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5. La recherche pour améliorer l’approche écosystémique


Le processus décrit au chapitre 4, s’il se déroule avec succès, mettra immanquablement en lumière des domaines d’incertitude et montrera où il convient de poursuivre la recherche. Surtout, du point de vue de la gestion halieutique, il permettra de repérer les besoins prioritaires de la pêche et aidera à orienter les investissements de la recherche. On trouvera ci-après l’énumération de certains domaines de recherche susceptibles d’améliorer les possibilités d’appliquer plus efficacement l’approche systémique. L’ordre d’énumération ne correspond pas à une quelconque hiérarchisation des priorités.

5.1. Étude des écosystèmes et des effets de la pêche

1. Recueillir de meilleures informations sur le fonctionnement des écosystèmes, en particulier sous l’angle des interactions entre espèces, et sur la manière dont celles-ci développent les propriétés des écosystèmes.

2. Développer la connaissance des mécanismes de répercussion de la pêche sur les espèces ciblées, particulièrement par des études génétiques sur l’identité des stocks pouvant servir de base à des unités de gestion efficaces, l’évaluation des seuils de biomasse compatibles avec le maintien de la fonction de l’écosystème de l’espèce et l’identification des zones de frai et d’alevinage pour intervenir efficacement sur ces stades fragiles du cycle de vie.

3. Effectuer des recherches sur les effets de la pêche sur les espèces non ciblées, notamment ceux des prises accessoires et des rejets, et étudier comment ils se répercutent sur les interactions des réseaux trophiques, les habitats et la biodiversité. Recenser les habitats faisant partie de processus vitaux de l’écosystème (par exemple les zones d’alevinage) et appliquer des stratégies «d’analyse des écarts» permettant de déterminer des ensembles minimaux de différents habitats vitaux.

4. Mettre au point des modèles bio-économiques multispécifiques et des modèles écologiques incluant la dimension socioéconomique (bénéfices privés et sociétaux, répartition des revenus, emploi, incidence de la pauvreté et effets sur la sécurité alimentaire).

5.2. Considérations socioéconomiques

5. Mener des recherches sur les facteurs qui influent sur le comportement au jour le jour des exploitants ou des patrons de pêche, notamment en ce qui concerne le choix des engins et des lieux de pêche, et sur les taux de rejet.

6. Appliquer des méthodes d’évaluation économique, en étudiant le pour et le contre de différentes méthodes dans différentes circonstances.

7. Appliquer un système de comptabilité économique et environnementale intégrée pour l’évaluation et l’analyse de l’interaction entre la pêche et d’autres secteurs de l’économie.

5.3. Évaluation des mesures de gestion

8. Mener des recherches et mettre au point des techniques dans le domaine des engins et des pratiques de pêche pour améliorer la sélectivité des engins et réduire leurs effets sur les écosystèmes.

9. Mettre au point des stratégies ou des procédures pour évaluer et intégrer dans la gestion les connaissances traditionnelles sur les écosystèmes. Cela ne vaudra pas seulement pour la pêche traditionnelle, mais aussi pour toute la gamme des activités de pêche pour lesquelles les connaissances des gens qui observent toute leur vie durant les ressources halieutiques et l’écosystème pourraient être utilisées de manière plus systématique.

10. Déterminer les espèces (et les écosystèmes) qui se prêtent à un repeuplement ou à une augmentation des stocks et mettre au point des stratégies d’introduction qui leur soient mieux adaptées. Il conviendra également de définir des procédures pour évaluer la capacité des écosystèmes naturels de supporter le repeuplement ou l’augmentation du stock de l’espèce concernée.

11. Évaluer plus précisément quel est l’intérêt potentiel des ZMP (mesure visant à préserver la biodiversité) utilisées comme mesure de gestion de la pêche, et notamment effectuer une recherche pour préciser où les ZMP sont les plus efficaces. Des recherches devront être effectuées au sujet de plusieurs aspects des ZMP pour savoir notamment si les propagules des ZMP assurent le renouvellement des zones adjacentes où la pêche reste ouverte, et si le renouvellement éventuel se traduit par une augmentation des prises suffisamment importante pour compenser le manque de prises dû à la fermeture de la zone. Parmi les autres questions, il s’agira de déterminer quelle proportion de la zone occupée par une espèce doit être protégée pour optimiser le rapport entre l’augmentation de la production d’oeufs et la perte d’individus par capture, s’il convient ou non d’utiliser une seule ZMP pour gérer en même temps plusieurs espèces et si les cycles de vie de différentes espèces varient au point de nécessiter des ZMP de tailles et d’emplacements différents pour obtenir les résultats souhaités pour chaque espèce. Il conviendra de décider si des activités de pêche peuvent être admises dans les ZMP et comment ces zones se défendent face aux effets externes.

12. Les habitats artificiels constituent aussi un domaine de recherche, notamment pour ce qui est de leur utilité et de leur efficacité pour la pêche. Des études comparatives comportant des cas concrets devront être réalisées dans différents écosystèmes.

13. La réduction des stocks est un sujet controversé qui devrait faire l’objet de recherches supplémentaires. Une synthèse exhaustive de toutes les expériences réalisées sur la planète serait instructive.

5.4. Évaluation et amélioration de la méthode de gestion

14. Les différentes étapes de la méthode de gestion proprement dite, décrites au chapitre 4, pourraient bénéficier de nouvelles recherches. Il serait par exemple utile d’étudier comment améliorer la compilation des données pour les plans de gestion, comment évaluer l’efficacité de la gestion et comment inclure une évaluation de l’incertitude et des risques dans la méthode.

15. La mise au point de méthodes plus participatives est indispensable et une importance de plus en plus grande sera dévolue aux recherches sociologiques étudiant les possibilités d’améliorer la concertation avec les parties intéressées. Des recherches sociologiques seront aussi nécessaires pour évaluer les effets des différentes mesures de gestion sur les parties intéressées et réduire les effets indésirables. Cet aspect revêt une importance particulière lorsqu’il s’agit de trouver d’autres moyens de subsistance et d’autres emplois pour remédier à une surexploitation et à une surcapacité de pêche chroniques.

16. Il convient de trouver de meilleures modalités pour faire connaître les conséquences de différentes stratégies de gestion. La gestion d’autres ressources naturelles fait appel à tout un éventail de systèmes d’aide à la décision (par exemple les modèles informatiques du type «Et si...», qui permettent la participation des utilisateurs et l’analyse des différents choix possibles), mais il en existe peu dans le cadre de l’approche écosystémique de la pêche.

5.5. Suivi et évaluation

17. L’élargissement des questions prises en considération dans le cadre de l’approche écosystémique obligera à recourir à des méthodes d’évaluation plus simples et plus rapides, à la fois sur le terrain (pour suivre et évaluer l’état de l’écosystème) et au niveau de l’analyse (pour évaluer les règles de décision et/ou créer un modèle générique à utiliser comme base de toutes ces évaluations). Il sera aussi nécessaire de trouver des approches de gestion qui puissent s’adapter aux situations de rareté de données.

18. Mettre au point plusieurs techniques d’analyse pour consolider le processus de décision, y compris des analyses permettant de fixer des points de référence et d’évaluer les règles de décision potentielles. Ces techniques sont en amélioration constante et constituent en soi un important thème de recherche.

19. Bien que les objectifs, indicateurs et points de référence spécifiques doivent varier d’une pêcherie à une autre, il sera nécessaire de trouver un ensemble d’indicateurs génériques. Il devra s’agir d’indicateurs communs à la plupart des pêcheries, qui soient suffisamment généraux pour être utilisables au moins comme point de départ, et suffisamment spécifiques pour être valables. Ils pourraient être utilisés comme base de démarrage de la gestion écosystémique dans les situations relativement pauvres en données (on en trouvera un exemple à l’appendice 4). Le travail du Comité scientifique pour les recherches océaniques et du Groupe de travail 119 de la Commission océanographique intergouvernementale, sous le titre «Indicateurs quantitatifs de l’écosystème pour la gestion des pêcheries», vise à définir le cadre et les indicateurs appropriés à une utilisation dans le cadre d’une approche écosystémique. Le groupe de travail passe en revue les indicateurs existants, en sélectionne certains et, au besoin, en crée de nouveaux pour l’exploitation des écosystèmes marins en tenant compte de l’environnement (changement climatique et modification des habitats), de facteurs écologiques (espèces et taille, mécanismes trophiques) et des perspectives de pêche (indicateurs intégrés)[11]. Son but est d’évaluer et de sélectionner les indicateurs et les différents cadres dans lesquels ils peuvent être utilisés et appliqués.


[11] www.ecosystemindicators.org. Le Secrétariat de la FAO a l’intention de réviser ces directives en tenant compte de ce travail lorsqu’il sera achevé.

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