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RéSUMé EXéCUTIF

L’Afrique centrale abrite l’un des derniers grands massifs forestiers de la planète, le deuxième en terme de surface après l’Amazonie. Il est constitué d’une vaste couverture forestière tropicale dense humide quasi-uniforme qui couvre majoritairement les pays du bassin du Congo. Cette région possède une diversité biologique exceptionnelle et un niveau d’endémisme élevé. L’Afrique centrale ne connaît qu’un faible taux global de déforestation comparé à d’autres régions d’Afrique mais ses forêts sont néanmoins soumises à un phénomène de dégradation difficile à évaluer. Les causes de déforestation et de dégradation y sont nombreuses et variées: agriculture itinérante et permanente, exploitation forestière, incendies de forêt, exploitations minières, construction d’infrastructures, etc.

Au niveau régional, la question de la gestion forestière durable est actuellement placée très haut dans l'ordre du jour politique des pays d’Afrique centrale. Les efforts en vue d’un aménagement durable des forêts se multiplient: mise en place d’institutions, de cadres de concertation et de réflexion ainsi que d’organes de décisions politiques tels l’Organisation africaine du bois (OAB), la Conférence sur les écosystèmes de forêts denses humides d’Afrique centrale (CEFDHAC), la Conférence des Ministres en charge des forêts d’Afrique centrale (COMIFAC) et plus récemment le Partenariat pour les forêts du bassin du Congo (PFBC) La ratification à des accords et conventions illustre également la volonté des gouvernements à aménager durablement leurs forêts, ainsi que la mise en place de programmes régionaux actifs (programme ECOFAC de Conservation et utilisation rationnelle des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale, Programme régional de gestion de l’information environnementale, etc.), et de réseaux sousrégionaux.

A un niveau national, des cadres institutionnels à part entière dans le domaine de l’environnement sont mis en place, les lois forestières sont révisées en vue de les adapter aux nouvelles évolutions internationales, les ONG environnementales nationales sont promues, etc.

Au niveau local, les initiatives et les activités axées sur la gestion durable des ressources forestières se multiplient avec plus ou moins de succès: mise en place de mécanismes de décentralisation des pouvoirs, utilisation d’approches participatives et intégrées pour l’utilisation durable des ressources forestières, prise en compte des usages et fonctions multiples des forêts, etc.

C’est dans ce contexte que l’Organisation des Nations Unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO) a lancé en mai 2001, dans le cadre du nouveau programme de partenariat FAO/Pays-Bas en matière de conservation et gestion durable des écosystèmes des forêts tropicales humides de l’Afrique centrale, une nouvelle initiative intitulée Recherche d’excellence, en étroite collaboration avec des agences régionales et internationales: l’Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT), l’Organisation africaine du bois (OAB), l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le Fonds mondial pour la nature (WWF), le Secrétariat du réseau international des forêts modèles (SRIFM) et l’Association interafricaine des industries forestières (IFIA).

Le projet Recherche d’excellence tente de répondre à la problématique de conservation et de gestion durable des forêts à travers l'appui des initiatives sousrégionales et nationales en cours. Son objectif principal est alors d’identifier et de documenter les efforts positifs réalisés pour une gestion durable des forêts en Afrique centrale, et ainsi promouvoir la mise en œuvre concrète de meilleures pratiques d’aménagement forestier sur le terrain. La FAO et ses partenaires ont alors cherché à sélectionner des exemples de gestion forestière de qualité dans la sousrégion, afin d’identifier les caractéristiques de ces aménagements exemplaires. L’approche globale est alors de prêcher par l’exemple, notamment en identifiant, reconnaissant et encourageant les organisations et individus qui œuvrent avec succès pour la gestion durable des forêts dans la région. Il s’agit également d’explorer les voies et moyens par lesquelles les approches prometteuses pourraient être reproduites ailleurs. Les activités du projet ont été menées en étroite collaboration avec les gouvernements des pays concernés et les organisations non gouvernementales.

L’étape préliminaire de cette initiative a été d’identifier des exemples variés de massifs forestiers en Afrique centrale en utilisant une approche ouverte, transparente et participative. Un appel à nominations de forêts a ainsi été largement diffusé par la FAO et ses partenaires dès le mois de novembre 2001 et jusqu’au mois d’avril 2002, à plus de 250 acteurs de l’aménagement forestier dans les 11 pays concernés (Angola, Burundi, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Rwanda, São Tomé et Principe, Tchad) et ailleurs. Cette initiative a été également diffusée dans des journaux forestiers, magazines commerciaux, serveurs forestiers sur Internet et au cours de séminaires traitant de thèmes similaires. Vingt-quatre nominations provenant de neuf pays de la sousrégion ont été réceptionnées. La superficie totale de l’ensemble des candidatures présentées couvrait plus de 3 millions d’hectares.

Un comité de sélection interne de la FAO a établi une grille d’analyse des nominations comportant une liste de critères (objectif, nature de la ressource, type de gestionnaire, localisation, innovations, normes d’aménagement, mise en œuvre effective, etc.). Il s’agissait d’une part d’identifier des exemples d’aménagement forestier à travers tout un éventail de forêt, d’objectif d’aménagement, de gestionnaire et de localisation géographique, et, d’autre part de sélectionner des approches nouvelles ou innovantes ayant créé et maintenu des partenariats réussis ainsi que des exemples réplicables dont la gestion n’est ni trop spécialisée ni trop coûteuse. A la suite de cette consultation, 14 nominations ont été sélectionnées et ont fait l’objet d’études de cas. Outre la publication de ces études de cas, un atelier de travail a été organisé par la FAO et ses partenaires à Kribi (Cameroun, 10-14 septembre 2002) afin de favoriser le partage des expériences issues de ces exemples et promouvoir les concepts de forêts modèles et de forêts de démonstration. Les actes de cet atelier ont été également publiés par la FAO.

Il est très important d’attirer l’attention sur le fait que l’initiative Recherche d’excellence n’est pas une compétition, et que les exemples sélectionnés par la FAO et ses partenaires ne sont simplement que ceux qui répondaient le mieux aux critères de sélection proposés. De plus, le choix de ces forêts ne devrait pas être interprété comme une «approbation» ou comme une «labellisation» quelconque de la gestion forestière par la FAO ou ses partenaires.

La sélection de forêts aménagées en Afrique centrale a visé une vaste gamme d’objectifs et dans différents contextes (zones géographiques et écologiques, catégories de propriété, taille, objectifs de gestion, etc.). Ainsi, chaque objectif de gestion forestière est représenté: production durable de bois d’œuvre, conservation de la biodiversité, gestion de la faune, protection d’écosystèmes fragiles, tourisme, etc. Sept pays (Burundi, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, RCA, Tchad) sont également représentés. Parmi les nombreux éléments d’analyse recueillis dans les études de cas concernant ces forêts sélectionnées et au cours de l’atelier de travail à Kribi, certains faits et constatations sont à mettre en exergue:

i) Le secteur forestier en Afrique centrale est en pleine mutation. Il existe une prise de conscience et une volonté bien réelles de gérer durablement les ressources forestières de la part de tous les acteurs de la vie politique, économique et sociale avec une mobilisation sans précédent et un bouleversement des mentalités. Ainsi, les modèles de gestion forestière du passé se complexifient. Le système de gestion centralisé et imposé d’hier, dominé par l’Etat et excluant les populations locales de toute décision liée à l’aménagement forestier et sa mise en œuvre, tend à se décentraliser et à se négocier. Les interventions dans le secteur forestier axées auparavant sur la production de bois d’œuvre et la création de revenus, inclut dorénavant les différents produits et services, les opportunités économiques pour les communautés et les individuels, et veulent aider à la diminution de la pauvreté et contribuer à la conservation de la biodiversité. L’aménagement forestier analytique et réductionniste propre au champ technique du passé, se modifie et s’axe vers une gestion participative et tente d’utiliser une approche multidisciplinaire et intégrée, en impliquant paysans, communautés locales, ONG, opérateurs du secteur privé, services techniques gouvernementaux et leaders politiques. La production et les objectifs se diversifient, sur un plus long terme, pour y inclure les multiples bénéfices issus de la forêt, y compris la fourniture de biens et de services environnementaux.

ii) D’une façon générale, les différentes actions et initiatives en cours dans la sous-région, bien que prometteuses, se heurtent le plus souvent à des obstacles de différents ordres:

(i) Politiques, avec les perturbations et les troubles civils parfois très violents traversées par certains pays de la sousrégion; (ii) financiers avec le peu d’intrants réinvestis dans le secteur forestier; (iii) conjoncturels avec la préférence des industriels à se cantonner à quelques espèces commerciales pour limiter les risques; (iv) institutionnels et réglementaires avec un droit moderne et un droit coutumier souvent en contradiction et un dialogue intersectoriel limité; (v) socioéconomiques avec comme problème de fond celui de la pauvreté ayant comme effet direct l’exploitation anarchique des ressources forestières; et (vi) techniques, avec la méconnaissance de la nature des ressources forestières et l’impossibilité de les reconstituer à l’identique. De plus, les connaissances sont insuffisantes, dispersées et mal diffusées dans de nombreux domaines liés à la gestion durable des ressources forestières.

Le succès de la gestion forestière dépendra alors de l’établissement de conditions préalables comme la diminution de la pauvreté, l’amélioration du bien-être des populations, l’implication des acteurs aussi bien au niveau local, national, régional et international. La gestion forestière demande plus que des ressources financières. Elle demande également une volonté politique, des investissements sociaux et le plus important, l’implication active des acteurs locaux, comme les communautés et les exploitants forestiers. Elle implique également une plus grande attention dans le financement durable à travers l’établissement et la gestion transparente de mécanismes de financement. Les investissements sont aussi de l’ordre du renforcement des capacités humaines et institutionnelles et de la dissémination des connaissances.

Le projet Recherche d’excellence a su sélectionner des exemples en cours de gestion forestière où les acteurs locaux ont pris de l’importance et des approches progressives adoptées. Il s’agit là de l’étape initiale d’un processus à plus long terme de partage des informations et expériences relatives à l’aménagement durable en Afrique centrale. Un réseau sousrégional entre les initiatives concernant ce thème sur le terrain est projeté afin de faciliter l'échange des idées sur les meilleures pratiques et approches parmi les responsables gestionnaires forestiers et d'autres partenaires intéressés. A cette fin, il est cependant nécessaire d’augmenter le nombre de ces exemples à travers l’Afrique centrale, depuis les réformes politiques prometteuses au niveau national, jusqu’aux activités novatrices et significatives au niveau local. Il importe à présent de poursuivre et d’élargir les contacts établis tout au long de ce projet. Dans l’avenir, il sera important d’assurer le suivi et l’appui de ces échanges d’expériences et d’informations à travers la mise en réseau et la collaboration avec les réseaux déjà existants, la poursuite ou l’initiation d’activités spécifiques à l’échelle nationale ou de certaines forêts en vue d’améliorer les pratiques actuelles.

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