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10. ORIGINE ET PRINCIPE DU PROJET


10.1 Origine et objectifs

Le projet dont la description figure ci-dessous a été conjointement parrainé par le Fonds international pour le développement agricole (FIDA), le Gouvernement fédéral du Nigéria et les gouvernements des États de Rivers, Akwa Ibom et Cross River; il a été mis en oeuvre par le Bureau des services d'appui aux projets (OPS) du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et par le Département fédéral des pêches. Son premier budget pour une période de six ans s'est élevé à environ 20 millions de dollars E.U. dont neuf millions de dollars affectés aux services de crédit, le restant étant destiné aux projets de développement réalisés au sein des communautés de pêche. Le prêt du FIDA a été affecté, par l'intermédiaire de la Banque centrale du Nigéria, à la Banque coopérative agricole nationale qui avait été désignée en tant qu'organisme de versement des prêts. Le projet a été conçu à l'intention des secteurs les plus pauvres de la population côtière de la région, à savoir les communautés de pêcheurs artisanaux des établissements isolés (FIDA 1988-1990; et Onabanjo, 1991).

Le projet avait pour objectif d'augmenter la production de poisson des communautés de pêcheurs, et d'améliorer ainsi leur sécurité alimentaire, leur niveau et leur qualité de vie, ainsi que l'ensemble de leur situation économique. Défini en 1988, le projet a ensuite été passé en revue et évalué, et fonctionne à présent depuis plus de huit ans. Selon certaines sources, ses résultats récents se seraient détériorés en raison de la situation économique et politique générale au Nigéria, comme du fait de la décision du gouvernement de renoncer à une phase suivante faisant appel à l'aide internationale (FIDA) et de chercher plutôt à assurer la poursuite du projet avec le concours du Petroleum Trust Fund, tentative dont l'aboutissement n'est pas encore acquis (D. Thomson, communication personnelle).

10.2 Principe du projet

Le principe du projet consiste à orienter l'aide au développement vers les catégories les plus pauvres de la population rurale et à susciter leur plus grande participation possible. Le projet prend acte des principaux problèmes des communautés d'artisans pêcheurs: ils n'ont pas de possibilité d'accès équitable, dans des conditions normales, aux marchés, aux services de crédit, aux infrastructures, au matériel et à différents services de base, tandis que leurs disponibilités alimentaires s'avèrent souvent inadéquates. L'accès au crédit dans des conditions normales étant indispensable pour briser le cercle vicieux de la misère affectant la région, le projet est conçu pour faire office de relais entre la communauté de pêcheurs et le service institutionnel de crédit bancaire. Ce type de crédit, d'un point de vue strictement financier, serait beaucoup moins coûteux que les formes habituelles de crédit traditionnel (voir paragraphe 5.6 ci-dessus).

Le principe du projet suppose par ailleurs que l'amélioration du niveau et de la qualité de vie dans les communautés de pêche exige conjointement qu'elles fonctionnent mieux en tant qu'entités sociales et économiques. Or, pour constituer une communauté plus efficace, les habitants d'un établissement de pêcheurs doivent partager des services, des infrastructures et des institutions communautaires communes. Le projet inclut une composante de développement communautaire sous forme de fonds de développement villageois, qui hormis leur intérêt intrinsèque s'emploient à créer des communautés de travail permanentes à partir d'établissements «semi-permanents». A cet effet, une façon de procéder consiste à inciter les villageois à faire des projets pour l'avenir de leur communauté en engageant un processus de développement participatif, amorcé par des microprojets financés par le FIDA, et visant à doter les établissements de pêcheurs d'infrastructures communes.

A titre d'incitation, le volet crédit du projet, est proposé uniquement aux habitants des villages disposés à engager et à poursuivre conjointement la planification de l'amélioration et du développement de leur propres communautés, tâche consistant notamment à décider et à participer à la mise en oeuvre de microprojets - initialement, un par établissement participant. La planification communautaire et notamment la préparation des plans directeurs de développement des villages, l'identification participative et le classement par ordre de priorité des microprojets, ont été menés à bien à l'intérieur des contextes culturels et institutionnels existants. D'autres volets sont également prévus, par exemple la réalisation d'études des données de base, nécessaires aux évaluations d'impact, la mise en place d'une assistance technique, l'un et l'autre conçus généralement pour faciliter la réalisation du projet, ainsi que de façon plus spécifique, pour améliorer les techniques de fumage du poisson et introduire la culture en nasse.

Deux autres principes importants stipulaient d'une part que le projet soit exécuté entièrement par du personnel de l'administration publique nigériane et de la Banque agricole coopérative du Nigéria et d'autre part, que sa mise en oeuvre soit précédée par un programme de formation très complet à l'intention du personnel de terrain du projet. Treize équipes de vulgarisation (unités de développement des pêches), chacune constituée d'un agent de vulgarisation du département des pêches, d'un collaborateur de la banque et d'un conducteur de bateau, ont été formées et dotées du matériel nécessaire, par exemple d'embarcations rapides, de bateaux-logements mobiles, de véhicules 4x4, de locaux d'habitation et d'incitations financières pour aller travailler dans les villages qui avaient été sélectionnés par les autorités pour participer au projet. Le travail des unités de développement des pêches a été suivi et supervisé par des surveillants itinérants, tandis que les représentants des pêcheurs ont été incités à évaluer et, si nécessaire, à critiquer le travail effectué par le personnel des unités de développement des pêches.

Un Guide pour la mise en oeuvre du projet a été élaboré pour présenter au personnel du projet à tous les niveaux, aux différentes personnes associées à cette entreprise, une lecture conviviale de l'accord relatif au projet, et notamment pour présenter les principes directeurs et les instructions nécessaires à sa réalisation, à son suivi et à son évaluation (Abasiekong, 1991; Aderounmu, 1986; Ben-Yami et Anderson, 1985; FIDA, 1988 et 1990; et Miller, 1991).

10.3 Composante de développement communautaire

L'une des raisons majeures pour lesquelles maintes communautés de pêcheurs de la zone du projet souffrent d'une cruelle insuffisance d'infrastructures et de services, tient à ce qu'elles ne sont pas considérées comme leur véritable village d'origine par nombre de leurs habitants, lesquels investissent par conséquent leurs économies ailleurs. En outre, un endroit offrant une faible qualité d'hébergement et dépourvu des services publics de base n'attire guère les investissements à long terme. Aussi la promotion des investissements privés et publics et des activités communales est-elle une condition impérative pour sortir de ce cercle vicieux.

Une communauté de pêcheurs est plus que la simple juxtaposition d'individus, de familles et de leurs ménages. Il s'agit en fait d'un système complexe de mécanismes et de processus socioculturels, commerciaux et de production interdépendants, dont la cohésion est assurée par la volonté individuelle et collective de ses membres. Aussi, l'amélioration du système considéré dans son ensemble entraîne-t-elle conjointement l'amélioration du bien-être des différents membres de la communauté et de leurs familles et vice-versa. De manière analogue, la création, le développement et l'amélioration d'éléments de l'infrastructure physique et institutionnelle pour le compte de la communauté seront ressentis dans tout le système. Dans les zones où l'activité est généralement consacrée à la simple survie, où la préoccupation majeure consiste pour beaucoup à trouver de quoi se nourrir, et où la pêche est pratiquement la seule source de revenus et l'une des principales sources de nourriture, toute amélioration de la structure sociale de la communauté et de ses conditions de production aura un effet direct et positif sur la sécurité alimentaire de la population de pêcheurs.

Selon l'hypothèse du projet, les pêcheurs sont les mieux placés pour identifier les besoins prioritaires, ainsi que les possibilités de réalisation au sein de leurs communautés. Aussi leur participation active aux tâches de planification et de mise en oeuvre est-elle devenue partie intégrante du projet. Parmi les objectifs de développement jugés prioritaires par les pêcheurs figuraient habituellement les thèmes suivants: approvisionnement en eau, assainissement et hygiène, éducation, transport du poisson vers les marchés, réduction des pertes post-récolte, amélioration des techniques de fumage, services de réparation des moteurs, services de commercialisation de matériel de pêche, disponibilités alimentaires et biens de consommation.

La tâche des personnels du projet a consisté à lancer et, lorsqu'elles existaient d'ores et déjà, à soutenir les institutions et les activités de développement au sein des communautés, tout en incitant la population locale à définir ses besoins, à les classer par ordre de priorité, et à s'organiser de façon à pouvoir, à l'aide des fonds du projet, réaliser les microprojets choisis. Le projet a été conçu pour aider principalement les communautés déjà prêtes à s'aider elles-mêmes, non seulement grâce à l'élaboration d'un plan directeur villageois, et à l'établissement d'une liste de priorités pour les microprojets, mais aussi en participant de différentes façons à leur mise en œuvre, notamment par des apports sous forme de matériaux et de main-d'œuvre (Abasiekong, 1991; Ben-Yami et Anderson, 1985; FIDA, 1998 & 1990; et Townsley, 1998).

10.4 Stratification sociale et répartition des avantages

Une stratification sociale a été observée même dans certains des établissements les plus pauvres. Le développement sur plusieurs générations d'un système traditionnel de crédit strictement localisé s'est traduit par l'apparition de quelques individus relativement riches, vivant aux dépens d'une population de pêcheurs démunie. Ces riches villageois, généralement des hommes et parfois des femmes, peuvent en outre faire office de prêteurs sur gage locaux, posséder la seule épicerie, exploiter la seule embarcation de transport de poisson, et/ou exercer l'activité de mareyeur. Parfois, le riche du village est un chef local. Ainsi, en devenant le «secrétaire» d'une coopérative souvent fictive, une personne de cette catégorie est susceptible d'être la première à obtenir un prêt peu coûteux subventionné par l'État, comme à figurer en tant que représentant des pêcheurs. Les membres de la communauté les plus défavorisés sur le plan économique, social et politique seront donc, en règle générale, les moins susceptibles de bénéficier des projets de développement.

Aussi, pour garantir l'équité du développement, faut-il en répartir les avantages dans l'ensemble de la population, et non pour le seul bénéfice des plus puissants, des plus riches, des plus évolués et des plus malins. Dans le cas présent, une répartition plus équitable des avantages a été rapidement obtenue en facilitant l'accès au crédit institutionnel. En fixant une limite supérieure aux actifs d'un éventuel emprunteur, le projet s'est employé à empêcher de détourner les possibilités de crédit au profit des demandeurs aisés qui avaient la possibilité d'obtenir des prêts bancaires sans l'aide du projet.

Le personnel des unités de développement des pêches a été formé à cet effet et a reçu pour instruction de s'employer tout particulièrement à recruter des personnes pauvres et à les impliquer dans les différentes activités inspirées par le projet. De l'avis des agents de vulgarisation cette tâche dans de nombreux cas s'est avérée éminemment ardue, non seulement en raison de la résistance prévisible des membres les plus puissants de la communauté, mais souvent aussi du fait des hésitations, de l'éloignement, de la méfiance et du découragement des plus faibles (Ben-Yami, 1985 et FIDA, 1998).

10.5 Le système du crédit collectif

Grâce à la tradition des esusus l'idée de s'associer à des fins financières n'est pas inconnue des pêcheurs: de fait, elle est parfaitement compatible avec leurs normes culturelles et sociales. Les esusus intégrés au cadre du projet ont donc joué un rôle essentiel dans le cadre de l'identification et du versement des prêts et en tant que groupes de garantie mutuelle. Autre atout non moins important, ils ont permis au programme de crédit de faire efficacement concurrence au système traditionnel. De plus, la disponibilité de prêts bancaires relativement bon marché, a conduit également à assouplir les conditions pratiquées habituellement jusqu'alors par le système de crédit traditionnel. Un autre facteur de réussite a été la présence d'un service de vulgarisation offrant des conseils techniques concernant le matériel et les prix appropriés correspondants, et veillant par ailleurs à ce que les montants versés au titre des prêts soient affectés aux dépenses prévues. A présent, lorsqu'un emprunteur a choisi les matériaux ou l'équipement qu'il/elle souhaite obtenir, ainsi que le fournisseur auprès duquel il souhaite s'approvisionner, la banque règle directement le fournisseur désigné par l'emprunteur lorsque le prêt est accordé à ce dernier (Ben-Yami et Anderson, 1985; FIDA, 1990; Tietze, 1987; et Tietze et al., 1989).

10.6 Procédures

Toutes les procédures entre les emprunteurs et la banque ont été conçues dans un souci de simplicité et de rapidité. Les collaborateurs des unités de développement des pêches (que l'on peut consulter sans difficulté dans les villages), ont été chargés de tous les contacts avec la banque et de toutes les procédures correspondantes. Les associations esusus sont habilitées soit à recevoir un prêt collectif, soit à faire office d'attributeurs de prêts vis-à-vis de leurs membres. Pour remplir les conditions requises à cet effet, elles doivent avoir fonctionné de façon ininterrompue sous la responsabilité d'un dirigeant reconnu et pendant au moins un an, avant la présentation d'une demande de prêt; de plus, leurs membres doivent impérativement être disposés à assumer la responsabilité tant individuelle que collective des remboursements. A cet effet, un consultant du FIDA a aidé la Banque agricole coopérative du Nigéria à simplifier ses procédures.

Tandis que les différentes caractéristiques et la finalité du prêt, (y compris la faisabilité technique/financière de la proposition de prêt) sont déterminées au cours d'un processus participatif, les agents bancaires des unités de développement des pêches s'occupent de tout le traitement administratif du dossier; ils aident ainsi les emprunteurs à trouver une combinaison mutuellement avantageuse pour eux et pour la banque, assurant conjointement la garantie et le remboursement du prêt, et offrant par ailleurs leur assistance pour la tenue des comptes et le suivi de la situation financière de l'association (FIDA, 1990; Igun, 1991; Kolawole, 1991 et Reddy, 1991).

10.7 Institutionnalisation des sociétés esusus

L'institutionnalisation des esusus est un processus progressif comportant plusieurs composantes:

(1) établir les esusus en tant qu'entité juridique régie par le droit des coopératives ou le droit commercial;

(2) persuader les membres des esusus de déposer les liquidités de la société sur un compte bancaire;

(3) persuader les dirigeants de la société de tenir une saine comptabilité, si nécessaire avec l'aide du personnel du projet

Les liens entre le projet et les associations esusus doivent être préservés dans les deux sens. A cet égard, le personnel des unités de développement des pêches a reçu une formation appropriée et a été chargé de rester ouvert à toutes les propositions et idées pouvant émaner des membres des esusus et des autres pêcheurs quant au perfectionnement des systèmes d'auto-assistance et d'épargne, et quant à la possibilité de les intégrer aux activités du projet et aux programme de crédit (FIDA, 1990; et Reddy, 1991).


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