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APPLICATION DES CONCEPTS GENETIQUES AUX ESSENCES FORESTIERES INDIGENES DU BRESIL1

par

Paulo Y. Kageyama et Inês de Souza Dias
ESALQ/USP, Département de sylviculture
Université de Sao Paulo, Caixa Postal 9
Piracicaba S.P. 13.400 Brésil

INTRODUCTION

De l'extrême sud jusqu'au nord, les forêts indigènes du Brésil sont soumises à une exploitation intensive qui menace d'extinction ou d'appauvrissement génétique de nombreuses essences et populations existantes.

La méconnaissance de la biologie des essences, de leurs différentes utilisations finales potentielles et de leurs variations génétiques inter- et intraspécifiques peut entraîner la perte irréversible d'un grand nombre d'essences avant même que leurs variations et leurs caractéristiques aient pu être étudiées convenablement.

Les concepts génétiques qui sont aujourd'hui couramment employés pour un certain nombre d'essences dans les programmes d'amélioration des arbres peuvent s'appliquer avec succès à l'aménagement, l'amélioration et la conservation des essences indigènes brésiliennes, à condition d'accorder l'attention voulue à leur biologie et à leurs exigences sylvicoles propres.

Le présent article traite des priorités de recherches concernant les essences indigènes brésiliennes et met spécialement l'accent sur quelques questions fondamentales qui se posent à propos de la structure génétique de leurs populations, à savoir:

  1. Biologie de la reproduction;

  2. Variations inter- et intraspécifiques;

  3. Conservation et amélioration génétique.

BIOLOGIE DE LA REPRODUCTION

Pour avoir une connaissance complète d'une essence, il faut disposer de données sur la biologie de son mode de reproduction, notamment d'information sur les systèmes de reproduction, l'écologie de la pollinisation, les caractéristiqùes de la dispersion des graines et de la mise en attente des semences dans le sol. La structure génétique de la population d'une espèce arborescente découle de ces facteurs essentiels et étroitement interdépendants.

Systèmes de reproduction

Dans toute étude génétique, il importe avant tout de déterminer le système de reproduction de l'essence et de connaître les échanges de gènes qui se font à l'intérieur des populations et entre elles.

La structure d'une population est, au moins en partie, conditionnée par le fait qu'une essence est plutôt allogame (fécondation croisée) ou plutôt autogame (fécondation interne). Toutefois l'opposition allogame - autogame n'est pas tout à fait nette. On peut en effet observer une allogamie plus ou moins poussée tant au niveau de cas isolés qu'entre populations, même à l'intérieur d'une espèce donnée. Il convient donc d'être prudent au moment de tirer des conclusions et d'éviter de généraliser hâtivement à partir d'expériences limitées.

Le degré et la distribution de la variabilité génétique, de l'homozygosité, des fréquences de gènes, de leurs modifications d'une génération à l'autre et de la corrélation génétique entre individus dépendent du système de reproduction de la population étudiée (Frankel, 1977).

On a remarqué que les essences forestières les plus exploitées se reproduisent plutôt par exogamie; on cite parfois Leucaena leucocephala comme l'une des rares essences forestières autogames connues. Cette observation vient contredire l'opinion que l'on avait autrefois, selon laquelle la plupart des essences tropicales de forêt humide étaient autofertiles et autogames (Corner 1954; Baker 1959; Federov 1966, cité par Bawa 1974). Selon Bawa (1974) et Ashton (1976), la prédominance de l'allogamie prouve que les rigueurs de la sélection dans la nature favorisent au maximum la diversité génétique chez les espèces arborescentes tropicales.

Bawa (1974) a prétendu que le système de reproduction d'une espèce végétale pouvait être étudié en observant les modes de floraison et la synchronisation de la floraison chez les espèces dioïques, et en comparant les lignées issues de croisements contrôlés et d'autopollinasitions contrôlées, en prêtant particulièrement attention au degré d'autostérilité propre à l'espèce et aux individus.

Au Brésil, Fonseca (1982) et Siqueira et al. (1982) ont étudié les systèmes de reproduction de Mimosa scabrella Benth et de Dipterix alata Vog en notant les degrés de variation dans et entre les lignées obtenues expérimentalement; les résultats laissent fortement à penser que ces deux essences ont un système de reproduction nettement allogame. Cette méthode d'étude est pratique et assez simple et, si elle se révélait fiable, pourrait être facilement adaptée à l'étude d'autres essences.

On peut étudier les systèmes de reproduction de plantes dioïques en observant la floraison et l'anthèse, et leur interdépendance Par exemple, si une essence montre des signes de protandrie ou de protogynie, l'autogamie est douteuse, même si l'autofécondation entre fleurs ayant atteint des stades de développement différents sur un même individu est encore possible (Faegri et Pijl, 1976). Une étude récente faite par Crestana et al. (1982), mettant en évidence une protandrie chez Esenbeckia leiocarpa Engl., constitue un bon exemple d'emploi de cette méthode pour déterminer le système de reproduction d'une essence indigène. Les premiers résultats concernant Mimosa scabrella, obtenus par Catharino et al. (1982), qui font apparaître une protogynie probable, sont un autre exemple de l'application de cette méthode. Araucaria angustifolia (Bert.) O. Ktze, essence dioïque, est par nature allogame. Cela ne veut pourtant pas dire qu'il ne peut pas y avoir croisement entre individus rapprochés, ce qui donnera des structures de population tout à fait différentes de celles que produirait une panmixie normale.

On peut déduire de ce qui vient d'être dit que la structure d'une population est directement liée au système de reproduction d'une essence. Ce seul facteur ne suffit cependant pas à prédire le genre et le degré de variation entre et à l'intérieur des populations.

Ecologie de la pollinisation

On pourrait croire que les études portant sur l'écologie de la pollinisation sont hautement spécialisées et d'un intérêt général limité. Mais une fois que l'on a saisi l'importance des interactions entre les plantes et leurs agents de pollinisation dans l'établissement et le maintien de la structure génétique des populations, on comprend qu'il est indispensable de conduire des recherches dans ce domaine.

La dispersion du pollen et des semences est une condition fondamentale du maintien de la diversité intraspécifique; selon Janzen (1980), la pollinisation est le mécanisme qui permet aux végétaux de maximiser les échanges de gènes entre individus. Ce même auteur recense un certain nombre de caractéristiques écologiques des essences tropicales, telles que le fort pourcentage d'essences fécondées par des vecteurs animaux, les grandes distances qui séparent les individus des espèces dichogames, ainsi qu'un grand nombre d'interactions complexes s'exerçant entre les plantes et leurs agents de pollinisation.

D'après Roche (1975), l'interdépendance des vecteurs de pollen et des espèces arborescentes tropicales est telle que la disparition, ou une réduction massive du nombre des vecteurs diminuerait la production de semences fécondes et, partant, entraînerait l'extinction des essences.

De légères modifications du système de pollinisation peuvent isoler des sous-populations ou séparer des populations qui pourraient se croiser entre elles, même si elles sont sympatriques (Faegri et Pijl, 1976).

L'étude de l'anthèse florale et des modes de fourragement nous permettra de tirer des conclusions sur le type et l'efficacité des vecteurs de pollen, le temps de réceptivité du stigmate, la distance du vol ou du transfert du pollen, le degré d'interdépendance de la plante et des vecteurs de pollen (Crestana et al, 1982).

Il est indispensable d'avoir des peuplements de conservation ex situ et des informations sur l'écologie de la pollinisation des essences pour assurer un aménagement approprié et sauvegarder l'intégrité des populations.

La connaissance de l'écologie de la pollinisation sera aussi un atout important dans la mise en oeuvre de programmes de sélection plus avancés visant à améliorer, tant en quantité qu'en qualité la production semencière en créant des conditions favorables à la pollinisation.

Dispersion des semences

La dispersion des semences est le premier élément qui détermine la densité et le mode de distribution des populations végétales. Elle peut aussi expliquer, dans bien des cas, le passage du stade primaire au stade secondaire et la composition hétérogène constante de la forêt tropicale (Fleming et Heithaus, 1981).

Tout comme la dispersion du pollen, la dispersion des graines conditionne la dimension réelle de la population et influe sur la dérive génétique et certains phénomènes apparentés (Roche, 1975). Le pollen et les semences produits par une population constituent, ensemble, la réserve de gènes.

Au cours de millénaires d'évolution, des forêts tropicales se sont régénérées après des catastrophes naturelles. Une importante réserve de gènes s'est constituée et a fourni le matériel nécessaire à la recolonisation de ces zones, les essences à colonisation rapide étant favorisées; c'est ce qu'on appelle aujourd'hui les essences pionnières ou colonisatrices (Gomez - Pompa et al. 1972).

Les essences pionnières se caractérisent par leur besoin de lumière et leur croissance rapide; elles ont souvent une longue période de dormance des graines et des mécanismes efficaces de dispersion des semences. Ainsi, selon Hall et Swaine (1980), elles peuvent rester en état de dormance dans le sol pendant une période prolongée, en attendant que les conditions d'établissement et de croissance deviennent propices.

Par contre, les essences climaciques possèdent rarement “une banque de semences souterraines”; la production annuelle de graines est suivie généralement par la germination et l'établissement immédiat d'une nouvelle génération de semis. D'après Gomez - Pompa et al. (1972), ces semis peuvent rester en attente dans le sous-bois jusqu'à ce que quelque facteur externe modifie les conditions écologiques et favorise ainsi leur croissance et leur développement.

Les études portant sur l'écologie des semences des essences indigènes brésiliennes sont peu nombreuses, mais elles se montrent très intéressantes. Les études relatives à la banque de semences souterraines de bracatingas (Mimosa scabrella) (Carneiro et al. 1982) ont montré que des semences viables peuvent rester enfouies dans le sol jusqu'à une profondeur de 8 cm. Que la température du sol change et la dormance des graines s'interrompra et les semis lèveront rapidement. Ce phénomène explique la présence de peuplements naturels presque purs et très denses de bracatingas dans le sud du Brésil.

Hall et Swaine (1980) ont étudié les banques de semences souterraines au Ghana et ont été étonnés de la grande quantité de graines viables, particulièrement d'essences pionnières, qu'ils ont trouvées dans le sol forestier.

Selon Fleming et Heithaus (1981), la distribution relative des végétaux dans les forêts tropicales dépend dans une grande mesure du comportement des animaux convoyeurs (animaux fructivores pour la plupart); la distribution peut donc aller d'un grand éparpillement de plants jusqu'à une concentration en bosquets touffus occupant des espaces restreints.

Ces quelques exemples montrent la grande complexité de la régénération des essences forestières tropicales et l'importance de l'évolution conjointe de la faune et des végétaux; ils prouvent aussi clairement la nécessité de poursuivre des recherches dans ce domaine.

Pour Hall et Swaine (1980), il est urgent de conduire des recherches sur quatre aspects fondamentaux de l'écologie des semences dans les forêts naturelles: l'importance et la composition des banques de semences souterraines à différents stades de leur évolution; le mode et la fréquence de production des semences; la durée de viabilité des semences; et les conditions d'environnement propices à l'interruption de la dormance et à la germination de diverses essences.

Ces recherches fourniront des données utiles à un aménagement approprié et soutenu des forêts naturelles, notamment en matière d'exploration et de régénération. Elles contribueront également à établir la structure génétique des populations à conserver et/ou à échantillonner en vue d'études ultérieures.

VARIATIONS INTER-ET INTRAPOPULATIONS

Des études sur les variations phénotypiques et génotypiques des différentes caractéristiques qui existent à l'intérieur des populations ou entre plusieurs populations permettront d'établir la structure génétique d'une essence donnée.

L'étude des variations phénotypiques des individus et des populations peut se faire in situ. Par contre, l'étude des variations génotypiques doit être conduite dans des conditions expérimentales identiques pour tous les individus ou populations à l'étude, afin de vérifier l'influence de l'environnement au moyen de protocoles expérimentaux appropriés.

Variations phénotypiques

L'étude des phénotypes met en évidence la variation qui existe entre des populations et entre des individus d'une population; cette variation est due à une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux. Les études de Fonseca (1982) sur des populations de Mimosa scabrella, et plus précisément sur la variation des caractéristiques des semences, de la densité du bois et du pourcentage d'écorce, illustrent bien ce genre d'études et leur utilité.

Dans son étude, Fonseca soutient, à juste titre, que les études phénotypiques doivent précéder celle de la variation génétique car elles donnent une première indication de la structure génétique d'une essence et aident, par conséquent, le chercheur à choisir la bonne méthode d'échantillonnage pour les études génétiques suivantes.

Si les études phénotypiques montrent qu'une caractéristique donnée ne varie pas entre des populations ou à l'intérieur d'une même population, il est probable que la variation génétique sera également minime. Mais, la présence de variations phénotypiques n'implique pas, à priori, l'existence de variations correspondantes génétiquement induites.

Les études phénotypiques ne sont fiables que si l'âge des individus étudiés est connu et pris en considération, ce qui est généralement difficile dans les populations naturelles. Dans le cas d'une essence pionnière, comme Mimosa scabrella chez qui la régénération est, par définition, en général d'âge à peu près égal, l'étude des phénotypes d'une population naturelle peut, cependant, donner des résultats intéressants.

Variation génotypique

La méthode la plus couramment employée pour entreprendre des études génétiques est celle qui consiste à effectuer des essais de provenance et de lingnées, c'est-à-dire à tester en laboratoire, en pépinière ou sur le terrain, au moyen de protocoles expérimentaux appropriés, des graines récoltées sur des individus et/ou des populations représentatifs.

On ne peut effectuer des analyses génétiques au moyen d'essais de provenance et de lignées que si l'on dispose de connaissances techniques concernant la culture de l'essence visée (notamment manipulation des semences, techniques de pépinières, établissement, etc.), car il faut commencer par faire lever des semis et les établir dans des parcelles de plantation de progénies ou de provenances.

Pour établir des essais de provenance, il faut connaître la distribution naturelle de l'essence de façon à concevoir un échantillonnage suffisant et correctement dosé.

Le nombre des populations étudiées doit être fonction de l'aire de distribution et l'échantillonnage doit être effectué en tenant compte de paramètres d'environnement importants tels que la latitude, l'altitude, les sols, l'exposition, etc. Selon l'allure approximative de variations qui apparaît aux essais on verra s'il faut, par la suite, procéder à un échantillonnage plus précis.

En ce qui concerne le nombre d'individus à échantillonner dans chaque population, on tiendra compte du degré de variation qui différencie un arbre d'un autre. Dans des populations arboricoles allogames, il faut compter, en général, un échantillon de 25 à 50 individus. Il est recommandé aussi de prélever les échantillons à distance d'au moins 100m, pour minimiser le risque d'inclure des parents rapprochés dans l'échantillon (Shimizu, Kageyama et Higa 1982). Seul un petit nombre des essences forestières indigènes du Brésil a été correctement exploré au moyen d'études systématiques de provenances. L'essence ayant fait l'objet de l'étude la plus poussée est le pin du Parana, Araucaria angustifolia. Les résultats rapportés par Gurgel Filho (1980), Shimizu et Higa (1980), Kageyama et Jacob (1980), Monteiro et Romeiro (1980) et Fahler et Di Luccal (1980) ont généralement fait apparaître des différences génétiques marquées entre provenances. Plus récemment, des études ont été entreprises sur les différences génétiques de provenances de Dipterix alata (Siqueira et al. 1982) et Mimosa scabrella (Fonseca, 1982), entre autres.

Ce n'est qu'assez récemment que les chercheurs travaillant au Brésil ont porté un intérêt actif aux essais de lignées et à l'analyse des variations génétiques entre lignées et au sein d'une même lignée. Les résultats de ces études ont été publiés: sur Araucaria angustifolia par Kageyama et Jacob (1980) et Pires (1982); sur Dipterix alata par Siqueira et al. (1982); Sur Mimosa scabrella par Fonseca (1982); et sur Cordia goeldiana par Kanashiro (1982).

L'intérêt et la fiabilité des essais de lignées dépendent d'un grand nombre de facteurs en rapport avec l'échantillonnage des populations originelles, avec le type de lignées utilisé ou créé pour les essais, le modèle statistique et la dimension des parcelles.

On prête aujourd'hui une attention croissante, au Brésil, aux essais de provenance et de lignées et de nombreuses essences indigènes ont été récemment incluses dans des essais de ce type; l'état de nos connaissances dans ce domaine progresse donc de jour en jour.

CONSERVATION ET AMELIORATION GENETIQUE

Conservation des ressources génétiques

La conservation des ressources génétiques se fonde sur le fait que le maintien de la variabilité génétique existant entre et au sein des populations est indispensable à la survie et à l'évolution continue d'une essence. L'appauvrissement de la diversité naturelle diminuera la possibilité que possède une essence de compenser des modifications de l'environnement naturel, et limitera donc les chances de l'homme d'adapter cette essence en fonction des besoins changeants de l'humanité (Frankel 1977).

La stratégie à suivre en matière de conservation génétique d'une essence dépend de la structure génétique des populations de cette essence. Comme il a été dit plus haut, notre compréhension de la structure génétique dépendra, à son tour, des renseignements dont on dispose concernant la biologie reproductive de l'essence considérée. Une essence, ou une population, peut être conservée génétiquement grâce à des opérations de conservation in situ ou ex situ.

La conservation in situ consiste à préserver des échantillons de populations spécifiques dans leurs conditions naturelles. Les zones de conservation in situ d'une essence donnée peuvent être soit dispersées soit continues, grandes ou petites, selon les types de variation existant entre les populations, ou à l'intérieur d'une population à conserver. La conservation in situ est la méthode de conservation idéale pour toute une série d'essences que l'on trouve dans les forêts tropicales hétérogènes, vu la complexité et l'interdépendance des essences composant un tel écosystème. 1

A l'échelle de la population, la dimension d'une réserve in situ dépendra de la dimension effective de la population et sera déterminée par le nombre minimal d'individus se reproduisant entre eux nécessaire pour sauvegarder et transmettre à la génération suivante l'entière variabilité génétique de la population originelle.

La conservation ex situ est la méthode à utiliser quand la conservation in situ n'est, pour différentes raisons, pas praticable. C'est le cas, par exemple, quand des populations sont soumises à de fortes pressions démographiques ou autres, et que de ce fait la conservation in situ à long terme est hasardeuse ou impossible. La conservation ex situ consiste à établir des peuplements de conservation ex situ, en utilisant un matériel de reproduction représentatif de la population originelle, ou en conservant pour la reproduction le matériel germinatif disponible dans des installations d'entreposage de longue durée.

Pour toute opération de conservation, les informations fournies par des essais de provenance et de lignées sont utiles pour déterminer la structure génétique de la population à échantillonner et à conserver. Mais l'échantillonnage à des fins de conservation et l'échantillonnage à des fins d'expérimentation génétique sur le développement d'une population reproductrice devraient normalement relever de critères différents; premièrement, parce que les quelques caractéristiques le plus souvent considérées comme importantes dans les essais de provenance et de lignées conduits à l'occasion de programmes d'amélioration génétique (hauteur, diamètre, forme de la tige, etc.) ne correspondent pas forcément aux modes de variation des autres caractéristiques dans les populations naturelles; deuxièmement, parce que l'échantillonnage effectué aux fins d'amélioration génétique peut être sélectif, tandis que celui qui est effectué à des fins de conservation doit être aléatoire si l'on veut prendre dans ses filets le plus grand nombre possible de variations.

Les banques de matériel germinatif peuvent être d'utiles instruments de conservation, à court et à moyen termes, d'essences ayant des semences “orthodoxes” à la vie longue.

On a identifié au Brésil un grand nombre d'essences nécessitant des mesures de conservation. Nombre d'entre elles sont convenablement représentées dans des réserves in situ mais, dans bien des cas, il est urgent d'établir des priorités en matière de conservation et de dresser des plans d'aménagement des réserves. Les critères d'établissement des priorités sont, comme le recommande Guldager (1975), par ordre d'importance: les essences ou populations menacées d'extinction; les essences présentant un intérêt socio-économique effectif ou potentiel; et les essences à faible production semencière ou pour lesquelles la reproduction ou la régénération est pour toute autre raison, difficile.

Au Brésil, il faut en toute priorité créer plusieurs réserves in situ d'une dimension minimale fixée; ces réserves devraient être établies en respectant les paramètres d'environnement essentiels. Il faudra ensuite conduire des recherches fondamentales et appliquées dans ces réserves pour que les objectifs établis au départ soient atteints; sans quoi, l'avenir pourrait bien confirmer les dires de Gomez - Pompa et al. (1972) et de nombreuses essences disparaître avant même que leur biologie soit élucidée.

Pour quelques essences indigènes, comme Araucaria angustifolia (Timori et al. 1980) et Dipterix alata (Siqueira et al. 1982), les travaux ont été entrepris du point de vue de la conservation ex situ. Ainsi, des essais de provenances et de lignées ont été faits pour obtenir des données sur la structure génétique de leurs populations; ces essais constituent aussi, dans une certaine mesure, des réserves de matériel génétique.

Amélioration génétique

Les mesures d'amélioration génétique des essences forestières indigènes du Brésil peuvent, dans la pratique, se diviser en deux grandes catégories: (i) sélection de populations intéressantes et (ii) sélection d'individus à l'intérieur de ces populations. Des méthodes plus complexes - hybridation et mutations provoquées par exemple - ne sont pas considérées comme utilisables pour le moment.

Une fois encore, il faut insister sur le fait que les programmes conçus en vue d'obtenir des semences génétiquement améliorées d'une essence donnée n'ont de sens que si les techniques de traitement des semences, de pépinières, d'établissement et d'aménagement de cette essence sont connues et que si les utilisations finales et l'intérêt socio-économique de ces actions ont été dûment établis; il importe aussi de connaître les aspects essentiels de la biologie reproductive avant de se lancer dans de pareils programmes.

La sélection des populations prometteuses d'une essence, première étape de tout programme d'amélioration, se fondera sur des essais de provenances, comme il a été dit plus haut. Ces essais seront entrepris sur des sites représentatifs des zones de plantation potentielles et auront pour but de révéler les caractéristiques génétiques de la population et les interactions possibles entre les génotypes et l'environnement. Certaines essences forestières indigènes brésiliennes employées pour les reboisements, comme Araucaria angustifolia, Mimosa scabrella et Cordia goeldiana, ont été récemment incluses dans des essais de ce genre.

La sélection d'individus au sein de populations, effectuée en vue de délimiter et d'établir par la suite des peuplements semenciers et des vergers à graines, ne doit porter, en principe, que sur du matériel obtenu en plantation. La sélection faite dans des peuplements naturels n'est pas fiable, particulièrement en ce qui concerne les caractéristiques de croissance (qui ont un faible pourcentage d'origine héréditaire), car l'influence de l'environnement sur l'espacement, l'âge des arbres, de l'aménagement ou d'autres facteurs extérieurs est généralement variable dans ces peuplements.

Font exception à cette règle les peuplements naturels d'essences pionnières qui se régénèrent après des perturbations telles que les incendies et où, de ce fait, les arbres sont pour la plupart du même âge, la sélection intrapopulation peut être positive, en particulier pour certaines caractéristiques peu sensibles à l'espacement (hauteur des arbres, verticalité du fût, etc.) Citons comme exemple Mimosa scabrella, dont il existe des populations naturelles étendues dans le sud du Brésil (Fonseca, 1982).

CONCLUSIONS

L'application des concepts génétiques aux essences indigènes doit se fonder sur les connaissances que l'on possède concernant la structure génétique des populations existantes. On ne peut acquérir ce genre d'informations qu'en étudiant la biologie reproductive de l'essence et en entreprenant une étude approfondie des modèles de variation inter- et intrapopulations.

Les données biologiques et génétiques de base sont indispensables pour aménager et utiliser des peuplements naturels, pour les conserver et les améliorer.

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1 Adapté de: Kageyama, P.Y et de Souza Dias, I. (1982), Aplicacao de genética en espécies florestais nativas. Anais do Congresso Nacional Sobre Essências Nativas. Silvicultura, Sao Paulo 16 A, part 2: 782–791. Manuscrit reçu en juillet 1984.

1 Note de l'éditeur; voir par exemple FAO 1975, 1981.


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