la plupart en développement) (Wardle et Pontecorvo, 1981). Les estimations de la production par habitant pour les pays non compris dans cet examen se basaient sur celles de pays ayant une situation socioéconomique et géographique similaire.


Pourquoi les estimations du combustible ligneux de FAOSTAT ont-elles dû être révisées?

Le combustible ligneux représente plus de la moitié de la production mondiale totale de bois rond et, dans de nombreux pays en développement, il est de loin le produit forestier le plus important. C’est ainsi que la fiabilité des statistiques le concernant présentées dans FAOSTAT revêt une importance cruciale pour les statistiques globales du bois rond contenues dans cette base de données. En outre, au vu des inquiétudes suscitées par le réchauffement de la planète et d’initiatives comme le Protocole de Kyoto, les statistiques relatives au combustible ligneux sont d’un intérêt croissant sous l’angle de sa contribution aux bilans du carbone des pays.

La révision des estimations du combustible ligneux de FAOSTAT s’est imposée pour trois raisons principales. En premier lieu, les rapports établis par les pays sur sa production se sont améliorés, même si la plupart de ces statistiques sont encore estimées par la FAO. Ces dernières années, seuls 60 pays ont envoyé des statistiques pour le combustible ligneux à la FAO et près de 25 seulement communiquent leur production de charbon de bois (figures 1 et 2). Rares sont les rapports en provenance de pays en développement où la production de bois de feu et de charbon de bois revêt une grande importance, de sorte que seuls de 10 à 15 pour cent environ de la production mondiale totale estimée signalée par la FAO se fondent sur des statistiques envoyées par les pays.

Deuxièmement, il a été nécessaire de réviser les statistiques car l’emploi de chiffres par habitant constants avait sans doute déterminé, au fil du temps, une surestimation des changements dans la consommation de combustible ligneux (et, dès lors, de sa production) pour les raisons suivantes. En ce qui concerne l’offre, il est probable que l’urbanisation ait déterminé un accès accru aux autres sources de combustible et limité celui aux ressources forestières. En outre, le déboisement pourrait avoir réduit les disponibilités de combustible ligneux dans certains endroits. Du côté de la demande, il est probable que l’augmentation des revenus ait diminué la demande de bois de feu, les gens s’étant tournés vers d’autres combustibles (qui pourraient, toutefois, inclure le charbon de bois). Ces facteurs donnent à penser que la consommation de bois de feu par habitant s’est probablement réduite au fil du temps, bien que la situation par rapport à la consommation de charbon de bois soit plus ambiguë.

Troisièmement, les estimations n’ont pas tenu compte de l’utilisation non familiale de combustible ligneux. D’après des études récentes, ce combustible est utilisé dans de nombreux autres secteurs comme l’agriculture, l’industrie et le commerce (restaurants, boulangeries, institutions publiques, par exemple). En outre, la plupart des études utilisées pour produire ces estimations n’ont pas inclus le bois employé pour produire le charbon de bois. Ces deux facteurs suggèrent que les estimations précédentes seraient très inférieures au vrai niveau de consommation de combustible ligneux.

1
Tendances observées dans le nombre des pays qui envoient des statistiques sur le combustible ligneux à la FAO depuis 1970


2
Tendances observées dans le nombre de pays envoyant des statistiques sur le charbon de bois à la FAO depuis 1970


MODÈLES UTILISÉS POUR LA RÉVISION DES ESTIMATIONS DE LA PRODUCTION DE COMBUSTIBLE LIGNEUX DANS FAOSTAT


Sources des données

Au cours de la période allant de 1999 à 2001, la FAO a collecté et analysé respectivement 1 635 et 541 observations sur la consommation de bois de feu et de charbon de bois. Les sources comprennent les statistiques présentées à la FAO2 et aux organisations s’occupant d’énergie et des statistiques tirées de la littérature (y compris les données analysées en 1980). Tous ces chiffres ont été révisés et seuls ceux découlant de mesures crédibles ou d’enquêtes ont été utilisés.

Ensuite, tous les chiffres ont été convertis en unités de mesure communes (dans la plupart des cas, la consommation annuelle par habitant en mètres cubes pour le bois de feu et en tonnes pour le charbon de bois). Les jeux de données ont été divisés en observations sur la consommation familiale, non familiale et totale, et la consommation familiale a été ultérieurement subdivisée en observations sur la consommation rurale, urbaine et familiale totale.


Méthode de modélisation et résultats

La modélisation visait à produire des estimations de la consommation qui se rapprocheraient des statistiques existantes pour les pays qui ont fourni régulièrement des données à la FAO. Toutefois, pour introduire les différents niveaux de ventilation des données et les différentes observations pour chaque pays, il a fallu construire un certain nombre de modèles qui ont été combinés pour donner des estimations de la consommation totale (figure 3). Du fait que toutes les sources fournissaient des chiffres séparés pour la consommation de bois de feu et de charbon de bois, la consommation nationale totale de combustible ligneux a été estimée en additionnant pour chacun d’eux les résultats de modèles séparés.

Toutes les estimations ont été produites à l’aide de techniques de régression linéaire multiple (en utilisant la forme fonctionnelle qui donnait le meilleur ajustement). La consommation a été reliée à des variables comme le revenu, le climat, le couvert forestier, les terres émergées, la production de pétrole et le pourcentage de la population vivant en zone urbaine.

Pour certaines zones (l’Afrique occidentale humide, par exemple), il y avait suffisamment d’observations pour produire un modèle régional de consommation qui pouvait être utilisé pour produire des estimations pour certains des pays n’ayant fourni que peu d’informations. Dans d’autres, cas, il a été nécessaire d’utiliser des modèles de consommation plus généraux basés sur des données aux niveaux continental ou mondial.

Comme prévu, les résultats donnés par les modèles montraient que la consommation de bois de feu tend à diminuer proportionnellement à l’augmentation du revenu, de l’urbanisation et du déboisement. Les résultats de la modélisation de la consommation de charbon de bois étaient moins probants en raison de la rareté des observations et du manque de détail dans le jeu de données, mais ils ont aussi montré que l’urbanisation tend à accroître la consommation de charbon de bois alors que l’augmentation du revenu la réduit.

On trouvera d’autres détails sur la procédure de modélisation et les projections à l’horizon 2030 dans FAO (2003).

Vue d’ensemble des différents modèles utilisés dans l’analyse


RÉPERCUSSIONS DES ESTIMATIONS RÉVISÉES DE LA PRODUCTION DE COMBUSTIBLE LIGNEUX ET PROBLÈMES ENCORE IRRÉSOLUS

Pour remplacer les estimations précédentes de la FAO comprises dans FAOSTAT, les résultats de ces modèles de consommation ont été convertis en estimations de la production en ajoutant les exportations et en déduisant les importations.

Seules quelques-unes des anciennes statistiques de FAOSTAT – les estimations pour les pays n’ayant jamais envoyé de statistiques à la FAO – ont été remplacées par les résultats de la modélisation. Les pays qui n’ont envoyé que de rares statistiques demeurent dans le système avec les mêmes valeurs répétées d’année en année. Cela explique en partie pourquoi les chiffres actuels présents dans FAOSTAT sont inférieurs aux résultats de la modélisation (figures 4 et 5). Il serait utile d’examiner au cas par cas les estimations pour certains de ces pays pour voir s’il convient d’en remplacer certaines. Il serait également utile de demander aux pays qui ont envoyé des données dans le passé si leurs chiffres comprenaient le bois servant à la fabrication de charbon de bois.

Le fléchissement soudain de la production mondiale de combustible ligneux en 1996 – attribué presque entièrement à de nouveaux chiffres beaucoup plus faibles pour l’Inde – met en évidence un autre problème qui caractérise l’établissement de statistiques. En règle générale, la FAO présente toujours les statistiques soumises par les pays plutôt que d’autres estimations éventuellement disponibles. L’Inde vient d’envoyer à la FAO des estimations officielles de sa consommation de combustible ligneux, et l’estimation actuelle (15 millions de mètres cubes par an) révèle une chute spectaculaire par rapport aux estimations précédentes de la production de ce combustible (environ 290 millions de mètres cubes par an). Une baisse similaire est signalée pour le Maroc. Il est difficile pour la FAO de rejeter les statistiques envoyées par les pays même si la baisse indiquée paraît peu plausible. Toutefois, la FAO examine à l’heure actuelle ces différences avec les autorités indiennes, et il est prévu que les estimations officielles de la production de combustible ligneux dans ce pays seront bientôt révisées à la hausse.

D’une manière générale, il est maintenant estimé que la production mondiale totale de combustible ligneux est plus élevée qu’auparavant, mais qu’elle croît à un rythme beaucoup plus lent. Cette augmentation est probablement due au fait que les estimations précédentes ne tenaient pas compte de la consommation non familiale et de celle de bois de feu pour la fabrication de charbon de bois. Le rythme plus lent s’explique par les changements socioéconomiques indiqués plus haut.

Un dernier point digne de mention concerne les subtils changements dans la structure du secteur suggérés par ces nouvelles estimations. Les changements socioéconomiques accroissent la consommation de charbon de bois, notamment en Afrique, alors que la consommation de bois de feu fait l’objet d’un fléchissement. De fait, au niveau des pays, la consommation de bois de feu pourrait déjà être en voie de diminution dans de nombreux pays en développement. Ce phénomène risque d’avoir de profondes répercussions sur la gestion des forêts et l’impact socioéconomique de la production de combustible ligneux. Il suggère aussi que des efforts plus soutenus sont nécessaires pour améliorer la qualité et la disponibilité de statistiques du charbon de bois, car ce secteur pourrait faire l’objet d’une forte croissance à l’avenir dans de nombreux pays.

4
Comparaison entre les statistiques anciennes et nouvelles du combustible ligneux


5
Comparaison entre les statistiques anciennes et nouvelles du charbon de bois et résultats des modèles

Bibliographie

FAO. 2003. Past trends and future prospects for the utilisation of wood for energy, par J. Broadhead, J. Bahdon et A. Whiteman. Global Forest Products Outlook Study Working Paper GFPOS/WP/05. Rome. (sous presse)

Wardle, P. et Pontecorvo, F. 1981. Special enquiry on fuelwood and charcoal. Rapport présenté à la Conférence de l’ONU sur les sources d’énergie nouvelles et renouvelables, Nairobi, Kenya, 10-21 août.

1 Les statistiques relatives aux produits forestiers de FAOSTAT ne portent que sur la production de combustible tiré des forêts et des autres arbres. La base de données exclut, par exemple, les résidus ligneux et la liqueur noire servant à la production d’énergie. C’est ainsi que les chiffres indiqués ici ne représentent qu’une partie seulement du tableau général du bois-énergie qui est décrit dans d’autres articles de ce numéro.

2 Les statistiques présentées dans FAOSTAT concernent les volumes de production; ces volumes ont été convertis en volumes de consommation en déduisant les exportations et en ajoutant les importations.

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