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ANNEXE 7
Ostreiculture et Mytiliculture dans le lac de Bizerte

par

J. P. Gimazane

Ostreiculture et Mytiliculture dans le lac de Bizerte

I Généralités sur le lac de Bizerte

A) Situation

Le lac de Bizerte a une superficie d'environ 15 000 ha. Il communique avec la mer dans sa partie nord-est par un goulet de 6 km de long et de 300 m de large. La profondeur moyenne du lac est d'environ 10 m.

Dans sa partie occidentale, le lac de Bizerte communique avec le lac Ichkeul par un chenal (oued Tindja). (Carte No. 1).

B) Facteurs climatiques et hydrologiques

En raison de sa profondeur peu importante et de sa communication limitée avec la mer, le lac est affecté par les modifications climatologiques saisonnières. De nombreux travaux ont été publiés sur ce sujet aussi nous ne donnerons ici qu'un bref rappel de ces observations.

1) Salinité

La pluviosité dans la région de Bizerte varie de 500 à 700 mm d'eau par an. Les précipitations sont importantes en automne et au printemps (février, mars-avril et novembre-décembre). Elles entraînent une certaine dessalure des eaux du lac. Pendant les mois chauds et secs, on observe au contraire une sursalure.

Des observations régulières depuis cinq années ont montré que la salinité variait entre 34,5 et 38,5, ce qui represente un écart moyen d'environ 1,5 g/l en plus ou en moins par rapport à la mer.

2) Température

On distingue une période fraîche (décembre, janvier, février). La température de l'eau est de 10–11°C. La température ne descend que d'une manière exceptionnelle audessous de 10°C. En été, la température se situe aux alentours de 26–28°C. Toutefois l'on peut observer des augmentations brutales (jusqu'à 30–31°C) consécutives à un coup de vent chaud (Sirocco) d'origine saharienne.

3) Régime des vents

Les vents dominants sont de secteur NW et NNW. Ils soufflent pratiquement toute l'année et sont assez forts, entraînant un brassage très actif des eaux du lac. Pour cette raison nous n'avons jamais pu mettre en évidence de différence sensible de température entre les eaux de surface et profondes du lac.

4) Marées

Elles sont de type semi-diurne, très régulières, l'amplitude est de 50 cm environ. Bien que fréquentes dans la région de Bizerte, nous n'avons jamais observé de phénomènes de “seches” dans le lac.

5) Les courants

A part un courant de marée assez fort dans le goulet, dans le lac ils sont pratiquement inexistants; il s'agit essentiellement de courants de surface liés aux vents.

6) Conclusions

Dans l'ensemble le lac de Bizerte se présente comme une unité relativement stable écologiquement avec des caractères lagunaires peu accentués.

CARTE No 1 - LAC DE BIZERTE

CARTE N<sup>o</sup> 1
Fig. 1

VUE EN PLAN

 Rails
  Madriers
            Pieux eucalyptus

Superfice=8000 m2
Capacité= 50 tonnes

Fig. 1 Table d'elevage “type 66 rails”

II L'exploitation de l'O.N.P.

Le parc conchylicole de l'O.N.P. a été créé en 1963. Il est situé dans la partie N.E. du lac, à proximité de la ville de Menzel Jemil (carte No. 1).

A) Description des installations

1) Tables d'élevage

En raison de la faible amplitude des marées, les mollusques (huîtres et moules) sont élevés suivant la technique de la culture en suspension sur des installations fixes ou tables identiques à celles utilisées dans l'étang de Thau (France).

• Les tables sont implantées sur des fonds de 4 à 6 m à une distance du rivage variant entre 800 et 1200 m; elles sont largement espacées entre elles de plusieurs centaines de mètres.

a) description (plans d'une table Type 66 rails, fig. 1)

Chaque table est constituée par un ensemble de rails de chemin de fer enfoncés verticalement dans le fond du lac et reliés entre eux par une ossature de madriers sur lesquels reposent des pieux d'eucalyptus (400 p.) supportant les cordes d'élevage.

Les dimensions sont les suivantes: longueur: 40 m; largeur: 20 m; surface: 800 m2.

L'exploitation dispose actuellement de 13 tables de ce modèle et de deux autres d'un modèle légèrement différent.

La surface totale des installations fixes est d'environ 1 ha.

La capacité de chaque table permet de placer de 3 000 à 3 500 cordes d'élevage suivant les besoins.

L'entretien des tables consiste à changer tous les 3 ans environ, les pieux d'eucalyptus. Les madriers sont remplacés tous les 8 à 10 ans; les rails, tous les 20–25 ans.

Matériel constitutif d'une table:

2) Installations terrestres

Elles sont composées de la manière suivante:

  1. un bâtiment situé en bordure immédiate du lac, d'une surface d'environ 200 m2, comportant: 2 salles de travail, WC et douche, logement du gardien de nuit, un magasin et deux bureaux pour l'administration. Ce bâtiment est équipé d'eau courante et du téléphone, mais non de l'électricité. Toutefois, en cas de besoin, l'éclairage est assuré par un groupe électrogène (3 KW - 24 Volts) emprunté au chantier de l'O.N.P. à Bizerte. Ce bâtiment est complété par une terrasse de travail ombragée d'une surface de 130 m2.

  2. un appontement d'une longueur de 300 m à l'extrémité duquel a été installé un local de travail couvert d'une surface de 200 m2 (réalisé en 78). Le support de l'appontement et du local est constitué par une armature de rails de chemin de fer et de madriers en bois, suivant le système utilisé pour les tables d'élevage.

Cet appontement permet le débarquement de la marchandise ramenée des parcs et le stockage en pleine eau des produits en attente d'expédition ou de travail.

Les travaux de nettoyage et de lavage sont effectués dans le local situé à l'extrémité de l'appontement, la marchandise étant débarquée directement des chalands.

Le transport de la marchandise à terre s'effectue le plus souvent à l'aide de brouettes, et quand le niveau de l'eau le permet à l'aide de canots à fond plat (4,5 m de long).

Une amélioration souhaitable serait la pose d'une petite voie ferrée et l'utilisation de wagonnets permettant de diminuer le temps de transport. Toutefois la structure actuelle de l'appontement serait à modifier (résistance insuffisante).

3) Matériel - outillage - véhicules


a) Embarcations:

L'exploitation dispose de deux barques à moteur (type pêche côtière) d'une longueur de 9 m et équipées de moteur diesel, chacun d'une puissance de 34 CV (type Buck 2 G); de trois chalands (2 métalliques et un, dont la coque est en ferrociment), ces chalands ont 6 m de long et 3 m de large pour un tirant d'eau maximum à pleine charge de 0,40m. Ce sont des embarcations à fond plat présentant un pont entièrement dégagé pour le travail. L'un d'eux est équipé d'un petit mât de charge (200 kg). La charge utile de chacune de ces embarcations est de 4 tonnes. Par ailleurs l'exploitation dispose de plusieurs petits canots à rames de servitude (longueur de 4 à 5 m).

b) Véhicule

Une camionette (type 404 bâchée) sert au transport des coquillages vers la station d'épuration de Raouad (banlieue de Tunis) et au transport du matériel divers nécessaire à l'exploitation.

c) Matériel divers

Peu dans l'ensemble. Pour le lavage et le tri des moules l'exploitation dispose d'une machine à laver les moules (réalisée aux chantiers de l'O.N.P. à Bizerte), actionnée par un moteur diesel de 10 CV. Une motopompe (débit 45 m3/h) est également utilisée.

Pour les besoins de stockage, des corbeilles en vannerie, ou des paniers en filet sont utilisés. Pour l'élevage des huîtres, l'exploitation dispose de 8 000 poches ostreicoles en plastique, d'un modèle courant et d'environ 3 000 barres à huîtres.

Les filets d'élevage pour les moules sont réalisés à partir de déchets de filets (chaluts, sennes, etc.) récupérés dans les autres exploitations de l'O.N.P.

B) Organisation - personnel - budget

L'exploitation de Menzel Jemil est intégrée à la Direction Régionale de l'O.N.P. dont le siège est à Bizerte. Cette direction assure le contrôle de la gestion, du personnel et assure les travaux d'entretien de l'exploitation.

Le personnel de l'exploitation est composé d'éléments permanents, fonctionnaires agents de l'O.N.P. et d'ouvriers temporaires embauchés en fonction des besoins.

III Travaux: mytiliculture - ostreiculture

A) Mytiliculture.

Les moules sont élevées suivant la méthode en suspension. Le travail comporte les opérations suivantes:

1) Captage

Les moules se reproduisent pendant la période la plus froide (février-mars). Les émissions de larves ont lieu généralement fin février début mars. Il faut remarquer qu'il se produit des émissions secondaires pendant pratiquement toute l'année, toutefois elles sont de peu d'importance et ne présentent aucun intérêt pratique.

Les collecteurs sont constitués de déchets de filets, de vieilles cordes, lestées et suspendues dans l'eau. Les collecteurs sont posés à l'eau au dernier moment, c'est-à-dire au mois de janvier, pour éviter les salissures. Ils sont laissés en place tels quels jusqu'au mois d'août-septembre.

Chaque année il est posé environ de 12 à 16 000 collecteurs. Chaque collecteur fournit environ 7 à 8 kg de naissain.

Indépendamment du captage in situ, du naissain naturel, sauvage est aussi acheté et mis en élevage. Ce naissain présente une meilleure tenue sur les cordes que le naissain capté dans les parcs. Il permet par ailleurs de renouveler le patrimoine génétique et d'éviter une dégénérescence de la population de moules du parc (mauvaise tenue sur les cordes et résistance à la chaleur estivale diminuée).

2) Mise en charge

Dès le mois de septembre, les collecteurs sont récoltés, et le naissain est placé dans les filets d'élevage proprement dit (système corde marseillaise). Les jeunes moules ont une longueur de 1,5 à 2 cm.

Chaque filet est chargé de 4 à 6 kg de naissain, et ensuite placé en élevage. Les filets sont laissés en élevage au moins pendant 10 mois. Ils ne sont exploités que s'ils fournissent au minimum 10 à 12 kg de moules de taille marchande.

Les filets exploités d'une manière rationnelle produisent de 12 à 15 kg de moules de taille marchande. La longueur des filets est de 1,8 m.

Après 14–18 mois, au total d'élevage, les moules ont une taille de 5 à 7 cm de longueur. La croissance est ensuite très lente. Au-delà de deux ans, la mortalité est importante, les filets non exploités sont alors pratiquement vides (3 à 4 kg de moules) et ne sont plus rentables du point de vue de l'exploitation.

Il faut remarquer que la croissance est ralentie en été (chaleur), qu'il n'y a pas d'arrêt ou de ralentissement en hiver, la température de l'eau ne descendant pas audessous de 10°C.

3) Récolte

Les filets exploitables sont récoltés, amenés à terre, les moules sont dégrapées, lavées et calibrées. Les animaux dont la longueur est inférieure à 4,5 cm sont replacés dans des filets et remis en élevaga pour être exploités ultérieurement (au bout de 4 ou 5 mois, suivant les cas).

La récolte est en fonction de la demande, maximale pendant les mois d'été, réduite pendant l'hiver.

4) Expédition - ventes - épuration

Les moules, lavées et triées sont expédiées vers la station d'épuration de Gammarth. La station d'épuration fonctionne à l'eau de mer ozonée. Elle est épuipée de trois bassins en béton armé d'un volume chacun de 35 m3. La station d'épuration emploie 5 personnes en permanence. Elle assure la vente au public, soit au détail, soit en gros, ainsi que les réexpéditions vers les autres centres O.N.P.

B) Ostreiculture.

L'huître élevée à Menzel Jemil est l'huître creuse Crassostrea gigas. Contrairement aux moules, le naissain est importé généralement de France (Région des Charentes). En 1972, une certaine quantité avait été importée du Japon.

a) Type de naissain

b) Techniques d'élevage

Elles varient légèrement suivant le type de naissain reçu. On distingue deux phases principales:

• le prégrossissement (huître de 4–5 cm de long)

• le grossissement (huître de taille marchande)

Remarque: l'affinage ou engraissement n'est pas pratiqué ici.

Le prégrossissement ne concerne que le naissain de petite taille, qu'il soit naturel (“tête d'épingle”) ou artificiel (naissain d'écloserie de 3 mm).

Dans le cas du naissain naturel, les coquilles collectrices sont enfilées sur un fil de fer, chaque coquille étant séparée par un tube entretoise en plastique. Chaque fil comporte environ 28 coquilles soit à peu près 1 kg. Les jeunes huîtres sont alors placées en élevage en suspension pendant 4 à 5 mois, c'est-à-dire jusqu'au moment où leur taille permet le détroquage. A ce moment, chaque fil de fer chargé pèse environ 15 à 20 kg.

Dans le cas de naissain artificiel de petite taille, les huîtres sont placées dans des cages constituées d'une armature en bois, recouverte d'un grillage à mailles très fines. Les cages doivent être visitées régulièrement et nettoyées, les huîtres triées et calibrées. Les résultats ont été très irréguliers d'une année à l'autre, en raison de la qualité du naissain fourni (problème de sélection).

Le grossissement. Les huîtres sont élevées soit en poches ostreicoles soit collées sur des barres en bois ou sur des cordes. Les huîtres collées sont de meilleure qualité, mais la méthode présente un rendement nettement inférieur à l'élevage en poche, plus rationnel.

Le temps d'élevage est de l'ordre de six mois pour obtenir des huîtres de 80 à 90 g/pièce.

En résumé, il faut pratiquement 1 an, en partant de naissain de petite taille (quelques millimètres) pour obtenir une huître commercialisable d'un bon numéro.

Rendement: on peut considérer qu'un kilogramme de naissain (coquilles + larves fixées) donne 25 fois son poids d'huîtres commercialisables.

c) Remarque: reproduction

Des essais de captage ont été réalisés, sans succès réel. La faible quantité d'huîtres captées est certainement en relation avec la très faible quantité de géniteurs dans le lac. Des fixations accidentelles (en 1975) ont toutefois été observées dans la partie sud du lac.

Il est pour le moment impossible de savoir si le lac de Bizerte permettrait ou non un captage efficace.

d) Récolte - ventes - épuration

Les ventes sont étalées sur toute l'année, mais très importantes pendant le mois de décembre où 50% de la production est vendue. Comme pour les moules, les ventes se font à la station d'épuration de Gammarth.

Une partie est commercialisée directement à partir de l'exploitation de Menzel Jemil à des revendeurs possédant un parc d'épuration.

IV) Production: huîtres et moules

Le tableau ci-après donne les valeurs et les quantités de la production écoulée: elles ne correspondent pas aux possibilités réelles de l'exploitation, mais aux quantités susceptibles d'être écoulées en fonction du circuit commercial actuel.

A) Moules

AnnéeProduction (T)Ventes (T)Valeur DT
1977  86  7022 800
1978103  8525 807
197913811322 121
198013311617 043
198112711317 228

Remarques

La production moyenne annuelle est stabilisée aux alentours de 130–140 tonnes, ce qui correspond à des ventes effectives de 115 tonnes environs. Le prix des ventes des moules est actuellement le suivant:

- 0,150 DT le kg en grosau départ de Gammarth
- 0,250 DT le kg au détail
- 0,120 DT le kg au départ de Menzel Jemil, en gros

Ces prix sont en vigueur depuis 1979, ils sont très bas et ce afin d'encourager les ventes. Le résultat n'a pas été très sensible. Les ventes ont sensiblement augmenté de 40% en valeur absolue, ce qui représente 40 tonnes. Le circuit commercial est complètement à revoir.

Les ventes sont maximales pendant les mois d'été (20–25 tonnes/mois), de 5 à 7 tonnes les autres mois et très réduites pendant le mois de Ramadan.

B) Huîtres

Tableau récapitulatif: quantité en douzaines (dz)

AnnéeProduction DzVentes DzValeur DT
1977  8 200  7 100  5 600
197814 20013 20011 126
197913 70010 600  9 139
1980  7 800  7 20011 802
198111 500  8 200  6 767

Remarques concernant le tableau précédent:

  1. Les chiffres varient beaucoup d'une année à l'autre. Il ne s'agit pas de la demande, qui est relativement constante (de 15 à 20 tonnes par an), mais d'une difficulté en approvisionnement en naissain, en particulier en 1976 et 1980.

    Le naissain est importé de France: plusieurs années de mauvais captage, la présence de parasites, des difficultés administratives, etc. nous ont posé des problèmes dans l'approvisionnement, entraînant un défaut à la production.

  2. En 1980, 7 200 douzaines ont été vendues 11 800 DT. Le prix avait été volontairement augmenté par les services commerciaux (2,4 DT la douzaine), ce qui a permis un bénéfice immédiat relativement intéressant, mais a un peu découragé la clientèle l'année suivante, bien que les prix aient été ramenés à des proportions plus justes: 0,750 DT la douzaine en gros, 1 DT au détail.

    Les huîtres sont actuellement peu connues et peu appréciées par les consommateurs tunisiens.

C) Conclusions

L'exploitation de Menzel Jemil travaille à l'heure actuelle à environ 30% de sa capacité. La production normale devrait se situer entre 500 et 600 tonnes (moules et huîtres).

V) Extension de la conchyliculture dans le lac de Bizerte

A) Conditions générales

Compte tenu de sa superficie (15 000 ha), le lac de Bizerte offre des possibilités intéressantes pour l'élevage des huitres et des moules.

La pollution (industrielle) est encore négligeable dans la majeure partie du lac: elle ne concerne que la zone NW du lac, région de Menzel Bourguiba.

Les deux villes de Menzel Jemil et de Menzel Abderrahman ainsi que la proximité de l'agglomération de Bizerte offrent des possibilités de main d'oeuvre importantes (environ 80 000 habitants au total).

Il existe actuellement de nombreux pêcheurs côtiers (artisans), gens habitués depuis des générations à travailler en mer.

Actuellement la pêche dans le lac proprement dit est très réduite, l'extension des installations conchycoles ne poserait, semble-t-il aucun problème (gêne à la navigation et pose des filets).

B) Zone de productions nouvelles

On peut considérer deux cas:

  1. Les zones favorables à l'implantation d'installations fixes d'élevages (Tables), c'est-à-dire les fonds de 4 à 6 m (zone marquée /// sur la carte No. 2).

    Compte tenu de la superficie considérée et en respectant une charge correcte (Tables espacées d'au moins deux cents mètres les unes des autres) on peut envisager l'implantation de 180 à 200 tables, du type décrit au début de cette note, ce qui laisse envisager une production de l'ordre de 10 000 tonnes.

  2. Les zones peu profondes (7 à 10 m) (zone XXX sur la carte No. 2), où pourraient être implantées des installations flottantes (radeaux ou autres systèmes…). La production à envisager est plus délicate à évaluer, il faut faire une étude plus approfondie, mais compte tenu de la surface disponible, en conservant des normes de charges correctes, on peut envisager 10 000 tonnes sans risques.

    En conclusion, une extension de la production à 20 000 tonnes est envisageable, sans risques de charge excessive, afin de conserver un rendement honorable.

CARTE No 2 - LAC DE BIZERTE

CARTE N<sup>o</sup> 2
CARTE N<sup>o</sup> 2Zone implantation installations fixes
CARTE N<sup>o</sup> 2Zone implantation installations flottantes

VI Organisation: privatisation

La conclyliculture, de par la nature du travail, se prête assez bien à l'exploitation sous forme de petites entreprises artisanales, voire familiales. Entreprises de 5 à 10 personnes. De nombreux travaux ne nécessitent pas une main d'oeuvre spécialisée (triage, préparation des cordes, des poches, etc.). Le travail en mer ne représente qu'une partie de l'exploitation (mise en élevage et récolte), les autres travaux se font à terre.

Toutefois il faudrait envisager une aide financière pour l'investissement de base, relativement onéreux; une table et son matériel d'élevage complet (poches, cordes) coûte actuellement 13 000 DT pour une production de l'ordre de 50 tonnes.

Ces entreprises pourraient être regroupées en coopératives. Bien entendu, l'écoulement de la production (à l'étranger) nécessite l'organisation et la mise en place d'un réseau et d'une structure commerciale adaptée.

Il serait également souhaitable qu'un organisme de recherche étatique conserve une exploitation, permettant de mettre au point ou d'améliorer les techniques d'élevage, de faire des essais d'élevage de nouvelles espèces (huître plate en particulier). Ceci pourrait très bien s'inscrire dans le cadre des activités soit de l'O.N.P. soit de l'I.N.S.T.O.P., d'une manière générale du Commissariat Général à la Pêche.

VII Ecoulement de la production

1) Marché local

Il est actuellement limité, par manque d'information et d'organisation. Seules les clovisses (Tapes decussatus) sont connues du consommateur tunisien. Les moules et les huîtres assez peu. Par contre, il y a un marché potentiel qui est négligé c'est celui du tourisme. La Tunisie accueille chaque année un nombre important de touristes (7 millions) essentiellement européens, et qui sont en majorité habitués à consommer des fruits de mer. Il y a donc en priorité un effort de promotion à engager dans cette voie. Tout est à organiser, car il ne faut pas oublier que la commercialisation des fruits de mer frais nécessite certaines précautions, surtout en Tunisie en raison des conditions climatiques. Les conditions de transport, de ventes, de stockage doivent être sévèrement contrôlées. Des accidents se sont déjà produits, et ont provoqué une certaine méfiance de la clientèle.

2) Marché international

Actuellement les seuls coquillages exportés sont les clovisses (Espagne, France, Italie). Compte tenu des coûts de production, relativement bon marché, de la proximité de l'Europe, d'un réseau de transport maritime et aérien très développé entre la Tunisie et l'Europe, l'exportation (d'huîtres en particulier) représente la solution d'avenir et ne devrait pas poser de difficultés insurmontables, quant aux formalités administratives, aux normes de salubrité et au contrôle sanitaire. La création de sociétés mixtes devrait résoudre finalement ces différents problèmes.

3) Produits élaborés

Des essais ont déjà été réalisés: moules en conserve, huîtres en conserve, chair d'huîtres congelée.

Mis à part pour les moules où une exportation est prévue, ces produits sont en cours d'essais et le marché est en cours d'étude. Les premières estimations montrent une rentabilité très médiocre, les méthodes d'élevage utilisées pour le moment en Tunisie ne sont pas compétitives avec celles utilisées dans d'autres pays étrangers.

ANNEXE 7 A

Investissement pour une exploitation de type “table d'élevage” d'huîtres

Table d'élevage - type 66 rails

Longueur: 40 m. Largeur: 20 m. Surface: 800 m2

Capacité de production: 50 tonnes

A) Composants - nature et valeur

  1. Rails de chemin de fer

66 pièces de 12 m (rail de 36 kg au m.l.)(prix: 146 DT/tonne) 
soit: 66 × 12 × 36 = 28,5 tonnesValeur: 28,5 × 146= 4 140 DT
Main d'oeuvre installation O.N.P.
(transport et mise en place)
    1 500 DT
  1. Madriers en bois rouge

    Il faut 70 pièces: dimensions: longueur: 5 m, largeur: 22 cm, épaisseur: 8 cm

    Cubage pour une table: 70 × (5 × 0,22 × 0,08) = 6,16 m3

    Le prix actuel est d'environ 200 DT le m3

    soit: 6,16 × 200 = 1 230 DT

  2. Perches eucalyptus de 5 à 6 m de long: il faut 400 pièces

    les perches sont vendues 0,150 DT le m.l.

    soit: 400 × 5 × 0,150 = 300 DT

  3. Fournitures diverses

    boulons (200 × 24) + rondelles et écrous (150 p.)

    soit: 150 × 2 = 300 DT

    pointes de 150 (ordinaires)

    100 kg × 0,6 DT = 60 DT

  4. Main d'oeuvre (installation de la table):

    4 ouvriers pendant un mois: 130 × 4 = 520 DT

  5. Tableau récapitulatif: construction de la table (nue, sans le matériel d'élevage)

- Rails de chemin de fer4 140DT 
- Installations1 500DT 
- Madriers1 230DT 
- Perches eucalyptus300DT 
- Fournitures diverses360DT 
- Main d'oeuvre520DT 
Total8 050DT 

Remarques:

Longévité du matériel:rails: 20 – 25 ans
madriers: 8 – 10 ans
perches: 3 – 4 ans

B) Matériel d'élevage

- poches d'élevage en plastique: 4 800 pièces à 1,1 DT =5 280DT
- cordes polyéthylène Æ 7 ou 8 mm 
Il faut environ 500 kg à 1 500 DT/tonne700DT
- fil de fer galvanisé de 4 mm de diamètre 
Il faut pour 3 500 fils environ 1,2 tonne à 0,650 DT le kg=780DT
Total6 760DT

Remarques: Longévité du matériel

poches d'élevage:3 ans
fil de fer:4 ans
cordes polyéthylène:1 an

C) Autre matériel

- local à terre (eau courante - téléphone); 
- 1 barque à moteur (15 – 20 CV); 
- 1 véhicule de servitude(20 000 DT)
- matériel de manutention (caisses - corbeilles) 

Ces valeurs peuvent varier en fonction du lieu, de l'importance du bâtiment, du matériel neuf ou d'occasion.

Note: Les installations à terre sont sensiblement les mêmes quelle que soit la taille de l'exploitation.

ANNEXE 7 B

Exploitation artisanale d'huîtres (produit; huîtres fraiches)

Type A - Exploitation à partir de naissain “un à un” d'écloserie

  1. Mise en élevage du naissain
  2. Mise en élevage du naissain prégrossi
  3. Récolte - tri - ventes

Type B - Exploitation à partir de naissain “type 18 mois”

  1. Mise en élevage
  2. Récolte

Type C - Exploitation à partir de naissain fixé sur collecteur

  1. Mise en élevage du naissain
  2. Détroquage
  3. Mise en poche d'élevage
  4. Commercialisation - récolte - tri

Ces trois formules présentent des points communs, sauf une opération: le détroquage pour le type C.

I) Exploitation de type A, à partir de naissain d'écloserie

1) Investissement pour une table type 66 rails

soit un prix global de 7 500 DT environ; la durée d'utilisation est de 3 ans environ, soit un amortissement annuel de 2 500 DT.

2) Frais d'exploitation

L'achat de naissain pour une production de 50 tonnes représente 600 000 unités à 11 DT/mille, soit 6 600 DT. A ceci s'ajoutent les frais de transport et de douane. Le naissain rendu coûtera environ 7 000 DT.

Frais d'exploitation (hors personnel)

Poches (amortissement)2 500DT 
Cordes800  
Naissain7 000  
Fonctionnement500  
 10 800DT 

soit un prix de revient d'environ 0,230 DT/douzaine et en comptant 10% de perte: 0,250 DT/douzaine (ou kilogramme).

Ce type d'exploitation qui peut fonctionner avec une seule table, ne nécessite qu'une ou deux personnes de façon continue pour l'entretien régulier des poches, les tais, etc.

La durée d'élevage n'excède pas 12 mois, à condition de partir de naissain de 1,5 cm (des essais réalisés à partir de naissain de Californie ont donné d'excellents résultats)

Le bénéfice brut d'exploitation (hors personnel) par douzaine, vendue 0,450 DT, est de l'ordre de 0,200 DT, soit 10 000 DT pour l'ensemble de l'exploitation.

3. Conclusion

Avantages: Main d'oeuvre réduite

Inconvénients:

II) Exploitation de type B à partir de naissain “un à un” type 18 mois

Un kilogramme de naissain donne 5 à 6 fois son poids d'huîtres marchandes, compte tenu des pertes.

On peut estimer à 10 000 DT environ le coût du naissain vendu, mais ce prix est très variable, avec une forte composante du prix de transport.

Exploitation d'une table

Poches2 500DT 
Cordes800  
Fonctionnement500  
Naissain10 000  
 13 800DT 

Ceci donne pour une production de 50 tonnes un prix de revient de 0,280 DT par douzaine.

III) Exploitation de type C à partir de naissain fixé sur collecteur.

Cette exploitation se distingue des deux précédentes par la nécessité de procéder au détroquage (séparation des huîtres de leur support), opération longue et délicate.

On distingue deux cas:

1) Détroquage “un à un”

Cette opération est mensuelle, elle peut être mécanisée (perte plus importante), mais aucune donnée n'est disponible pour le moment.

Dans le cas présent il faut compter un rendement journalier de 60 kg environ/jour/ouvrier - soit 1,5 tonne/mois par personne.

Elle doit se faire dans un laps de temps réduit (2 mois environ).

Elle nécessite obligatoirement l'emploi temporaire pour 2 mois environ d'un personnel assez nombreux.

Rendement net global: 1 kg de naissain donne aux environs de 25 fois son poids d'huîtres de taille marchande.

Cette méthode présente un avantage: les huîtres détroquées une à une sont quelques mois plus tard très faciles à récolter.

2) Prédétroquage

Cette opération consiste à briser la coquille support du naissain en plusieurs morceaux et à les placer ensuite en élevage dans les poches. La mise en élevage du naissain prégrossi est donc beaucoup plus rapide.

Par contre, les huîtres doivent être détroquées au moment de la vente, triées, etc.

Cette opération est un inconvénient, car les ventes d'huîtres se font en pointe, sur une courte période d'où une perte de temps, la casse des huîtres, etc.

Le rendement est d'environ 150 kg/jour/ouvrier - soit 3 tonnes à 3,5 tonnes/mois/ouvrier.

3) Conclusion

La premiére technique est préférable car elle évite de mettre en élevage de la marchandise perdue en fait à cause de la casse au moment de la récolte.

Par ailleurs, la visite des poches en cours d'élevage pour le nettoyage permet d'éliminer les huîtres non présentables.

Pendant la période d'élevage, des huîtres peuvent aussi être collées sur cordes ou sur barres, ce qui donne un produit de meilleure qualité.

Les formes d'exploitation suivant les types A et B ont l'avantage de supprimer cette opération délicate, mais en revanche l'investissement est plus important.

ANNEXE 7 C

Exploitation de type familial (produit: chair d'huîtres)

L'unité de production est la table type 66 rails

I) Objectifs de production

L'objectif de cette production est de fournir de la chair destinée à être congelée et exportée.

Des premiers essais ont été effectués par 1'O.N.P., qui disposerait d'un marché en Italie pour ce type de produit.

II) Nature et calendrier des opérations

A) Préparation des fils de fer d'élevage pour le naissain réceptionné sur coquille (huîtres ou coquilles St Jacques)

Pour une table il faut 3 000 fils de fer (longueur: 3 m), utilisables durant 2 ans. La préparation consiste à couper le fil de fer, faire une bombe d'attache, attacher la corde d'élevage.

Rendement: 200/j/ouvrier, soit environ 15 jours (1 personne)

B) Mise en élevage du naissain

Il faut compter 120 fils par jour/homme - 12 coquilles sur chaque (0,5 kg), fil séparé par une entretoise plastiquée de 20 cm. Il faut 3 000 fils par table soit 3 000/120 = 25 jours à 1 mois.

Transport et mise à l'eau: il faut compter 15 jours

Durée totale de l'opération: l mois et demi environ (en octobre/novembre)

C) Récolte - ouverture des huîtres - livraison de la chair

La récolte peut débuter 12/13 mois après la mise en élevage. A ce stade, l fil donne un poids d'huîtres utilisables d'environ 20–25 kg. (Il reste bien entendu des huîtres non encore utilisables qui doivent être remises en élevage). La quantité est difficile à évaluer car elle dépend de la qualité du naissain reçu.

A ce stade, les huîtres font environ 1 kg par douzaine.

Il y a à récolter: 3 000 × 20 = 60 000 kg ou douzaines

Il faut compter au minimum 100 kg de produit frais ouvert, soit environ 10 kg de chair par jour, soit par mois et par ouvrier: 25 × 100 = 2 500 kg.

Ce travail peut être effectué d'octobre à avril ou au 15 mai inclus, soit pendant 6 mois et demi.

Rendement: 2,5 tonnes × 6,5 = 16 tonnes

Il sera donc nécessaire d'embaucher 4 personnes pendant 6 mois et demi pour la récolte.

D) Remise en élevage du reliquat: 1 personne pendant 2 mois

III) Coûts de production

Les coûts de fonctionnement (hors personnel) peuvent s'établir ainsi:

- Fil de fer (1,2 tonne):400DT 
- Corde: 480 kg à 1,5 DT/kg:700DT 
- Naissain: 1,5 tonne:3 000DT 
- Frais de fonctionnement:500DT 
 4 600DT 

On peut admettre un coût de location de la table d'élevage (identique à un amortissement sur 5 ans) de 2 000 DT/an.

Le personnel employé s'établit ainsi:

1 personne pendant 2 mois

4 personnes pendant 6 mois et demi

1 personne pendant 2 mois

ce qui donne 1 personne/mois/an

On peut admettre avec une marge de sécurité, une moyenne de 2 personnes par an et par unité de production.

IV) Résultats

Le rendement minimum d'une table est estimé à 6 000 kg de chair (à partir de 60 tonnes de mollusques vivants), vendus à 2 DT/kg, au départ de l'exploitation, soit un revenu de 6 000 × 2 = 12 000 Dt/an.

Les coûts de production, hors-personnel, s'établissent à 6 600 DT/an; le résultat brut d'exploitation est donc de 5 400 DT/an.

V) Conclusions

Durant l'été (fin juin à septembre) le travail est arrêté complètement, les huîtres étant trop grasses et fragiles; du 15 mai au 1er juillet, l'activité est également très réduite.

Ce type d'exploitation, en raison de la part limitée des travaux, interrompus durant l'été, permet donc d'autres activités (pêche, agriculture, tourisme, etc.). D'autre part, le cycle de production peut être augmenté jusqu'à 2 ans, la taille du coquillage intéressant peu dans la vente. Ceci permet, avec le même nombre de personnes (2), d'exploiter deux tables avec un revenu continu, chaque table étant mise en élevage alternativement chaque année.

Une telle exploitation artisanale mérite donc d'être étudiée de façon plus approfondie, en particulier en mettant en place une expérience pilote, sur une table au sein de l'O.N.P.


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