Page précédente Table des matières Page suivante


5. STRATEGIES EFFICACES POUR UNE AUTO-PROMOTION

5.1. Aspects fondamentaux de l'auto-promotion

L'objectif fondamental de l'auto-promotion est de soutenir la création de nouvelles structures d'auto-assistance autonomes et le développement des structures existantes.

Pour atteindre cet objectif, on a recours à trois stratégies différentes dans l'auto-promotion. Ces stratégies sont:

Divers moyens sont utilisés dans la mise en pratique de ces trois stratégies. Celles-ci sont orientées vers:

Une approche de promotion d'auto-assistance englobant les trois stratégies d'initiation, de diversification et de désengagement intervenant aussi bien au niveau de la base qu'aux niveaux intermédiaire et global est l'approche GACOPEA (systèmes de gestion appropriés des coopératives de petits exploitants agricoles). Le programme GACOPEA, initié par la FAO et la Fondation Allemande pour le Développement International n'est ni un programme nouveau ni une approche nouvelle. Il s'agit d'un retour au nouveau concept de coopération (voir Encadré No 1).

Très souvent l'on pense que le succès de la promotion d'une structure d'auto-assistance est directement lié au montant de l'aide extérieure fournie: plus la promotion est tournée vers l'extérieur, plus grand serait le succès des activités de promotion.

C'est une opinion qui est répandue non seulement chez les responsables des institutions d'auto-promotion, mais également chez les membres des groupes cibles recevant de l'aide extérieure.

Dans le cadre de l'auto-promotion, on ne peut toutefois pas établir une relation linéaire entre le montant de l'aide extérieure et le degré de succès. Très souvent les organisations d'auto-assistance sont insuffisamment ou exagérément encouragées, c'est-à-dire, que l'assistance extérieure est rarement à un “niveau optimum” permettant de promouvoir des organisations d'auto-assistance autonomes et des mouvements d'auto-assistance.

Il n'est pas possible de calculer la dose “optimale” d'assistance extérieure, car en particulier, à l'étape de planification, les promoteurs d'auto-assistance n'ont pas suffisamment d'information sur la situation et les conditions dans lesquelles l'organisation d'auto-assistance fonctionne (voir également Chapitre 7).

Encadré No 1 : Résumé de l'Approche GACOPEA
Les composantes du programme GACOPEA se présument succinctement comme suit:
  • La politique gouvernementale de développement coopératif doit être orientée vers la promotion des membres/coopérateurs, c'est-à-dire, qu'il faut clairement insister sur le fait que les sociétés coopératives sont d'abord des organisations d'auto-assistance et en tant que telles ont pour objectif primordial la promotion du bien-être de leurs membres.

  • La gestion des organisations coopératives doit être perfectionnée par l'intégration du professionnalisme dans leur fonctionnement, c'est-à-dire, que les sociétés coopératives ont besoin d'un gestionnaire qui considère sa tâche comme étant celle d'un entrepreneur du développement en faveur des coopératives et pas comme un administrateur chargé de l'exécution des programmes de développement établis à partir de l'extérieur.

  • Les objectifs des organisations devront être diversifiés afin d'accroître les chances de générer un revenu plus important grâce à une meilleure utilisation des ressources locales au service du développement à la base. Enfin, et non des moindres,

  • Les unités de base du système coopératif (c'est-à-dire les groupements villageois) doivent être intégrées horizontalement et verticalement dans les sociétés, unions et sociétés coopératives qui offrent tous les services nécessaires pour leur développement et qui nécessitent des compétences techniques; mais, dans le même temps, ces groupements villageois doivent jouir d'une autonomie suffisante pour organiser leurs activités socio-économiques selon leurs propres règles en vue de satisfaire leurs propres besoins.

  • Le transfert de toutes ces idées en faveur des petits exploitants agricoles n'est possible que sur la base d'une formation solide de toutes les personnes impliquées. Elle est l'outil d'accompagnement par excellence du développement coopératif.

L'objectif du programme GACOPEA est d'offrir aux décideurs et administrateurs, au personnel de développement des coopératives, aux directeurs, gestionnaires et membres de conseils d'administration des sociétés et unions coopératives et à toutes les personnes intéressées par le développement des coopératives, un concept clair et réaliste sur les coopératives permettant un consensus sur une approche et un langage communs. (Münkner 1987:pp. 15–16).

5.2. Stratégies de création d'organisations d'auto-assistance

Il existe de nos jours des organisations d'auto-assistance dans presque tous les pays du monde. Elles sont composées de différents membres, elles poursuivent des objectifs différents, et utilisent différentes structures organisationnelles.

Dans quelles circonstances est-il utile de soutenir la création de nouvelles organisations d'auto-assistance?

Dans chacune de ces situations les promoteurs d'organisations d'auto-assistance doivent analyser et décider si les conditions préalables de création d'une coopérative d'auto-assistance peuvent convenir aux groupes cibles envisagés tout en considérant l'environnement juridique, social et économique existant.

Dans la première étape de cette analyse, les conditions de développement d'une coopérative d'auto-assistance viable au niveau de la base doivent être prises en compte (voir Chapitre 2).

En vue de promouvoir des organisations d'auto-assistance qui ne dépendent pas de soutiens externes permanents, il est également nécessaire d'examiner si des organisations d'auto-assistance nouvellement créées pourront renforcer de façon efficace les intérêts des membres sur une base durable et autonome. Des expériences précédentes ont montré que les facteurs les plus pertinents pour la viabilité des organisations d'auto-assistance sont: 1) promotion effective des membres, et 2) apport simultané des ressources des membres. Pour évaluer si ces facteurs de réussite peuvent être réunies au sein d'une organisation d'auto-assistance ayant été créée avec l'aide extérieure, les promoteurs d'organisations d'auto-assistance doivent appliquer le Test-OAA (voir Chapitre 3) avant d'engager toute activité de promotion. Les résultats de ce test doivent indiquer que les avantages économiques offerts par la nouvelle organisation d'auto-assistance au futur membre seront plus importants que toutes les alternatives disponibles.

C'est uniquement sur la base de résultats positifs que l'on peut conclure que les mesures de promotion contribueront à la création d'organisations d'auto-assistance autonome.

La création isolée de coopératives d'auto-assistance n'est pas une condition pertinente pour un développement durable. Ce qui est nécessaire c'est la formation d'un mouvement d'auto-assistance avec un réseau de structures et de relations allant du niveau de la base au niveau global. Ce n'est que par le biais d'un tel réseau que l'on peut espérer un développement durable.

Pour réussir la création d'un tel mouvement d'auto-assistance, il est souhaitable de tenir compte des quatre facteurs clés suivants:

Facteur Clé 1: L'existence d'un concept de coopérative d'auto-assistance clair réaliste et exploitable

Un tel concept général est réaliste si: 1) Il est construit principalement sur des éléments structuraux, c.à.d., sur le modèle de base d'un groupe créant une unité opérationnelle d'exploitation conjointement soutenue, gérée et contrôlée pour promouvoir les intérêts économiques et sociaux de ses membres, et 2) S'il est limité à une structuration simple d'une organisation de type spécifique ayant un objectif spécifique, qui peut être dynamisée et utilisée de différentes manières par ses membres.

Des concepts de promotion coopérative sur une base autonome et d'auto-assistance pour être exploitables doivent tenir compte:

Des organisations d'auto-assistance basées sur un concept organisationnel adapté seront acceptées par les membres (potentiels) comme leurs propres organisations. C'est à cette condition seulement qu'ils participeront de façon active à la planification, à la mise en oeuvre et au contrôle de leurs activités et mobiliseront leurs propres ressources pour les activités de l'organisation (apport d'input).

L'expérience a montré que de petits groupes informels conviennent plus aux capacités d'organisation et de gestion des démunis en milieu rural. De tels groupes fonctionnant en milieu villageois sont caractérisés par un nombre de personnes facile à gérer, qui se connaissent bien et qui ont les mêmes intérêts. Elles peuvent ainsi mettre en oeuvre des activités de petites dimensions, peu compliquées et relativement à faible risque.

Le potentiel de développement de tels petits groupes informels demeure généralement insignifiant s'ils existent isolement et/ou dépendent d'aide provenant des agences de promotion. Ils ne peuvent devenir des cellules locales de développement socio-économique que s'ils surmontent leur isolement et trouvent des voies et moyens d'intégration verticale et horizontale au sein d'un réseau de groupes ayant des problèmes et des objectifs similaires. Considéré comme étant un élément du réseau, les groupes locaux peuvent plus facilement devenir un élément dynamique au sein d'une entreprise d'une plus grande envergure “une organisation mère” ayant une gestion professionnelle, des services de conseil, et ayant accès aux circuits d'approvisionnement et de commercialisation. En utilisant une telle structure, il est possible de bénéficier des économies d'échelle sans renoncer aux avantages de petits groupes, aux relations directes entre groupes et aux organisations locales à structure simple. De tels réseaux sont appelés projets de troisième génération.

Cependant, l'orientation vers un modèle organisationnel unique initié par l'aide extérieure (sociétés coopératives) n'est pas appropriée. Une approche plus souple est nécessaire pour offrir différentes formes d'organisations aux groupes cibles respectifs dans différents environnements culturels, pour des objectifs différents (économiques, sociaux, culturels, politiques) et à des périodes différentes leur permettant de choisir la forme d'organisation qui leur sied le mieux pour réaliser leurs objectifs.

Le succès des groupements Naam dans le Yatanga au Burkina Faso résulte de l'adéquation entre le concept, le modèle organisationnel et les réalités sociologiques et culturelles ainsi que des contraintes écologiques et économiques de l'environnement.

Facteur Clé 2 : Une stratégie claire pour la formation d'organisations d'auto-assistance

Le deuxième facteur pertinent est une stratégie clairement définie relative à l'établissement d'organisations d'auto-assistance. L'expérience a confirmé la nécessité d'une promotion simultanée d'organisations d'auto-assistance à différents niveaux. Dans une telle approche, plusieurs groupes d'intérêt ayant des normes, des valeurs et des aspirations différentes doivent être intégrés:

L'approche GACOPEA est une stratégie intégrée. Elle est construite sur les éléments fondamentaux suivants: participation, intégration, gestion, diversification et formation.

La participation des membres au financement, aux opérations, au processus de prise de décision, et aux avantages de leur organisation d'auto-assistance est considérée comme étant très importante pour la réussite de l'organisation. Les membres potentiels doivent bénéficier d'un soutien et d'une formation dans les domaines des principes et avantages des coopératives d'auto-assistance de base. Ces groupements sont basés sur l'adhésion volontaire et sont financés, gérés, et contrôlés par les membres.

Ces groupements de base doivent faire partie d'une plus grande structure faîtière de service. Par l'intégration à un circuit plus important, les organisations d'auto-assistance peuvent accroître leurs forces, efficacité, position sur le marché, leur crédibilité et leur capacité à acquérir des services professionnels.

Une administration professionnelle bien formée et bien rémunérée est aussi importante dans l'approche GACOPEA. Agissant pour le compte des OAA membres qui le paient, le gérant est un “entrepreneur du développement”. Sa mission permanente est de chercher de nouvelles voies d'accroissement des revenus des membres et du niveau des services offerts aux membres. Souvent c'est uniquement en associant ses ressources à celles des autres groupes qu'une petite organisation d'auto-assistance de base peut s'offrir les services d'un tel gérant.

Des organisation d'auto-assistance nouvellement créées ou autonomes vis-à-vis de l'Etat ou des autres promoteurs ont souvent besoin d'une aide pour être économiquement viables. La viabilité est renforcée par des stratégies de diversification, d'élargissement des objectifs des OAA, de recherche de nouveaux marchés pour les produits des membres, et d'introduction de nouveaux services pour les adhérents (voir Chapitre 5.3). La diversification réduit aussi la dépendance de l'organisation par rapport à la rentabilité d'une seule activité. A long terme, les éléments de viabilité deviennent le problème permanent de gestion d'une organisation d'auto-assistance.

Le dernier élément de la stratégie intégrée de GACOPEA est la formation. Dans la promotion des organisation d'auto-assistance le besoin d'aide dans le domaine de l'éducation et de la formation est évident à tous les niveaux - gouvernement, direction et membres. Même les gouvernements qui sont favorables à la promotion d'un réseau d'organisations d'auto-assistance puissant ont besoin d'être guidés en vue de la création d'un environnement juridique et économique favorable. Au niveau de la gestion d'une organisation d'auto-assistance, des cours de formation professionnelle sont nécessaires pour préparer de façon adéquate les individus au rôle motivant d'“entrepreneur de développement”. Les membres ou les membres potentiels ont aussi besoin de formation pour se familiariser avec les principes des organisations d'auto-assistance, particulièrement s'ils ont eu une longue expérience avec les institutions d'auto-assistance conventionnelles.

Les organisateurs de programmes et de projets utilisant l'approche GACOPEA, doivent cependant être toujours conscients du fait que leur travail, s'il n'est pas exécuté avec le plus grand soin, peut avoir des résultats négatifs résultant de l'intervention extérieure, à savoir la dépendance des organisations d'auto-assistance vis-à-vis de l'aide extérieure et de la structure étatique.

En plus, il a été mis au point une stratégie intégrée pour la création d'organisations d'auto-assistance combinant divers instruments pour plusieurs groupes cibles ayant différents objectifs avec des activitiés de projets à trois niveaux.2

L'expérience actuelle des groupements à vocation coopérative (GVC) et leurs Unions en Côte d'lvoire, relève d'une stratégie claire pour la formation d'organisations d'auto-assistance.

En effet, ce pays considère les organisations coopératives comme un véritable mouvement populaire. La création des GVC et des Unions de GVC est encouragée, aidée par le gouvernement et autres promoteurs. L'Etat, grâce à une assistance extérieure, a fait des progrès dans la formation des gestionnaires en vue de soutenir son désengagement au niveau de ces Unions. Parallèlement à cela, un Fond de Garantie a été mis en place pour favoriser l'accès des Unions au crédit bancaire; ce qui facilite leur intégration à l'économie de marché et au système monétaire.

Présentement, les GVC des filières café-cacao et coton se sont organisés en une cinquantaine d'unions locales, puis en deux unions régionales (filière coton 1 et filière café-cacao 1).

L'union régionale filière coton est aujourd'hui un partenaire incontournable dans la négociation du prix aux producteurs et celui des facteurs de production. Celle de la filière café-cacao est également en train d'acquérir de l'audience et de la considération auprès des autorités politiques et administratives.

2 Voir Guide pour la préparation de programmes et projets de promotion de coopératives et groupements ruraux sur la base du concept GACOPEA. FAO, 1990.

Facteur Clé 3: L'existence d'une institution capable de mettre en application la stratégie envisagée

Le troisième facteur clé contribuant à la réussite de la création d'organisations d'auto-assistance est la sélection soigneuse des institutions de coopération.

Le nombre des institutions initiant ou exécutant actuellement des programmes de promotion d'organisations d'auto-assistance dans les pays en voie de développement est assez important:

Tableau No 1 : Objectifs, groupes cibles et instruments de création d'organisations d'auto-assistance

Niveau du programme/activité du projetObjectifsGroupes ciblesInstruments
A la baseAmélioration de la capacité et de la bonne volonté des membres (potentiels) de la coopératives d'auto-assistance des OAA.Membres (potentiels des OAA*Campagne d'éducation (cours d'initiation pour futurs adhérents)
  *Matériels de formation audio-visuels
*Matériels d'auto-formation et d'auto-évaluation
*Ateliers villageois
Renforcement des capacités de gestion selon les besoins spécifiques des OAA.Responsables des organes de décision et de contrôle de gestion, personnel des OAA*Formation des responsables
  *Formation de la direction
*Visite des entreprises coopératives ayant eu un succès (programmes exposés)
Niveau moyenCréation et soutien des institutions d'auto-promotion adéquates et des réseaux de promotion des OAA.Promoteurs et formateurs*Formation des formateurs
  *Production de matériels de formation
*Production de manuels pour les agents de terrain
*Programme d'échange régional pour promoteurs
 Responsables des organes de décision et de contrôle de gestion/personnel des institutions d'auto-promotion*Formation de la direction
  *Programmes de visite aux institutions ayant réussi l'auto-promotion
*Assistance/conseil pour la planification, l'application et l'évaluation des programmes d'auto-promotion et le contrôle comptable.
Niveau macroCréation de conditions favorables aux OAA.Décideurs politiques et administratifs*Discussions table ronde
  *Programmes d'échange pour dialogue Sud-Sud
*Conférences internationales

Pour nombre de ces institutions, les activités d'appui à l'auto-promotion ne constituent pas leur mission fondamentale mais elles les exécutent en plus de leurs activités principales qui parfois peuvent même être incompatibles avec les objectifs d'auto-promotion. Même dans les ministères chargés de promouvoir le développement des coopératives, la création d'organisations d'auto-assistance est seulement une fonction parmi tant d'autres activités régulières. En outre, le manque de ressources et la bureaucratie au sein de la plupart des institutions gênent les activités d'innovation, de création et de promotion d'organisations d'auto-assistance autonomes. Les intérêts (personnels) militent contre la formation et le développement des organisations d'auto-assistance autonomes.

C'est en particulier le cas lorsque la future institution a besoin de fonds extérieurs pour constituer son budget de fonctionnement.

La plupart des ressources fournies pour les organisations d'auto-promotion sont consommées par des structures bureaucratiques lourdes au sein desquelles les rivalités entre organismes et personnes empêchent la coordination et entraînent la duplication des efforts et parfois la paralysie des actions.

Exemple 1:

Les nombreuses structures étatiques ou paraétatiques bénéficiant de monopoles dans les domaines du crédit de l'approvisionnement en intrants et de la commercialisation des produits agricoles dits stratégiques (coton, café-cacao, riz) illustrent ces rapports dichotoniques entre structures de promotion et organisations d'auto-promotion en Afrique de l'Ouest.

En général, il y a un manque d'institutions appropriées pour la création et la promotion de structures d'auto-assistance durables et autonomes. La meilleure solution à long terme serait la mise en place de puissantes organisations coopératives faîtières.

Exemple 2:

L'exemple de la “Association of nigerian co-op exporters ltd” illustre l'importance et la puissance des organisations coopératives quand celles-ci sont bien organisées et bien gérées.

Facteur Clé 4: La disponibilité d'auto-promoteurs qualifiés et motivés

L'expérience en Europe et dans les pays en voie de développement a montré que l'initiative de former des organisations vient rarement de la population locale mais est plutôt stimulée par des promoteurs extérieurs. Toutefois, la ligne de démarcation entre stimuler et décourager des efforts d'auto-assistance par l'apport à l'aide extérieure est bien mince.

En conséquence, l'identification des groupes de coopératives viables et de conditions locales favorables à la réussite de la création d'organisations d'auto-assistance, est l'une des principales tâches des auto-promoteurs. Ils doivent évaluer à l'avance si la coopérative d'auto-assistance générera des avantages économiques pour les membres du groupe et comment ces avantages potentiels pourraient être obtenus. Cette estimation préalable de la potentialité endogène est très difficile même pour les promoteurs expérimentés. Dans beaucoup de cas, les promoteurs extérieurs surestiment les avantages potentiels des coopératives d'auto-assistance parce que:

Les potentialités d'organisation de coopératives d'auto-assistance ne peuvent être décelées et mises en pratique par des procédures administratives. L'émergence d'une organisation d'auto-promotion viable repose sur des promoteurs agissant comme des entrepreneurs de développement. Pour accomplir les tâches d'un entrepreneur d'auto-promotion, un promoteur doit:

Cependant, en raison de la prédominance de la formation purement technique, des bas salaires et du manque de perspectives de carrière, beaucoup d'agents de terrain ne sont pas assez qualifiés ou motivés pour jouer le rôle d'entrepreneur du développement.

En ce qui concerne la disponibilité d'auto-promoteurs qualifiés et motivés, le modèle d'intervention de l'Union Suisse des Coopératives (USC) en République du Bénin est une belle illustration.

Les contacts entre le Gouvernement de l'ex-Dahomey et l'USC ont eu lieu en 1960 et une convention a été signée le 16 novembre 1960. Monsieur Barbier, le Directeur de l'époque à USC, a défini et exécuté le parrainage coopératif comme n'étant ni le financement, ni les investissements qui sont essentiels mais les hommes, les oeuvres de leurs mains, de leur tête et de leur coeur. Il s'est agi donc de savoir d'emblée mobiliser les volontés dans le pays et de former très rapidement les cadres nécessaires. Dans toute la mesure du possible, ce sont les gens du pays eux-mêmes qui ont été et sont encore les gestionnaires de leurs organisations.

Dès les premières années de l'indépendance du Dahomey, l'UNION-COOP née de l'intervention de l'USC, a connu un essor véritable, grâce à l'environnement politique favorable au développement, à la disponibilité de la population et à la volonté des cadres nationaux à oeuvrer pour le développement économique. Cet élan a été brisé en 1975 avec l'avènement de l'idéologie Marxiste-Leniniste.

En effet, sous la Révolution béninoise, l'UNION-COOP a été transformée en Société d'Etat. Et très rapidement, les erreurs d'organisation et de gestion conduiront cette Union Coopérative à un déclin total.

Aujourd'hui, à la faveur du retour au regime d'économie libérale par l'actuel Gouvernement béninois, l'UNION-COOP a repris de plus belle ses activités sous l'oeil vigilant de ses anciens dirigeants et membres fondateurs.

5.3 Stratégies en vue de la diversification des organisations d'auto-assistance

Diversifier signifie sélectionner de nouveaux produits et services pour les intégrer à une organisation d'auto-assistance. La diversification a lieu lorsqu'une organisation d'auto-assistance offre de nouveaux produits ou services à ses membres, ou lorsqu'elle introduit les produits des membres dans des marchés existants, ou nouveaux.

Dans une organisation d'auto-assistance, la diversification devrait permettre le progrès des intérêts des membres. Par conséquent, les activités de diversification devraient viser à:

Pour introduire la diversification au sein d'une organisation la question fondamentale qui se pose est de savoir dans quelles conditions l'on peut réaliser des bénéfices supplémentaires pour les membres.

Les trois conditions principales sont les suivantes:

  1. L'organisation d'auto-assistance doit avoir un éventuel avantage comparatif par rapport aux institutions concurrentes qui offrent les mêmes services/biens (Test de Marché).

  2. L'organisation d'auto-assistance doit être capable d'offrir cet avantage comparatif à ses membres (Test de Participation).

  3. La présence au sein des membres de personnes compétentes en gestion pour diriger les multiples activités au niveau du groupe (Test de Capacité de Gestion).

L'existence des deux premières conditions peut être vérifiée par le Test-OAA (voir Chapitre 3); quant à la vérification de la troisième condition, elle est intégrée au test de participation.

L'exemple ci-après illustre la planification stratégique indispensable pour réussir des activités de diversification dans les organisations d'auto-assistance:

Encadré No 2: Planification stratégique pour la diversification
Une organisation d'auto-assistance prévoit d'introduire une nouvelle activité comportant des services de labour. Dans quelles conditions pourra-t-elle réussir cette diversification? Un paysan, en tant qu'utilisateur potentiel d'un nouveau service, est confronté aux situations suivantes s'il veut utiliser un tracteur pour labourer ses champs:
Doit-il acheter un tracteur ou serait-il plus économique d'en louer un? Doit-il faire le travail lui-même, ou faire appel à “le marché” (entreprises privées, services publics), ou utiliser des services de l'organisation d'auto-assistance? Si un entrepreneur fournit les machines à un prix horaire de labour plus bas que les coûts que l'agriculteur aurait à supporter s'il achetait et utilisait un tracteur lui-même, un agriculteur logique avec lui-même ne choisirait pas de “le faire par lui-même”. Afin de décider laquelle des possibilités (entreprise privée, service gouvernemental, organisation d'auto-assistance) choisir, le paysan devra faire une comparaison des coûts et bénéfices. L'adhésion à une organisation d'auto-assistance comme condition préalable pour utiliser les services de labour pourrait être une alternative intéressante pour le paysan si l'organisation d'auto-assistance offre ses prestations à un coût moindre et avec à peu près la même qualité que l'entrepreneur privé (Test de marché). Toutefois, même si l'organisation d'auto-assistance peut réussir sur le marché, cela ne garantit pas que les services de l'organisation d'auto-assistance favoriseront réellement les membres futurs.
Dans cet exemple, le paysan doit pouvoir bénéficier des avantages qu'offre l'organisation d'auto-assistance (c'est-à-dire des services de labour, une grande fiabilité des équipements et des conducteurs de tracteurs). Il est en droit d'espérer et pouvoir constater que l'organisation d'auto-assistance travaille dans son intérêt. Ce n'est que lorsque la structure interne de l'organisation d'auto-assistance permet à ses membres de participer activement dans le processus de prise de décision et lorsque la décision de diversifier les services de l'organisation se fonde sur une analyse minutieuse coûts-avantages que l'on peut prétendre que la diversification (ici introduction du service de labour) est dans l'intérêt des membres.

Si l'on introduit les diversifications malgré les résultats négatifs de l'étude du marché et les tests de participation, une organisation d'auto-assistance ne réussira pas à faire la promotion effective de ses membres. Dans ce cas, si la diversification est effectuée grâce à l'aide extérieure, l'organisation d'auto-assistance pourra survivre sur le plan économique, mais sera transformée en une organisation tributaire de l'aide extérieure. Par conséquent, le facteur clé pour réussir la diversification des services dans une telle organisation est la probabilité des bénéfices qui reviennent aux membres et la participation active des membres. On ne peut éviter la diversification inutile ou l'exagération de la diversification que dans la mesure où les membres ont la possibilité de participer aux processus de prise de décision.

Problèmes éventuels

Il est possible que les activités de diversification dans une organisation d'auto-assistance ne procurent pas des avantages à un membre par rapport à d'autres options (entreprise privée ou services publics) ou que les avantages potentiels soient mal évalués. Une organisation d'auto-assistance qui diversifie ses activités sur cette base ne sera pas économiquement viable à long terme.

Au fur et à mesure du renforcement de la diversification des activités, il est probable que les membres ordinaires ainsi que les responsables des organisations d'auto-assistance soient de plus en plus incapables de participer à la planification, et au contrôle des activités de leurs organisations, en raison d'un manque de compétence technique. Ce qui accroît le danger que représentent les innovations introduites par la direction et qui ne sont pas à l'avantage de la majorité des membres.

Plus la diversification est pratiquée au sein d'une organisation d'auto-assistance plus le risque d'aboutir à une faible participation des membres est grand, et plus le coût requis de la gestion (temps, ressources, motivation) pour identifier les intérêts des membres est élevé.

Plus une organisation d'auto-assistance est diversifiée, plus il est nécessaire qu'une confiance mutuelle règne entre l'organisation d'une part et la direction d'autre part. L'une des conditions préalables pour que les membres acceptent les innovations introduites au cours de la diversification est de faire confiance à la direction. Celle-ci doit s'assurer que les membres utiliseront les nouveaux services offerts, avant d'investir dans la diversification.

Ce n'est pas seulement des organisations d'auto-assistance qui peuvent efficacement et valablement promouvoir leurs membres. L'homogénéité au niveau des membres est la base des intérêts relativement homogènes que doit satisfaire l'organisation d'auto-assistance. Par conséquent, une organisation d'auto-assistance ayant même une structure simple et quelques services à offrir peut promouvoir ses membres efficacement et effectivement et permettre à ceux-ci, dans le même temps de contrôler ses activités.

Par contre, une organisation d'auto-assistance composée des membres hétérogènes doit offrir un certain nombre d'activités plus variées pour satisfaire efficacement ses membres.

Promotion extérieure de la diversification

Les projets d'appui d'auto-promotion soutiennent les efforts déployés par les organisations d'auto-assistance en matière de diversification de leurs activités en leur offrant des biens et services nouveaux ou améliorés afin de promouvoir plus efficacement leurs membres.

Toutefois, en ce qui concerne les organisations d'auto-assistance en particulier, qui ont déjà fait la promotion de leurs membres avec efficacité, le soutien extérieur pourrait viser à promouvoir de nouveaux objectifs par l'intermédiaire de l'organisation existante. A cet effet, la formation de la direction ou les services de conseil ainsi que l'assistance technique et financière sont offertes en vue de diversifier les services et de développer la capacité de l'organisation.

Lorsque la diversification est initiée par des promoteurs extérieurs, il y a risque que le potentiel interne de l'organisation d'auto-assistance soit surestimé. Ce qui peut entraîner: une baisse de la motivation d'entraide entre les membres; la transformation d'une organisation d'auto-assistance en une organisation de bénéficiaires; la transformation de l'organisation d'auto-assistance en structure conventionnelle (voir Paragraphe 5.4). Néanmoins, la diversification initiée de l'extérieur qui suit l'approche de GACOPEA et qui est orientée vers une meilleure utilisation des ressources locales et des possibilités de génération des revenus identifiés par des directeurs d'OAA qualifiés en étroite collaboration avec les membres, peut avoir des effets positifs durables.

L'apport des membres est décisif pour le succès durable de la diversification. Au cas où aucune contribution financière n'est exigée, n'importe quelle mesure de diversification permettra de promouvoir les intérêts des membres d'une manière ou d'une autre. Toutefois, les résultats d'une telle diversification aboutissent en général, à des organisations trop diversifiées et trop favorisées qui dépendent beaucoup de l'aide extérieure. Une diversification sans apport des membres, bien qu'orientée vers les besoins des membres n'est pas souhaitable. Dans les projets d'auto-promotion la diversification qui vise à trouver des solutions à court terme aux besoins ressentis des groupes cibles, et qui nécessite la participation active des personnes concernées, s'est revélée la plus efficace (voir Encadré No 3).

Encadré No 3: Diversification dans les projets de promotion d'auto-assistance
L'extension des activités comme moyens de résoudre les problèmes dans les projets de promotion d'auto-assistance est une tendance qui peut avoir lieu lorsque les efforts de promotion antérieurs n'ont pas abouti. Une telle extension se présente sous différentes formes:
  • de nouveaux groupes cibles ou types d'organisations d'auto-assistance sont choisis comme bénéficiaires des programmes de promotion,

  • de nouvelles activités telles que la promotion d'activités lucratives pour des groupes d'épargne (diversification des activités) sont introduites dans le programme de promotion,

  • la zone d'opération de la promotion d'auto-assistance est étendue (diversification géographique). Cependant une telle diversification augmente la complexité des projets et peut provoquer un certain nombre de difficultés:

    • les projets diversifiés sont généralement des projets complexes nécessitant des techniques adéquates de planification, de gestion, de contrôle et d'évaluation qui ne sont pas encore disponibles (voir Chapitre 8). Les problèmes techniques, d'organisation et de gestion sont plus difficiles à résoudre dans les projets à activités très diversifiées. Les mécanismes de feed-back dans les projets simples sont plus rapides et plus claires et par conséquent plus appropriés aux décisions stratégiques de gestion. On peut donc aisément découvrir les goulots d'étranglement et les tendance potentiellement dangereuses et y apporter des solutions efficaces,

    • les projets de promotion d'auto-assistance ne peuvent pas être exécutés par une seule personne. Ils dépendent en grande partie d'un facteur qui est insuffisant dans les pays en voie de développement: le capital humain. Avec un nombre croissant de personnel de projet (experts étrangers en perpétuel mouvement, les gestionnaires locaux, les administrateurs, etc.), la probabilité de conflits, la formation de factions et le manque de travail d'équipe augmentent et entravent le succès de la promotion d'auto-assistance.

Le danger dans ce genre de projet réside dans le fait que les membres ne puissent plus contrôler leur organisation et que le processus de communication, de participation et d'harmonisation des intérêts en conflit ne devienne si compliqué que seule la gestion des professionnels et/ou un petit groupe de membres actifs dominent sans contrôle.
Un grand projet aux activités diverses est plus sensible aux interventions politiques. Dans ces conditions, les décisions peuvent ne plus reposer sur des critères rationnels, mais plutôt sur des considérations politiques.

5.4. Stratégie de désengagement de l'Etat et des autres promoteurs des organisations d'auto-assistance

L'“officialisation” ou la main mise de l'Etat signifie que les organisations d'auto-assistance ne sont pas contrôlées par leurs membres mais par les pouvoirs publiques. Les organisations d'auto-assistance officialisées entreprennent des activités non pas sous la demande de ses membres, mais de l'extérieure. La mise à exécution de ces activités est supervisée par des instances ou structures extérieures. Le désengagement c'est la transformation de ces organisations en organisations d'auto-assistance auto-gérées et indépendantes pour la promotion socio-économique de ses membres.

L'officialisation est le résultat des politiques de développement des pouvoirs coloniaux puis des gouvernements africains après les indépendances. A preuve, les coopératives rurales des années 1950 et parfois jusqu'à nos jours ont été et sont utilisées par les gouvernements comme des instruments d'exécution de diverses politiques pour le développement agricole et le changement socio-économique en milieu rural.

A travers des coopératives officialisées, des subventions, des intrants agricoles, des biens de consommation ont été distribués et des services de vulgarisation et de commercialisation ont été fournis aux agriculteurs. La monoculture des spéculations de rente a été introduite à travers les coopératives. Elles ont parfois servi sous l'ère colonial pour la collecte des impôts, l'exécution des travaux forcés voire même le recrutement des tirailleurs “Sénégalais” en Afrique de l'Ouest.

Les procédés d'officialisation existent également dans les projets de développement internationaux. Les organisations d'auto-assistance sont créées ou soutenues afin de mettre à exécution certaines activités conçues par la direction du projet.

Dans plusieurs programmes de développement rural, des groupements ou associations d'agriculteurs ont été créés pour organiser ceux-ci en vue de participer à des programmes de vulgarisation agricole ou, plus récemment, à des campagnes de protection de l'environnement.

Les deux cas sont le résultat d'influences directes extérieures sur les objectifs, les cibles et les activités ainsi que sur la structure des organisations d'auto-assistance. On distingue deux formes d'organisations officialisées selon le degré d'influence extérieure:

  1. les organisations d'Etat ou à projets parrainées, initiées à travers une promotion externe dans le but de les transformer en organisations autonomes d'auto-assistance. La viabilité de ces organisations d'auto-assistance dépend des fonds extérieurs dont l'utilisation est contrôlée par ces bailleurs de fonds,

  2. les organisations d'Etat ou à projets créées afin d'exécuter des activités au nom d'organisations gouvernementales ou non-gouvernementales, qui les considèrent comme leurs instruments de développement. Dans ces organisations, la fixation des objectifs, l'exécution des activités et la prise de décision en ce qui concerne la structure de l'organisation sont sous l'influence directe et le contrôle de ces institutions d'appui.

La promotion de l'auto-assistance par le désengagement a été appliquée dans le passé - par exemple en Iran dans les années 1970, et en Indonésie depuis le début des années 1980, mais avec peu de succès (Koch : 1986). Pour évaluer de façon réaliste les données de désengagement, il faut prendre en compte les différentes causes d'officialisation, les conditions internes des organisations d'auto-assistance, et les facteurs externes.

Les causes d'officialisation ou de la main mise sont directement liées aux objectifs de promotion de l'auto-assistance du ou des promoteurs.

Cause A: Officialisation suite à une approche de promotion axée sur l'auto-assistance

Dans cette approche, des ressources externes sont introduites pour aider les membres à créer des organisations d'auto-assistance auto-gérées, indépendantes et économiquement viables. Par conséquent, la subsidiarité devrait être le premier principe de promotion, l'aide extérieure ne devrait ête fournie que là où cela s'avère nécessaire et seulement au cas où les membres eux-mêmes peuvent assurer la relève (voir Chapitre 9). Mais bien souvent, ces organisations d'auto-assistance continuent d'être tributaires de l'aide directe en financement et en gestion, et ceci quelque soit la durée de l'aide extérieure.

Cause B: Officialisation suite à une approche pragmatique de développement

Cette approche vise à fournir au grand public ou à des groupes cibles spécifiques certaines méthodes ou certains outils. Des organisations d'auto-assistance sont utilisées comme moyen pour atteindre certains groupes cibles (organisations d'auto-assistance de petits producteurs agricoles comme outils de réduction des frais d'opération). Les fonds extérieurs sont octroyés aux individus à travers l'organisation d'auto-assistance, et leur utilisation est contrôlée par les bailleurs de fonds. Ce contrôle est supportable par les membres dans la mesure où les services offerts par l'organisation d'auto-assistance s'inscrivent dans le cadre de leurs besoins et peuvent être reçus sans contrepartie financière ou uniquement avec des contributions modestes de la part des bénéficiaires finaux. Par exemple, dans le BIMAS-Programme en Indonésie, des équipements agricoles ont été distribués aux agriculteurs à travers des coopératives villageoises officialisées. L'approche a été acceptée par les agriculteurs membres parce que la production agricole et les revenud des agriculteurs s'étaient accrus.

Mais, suite au remplacement des ressources des membres par des fonds extérieurs, l'organisation d'auto-assistance a cessé d'être économiquement viable d'elle-même. L'organisation d'auto-assistance s'est transformée en organisation pour l'acquisition et la distribution des aides extérieures.

Cause C: Officialisation suite à la planification centralisée des économies

Dans les pays à économie centralisée, les organisations d'auto-assistance sont dirigées par le gouvernement afin d'exécuter des plans économiques nationaux. Dans ces cas, le but essentiel des organisations d'auto-assistance n'est pas la satisfaction des intérêts de ses membres, mais la réalisation des objectifs du plan national de développement. Dans ces conditions, le désengagement ne peut être réalisé que si le cadre politique et économique change.

Le cas de la Guinée illustre parfaitement cette situation. Sous l'ère coloniale, il existait de vraies coopératives indépendantes constituées de planteurs européens dans les secteurs de la banane et de l'ananas. En 1958, la Guinée a obtenu son indépendance et brusquement, l'administration coloniale a rompu ses liens avec elle.

Suite à cette rupture de la France, le Gouvernement guinéen a réagi en prenant des mesures radicales. Par la nationalisation et la collectivisation des moyens de production, il a transféré l'ensemble du pouvoir économique à l'Etat. Il s'en suivit une planification qui a connu quatre phases:

1960–1963:Premier plan triennal avec les Coopératives agricoles de production (CAP) en 1960. Les CAP regroupaient les cultivateurs ou les éleveurs et les membres de leurs familles d'un même ou de plusieurs villages. Ceux-ci se regroupaient dans le but de créer une exploitation collective en vue d'augmenter leur propre niveau de vie et contribuer à l'accroissement de la richesse nationale.
 
1964–1971:Plan septennal avec les Centres d'enseignement rural (CER) coopératives scolaires. En 1966, le Gouvernement radicalisant sa ligne politique d'option socialiste, reprit tous les élèves ayant fait echèc au concours d'entrée au collège et les orienta dans les établissements professionnels agricoles créés à cet effet en zone rurale.

Ces Centres d'enseignement rural au nombre de 215, fonctionnaient sur base des principes coopératifs. Leurs conseils d'administration étaient présidés par les directeurs des établissements. En 1968, la décision du Gouvernement de transformer tous les établissements guinéens de tous les cycles en Centres d'enseignement révolutionnaire puis en Centres d'éducation révolutionnaire, vint compromettre cette nouvelle démarche.
 
1973–1978:Plan quinquennal avec les brigades de types A et B en 1973 et les Brigades mécanisées et attelées de production (BMP et BAP) en 1975.
-Le 19 Octobre 1973, une conférence sur la constitution des brigades a eu lieu en application des recommandations du 9è congrès du PDG. La Brigade de production dans le pouvoir révolutionnaire local (village) était une association de producteurs valide, décidés à entreprendre et à réaliser en commun un travail national de production dont les résultats économiques plus élevés seront bénéfiques surtout pour la nation que pour eux-mêmes.
-Lors de ses sessions du 11 Janvier et 21 Février 1975, le Comité central du PDG, décida de la création de nouvelles institutions de production plus modernes que les précédentes. Ces nouvelles unités étaient les Brigades mécanisées de production (BMP) et les Brigades attelées de production (BAP).
-Avec l'introduction massive des tracteurs en Guinée, le Gouvernement invita en 1974 tous les agriculteurs détenteurs de tracteurs à se regrouper en une coopérative au niveau de chaque région (actuelle préfecture). Ainsi 33 coopératives dénommées Coopérative des paysans modernes (CPM) se formèrent.
 
1981–1985 :Deuxième plan quinquennal avec les Fermes agro-pastorales d'arrondissement (FAPA). Après les multiples échecs enrégistrés par le Gouvernement en matière de coopérativisation du milieu paysan, le Parti et son Gouvernement mirent en place en 1979, une nouvelle organisation, de formation d'entraînement et d'encadrement devant intégrer l'ensemble des interventions requises en milieu paysan. Les FAPA étaient des pré-coopératives.
(Maxime Guekoya et autres, 1986 : pp. 78–85)

Après la chute du régime du Président Sékou Touré, les paysans se sont sentis quelque peu libérés. Ces coopératives étatiques se sont dissoutes soit d'elles mêmes soit par les tenants du nouveau pouvoir.

A présent, des groupements d'auto-assistance sont en train de naître tant bien que mal à la faveur des mesures de libéralisation de l'économie nationale et d'encouragement de l'initiative privée prise par le Gouvernement de la 2è République.

Comment réaliser le désengagement?

L'examen minutieux des aspects internes ci-dessous de l'organisation d'auto-assistance est nécessaire à l'identification des obstacles internes au désengagement:

L'environnement politique, économique et administratif devrait non seulement permettre mais encourager les processus de désengagement. Un environnement favorable devrait inclure:

Eléments de stratégie de désengagement

La transformation des organisations d'auto-assistance officialisées ou sous tutelle, en organisations autonomes repose sur des processus d'apprentissage mutuel. Le succès de telles stratégies est certain dans tous les cas, mais ces stratégies ne se définissent qu'après plusieurs essais faits d'erreurs. Le temps nécessaire à la réussite d'un désengagement varie d'une organisation d'auto-assistance à l'autre et on peut affronter plusieurs difficultés. Par conséquent, le développement de stratégies efficaces de désengagement n'est possible que sur la base d'une progression par étape et avec un dialogue soutenu entre tous les acteurs (voir Tableau No 2). C'est pour cela que les projets visant à aider les processus de désengagement devraient soutenir ce dialogue en organisant des ateliers, des séminaires, des conférences et des campagnes d'informations. A travers ces processus de communication, il faut identifier des organisations d'auto-assistance qui peuvent être transformées en organisations autonomes d'auto-assistance qui ne s'effondreront pas après le retrait de l'aide extérieure. Le Test-OAA pourrait être utilisé pour évaluer les potentialités de développement des organisations d'auto-assistance économiquement viables. En outre, les autorités politiques et administratives doivent être sensibilisées à l'acceptation d'une décentralisation des organisations d'auto-promotion.

Au cours du développement de la stratégie, les objectifs différents et quelques fois même contradictoires doivent être pris en compte. Par exemple, les institutions gouvernementales ont tendance à promouvoir l'autonomie financière des organisations d'auto-assistance sans toutefois abandonner leur autorité. Les organisations d'auto-assistance ainsi que les institutions de promotion d'auto-assistance ont tendance à exiger l'autonomie totale des organisations d'auto-assistance sans une volonté réelle d'abandon de l'aide gouvernementale directe. Ces intérêts antinomiques peuvent changer à la longue mais leur évolution est imprévisible. En conséquence, au cours du désengagement, les objectifs officiellement déclarés et réels de tous les membres doivent être continuellement analysés. Cette analyse permet de mettre en évidence les conflits éventuels (système d'avertissement pécurseur), précondition pour l'élaboration d'une stratégie claire de désengagement.

Les processus de désengagement peuvent être soutenus par de nouvelles techniques, ce qui permet de coordonner les objectifs des différents partenaires, de prévoir les conflits éventuels et de soutenir l'auto-évaluation et l'évaluation extérieure dans le développement des organisations autonomes d'auto-assistance (voir Chapitre 8).

Tableau No 2: Quatre phase de développement de stratégies de désengagement - Le cas DNOCS*, Brésil

Phase 1Première analyse du niveau de développement des OAA existantes, premières sessions d'information et de formation destinées aux autorités politiques et administratives et aux membres de l'OAA.
Phase 2Phase expérimentale du projet dans trois OAA avec analyse détaillée des exploitations agricoles membres, des entreprises OAA et de l'administration locale pour déterminer les potentialités de désengagement.

Première formation systématique pour les membres et gérants des OAA. Elaboration des propositions initiales pour une stratégie de désengagement à partir des résultats de la phase expérimentale du projet.
Phase 3Evaluation des propositions avec les administrateurs DNOCS et conception de mesures et de plans d'opérations concrets pour le désengagement.
Phase 4Reconnaissance officielle des propositions de désengagement par le Directeur général de la DNOCS et nomination d'un représentant autorisé à cet effet. Conception des programmes de formation pratique pour les gérants OAA.

Formation des membres OAA et du personnel DNOCS selon les nouvelles exigences issues du désengagement de l'Etat ou d'autres promoteurs vis-à-vis des OAA choisies.

Création de méthodes simples de collecte et de traitement de données pour l'analyse continue des exploitations agricoles membres, des entreprises et administrations OAA.

* DNOCS (Departamento Nacional de Obras Contra las Secas) est une autorité gouvernementale de développement pour la promotion de l'agriculture dans le Nord-Est du Brésil.

(Source: tiré de Marburg Consult, 1989)


Tableau No 3: Stratégies de désengagement - Le cas de l'UCOBAM au Burkina Faso
Phase 1Mise en place d'une commission interministérielle créée par RAABO No AN VII - 0098/FP/CAPRO/DGP/MC du 29 avril 1989 pour proposer la restructuration de l'UCOBAM.
Phase 2Dans le cadre de la recherche de solutions à apporter à la restructuration de l'UCOBAM, une seconde commission interministérielle a été mise en place par RAABO No AN VII - 014/FP/MACP/SG du 30 octobre 1989 avec pour directive de mener une étude en vue de la création éventuelle d'une structure qui se chargerait de la commercialisation des produits maraîchers des coopérateurs regroupés au sein de l'UCOBAM dans l'optique du désengagement de l'Etat. L'UCOBAM devant être dessaisie de la commercialisation des produits maraîchers.

Diagnostic des problèmes de l'UCOBAM et étude économique et financière tendant à la création d'une structure de commercialisation de fruits et légumes.
Phase 3Reconnaissance officielle des propositions de désengagement et mise en place de l'UCOBAM nouvelle formule avec toutefois le maintient au sein de l'UCOBAM de la fonction de commercialisation.
Phase 4Renouvellement par les coopérateurs des organes de décision et de contrôle de l'UCOBAM puis recrutement par le CA d'un directeur sur le marché de l'emploi. Ce nouveau directeur non fonctionnaire relève directement du CA de l'UCOBAM.
Phase 5Recherche de diversification de partenaires commerciaux de l'UCOBAM par les nouveaux organes (CA, DG).

Source: Rapport final de la commission interministérielle chargée de la restructuration de l'UCOBAM (septembre 1990)



Tableau No 4: Stratégies de désengagement - Le cas de l'Union des GVC de M'Bengué en Côte d'lvoire

Phase 1Analyse du niveau de développement de l'Union portant sur son capital social, son chiffre d'affaires, ses moyens matériels et financiers. Evaluation de ses activités à partir de ses objectifs de départ, à savoir:
-permettre une meilleure organisation de la commercialisation du coton;
-accroître la surface économique des GVC membres;
-rationaliser les investissements professionnelles;
-aider les membres dans la diversification de leurs activités;
-participer à l'équipement socio-économique de la localité.
Phase 2Formation des membres et gérants des GVC. Elaboration d'une stratégie de désengagement à partir des résultats des analyses et évaluations ci-dessus.
Phase 3Recrutement par le Conseil d'administration d'un nouveau Directeur non fonctionnaire.
Phase 4Reconnaissance officielle des propositions de désengagement progressif de la DMC, de la CIDT, du CECI et de la GTZ:
-cession par le CECI de la gestion du Centre de formation au profit de l'Union;
-reprise par l'Union de la planification de l'approvisionnement et de la gestion des facteurs de production initialement exécuté par la CIDT;
-retrait de la DMC de la gestion effective de l'Union;
-diversification des activités de l'Union par la commercialisation des produits vivriers de ces membres;
-amélioration des conditions de travail et de vie des membres des GVC de base par la création de magasins de ventes de matériels et petits outillages agricoles ainsi que la mise en place de boutiques villageoises pour la vente de produits de première nécessité;
-développement d'un système local d'épargne et de prêts pour les agriculteurs.

Source: Etude régionale orientée sur la conception GACOPEA: Cas de la Côte d'lvoire (ACI/BRAO, août 1991)



Tableau No 5: Stratégies de désengagement - Le cas de l'Union nationale des coopératives agricoles du Sénégal (UNCAS)

Phase 1Levée de boucliers des deux organisations paysannes les plus représentatives du pays (FONGS - UNCAS) suite à la mise en oeuvre des premières décisions du programme d'ajustement structurel (PAS) amorcé sans eux.
Phase 2Le gouvernement et le groupe Banque Mondiale/Fond Monétaire International (BM/FMI) ont cherché à atténuer les effets du mécontentement généralisé en impliquant davantage les paysans aux termes de négociation avec la Banque Mondiale.
Phase 3La Banque Mondiale sentant le besoin de s'informer davantage à la bonne source, décide d'entrer en relation avec les divers partenaires du terrain en mettant sur pied un groupe informel de concertation.

Ces réunions permirent aux organisations paysannes de mieux s'informer sur la Banque Mondiale perçue jusqu'ici comme un ennemi, une structure calculatrice et froide.
Phase 4En s'informant à la bonne source, la Banque Mondiale affine et adapte en même temps ses outils et méthodes d'intervention. Elle favorise la mise en place d'une structure légère dite Bureau d'Appui aux Organisations d'Auto-Promotion.
Phase 5Face à cette cascade de désengagement, de réformes et suite à l'allégement des charges de l'Etat par la procédure d'incitation aux départs volontaires de la grande majorité des agents d'encadrement, le mouvement agricole, par le biais de sa structure faîtière l'UNCAS, décide de se prendre entièrement en charge dans le cadre d'un vaste programme de réorientation, à savoir:
-proposition d'un plan de réorientation des activités pour une réelle prise en charge par l'UNCAS de son propre développement;
-organisation d'un séminaire interne pour étudier et mettre en place un plan de réorganisation et de réorientation des activités de l'UNCAS et des organisations de base;
-recrutement de la partie essentielle du personnel pour une période d'essai d'une année avec des niveaux de salaire très moyens adaptés à la capacité financière de l'UNCAS;
-prévision d'évaluation individuelle de chaque agent pour décider de son recrutement définitif;
-au plan de l'éducation et de la formation, le désengagement a créé des problèmes de suivi, d'évaluation, de planification, de gestion. Les organisations paysannes se sont rendues compte qu'elles ne peuvent réussir une réelle prise en charge de leur développement sans passer par des programmes d'alphabétisation fonctionnelle sans toutefois ignorer les multiples contraintes liées aux difficultés de prise en charge de l'éducation et de la formation, à savoir: l'insuffisance des moyens financiers; la difficulté de mobilisation des ressources humaines sans l'appui de supports concrets autour du projet de développement, etc.;
-intervention de l'ACI/BRAO pour soutenir un programme de formation et d'éducation des ressources humaines de l'UNCAS.

Source: Le désengagement de l'Etat du mouvement coopératif - Cas du Sénégal, septembre–octobre 1992 (René Basse et autres)


Page précédente Début de page Page suivante