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III. REGLEMENTATIONS DE LA COMMUNAUTE EUROPEENNE SE RAPPORTANT AUX FORETS

Au cours des trois dernières décennies, le droit international de l'environnement et du développement a connu un essor remarquable. Plusieurs conventions relatives à la gestion durable des ressources naturelles ont été adoptées, mais les instruments juridiques concernant les forêts sont, pour l'essentiel, des documents non contraignants de soft law (Sand, 1990; Tarakovski, 1995; Humphreys, 1996; Glück et. al., 1997). Les deux instruments traitant spécifiquement des forêts qui ont été adoptés lors de la Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement en 1992 - le Chapitre 11 d'Agenda 21 et les Principes forestiers - ont un champ d'application global mais ne sont pas juridiquement obligatoires, bien qu'ils aient fourni aux gouvernements un cadre institutionnel propice à la coopération mondiale et régionale (Schmithüsen et Ponce, 1996).

En Europe occidentale, cependant, de nombreux dispositifs relatifs aux forêts ont été adoptés par la Communauté européenne. Pour la plupart, ils concernent le financement des activités liées au reboisement, la protection des forêts, l'harmonisation des procédures de collecte des données et d'autres activités connexes.

Le financement des activités forestières est conçu soit au titre des «mesures structurelles», soit à travers les incitations aux activités forestières en agriculture prévues par des textes particuliers. Une illustration en est donnée par le Règlement (CEE) n° 1096/88 du Conseil du 25 avril 1988, qui avait instauré un régime communautaire d'encouragement à la cessation de l'activité agricole, moyennant des subventions attribuées aux agriculteurs qui mettaient en réserve, pendant une durée minimale de cinq ans, au moins 20 pour cent des terres produisant des excédents agricoles. Une prime complémentaire était accordée lorsque la terre en question était affectée à la production forestière.

Le Règlement (CEE) n° 2080/92 du Conseil, du 30 juin 1992, a institué un régime communautaire d'aides aux mesures forestières en agriculture, qui est applicable aux projets tant de production que de protection. Ce système comprend des aides au reboisement, des primes annuelles pour les frais d'entretien durant les cinq premières années, d'autres primes annuelles pour compenser les pertes découlant du boisement de terres agricoles, ainsi que des aides à l'investissement dans les terres boisées (art. 2). Les Etats membres doivent mettre en œuvre ce système grâce à des programmes pluriannuels nationaux ou régionaux, qui en précisent les conditions et qui doivent être soumis à la Communauté pour approbation (art. 4). Ils peuvent élaborer aussi des plans de reboisement par zone, qui reflètent la diversité des situations environnementales et des structures agraires (art. 4)[69].

Parmi les règlements récemment adoptés pour le fonctionnement des Fonds structurels de la Communauté pour la période 2000-2006, le Règlement du Conseil (CE) n° 1257/1999[70] comporte des dispositions particulières sur la sylviculture. La foresterie y est conçue comme faisant partie intégrante du développement rural. Il prévoit des aides pour le maintien et le développement des fonctions économique, écologique et sociale des forêts en milieu rural, que celles-ci appartiennent aux personnes privées ou aux communes (art. 29). Parmi les actions éligibles aux financements, il y a les reboisements respectueux de l'environnement, les investissements destinés à la mise en valeur des forêts ou à l'amélioration des procédés d'exploitation et de transformation des produits forestiers, ainsi que la création d'associations de propriétaires forestiers visant à aider leurs membres à mieux gérer leurs forêts de façon durable et efficace (art. 30). Outre les frais de plantation, les aides peuvent comprendre des primes annuelles couvrant les frais d'entretien pour une durée maximale de cinq ans, ainsi que les pertes de revenus résultant des boisements pour une période maximale de vingt ans.

La Directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages («Directive Habitat») représente une contribution importante à la protection de la biodiversité des forêts européennes. Elle prévoit la création d'un réseau européen d'aires protégées («Nature 2000»), qui sont actuellement mises en place par les pays membres.

La réglementation concernant la collecte uniforme des données forestières constitue également une contribution substantielle de la Communauté à l'amélioration de la gestion forestière. Certains règlements prescrivent la mise en place d'un système forestier européen d'information et de communication se rapportant à la situation actuelle des terres boisées et aux tendances d'évolution en matière de reboisement, d'exploitation, de transformation et de commercialisation des produits forestiers. Les Etats membres peuvent être tenus, après avis du comité permanent forestier, d'ajuster ou de compléter leurs procédures de collecte de données.

La réglementation communautaire relative aux statistiques forestières comprend:

le Règlement (CEE) n° 1615/89 du Conseil, du 29 mai 1989, instaurant un système européen d'information et de communication forestières (Efics);

le Règlement (CE) n° 400/94 du Conseil du 21 février 1994 prorogeant le règlement (CEE) n° 1615/89 instaurant un système européen d'information et de communication forestières (Efics);

le Règlement (CE) nº 1100/98 du Conseil du 25 mai 1998 modifiant le règlement (CEE) nº 1615/89 instaurant un système européen d'information et de communication forestières (Efics)

Plusieurs autres règlements concernent la protection des forêts de la Communauté contre la pollution atmosphérique. Le Règlement (CEE) n° 3528/86 du Conseil du 17 novembre 1986 relatif à la protection des forêts dans la Communauté contre la pollution atmosphérique, tel qu'amendé, crée un système communautaire de protection des forêts, contribuant ainsi à la sauvegarde du potentiel productif de l'agriculture (art. 1). Les Etats membres doivent établir un rapport périodique sur la santé des forêts dressé sur la base d'un inventaire uniforme (art. 3). Dans ce but, ils peuvent obtenir des aides financières dont les montants sont spécifiés (art. 12). Le système appuie aussi les expériences de terrain, les projets pilotes, etc. (art. 4). Un comité pour la protection de la forêt, composé de deux représentants par Etat membre et d'un représentant de la Commission, étudie les mesures proposées, lesquelles peuvent être adoptées à la majorité qualifiée, faute de quoi elles sont soumises au Conseil (art. 7). Ce comité exerce également des fonctions consultatives (art. 8).

Les règlements relatifs à la pollution atmosphérique sont les suivants:

Règlement (CEE) n° 3528/86 du Conseil du 17 novembre 1986 relatif à la protection des forêts dans la Communauté contre la pollution atmosphérique;

Règlement (CE) n° 2278/1999 de la Commission du 21 octobre 1999 portant certaines modalités d'application du règlement (CEE) n° 3528/86 du Conseil relatif à la protection des forêts dans la Communauté contre la pollution atmosphérique;

Règlement (CEE) n° 1696/87 de la Commission du 10 juin 1987 portant certaines modalités d'application du règlement (CEE) n° 3528/86 du Conseil relatif à la protection des forêts dans la Communauté contre la pollution atmosphérique (inventaires, réseau, bilans) (et amendements);

Règlement (CEE) n° 2157/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, modifiant le règlement (CEE) n° 3528/86 relatif à la protection des forêts dans la Communauté contre la pollution atmosphérique;

Règlement (CE) n° 1091/94 de la Commission, du 29 avril 1994, portant certaines modalités d'application du règlement (CEE) n° 3528/86 du Conseil relatif à la protection des forêts dans la Communauté contre la pollution atmosphérique (et amendements);

Règlement (CE) nº 307/97 du Conseil du 17 février 1997 modifiant le règlement (CEE) nº 3528/86 relatif à la protection des forêts dans la Communauté contre la pollution atmosphérique;

Règlement (CE) nº 1390/97 de la Commission du 18 juillet 1997 modifiant le règlement (CE) nº 1091/94 portant certaines modalités d'application du règlement (CEE) nº 3528/86 du Conseil relatif à la protection des forêts dans la Communauté contre la pollution atmosphérique.

Il existe aussi divers règlements relatifs à la protection des forêts contre les incendies. Le Règlement (CEE) n° 2158/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, relatif à la protection des forêts dans la Communauté contre les incendies met en place un système visant à réduire le nombre d'incendies et limiter leur propagation (art. 1.2). Les études et campagnes d'information y afférentes peuvent être financées dans le cadre de ce système et, à cette fin, les Etats membres doivent soumettre des programmes annuels à la Commission (art. 1.3/4). Les Etats doivent classer leur territoire en fonction des risques d'incendies de forêts et certains paramètres permettent de déterminer les zones à haut risque (art. 2). Pour les zones à haut et moyen risque, des plans de protection contre les incendies de forêts, dont le contenu est spécifié, doivent être élaborés (art. 3). Un système uniforme d'information sur les incendies de forêts (indiquant notamment les lieux, durées, causes, conséquences, etc.) est aussi mis en place, pour les besoins duquel des financements peuvent également être obtenus (art. 5 et 6).

Les Règlements relatifs aux incendies de forêts sont les suivants:

Règlement (CEE) n° 2158/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, relatif à la protection des forêts dans la Communauté contre les incendies;

Règlement (CE) n° 1727/1999 de la Commission du 28 juillet 1999 portant certaines modalités d'application du règlement (CEE) n° 2158/92 du Conseil relatif à la protection des forêts dans la Communauté contre les incendies;

Règlement (CE) n° 804/94 de la Commission, du 11 avril 1994, portant certaines modalités d'application du règlement (CEE) n° 2158/92 du Conseil en ce qui concerne les systèmes d'information sur les incendies de forêt;

Règlement (CE) nº 308/97 du Conseil du 17 février 1997 modifiant le règlement (CEE) nº 2158/92 relatif à la protection des forêts dans la Communauté contre les incendies.

Il existe en outre des réglementations communautaires concernant la transformation et la commercialisation des produits forestiers[71], le classement des bois bruts[72], les matériels forestiers de reproduction[73], ainsi que la constitution d'un comité permanent forestier[74].

Ces diverses mesures en faveur du secteur forestier ont été prises dans le cadre des politiques communautaires existantes, sans qu'une «politique forestière commune» n'ait jamais été adoptée, malgré le vaste débat que cette dernière a suscité. Toutefois, par sa Résolution du 15 décembre 1998, le Conseil des Communautés européennes a adopté une stratégie forestière pour l'Union européenne[75]. Celle-ci distingue, au nombre des principaux éléments stratégiques de la gestion forestière durable, le principe de subsidiarité, la participation aux processus internationaux, le besoin de renforcer la coordination de toutes les politiques liées au secteur forestier, à la fois au sein de la Commission, entre la Commission et les Etats membres et entre les Etats membres eux-mêmes, ainsi que la nécessité de promouvoir l'approche participative.

L'évolution de la réglementation communautaire traduit l'importance croissante donnée aux actions communes en matière de forêts. Les Etats membres sont tenus de prendre diverses mesures se rapportant au secteur forestier, telles que l'élaboration des programmes à financer, l'adaptation des méthodes de collecte des données, etc. Cependant, cette réglementation n'a pas été conçue comme un cadre juridique destiné à régir les forêts des Etats membres, de sorte que ses effets sur leur droit interne restent en général limités. L'harmonisation des lois forestières nationales n'est requise qu'à certains égards, comme pour les procédures de collecte des données, la classement des bois ronds, les matériels de reproduction et la lutte contre les incendies. Comme la stratégie forestière récemment adoptée ne s'inscrit pas spécialement dans le sens d'un rapprochement des lois forestières des Etats membres, il est un peu probable que d'importants changements surviennent en la matière dans un avenir proche.


[69] Ce règlement, comme le précédent (n° 1096/88), a été critiqué au motif que seuls les agriculteurs en bénéficient et qu'aucune attention n'est accordée aux entreprises forestières qui sont en position de faiblesse, telles que celles qui prêtent des services d'exploitation et de gestion ou encore les associations de propriétaires fonciers. Des distorsions du marché ont été causées par les nouvelles entreprises forestières qui, contrairement à celles qui existaient déjà, pouvaient faire face à la plupart des coûts d'investissent grâce aux nouvelles incitations (Pettenella).
[70] Règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil du 17 mai 1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements. Ce règlement a été adopté dans le cadre renové des Fonds structurels, tel que défini par le Règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil du 21 juin 1999 portant dispositions générales sur les Fonds structurels.
[71] Règlement (CEE) n° 867/90 du Conseil, du 29 mars 1990, concernant l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits sylvicoles.
[72] Directive du Conseil 68/89/CEE, du 23 janvier 1968, relative au rapprochement des législations des États membres concernant le classement des bois bruts.
[73] Directive 1999/105/CE du Conseil, du 22 décembre 1999, concernant la commercialisation des matériels forestiers de reproduction.
[74] Décision du Conseil 89/367/CEE, du 29 mai 1989, instituant un comité permanent forestier.
[75] Résolution du Conseil du 15 décembre 1998 relative à une stratégie forestière pour l'Union européenne.

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