CONSERVATION IN SITU DES RESSOURCES GENETIQUES FORESTIERES EN MALAISIE PENINSULAIRE ¹

DONNEES GENERALES SUR L'ECOLOGIE DE LA MALAISIE PENINSULAIRE

La Malaisie occidentale ou Malaisie péninsulaire s'étend entre le 2ème et le 6ème parallèles de latitude Nord. Le climat montre des températures pratiquement sans variations saisonnières. En plaine, la température moyenne annuelle est de 27°C, et la différence de température moyenne mensuelle entre les mois les plus chauds (mars-juin) et les mois les plus frais (novembre-janvier) n'est que de 2°C ou moins (Dale, 1963).

La pluviométrie annuelle moyenne varie selon la localité entre 1650 et 4220 mm. Sa répartition peut être bimodale ou unimodale, mais d'une manière générale aucune période de l'année n'est suffisamment sèche pour entraîner une contrainte saisonnière visible sur la croissance des plantes, excepté dans l'extrême nord-ouest (Dale, 1960). Il y a habituellement une poussée de floraison en avril-mai, mais ces maxima ne sont pas très visibles. A intervalles imprévisibles de 1 à 6 ans ou plus, la maximum de floraison est très marqué, et l'on parle alors de floraison “généralisée” ou “grégaire”. Néanmoins il y a toujours une activité de floraison étalée tout au long de l'année, et chaque essence a à cet égard ses propres particularités, depuis une floraison permanente jusqu'à une floraison semi-annuelle ou supra-annuelle.

Les plus hautes montagnes dépassent tout juste 2000 mètres. Les forêts s'étendent jusqu'aux sommets, à l'exception de petites taches de roche nue. Sur la côte ouest, où les cours d'eau se déversent dans le détroit de Malacca, étroit et abrité, s'étendent de vastes forêts de mangrove.

La seule classification complète des types de végétation climacique de la péninsule malaise est celle proposée par C.F. Symington (1943) et appuyée par J. Wyatt-Smith (1963). Elle est basée sur une combinaison très souple de considérations édaphiques, altitudinales, floristiques et physionomiques. On distingue douze types de végétation climacique:

1. Forêts de plaine à diptérocarpacées: 0–300 m
2. Forêts de basses montagnes à diptérocarpacées: 300–750 m
3. Forêts d'altitude à diptérocarpacées: 750–1200 m
4. Forêts de chênes montagnardes: 1000–1500 m
5. Forêts montagnardes à éricacées: > 1500 m
6. Forêts de mangrove: vase des estuaires au-dessous du niveau de haute marée
7. Forêts de plage: plages sableuses ou graveleuses le long du littoral marin
8. Forêts sur tourbières: marais d'eau douce avec accumulation de tourbe
9. Formation ripicoles: berges de cours d'eau
10. Autres forêts marécageuses: marais d'eau douce sans accumulation de tourbe
11. Forêts de bruyère: sols sableux acides, de couleur pâle, à texture légère
12. Forêts sur calcaires: collines calcaires

¹ Basé sur: i) une étude contractuelle intitulée “In situ Conservation of Forest Genetic Resources in Peninsular Malaysia”, par F.S.P. Ng, K.M. Wong Kochummen, S.K. Yap, Aminuddin bin Mohamad et H.T. Chan, Forest Research Institute, Kepong, Malaysia.
ii) “Guice pour la conservation in situ des ressources génétiques d'essences forestières tropicales” (FORGEN/MISC/84/2, FAO, Rome).

PRODUCTIONS ECONOMIQUES

Les principales productions économiques de la forêt sont le bois, le rotin et les bambous. Le bois est de loin le produit le plus important en volume et en valeur totale. La production annuelle est d'environ 10 millions de mètres cubes. Dixhuit essences ou groupes d'essences (essences voisines ayant des bois de propriétés comparables) fournissent près de 70 pour cent du volume total, et dans ces 18 essences la famille des diptérocarpacées entre pour 79 pour cent des volumes produits, et les légumineuses pour 15 pour cent.

AIRES PROTEGEES

Les diverses catégories de forêts protégées sont énumérées ci-dessous, avec une brève discussion de leur utilité vis-à-vis de la conservation biologique.

i) Parcs nationaux: Il n'y a qu'un seul Parc national officiellement désigné en Malaisie péninsulaire. C'est le Taman Negara (ce qui signifie Parc national), qui couvre 434 351 hectares de forêt primaire à cheval sur trois Etats. On y trouve sept des douze types de forêt reconnus par Symington: forêts de plaine, de basses montagnes et d'altitude à diptérocarpacées, forêts de chênes montagnardes, forêts montagnardes à éricacées, formations ripicoles et forêts sur calcaires. Le Parc national est strictement protégé grâce à la vigilance du Département de la faune sauvage et des parcs nationaux, à un fort appui d'associations telles que Malayan Nature Society, Friends of the Earth Society, Environmental Protection Society, et à une large coalition d'associations professionnelles, scientifiques et de consommateurs. En raison de sa grande étendue et de la large gamme d'habitats qu'il renferme, le Parc national est l'aire protégée la plus efficace pour la conservation in situ de toutes les formes de vie végétale et animale qu'on y rencontre.

ii) Réserves de faune et sanctuaires de faune: Il en a été créé 23 depuis 1903, mais l'efficacité de la protection varie d'un endroit à l'autre. Celle de Chior n'a plus d'existence effective. Neuf d'entre elles sont en même temps, en totalité ou en partie, des réserves forestières, et sont par conséquent soumises à l'exploitation. Les meilleures de ces réserves, à savoir la Réserve de faune de Kerau (53 095 ha), la Réserve de chasse de Sungkai (2 428 ha) et la Réserve de faune de Sungai. Dusun (4 330 ha), sont strictement protégées. La Réserve de faune de Kerau inclut le massif de Gunong Benom, et renferme des types de forêts allant de la forêt de plaine à diptérocarpacées à la forêt montagnarde à éricacées.

Ces trois réserves totalisent, avec le Parc national, 494 204 hectares, soit 3,75 pour cent du territoire de la Malaisie péninsulaire (13 167 560 ha). Géographiquement elles se situent toutes dans la bande centrale de la péninsule malaise; la flore et la faune du Nord et du Sud n'y sont pas suffisamment représentées. Plusieurs nouvelles réserves, qui pourraient corriger cette situation, ont été proposées, mais depuis de nombreuses années il n'y a pas eu beaucoup de progrès à cet égard.

Le Parc national proposé d'Endau Rompin (48 775 ha) est d'importance décisive pour la survie de la flore et de la faune caractéristiques du Sud de la Malaisie péninsulaire.

Les réserves de faune, sanctuaires de faune et parcs nationaux sont gérés par le Département de la faune sauvage et des parcs nationaux.

iii) Réserves forestières: Elles sont gérées par le Département des forêts. Elles vont des forêts de basses montagnes à diptérocarpacées aux forêts montagnardes à éricacées, et comprennent en outre les forêts de mangrove et certaines forêts sur tourbières.

Les réserves forestières de plaine ont été converties à l'agriculture ou sont destinées à l'être. On espère que les superficies administrées par le Département des forêts se stabiliseront à 5 180 000 hectares, soit 39,3 pour cent du territoire de la Malaisie péninsulaire (Anon., 1979).

Les réserves forestières sont classées en forêts de protection, forêts de production et forêts d'agrément.

Les forêts de protection comprennent les berges de cours d'eau, la forêt montagnarde à éricacées et les bassins de réception des barrages. Autrefois les forêts de basses montagnes et d'altitude à diptérocarpacées et les forêts de chênes montagnardes étaient toutes considérées comme forêts de protection, mais maintenant l'exploitation est autorisée jusque dans les forêts de chênes montagnardes, et il semble souvent que la limite entre forêts de production et de protection soit déterminée par la répartition des bois de dimension marchande et par la capacité d'accès des engins de débardage plutôt que par des critères écologiques.

La forêt montagnarde à éricacées est généralement sans valeur commerciale, et elle n'est pas menacée si ce n'est dans certaines localités en raison du développement des villégeatures de montagne. Les formations ripicoles sont supposées être protégées, mais le degré de protection est à présent insuffisant. Dans les forêts de production, l'aménagement et les interventions sylvicoles visent à favoriser les essences inscrites dans la “liste d'échantillonnage de régénération” (Regeneration Sampling List) (Anon., 1975). D'une manière générale, en conséquence, les essences de la liste sont suffisamment préservées dans les réserves forestières aménagées, quoique l'exploitation ait tendance à favoriser fortement des essences pionnières telles que Macaranga, Trema et Anthocephalus.

iv) Réserves de jungle vierge: Reconnaissant les inévitables changements qui résultent de l'exploitation et des interventions sylvicoles dans les forêts naturelles, le Département des forêts a pour usage de maintenir certaines parties des réserves forestières en Réserves de jungle vierge. Celles-ci sont créées et maintenues par le service forestier dans les limites de sa zone de juridiction; elles n'ont aucun fondement juridique, et c'est là sans doute la plus grande faiblesse du système. Néanmoins, l'avantage est que, avec une administration forestière éclairée un réseau de réserves de jungle vierge peut être mis en place dans un délai minimum, du fait qu'il ne dépend pas d'une approbation extérieure. Il existe en Malaisie péninsulaire quelque 80 Réserves de jungle vierge, dont la surface varie entre 2,5 et 1 600 hectares; toutefois, seulement 14 d'entre elles ont moins de 50 hectares. Pour un maximum d'efficacité, elles doivent être protégées par une zone tampon plus vaste de forêt aménagée. Telle était en fait l'intention primitive, mais dans plusieurs cas la forêt tampon a disparu et seule subsiste la réserve de jungle vierge; on peut alors craindre que elle ne s'appauvrisse progressivement en espèces avec le temps.

fig 1 PARCS NATIONAUX ET RESERVES DE FAUNE EN MALAISIE PENINSULAIRE

fig 2
REPARTITION DES RESERVES DE JUNGLE VIERGE EN MALAISIE PENINSULAIRE

Fig. 3 Aire de répartition d'Agathis borneensis en Malaisie péninsulaire

Fig. 4 Aire de répartition de Gonystylus bancanus en Malaisie péninsulaire

Fig. 5 Domaine forestier permanent proposé en Malaisie péninsulaire (à l'exclusion de Taman Negara, Kerau et Endau-Rompin)

LEGISLATION

Les textes législatifs relatifs à la conservation des ressources forestières et faunistiques sont les suivants:

1. Protection of Wildlife Act, 1972;

2. National Forestry Act, 1984.

La première de ces lois stipule les modalités de création de réserves et sanctuaires de faune, les pouvoirs des Inspecteurs de la chasse, et la protection totale ou partielle de certaines espèces de mammifères et d'oiseaux.

La Loi forestière nationale renferme des dispositions relatives à la constitution, à l'aménagement et à l'exploitation des réserves forestières. Deux sections de cette loi concernent plus particulièrement la conservation in situ des ressources génétiques. La Section 10 prévoit la constitution de Réserves de jungle vierge et autres aires protégées, tandis que la Section 97 peut être invoquée pour la protection de toute espèce qui apparaîtrait menacée.

Dans l'ensemble la législation est adéquate pour la protection de la faune et des ressources forestières. Les problèmes résident moins dans la législation que dans la délimitation et la constitution pratiques des parcs nationaux, réserves de faune et réserves forestières. Les gouvernements des Etats sont réticents à déclarer des réserves permanentes de quelque nature que ce soit; celles qui existent remontent dans la quasi-totalité des cas à la période coloniale, avant 1957.

ETUDES DE CAS

Des études de cas sont présentées sur 20 essences forestières importantes de Malaisie péninsulaire. La plupart sont des essences à bois d'oeuvre, mais elles comprennent aussi des arbres fournissant des fruits et autres aliments, du bois de feu, de la résine, ainsi que des rotangs et des bambous.

1. Agathis borneensis Warburg (Araucariacées). Damar minyak (malais), Kauri de Malaisie.

Généralités. Conifère de grande taille, atteignant 45 m de hauteur, fournissant le seul bois résineux de Malaisie. Sa résine est vendue sur le marché mondial sous le nom de copal de Manille, et entre dans la composition de certains vernis. On le rencontre dans l'étage dominant sur les principaux chaînons montagneux et sur plusieurs sommets isolés entre 300 et 1500 m; il en existe un seul peuplement de plaine sur la côte nord-est de la Malaisie péninsulaire.

Conservation. Il existe des populations d'Agathis borneensis dans le Parc national, la Réserve de faune de Kerau et le Parc d'Etat de Gunung Jerai; ces populations sont bien à l'abri de l'exploitation. La population côtière de Besut dans le nord-est est protégée de manière officieuse par le service forestier; il serait souhaitable qu'elle soit déclarée Réserve de jungle vierge.

2. Aquilaria malaccensis Lamk (Thyméléacées). Karas.

Généralités. Arbre de moyenne à grande taille, atteignant 36 m de hauteur. Il produit en général un bois léger et tendre, mais on trouve occasionnellement des inclusions de bois brun foncé imprégné de résine, qui en brûlant produit une fumée très aromatique; ce “bois d'encens” est très prisé. On le trouve dans les forêts de plaine et jusqu'à 750 m d'altitude dans tous les Etats de la péninsule sauf celui de Perlis.

Conservation. En raison de la valeur élevée du bois d'encens et du fait que les récolteurs travaillent de manière discrète par petits groupes, débitant le bois sur place, il est pratiquement impossible d'empêcher l'abattage des arbres sinon dans les parcs et autres endroits étroitement surveillés.

Les semences sont difficiles à obtenir, et probablement impossibles à conserver. Afin de faciliter sa régénération naturelle, cette essence devrait être inscrite sur la liste de préférences sylvicoles, de sorte que les forestiers apprennent à reconnaître ses semis et cherchent à les favoriser. Il serait également souhaitable d'en installer une plantation afin de fournir du matériel de recherche sur la formation de bois d'encens, ainsi que de servir de banque de gènes et de source de semences.

3. Calamus caesius Blume (Palmacées). Rotan sega.

Généralités. Rotang pouvant atteindre 100 m et plus de longueur, fournissant le meilleur rotin pour les meubles cintrés et la vannerie. En Malaisie péninsulaire il semble être cantonné dans les marais d'eau douce, les bas-fonds alluviaux et les lisières de forêt sur tourbière.

Conservation. Il est impossible d'empêcher la coupe de tiges de petit diamètre en forêt; cette “cueillette” est une activité traditionnelle des populations forestières et riveraines. Heureusement, le rotan sega pousse en touffes qui produisent des drageons à leur base; il est en conséquence capable de survivre à la récolte beaucoup mieux que la plupart des autres rotangs. La principale menace est le défrichement des forêts en vue de l'agriculture et l'assèchement des habitats marécageux qu'il affectionne. On encourage actuellement sa culture.

4. Calamus manan Miquel (Palmacées). Rotan manau, rotan manau telur.

Généralités. Rotang pouvant atteindre 100 m et plus de longueur. C'est le plus important et le plus recherché de tous; on l'utilise surtout pour la fabrication de meubles en rotin. En Malaisie péninsulaire on le rencontre principalement dans les forêts de basses montagnes entre 50 et 1000 m, généralement sur des pentes raides.

Conservation. La base de ressources de Calamus manan est menacée de disparition en raison de la forte demande du marché. A la différence de C. caesius, c'est un palmier solitaire; chaque tige coupée entraîne la mort de la plante. Il est difficile d'en empêcher la coupe en forêt, par conséquent le meilleur moyen de renouveler cette ressource serait probablement de la cultiver. L'Institut de recherche forestière conduit actuellement des recherches sur la culture de ce rotang.

5. Dipterocarpus spp. Gaertn. f. (Diptérocarpacées). Keruing.

Généralités. Grands arbres atteignant 45 m de hauteur, produisant un bois mi-dur qui convient pour la construction lourde et, pour certaines espèces, une oléorésine utilisée pour la fabrication de vernis et le calfatage des bateaux. On les trouve dans toute la péninsule malaise, dans les forêts de plaine et de basses montagnes à diptérocarpacées au-dessous de 1400 m.

Conservation. L'abondance des Dipterocarpus spp. et leur large répartition dans des habitats divers aident à leur préservation. La plupart des espèces sont conservées dans un certain nombre de Réserves de jungle vierge.

6. Dryobalanops aromatica Gaèrtn. f. (Diptérocarpacées). Kapur (malais), camphrier de Bornéo.

Généralités. Très grand arbre émergent, de plus de 60 m de hauteur. C'est une des essences à bois d'oeuvre des tropiques indo-malais qui atteint la plus grande hauteur et a la croissance la plus rapide. Elle produit un bois mi-dur, et fournit également un camphre cristallin. Elle préfère les pentes et les crêtes à 60–360 m d'altitude. En Malaisie péninsulaire elle est restreinte à deux massifs sur la côte orientale, et à une petite surface à l'ouest de la chaîne centrale près de Rawang dans l'Etat de Selangor.

Conservation. Cette essence est conservée dans un certain nombre de Réserves de jungle vierge. En outre, le riche peuplement de Rawang peut être considéré comme étant conservé, faisant partie d'un parc forestier de loisirs.

7. Durio spp. Adans. (Bombacées). Durian.

Généralités. Arbre de moyenne à grande taille, produisant un bois léger. Durio zibethinus fournit le fruit le plus réputé et le plus populaire du Sud-Est asiatique. On le trouve dans la forêt primaire du niveau de la mer jusqu'à 1 000 m.

Conservation. Durio zibethinus est bien conservé à l'état cultivé, sous toutes ses formes, parce que l'attrait de son fruit est dû pour une part à la grande diversité de texture et de saveur qu'il offre. Les autres espèces sont négligées, mais mériteraient d'être protégées en tant qu'éléments des ressources génétiques de ce genre très important. On ignore dans quelle mesure les diverses espèces sont représentées dans les réserves existantes.

8. Dyera costulata Hk. f. (Apocynacées). Jelutong.

Généralités. Grand arbre atteignant 60 m de hauteur, produisant un bois léger et périssable. Son latex est une importante source d'ingrédient de base du chewing-gum (Burkill, 1935). On le rencontre à l'état disséminé dans les forêts de plaine à diptérocarpacées, jusqu'à une altitude de 300 m, et occasionnellement dans des marais. Il est présent dans toute la péninsule malaise à l'exception de l'île de Langkawi et l'Etat de Perlis.

Conservation. Le jelutong est menacé par une exploitation commerciale intensive et par la conversion des forêts de plaine à l'agriculture. Toutefois, il est conservé dans le parc national et autres réserves, et c'est une des essences que l'on favorise dans la sylviculture des forêts naturelles.

9. Ficus spp. Linn. (Moracées). Ara (malais)

Généralités. Des 101 espèces de Ficus connues en Malaisie péninsulaire, 49 sont des arbres. Il existe aussi des Ficus arbustifs, épiphytes, étrangleurs, lianescents et rampants, tous ligneux. Les fruits de plusieurs espèces sont consommés par l'homme, mais ne sont pas aussi savoureux que la figue méditérranéenne (Ficus carica) et n'ont pas d'usages commerciaux. Toutefois, ils constituent la source de nourriture la plus importante pour de nombreux mammifères et oiseaux des forêts tropicales. On trouve les Ficus en terrain découvert partout, depuis le littoral jusqu'aux sommets montagneux, à l'exception des mangroves.

Conservation. Les Ficus ne font nulle part l'objet d'une conservation spéciale. Cependant, le rôle important que jouent leurs fruits dans l'alimentation de la faune sauvage est de plus en plus reconnu, et par suite les gestionnaires de sanctuaires de faune, parcs ornithologiques et zoos s'intéressent davantage à la protection et à la plantation des Ficus.

De nombreux Ficus sont de bons arbres d'ornement. Leur utilisation comme arbres d'avenue et de parc dans les villes tropicales devrait être encouragée en raison de leur attrait propre et de l'habitat qu'ils procurent à la faune aviaire.

Les Ficus étaient autrefois considérés comme indésirables dans les forêts aménagées, et empoisonnés par annélation. Cette pratique a heureusement été abandonnée depuis quelques années.

La conservation des Ficus est inséparable de celle des hyménoptères pollinisateurs associés à chaque espèce. Si l'on plante un Ficus hors de son habitat naturel sans introduire l'hyménoptère associé, il sera incapable de se propager par graines.

Pour conserver l'hyménoptère associé à telle ou telle espèce de Ficus, il faut s'assurer que celle-ci est représentée par un nombre suffisant d'individus, de sorte que les insectes puissent passer d'une récolte de fruits à une autre. Si l'espèce a une fructification continue, les générations successives d'insectes peuvent se maintenir sur un petit nombre d'arbres. Toutefois, si les fleurs mâles, femelles et “galles” se trouvent sur des arbres différents, le nombre d'arbres à conserver devra être suffisant pour assurer que les trois types de fleurs soient bien représentés - fleurs mâles pour produire le pollen, fleurs femelles pour produire les graines, et fleurs galles pour permettre aux insectes de se reproduire. Si la fructification se fait par poussées irrégulières, il doit y avoir suffisamment d'arbres pour que chaque mois un ou plusieurs individus de la même espèce soient en fruits, afin d'assurer qu'il n'y ait pas d'interruption dans la chaîne, ce qui provoquerait la disparition de l'hyménoptère associé.

Il est fort possible que les populations de certains Ficus soient tombées à un niveau si bas que leurs hyménoptères associés soient éteints. Ces espèces peuvent être considérées comme ayant atteint le terme de leur vie évolutive, et devront être maintenues par multiplication végétative.

10. Gigantochloa scortechinii Gamble (Graminées). Buluh semantan, buluh raya, buluh pa-aao.

Généralités. Grand bambou atteignant 15 m de hauteur. C'est le plus répandu et le plus utile des bambous sauvages de Malaisie péninsulaire; il sert à confectionner des bâtons d'encens, des paniers à légumes et des cages à poules. On le trouve dans toute la péninsule, sauf au sud de la ville de Tampin dans l'Etat de Negeri Sembilan au sud-ouest. Il est commun dans les forêts perturbées et exploitées des plaines et en lisière de forêt et sur les berges de cours d'eau jusqu'à 700 m.

Conservation. G. scortechinii, étant plus ou moins envahissant, peut être considéré comme suffisamment conservé. Toutefois, sa position en tant que ressource utile doit être sauvegardée aussi bien par une gestion sylvicole appropriée des bambousaies naturelles que par la culture.

11. Gonystylus bancanus (Miq.) Kurz (Thyméléacées). Ramin melawis.

Généralités. Arbre de taille moyenne atteignant 27 m de hauteur, produisant un bois léger connu sous le nom de ramin, apprécié comme bois de menuiserie de première qualité. Selon Burkill (1935), il fournit parfois un substitut odorant au bois d'aloès ou bois d'aigle. En Malaisie péninsulaire il est cantonné dans les forêts sur tourbières de la côte occidentale.

Conservation. C'est une essence menacée en raison de l'exploitation intensive, de la régénération naturelle médiocre, du manque de connaissances sur sa sylviculture, et du rétrécissement de son habitat, les tourbières étant asséchées dans maintes régions du pays en vue de l'agriculture.

12. Intsia palembanica Thouars (Légumineuses). Merbau.

Généralités. Grand arbre atteignant 50 m de hauteur, produisant un bois lourd, très résistant et très durable. On le trouve dans les forêts de plaine à diptérocarpacées, et jusqu'à 1 000 m d'altitude sur les stations qui lui conviennent.

Conservation. L'essence étant cantonnée principalement dans les sols fertiles des forêts de plaine à diptérocarpacées, elle est menacée par le défrichement de ces zones en vue de l'agriculture. Sa conservation à l'état de plantations pourrait être utile. Una banque de gènes sous forme de semences serait tout à fait possible, les graines ayant une longue durée de conservation.

13. Koompassia excelsa (Becc.) Taubert (Légumineuses). Tualang.

Généralités. Très grand arbre atteignant environ 80 m de hauteur, produisant un bois mi-dur. C'est l'arbre le plus haut des forêts denses tropicales du monde, et le troisième en hauteur de tous les arbres. Il pousse dans les vallées et sur les basses pentes, et il est assez commun et souvent nettement grégaire. On le trouve dans le centre et le nord de la péninsule malaise, et il est remarquablement absent au sud.

Conservation. L'essence est conservée dans le Parc national (Taman Negara) dans l'Etat de Pahang. Il existe une “Parcelle de grands arbres” à quelques kilomètres dans l'ouest de la ville de Temerloh (Etat de Pahang), où est préservé un peuplement mûr de tualang pour la vue du public, en bordure d'une grande route.

14. Koompassia malaccensis Maing. ex. Benth. (Légumineuses). Kempas.

Généralités. Grand arbre atteignant environ 60 m de hauteur, produisant un bois mi-dur, très résistant mais non durable. On le trouve dans les forêts de plaine et jusqu'à environ 650 m d'altitude, ainsi que dans les tourbières et marais d'eau douce. Très commun et très répandu en Malaisie péninsulaire.

Conservation. Cette importante essence à bois d'oeuvre est abondamment représentée dans toute la péninsule malaise, et n'est en aucune façon menacée d'extinction.

15. Neobalanocarpus heimii (King) Ashton (Diptérocarpacées). Chengal.

Généralités. Très grand arbre atteignant 60 m de hauteur, produisant un bois lourd qui a une réputation méritée de durabilité, traditionnellement le bois d'oeuvre le mieux connu et le plus apprécié du pays. Il fournit également la résine appelée “damar penak”, qui était un produit recherché au début du siècle, mais la demande actuelle est quasi inexistante. Cousens (1965) pense que cet arbre peut vivre 1 400 ans ou plus. On le trouve dans les forêts de plaine et de basses montagnes jusqu'à 900 m, sur des sols friables bien drainés, dans tous les Etats de Malaisie péninsulaire à l'exception de Perlis et Melaka.

Conservation. Le chengal est conservé dans bon nombre de Réserves de jungle vierge et dans le Parc national.

16. Palaquium gutta (Hk. f.) Baillon (Sapotacées). Nyatoh taban merah.

Généralités. Arbre de taille moyenne, atteignant 25 m de hauteur, produisant un bois léger. C'est la principale source de gutta-percha, qui était au début du siècle l'un des plus importants produits forestiers de Malaisie; à l'heure actuelle le commerce de la gutta-percha est insignifiant. On trouve cet arbre dans les forêts primaires de plaine, au-dessous de 300 m environ. Il est signalé dans tous les Etats de Malaisie péninsulaire, sauf ceux de Perlis, Kedah et Terengganu au nord.

Conservation. L'espèce n'est aucunement menacée d'extinction. Elle est fréquente en forêt de plaine, et le parc national et les diverses réserves forestières du pays devraient suffire à assurer sa conservation.

17. Parkia speciosa Hassk. (Légumineuses). Petai.

Généralités. Grand arbre à contreforts d'environ 35 m de hauteur, plus connu pour ses fruits comestibles que pour son bois, qui est léger. Les jeunes gousses et les graines aussi bien vertes que mûres sont considérées localement comme un mets délicat, et cuites comme légume. Cette essence est une importante source de nourriture pour les chauve-souris, qui assurent sa pollinisation, de même que celle du durian à la saison où celui-ci fructifie, de sorte que petai, chauve-souris et durian sont les éléments d'une chaîne alimentaire qui a d'importantes conséquences pour l'économie rurale. En Malaisie péninsulaire c'est un arbre forestier commun depuis les plaines jusqu'à environ 650 m, et on le plante souvent aussi dans les villages.

Conservation. Cette espèce est convenablement conservée.

18. Rhizophora spp. (Rhizophoracées). Bakau.

Généralités. Arbres de 30 m ou plus de hauteur. Les Rhizophora sont les essences marchandes les plus importantes des forêts de mangrove. Leur bois est utilisé traditionnellement pour le charbon de bois, le bois de feu et les perches, et leur écorce est une bonne source de tanin. Deux des 8 espèces de Rhizophora, R. mucronata et R. apiculata, sont représentées en Malaisie péninsulaire. On les trouve dans les forêts de mangrove le long des côtes abritées, notamment la côte ouest, et sur la côte est en petites taches dans les estuaires abrités des Etats de Pahang et Terengganu.

Conservation. Bien que les Rhizophora soient encore abondants dans la plupart des forêts de mangrove de la péninsule malaise, il est souhaitable d'en conserver d'autres surfaces en réserves de jungle vierge en plus de celles de Pulau Kecil, Perak et Sg. Miang (Pahang).

Lors des opérations d'éclaircie, on enlève les grands sujets plutôt que les petits, afin d'obtenir des produits vendables. Cette pratique pénalise les génotypes vigoureux à croissance rapide, ce qui rend d'autant plus importante la mise en place de réserves de jungle vierge comme réserves de gènes.

19. Shorea curtisii Dyer ex King (Diptérocarpacées). Meranti seraya.

Généralités. Grand arbre dépassant 1 m de diamètre, fournissant un bois léger commercialisé sous le nom de dark red meranti, très apprécié comme bois d'usages courants. Il domine les crêtes de chaînons montagneux à 300–750 m d'altitude, mais descend parfois presque jusqu'au niveau de la mer dans les collines littorales. On le trouve dans toute la péninsule malaise, à l'exception de l'extrême nord-ouest dans l'Etat de Perlis. Burgess (1969) a constaté qu'il avait une transpiration égale à la moitié ou aux deux-tiers de celle des autres essences forestières communes qui ne présentent pas la même dominance sur les lignes de crête.

Conservation. L'essence est conservée dans plusieurs Réserves de jungle vierge, et c'est une des essences que l'on favorise dans les régénérations en forêt de basses montagnes.

20. Shorea platyclados Sloot ex Foxw. (Diptérocarpacées). Meranti bukit.

Généralités. Très grand arbre, dont on a mesuré des spécimens atteignant 172 cm de diamètre. Son bois léger est commercialisé sous le nom de dark red meranti, et est très apprécié comme bois d'usages courants. Les exportations de dark red meranti en 1983 représentaient 25 pour cent en volume et 43 pour cent en valeur de toutes les exportations de sciages du pays. En Malaisie péninsulaire c'est un arbre caractéristique de la forêt d'altitude à diptérocarpacées; l'altitude optimale est comprise entre 750 et 1 050 m.

Conservation. L'essence est bien représentée dans la zone de forêt d'altitude à diptérocarpacées, et n'est donc pas menacée. Elle est conservée dans quelques Réserves de jungle vierge.

SITUATION DE LA CONSERVATION DES ESSENCES ETUDIEES

Une appréciation qualitative de l'état de la conservation de chaque essence a été présentée dans les études de cas. Là où des inventaires suffisants ont été effectués, on peut apprécier dans quelle mesure les aires protégées existantes fournissent un échantillonnage de l'aire d'une essence en comparant la carte de répartition de cette essence avec la carte des aires protégées. En Malaisie péninsulaire les cartes des parcs nationaux et réserves de faune, des réserves forestières et des réserves de jungle vierge (Fig. 1, 2, 5) donnent une bonne indication du degré de protection effective que l'on peut attendre dans une zone donnée. Les Figures 3 et 4 montrent, à titre de comparaison, des exemples de cartes de répartition pour Gonystylus bancanus et Agathis borneensis. La superposition de cartes transparentes est une méthode commode pour apprécier la représentativité des aires protégées.

Dans les exemples donnés, on peut voir que la plus grande partie de l'aire de répartition d'Agathis borneensis est incluse dans des réserves forestières, et qu'il y en a des surfaces appréciables dans les Parcs nationaux ou Réserves de faune. La grande majorité des populations disjointes de plaine de Gonystytus bancanus, par contre, sont dépourvues de protection, étant situées non seulement en dehors des Parcs nationaux et Réserves de jungle vierge, mais également en dehors des réserves forestières de production.

La représentativité des aires protégées peut être évaluée avec plus de précision si l'on a non seulement des informations sur la présence de telle ou telle essence mais également des données chiffrées sur son abondance. Ces données peuvent être tirées des inventaires forestiers lorsqu'ils existent. Souvent ils ne concernent que les essences à bois d'oeuvre. Le Tableau 1 présente les données disponibles sur la densité des 20 essences choisies dans les forêts naturelles, mais révèle qu'aucune donnée d'inventaire n'est disponible pour Durio spp., en dépit de son importance comme arbre fruitier, ni pour l'important bambou commercial Gigantochloa scortechinii.

La situation de la conservation telle qu'indiquée dans le Tableau 1 se rapporte aux catégories de l'UICN et à la présence générale des essences en Malaisie péninsulaire. Par conséquent, une essence peut être classée comme étant en danger d'extinction, et cependant être bien représentée dans certaines aires protégées; c'est le cas par exemple de Calamus manan. En règle générale, les espèces qui sont le plus vulnérables ne sont pas les essences commerciales à bois d'oeuvre, mais des espèces qui sont fortement exploitéespour l'usage local, ou qui poussent sur des terres forestières converties en terres agricoles.

PROJETS PILOTES DE CONSERVATION POSSIBLES

Trois possibilités de projets ont été identifiées.

Projet n^o 1.

Il n'y a pas d'inventaire systématique des espèces dans les aires protégées. Certaines de ces aires ont fait l'objet de recherches bien plus intensives que d'autres, par exemple Pasoh, Bukit, Lagong, Sungei Manyala, Kuala Tahan dans le Parc national, et Kuala Lompat dans la Réserve de faune de Kerau. Pour les autres, on a surtout des notes occasionnelles provenant de brèves visites sur le terrain, au cours desquelles quelques espèces sont notées à chaque fois. Les informations demandent à être rassemblées dans une base de données. Sans celle-ci il est impossible d'évaluer la situation de la conservation d'espèces vulnérables en rapport avec le réseau national d'aires protégées. Les systèmes informatiques relativement peu coûteux dont on dispose maintenant pour ce genre de travail rendent cette proposition tout à fait réalisable, par comparaison avec il y a quelques années.

Le projet dans ses premières phases pourrait comporter les éléments suivants:

1. Création d'un centre de données sur la conservation doté de moyens informatiques.

2. Collecte et stockage de toute l'information disponible sur les essences forestières vulnérables.

3. Evaluation de la situation de la conservation des espèces vulnérables dans les Réserves de jungle vierge.

4. Identification des besoins pour étendre la représentativité des Réserves de jungle vierge.

Projet n^o 2.

La Malaisie a promulgué une nouvelle loi forestière qui garantit une meilleure protection des Réserves forestières classées et des Réserves de jungle vierge qu'elles renferment. Ces réserves occupent plus de 20 pour cent du territoire de la nation, et il apparaît avec évidence qu'elles sont de mieux en mieux aménagées en vue de produire des biens et services à perpétuité.

Jusqu'à ce jour elles ont été exploitées essentiellement pour les bois commerciaux. Cependant, il est maintenant généralement reconnu que dans l'avenir il faudra prendre davantage en compte de nombreuses autres ressources génétiques de la forêt, dont les ressources de la faune.

Ce projet pourrait être conçu avant tout pour déterminer en première approximation les politiques et méthodes d'aménagement requises pour assurer des densités maximales de ressources génétiques de faune dans les Réserves forestières aménagées et exploitées et dans les Réserves de jungle vierge. Il pourrait prendre la forme d'un projet de recherche coopératif entre le Département des forêts, l'Institut de recherche forestière et le Département de la faune sauvage et des parcs nationaux, et serait implanté dans une Réserve forestière aménagée contiguë à un Parc national. Il pourrait prendre en compte les récents résultats de recherche de terrain réalisés en Malaisie.

Le projet pourrait comprendre les éléments suivants:

1. Evaluation des densités relatives d'un petit nombre d'espèces représentatives dans des forêts exploitées et non exploitées.

2. Appréciation du rôle de la forêt dans la conservation des ressources génétiques de faune dans les réserves forestières classées.

3. Rédaction d'un rapport incorporant les résultats du projet et fournissant des directives générales en matière de politique et de méthodologie de la conservation à l'usage des forestiers de terrain.

Projet n^o 3.

L'aménagement réussi des forêts de mangrove de Mantang dans l'Etat de Parah fournit un excellent exemple pouvant être utile pour d'autres pays qui possèdent de vastes étendues de mangrove. Le projet pourrait comporter les éléments suivants:

1. Détermination et évaluation des ressources génétiques (y compris la variation génétique éventuelle) de la Réserve forestière de Mantang.

2. Evaluation des mesures requises pour assurer la conservation des ressources génétiques de la réserve, y compris celles concernant les Réserves de jungle vierge.

3. Elaboration d'un plan d'aménagement pour l'utilisation des ressources génétiques de la mangrove, en ce qui concerne notamment la récolte, le traitement et l'entreposage des semences.

4. Elaboration d'un programme international de formation, avec une documentation appropriée, fondé sur l'aménagement et l'exploitation des ressources génétiques des forêts de mangrove de Mantang.

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Tableau 1. Situation de la conservation d'essences choisies et représentation dans divers types d'aires protégées