SYSTEME MONDIAL D'INFORMATION ET D'ALERTE RAPIDE SUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE DE LA FAO
PROGRAMME ALIMENTAIRE MONDIAL

RAPPORT SPÉCIAL

MISSION FAO/PAM POUR L ÉVALUATION DES RÉCOLTES ET DES

DISPONIBILITÉS ALIMENTAIRES AU SÉNÉGAL

21 décembre 2004

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Faits saillants

  • La production céréalière de l’hivernage 2004 est estimée à 1 132 714 tonnes, soit un recul de 22 pour cent par rapport à 2003 mais reste proche de la moyenne des cinq dernières années. La diminution des superficies de mil (-23 pour cent) et de sorgho (-19 pour cent) liés à la sécheresse de début cycle, à l’invasion acridienne constatée dès juin 2004, et à la substitution de ces cultures par celle subventionnée de l’arachide (+30 pour cent par rapport à 2003) explique cette baisse de l’offre céréalière. Avec la production additionnelle de contre saison potentiellement estimée à environ 52 366 tonnes, la production totale nette de céréales pour 2004/05 atteint 946 150 tonnes.
  • Ainsi, la production de mil est significativement réduite de 34 pour cent par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Dans les régions déficitaires, ceci s’est traduit par une augmentation soutenue des prix du mil entre septembre et octobre 2004, ce qui fragiliserait davantage la situation alimentaire des ménages les plus vulnérables si cette tendance se poursuivait.
  • Pour le prix du bétail, une tendance inverse est observée en raison de la dégradation des pâturages, ce qui a enclenché précocement le processus de transhumance du nord au sud avec des effets adverses sur les zones de cultures où les récoltes ne sont pas encore terminées. D’où la nécessité de l’aménagement rapide des couloirs de transhumance adaptés, la mise en éveil du dispositif zoo-sanitaire et la cession d’aliments de bétail à prix modérés.
  • Les besoins de consommation s’établissent à 1 824 480 tonnes. Cela implique un déficit de 878 330 tonnes qui pourra être comblé à hauteur de 871 550 tonnes par des importations commerciales de riz et de blé, et par des aides prévues de 6 780 tonnes de riz. Le fait que le Sénégal puisse couvrir ses besoins d’importations alimentaires sur une base essentiellement commerciale ne doit pas masquer la précarisation de la situation des populations localisées dans les zones qui ont été durement affectées en 2004 par la sécheresse et les criquets.
  • La fourniture d’urgence des intrants agricoles, semences notamment, est recommandée pour permettre aux agriculteurs affectés d’entamer dès avril 2005 la nouvelle campagne agricole dans de bonnes conditions. Dans l’immédiat, la distribution des semences et produits horticoles pour les cultures de contre saison peuvent contribuer à améliorer davantage la sécurité alimentaire des ménages concernés. La mission estime qu’environ 124 300 ménages soit 20 pour cent des ménages ruraux auront besoin d’assistance agricole d’urgence.
  • Grâce à une forte mobilisation du pays et de ses partenaires durant la campagne de lutte toujours en cours, l’invasion acridienne ne s’est pas étendue dans les grandes zones de cultures. Cependant, le fléau n’est pas entièrement maîtrisé et des efforts supplémentaires sont nécessaires dans la durée.
  • En perspective, le péril acridien revêt un caractère alarmant en raison du risque fort probable de retour du criquet en 2005 après sa reproduction printanière au Maghreb. Ainsi, la communauté internationale se doit de se mobiliser afin de mettre en œuvre une stratégie régionale, plus proactive que responsive, intégrant les dimensions biotechnologique, environnementale et socio-économique de la lutte contre ce fléau.

1. VUE D’ENSEMBLE

Le Sénégal a connu en 2004 une invasion acridienne sévère ayant considérablement affecté les récoltes plus particulièrement dans les régions agro-pastorales de la moitié nord du pays, où l’on observe aussi des pertes de rendements dues à l’irrégularité et/ou à l’arrêt brusque des précipitations. Une mission conjointe

FAO/PAM/CILSS d’évaluation des récoltes et des disponibilités alimentaires a visité le pays du 18 au 31 octobre 2004 pour estimer les récoltes de l’année en cours ainsi que les dégâts causés par le criquet pèlerin aux cultures et aux pâturages, évaluer la situation alimentaire globale qui en résulte et prévoir les besoins éventuels en aliments pour 2004/05, y compris les importations et l’aide alimentaire de la communauté internationale.

La Mission était composée des experts du CILSS, de la FAO, du PAM ET de FEWS-NET, ainsi que de la Coopération française comme observateur. Il convient de signaler que la FAO avait inclus dans son équipe un spécialiste de ses Services d’urgence à Rome. Son mandat était d’identifier, d’ores et déjà, les groupes ruraux vulnérables dont la sécurité alimentaire avait été davantage fragilisée du fait des criquets et/ou de la sécheresse, et de proposer des mesures palliatives leur permettant de relancer leur production agricole. La Mission a bénéficié de l’appui de toutes les directions centrales et régionales du Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de l’hydraulique ainsi que l’appui des autres services et ministères sollicités. Des discussions constructives ont également eu lieu avec les Agences des Nations Unies (FAO, UNDP), avec les donateurs notamment (USAID, Banque Mondiale) ainsi qu’avec les ONG et les importateurs de céréales

La Mission a mené ses travaux sur le terrain du 19 au 29 octobre 2004. Au début, des réunions préparatoires ont eu lieu aux Représentions de la FAO et du PAM, au Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de l’hydraulique (notamment le Secrétariat général, les Directions de l’élevage, de l’agriculture (DA), de la protection des végétaux (DPV), des analyses, prévisions et statistiques (DAPS). La Mission a également rencontré les responsables du Centre de suivi écologique (CSE) et ceux de l’USAID.

Appuyée par des consultants nationaux et par du personnel du Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de l’hydraulique, la mission s’est constituée en deux groupes de terrain et a été en mesure de couvrir toutes les régions affectées par le criquet pèlerin. Elle a visité des parcelles emblavées de mil, sorgho, niébé, arachide, sésame, riz, et des vergers d’agrumes. Les interviews ont été conduites avec les principaux acteurs régionaux au niveau de chacun des départements et/ou arrondissements visités, en engageant à chaque occasion des discussions approfondies avec les différents services techniques en vue de collecter les informations nécessaires à l’évaluation des effets de l’invasion acridienne et de la sécheresse sur la production agricole. De nombreuses interviews ont été également menées au niveau des villages avec des agriculteurs, des éleveurs, des commerçants de grains et de bétail et avec des ONG actives sur le terrain.

A la fin de la mission, les résultats préliminaires ont été présentés aux responsables du Ministère de l’agriculture.

Les principaux résultats de la mission sont les suivants

Tant sur des données fournies par les différents services du Ministère de l’Agriculture que les constats faits sur le terrain, une revue de la campagne agricole 2004 du Sénégal révèle que les principaux facteurs naturels qui ont le plus influé sur la production, à des degrés divers et selon les régions ou départements, sont liés à:

Ces facteurs ont affecté la production agricole et les pâturages à des degrés divers, souvent de façon conjuguée et/ou très localisée suivant les régions ou les départements concernés.

L’invasion acridienne

Sur les 11 régions que compte le Sénégal, 7 ont été touchées, à des degrés divers, par l’invasion acridienne. Il s’agit, dans le Nord, des régions de Louga, Saint-Louis, Matam et, dans le Centre Sud, de Thiès, Diourbel et Fatick, ainsi que de Dakar. Les premières infiltrations d’essaims de criquets pèlerins venant de Mauritanie ont été constatées dans les zones Nord limitrophes à partir de juin 2004. Puis l’infestation s’est propagée suivant les axes Podor-Matam et Richard Toll Dagana-Thikité, envahissant de vastes étendues au Nord et au Centre Sud du pays en causant des dégâts importants sur les cultures et les pâturages.

Ainsi, dans les régions de Saint-Louis, Louga, Thiès et Diourbel, mais aussi de Fatick (Département de Gossas), la Mission a pu constater des zones de cultures complètement dévastées par les criquets pèlerins. Les dégâts portent notamment sur le mil, le niébé, le sésame et dans une moindre mesure, l’arachide dans la région de Fatick.

Les cultures irriguées de la vallée du Fleuve Sénégal n’ont par contre, jusqu’à présent, subi que très peu de dommages. L’essentiel du riz et des cultures maraîchères a été épargné.

Les grandes zones de production céréalière, généralement considérées comme vulnérables de par leur dépendance d’une pluviométrie incertaine, n’ont également pas souffert des criquets. C’est le cas notamment de la région de Kaolack et, dans une moindre mesure, celle de Fatick, où une lutte efficace a été menée contre le péril acridien dès les premiers signes de son apparition.

Quant aux pâturages, des pertes importantes dues aux criquets pèlerins sont enregistrées dans les régions de Louga et de Saint-Louis. Cependant la biomasse fourragère n’a été que faiblement touchée dans les régions de Diourbel et Matam, qui ont aussi connu des invasions acridiennes massives.

Les autres ennemis des cultures

Dans maintes localités du Centre Sud, particulièrement dans les Régions de Fatick et de Kaolack, les ennemis endémiques des cultures tels que les sauteriaux, les cantharides et autres insectes floricoles ont causé des dégâts beaucoup plus importants cette année que les campagnes précédentes, aggravant la situation des zones également touchées par le criquet pèlerin, notamment dans les départements de Fatick et Gossas (Région de Fatick). Les infestations plus marquées de ces déprédateurs tiennent au fait que les efforts en matière de protection des végétaux ont été focalisés sur la lutte anti-acridienne.

Effets de la pluviométrie sur les cultures et les pâturages

Les dégâts commis par les criquets et autres déprédateurs se combinent dans certaines zones aux effets néfastes d’un démarrage tardif de l’hivernage, des pauses pluviométriques et de l’arrêt précoce des dernières pluies sur les superficies emblavées, le développement des cultures et les rendements. Ainsi le début erratique de la saison des pluies, combiné aux ravages des sauteriaux, a nécessité des re-semis dans maintes localités, notamment dans les régions de Louga, Saint-Louis, Thiès, Diourbel et Fatick.

Dans les zones pastorales du Nord et du Centre Nord du pays (régions de Saint-Louis et de Louga particulièrement), les pâturages ont également pâti d’une péjoration de la pluviométrie. Ce qui a provoqué un dessèchement du tapis herbacé par ailleurs mis à mal, de manière localisée, par les criquets pèlerins. C’est dire que la biomasse fourragère accusera un déficit important dans certaines localités de ces zones pastorales et agro-pastorales. Une campagne d’évaluation de la biomasse disponible sera entreprise courant novembre 2004 par le Centre de suivi écologique et la Direction de l’élevage afin d’obtenir une estimation quantitative de la capacité de charge de ces pâturage naturels.

Le déficit pluviométrique s’est également fait ressentir sur le débit des cours d’eau et le remplissage des mares. Par endroits (localité de Ziguinchor par exemple) les cultures de décrue n’ont pu avoir lieu, et le repiquage du riz ne s’est pas réalisé en raison du faible niveau des cours d’eau. De même, l’assèchement des mares a entravé le maraîchage de l’hivernage et causé des pénuries d’eau pour l’abreuvement du bétail.

Estimation de la production et bilan céréalier prévisionnel

Globalement, les estimations de la production céréalière totale de l’hivernage 2004, qui se montent à quelque 1 132 700 tonnes, sont en net recul (22 pour cent) par rapport à la campagne précédente, mais restent proches de la moyenne des cinq dernières années. Eu égard aux besoins de consommation, et compte tenu de la production additionnelle de contre saison estimée à environ 52 366 tonnes, des stocks et des importations projetées, le déficit prévisionnel net en céréales s’établit pour 2004/05 à environ 878 330 tonnes. Ce déficit pourra être comblé à hauteur de 871 550 tonnes par des importations commerciales de riz et de blé, et par des aides prévues de 6 780 tonnes de riz. Les importations commerciales prévues de riz et de blé sont supérieures à ce niveau.

Le repli de la production des céréales, particulièrement du mil, s’explique surtout par une diminution des superficies cultivées au profit de l’arachide notamment. En effet l’arachide, qui a bénéficié en 2004 d’un appui soutenu de l’État sous forme de cession de semences et engrais subventionnés, a vu ses superficies augmenter d’environ 30 pour cent et connaîtra une augmentation correspondante de la production, particulièrement dans les régions arachidières de Kaolack et de Fatick.

D’autres cultures telles que le maïs et le manioc font également l’objet d’une expansion remarquable grâce aux programmes spéciaux gouvernementaux d’appui à la production et à la diversification des cultures.

Le retour en force de l’arachide et la bonne performance du maïs et du manioc devraient, au niveau national et pour les ménages directement concernés, compenser dans une large mesure le fléchissement de la production du mil.

Poches de vulnérabilité et stratégies d’adaptation des populations concernées

La baisse de la production céréalière mentionnée ci-avant n’est certes pas considérable ou du moins inhabituelle sur le plan national puisque les régions attaquées par les criquets et/ou durement frappées par la sécheresse ne comptant que pour 20 pour cent de la production céréalière nationale. Mais ces régions, notamment Thiès, Diourbel, Louga, Saint-Louis, Matam et, dans une certaine mesure, Fatick (Département de Gossas) sont considérées comme étant à fort risque d’insécurité alimentaire en 2004. De fait, ces régions sont structurellement déficitaires en céréales, et leurs déficits seront aggravés en 2004/05. Comme l’a constaté la Mission, la pénurie anticipée de mil sur les marchés de Thiès, Diourbel, Fatick (Gossas) et même Kaolack (Nioro) pousse son prix à la hausse depuis septembre 2004. Il est à craindre que la situation alimentaire des ménages vulnérables ne sera que davantage fragilisée si cette tendance se poursuit.

Par ailleurs, la raréfaction des pâturages dans les régions de Louga et de Saint-Louis se traduit non seulement par des ventes de bétail, principalement de chevaux et de petits ruminants, à vil prix par rapport aux trois derniers mois, mais aussi et surtout par l’amorce précoce de la transhumance vers des zones où les récoltes sont encore sur pied, avec à l’horizon des conflits souvent sanglants entre éleveurs et agriculteurs sédentaires. Ce qui nécessite des mesures palliatives appropriées, y compris l’aménagement rapide des couloirs de transhumance et la mise en éveil du dispositif zoo-sanitaire, de même que la cession des aliments du bétail à des prix modérés.

Notons que, dans les régions les plus affectées, l’agriculture pluviale vient, en termes de ressources familiales, après l’élevage, les transferts d’argent des migrants et les cultures irriguées. Néanmoins, dans ces régions, les familles rurales pour lesquelles l’agriculture sous pluie représente la principale, sinon la seule, source de revenus, vont connaître une situation difficile. C’est dire qu’il y aura des poches de vulnérabilité, qu’il conviendra de bien cibler à travers des enquêtes spécifiques, comme certaines régions l’ont déjà envisagé.

Entre-temps, les familles dont les moyens de subsistance sont davantage fragilisés par la situation décrite ci-avant réagissent en avançant les dates de migration saisonnière et de transhumance du bétail, en vendant une partie de leur bétail comme indiqué plus haut, ou en tentant de pratiquer le maraîchage de contre-saison et en recherchant activement des activités génératrices de revenus.

La mission estime qu’environ 124 300 foyers vulnérables soit 20 pour cent des ménages ruraux auront besoin d’assistance agricole d’urgence. Les ménages les plus affectés par le criquet pèlerin, la sécheresse et les autres sinistres sont localisés à Diourbel, Thiès, Fatick, Saint Louis, Louga, Podor et Matam.

2. CONTEXTE SOCIO-ECONOMIQUE1

2.1 Situation macro-économique

La dévaluation du franc CFA en 1994 et les politiques économiques appliquées depuis ont conforté la situation économique du Sénégal. En dépit des chocs exogènes –notamment les aléas climatiques- la croissance du PIB s’est située dans une fourchette de 5–6 pour cent par an sur la période 1995-2001. Si en termes réels elle a fléchit à 2,4 pour cent en 2002 en raison d’une sécheresse prononcée, elle a rebondit à environ 6 pour cent en 2003, année qui a connu une campagne agricole exceptionnellement bonne. Entre autres facteurs, les dégâts causés sur les cultures et les pâturages par les criquets pèlerins et une mauvaise pluviométrie dans certaines régions du pays réduiront la progression du PIB à 5 pour cent en 2004 selon les estimations.

Si l’agriculture demeure le moteur de l’économie, d’autres secteurs contribuent fortement à la croissance et aux recettes d’exportation. Ainsi de la pêche qui génère près de 24 pour cent de la valeur des exportations et emploie environ 15 pour cent de la main d’œuvre active. De même, le secteur minier, notamment les phosphates, contribue pour 17 pour cent aux recettes d’exportation; le secteur manufacturier – textiles, agro-industries, industries chimiques et mécaniques- affiche une bonne tenue sur le marché national et sous-régional et compte pour 17 pour cent du PIB. À cette liste s’ajoutent le boom immobilier, divers projets d’infrastructure, les télécommunications, les transports et le tourisme en expansion (600 000 touristes en 2003 contre 443 000 en 2000).

Mais la balance commerciale du Sénégal est structurellement déficitaire, tant le pays est tributaire des importations pour ses besoins essentiels, surtout alimentaires. Le solde négatif a progressé de 184,6 milliards de francs CFA en 1998 à 312,5 milliards en 2002, et plus de 75 pour cent du riz consommé sont importés. Pour la période 2003-2005, les importations représenteront 34 à 40 pour cent du PIB selon le FMI. Cependant les transferts privés et publics, de même que les investissements directs et autres donnent généralement lieu à un solde positif de la balance globale. La situation des comptes extérieurs s’est améliorée nettement ces dernières années, consolidant les réserves de change qui se montaient à 788,2 millions de dollars en 2003, ce qui pouvait couvrir environ 4 mois d’importations.

Étant membre de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), le Sénégal est astreint à la politique monétaire de la Banque centrale des états de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) dont la monnaie, le franc CFA, est liée à l’euro au taux fixe de 656 francs CFA pour 1 euro, garanti par le Trésor français. La BCEAO a établi des critères de convergence que doivent observer les pays membres, s’agissant notamment du taux d’inflation, du déficit des comptes publics et du taux d’endettement extérieur. La position du Sénégal à cet égard est plutôt louable, avec un taux d’inflation pratiquement nul en 2003 et des taux modérés de 0,8 à 2,3 attendus pour 2004 et 2005. En exécutant de manière satisfaisante son programme de Pays très pauvre et très endetté conclu avec le FMI et la Banque mondiale, le pays bénéficiera d’une annulation de dette de quelque 800 millions de dollars, ce qui réduira son ratio dette/PIB à 5 pour en 2005. Quant au déficit fiscal, estimé à 0,8 pour cent du PIB en 2004, il devra baisser à 0,6 pour cent en 2005.

La croissance économique du Sénégal se poursuivra dans le cadre du programme de la réduction de la pauvreté et d’appui à la croissance adopté avec le FMI en avril 2004 et qui bénéficie du soutient des bailleurs de fonds. Ce programme, qui est basé sur le Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté publié en 2002, vise la modernisation de l’agriculture, l’amélioration des infrastructures, la création de nouveaux emplois et la satisfaction des besoins essentiels des plus démunis par le développement économique et le renforcement des capacités.

2.2 Population

La population du pays était estimée à environ 10 millions en 2003, avec un taux de croissance annuel de 2,4 pour cent (Tableau 1). Le taux d’urbanisation est de 45 pour cent et la population urbaine augmente à un rythme annuel de 4 pour cent. Cependant, le secteur des services et l’industrie n’emploient que 30 pour cent de la main d’œuvre et le taux de chômage dans le secteur institutionnel est estimé à 23 pour cent. Près de 25 pour cent de la population souffre également de malnutrition. Cependant le Sénégal affichait un indice de développement humain de 0,430, niveau bien supérieur à ceux de beaucoup de pays de la sous région à la même année.

Tableau 1: Population totale, urbaine et rurale en 2003

Régions Population totale
en 2003
Nombre total
de ménages
Nombre de
ménages ruraux
% Ménages Ruraux
du total
Dakar 2 267 356 302 551 9 077 3
Diourbel 1 049 954 102 325 85 953 84
Fatick 613 000 69 991 60 892 87
Kaolack 1 066 375 104 757 80 663 77
Kolda 836 230 79 735 70 167 88
Louga 677 533 66 730 54 051 81
Matam 423 041 42 918 36 909 86
Saint-Louis 688 767 80 264 51 369 64
Tambacounda 605 695 67 431 55 968 83
Thiès 1 290 265 145 536 81 500 56
Ziguinchor 437 986 60 107 33 660 56
Sénégal 9 956 202 1 122 345 620 209 55
Source: PS/MEF, janvier 2004

2.3 Secteur agricole

L’essentiel du territoire de 197 161 km2 que couvre le Sénégal est situé dans la zone sahélienne encline à la sécheresse avec des sols généralement pauvres, particulièrement dans le Nord où la pratique de l’agriculture pluviale s’avère difficile. Cependant, le Sud est relativement bien arrosé et le pays compte d’importants cours d’eau, dont les fleuves Sénégal, Saloum et Casamance.

On distingue sept grandes zones agro-climatiques où les systèmes de production varient d’une région à l’autre puisqu’on trouve les cultures pluviales en zone ‘’Diéri’’, les cultures irriguées dans le ‘’Walo’’ et la zone sylvo-pastorale dans le ‘’Ferlo’’. Les sept zones agro-écologiques sont représentées par:

L’agriculture, qui emploie près de 70 pour cent de la main d’œuvre est essentiellement le fait des petits producteurs. Les principales spéculations sont l’arachide, culture de rente pratiquée surtout dans les régions du Centre Sud (Kaolack, Fatick); le mil et le sorgho sont cultivés dans le Centre et le Nord, et le riz cultivé le long du fleuve Sénégal et en Casamance; le niébé contribue aussi à la subsistance familiale dans la plupart des régions et le maïs, d’introduction plus récente, est en pleine expansion. Le coton s’affirme également comme nouvelle culture de rente. La canne à sucre est également pratiquée pour alimenter les usines de la Sonacos.

Si l’année 2003 a été exceptionnelle pour le secteur agricole grâce à une pluviométrie abondante et bien répartie, l’invasion acridienne et la péjoration de la pluviométrie en 2004 ont durement affecté la production du mil et du sorgho dans certaines régions du Centre (Thiès, Diourbel) et surtout du Centre Nord (Louga) et Nord-Ouest (Saint-Louis).

Hormis les aléas climatiques, les problèmes de commercialisation ont, ces dernières années, perturbé la production d’arachide qui a chuté de 943 857 tonnes en 2001/02 à 265 356 tonnes en 2002/03. Ces problèmes tenaient en partie à des processus de privatisation complexes des structures concernées, à savoir la Sonagraines/Sonacos. Cependant, la production d’arachide devrait fortement augmenter en 2004 eu égard aux mesures d’appui des services publics et aux dispositions prises par les producteurs eux-mêmes.

Les politiques de modernisation du secteur agricole sont axées sur l’intensification et la diversification des cultures, avec comme stratégies la cession des intrants subventionnés (engrais, semences, petit outillage), et l’introduction de cultures relativement nouvelles comme le maïs, le manioc, le soja et le tournesol. L’expansion de l’irrigation figure également dans le programme, car des 240 000 ha potentiellement irrigables, seulement 70 000 sont irrigués actuellement, soit à peine 3 pour cent des terres arables pouvant bénéficier de l’irrigation.

Le sous-secteur de l’élevage comptait, quant à lui, environ 3 millions de bovins et 8,4 millions d’ovins et caprins en 2001, tenus essentiellement par des familles. L’élevage est extensif et les fourrages naturels constituent l’aliment de base du bétail. Les pertes subies pendant les périodes de sécheresse prononcées sont souvent considérables, surtout dans le Centre Nord et le Nord du pays.

En 2004, l’effet de la sécheresse sur la production agricole et les pâturages est doublé par celui dû au criquet pèlerin plus particulièrement dans les régions nord et centre nord du pays.

3. PRODUCTION AGRICOLE EN 2004

3.1 Déroulement de la saison et précipitations

La campagne agricole comprend une saison des pluies de mai à octobre pour les cultures vivrières; une saison sèche froide de novembre à février durant laquelle les cultures maraîchères peuvent être pratiquées ; et une saison sèche chaude où le riz, le maïs et le sorgho peuvent être cultivés en irrigué. Les cultures pluviales nécessitent au moins 70 jours de période favorable à la croissance pour compléter leur cycle et fournir une production significative. En 2004, les zones situées au sud de l’axe Mbour à Matam ont bénéficié de conditions très favorables à la croissance. Par contre, les régions de Thiès, Diourbel, St Louis ainsi que le nord de Matam et une bonne partie de la région de Louga ont souffert de déficit hydrique en début et/ou en fin de cycle ayant fortement affecté l’établissement des cultures vivrières (3 à 5 resemis selon les régions), leur croissance ultérieure et leur production étant donné les faibles niveaux de rendements attendus. La Figure 1 donne le cumul pluviométrique de la saison de l’hivernage du 15 juin au 10 octobre 2004 en comparaison à l’année normale pour des régions contrastées du Sénégal. Les cartes de la Figure 2a résument la répartition spatiale de ce cumul actualisé au 20 octobre, avec indication des zones favorables, normales ou déficitaires par rapport à l’année normale 1961 – 1990 (Figure 2b).

Figure 1: Précipitations cumulées sur la saison de l’hivernage 2004 dans les différentes régions à la date du 10 octobre 2004

Figure 2a: Cumul pluviométrique au Sénégal à la date du 20 octobre 2004 (Source: Direction de la Météorologie Nationale Dakar)

Figure 2b: Répartition des écarts à la normale pluviométrique (1961-1990) au 20 octobre 2004 (Source : Direction de la Météorologie Nationale Dakar)

Globalement, l’hivernage 2004 a été marqué par une pluviométrie légèrement déficitaire dans l’ensemble mais assez bien répartie dans l’espace et dans le temps dans la majeure partie de la moitié sud du pays. Quant à la moitié nord l’hivernage a connu une installation tardive avec des déficits pluviométriques particulièrement prononcés dans l’extrême nord. Par rapport à la normale (Figure 2b), la pluviométrie a été excédentaire sur la façade est (de Kédougou à Matam) et dans le Centre-sud (axe Nioro-Kougheul) et déficitaire sur le reste du pays.

Sur le plan hydrologique, nous noterons que la crue du fleuve Sénégal est restée relativement faible avec une hauteur moyenne journalière maximum de 365 cm atteint le 13 septembre 2004 contre 558 cm en septembre 2003. Cette situation a une grande importance pour ce qui concerne les cultures de décrue pratiquées habituellement le long du fleuve à la fin de la saison des pluies.

3.2 Utilisation des intrants agricoles

Après une baisse notable de l’utilisation des engrais de 45 000 tonnes en 1997/98 à 25 000 tonnes en 2001/02, il y a eu depuis un regain d’intérêt dans l’usage de la fertilisation au Sénégal grâce aux mesures préconisées par l’Etat pour faciliter l’accès des producteurs aux engrais et aux autres intrants agricoles.

Malgré ces efforts cependant, la quantité moyenne d’engrais apportée à l’hectare reste faible aux environs de 16 kg/ha. L’apport d’engrais concerne surtout les cultures de rente telles que l’arachide, le coton et le riz. Les cultures vivrières reçoivent rarement de l’engrais sauf le maïs qui fait l’objet d’un programme du Gouvernement.

La faible utilisation des engrais et des semences améliorées s’explique par les possibilités de financement des exploitations agricoles, le nombre d’agriculteurs pouvant accéder au crédit restant faible. Les semences des cultures vivrières sont produites sur l’exploitation ou achetées sur le marché local.

3.3 Superficies cultivées en céréales

Le volume total de la pluviométrie et sa distribution au cours de la saison de croissance 2004 a conditionné l’implantation plus ou moins réussie des céréales et des autres cultures selon les régions. Pour la moitié sud du pays (Ziguinchor, Kolda, Tambacounda) et la façade est (Matam, Bakel), les premières pluies permettant les semis (plus de 20 mm non suivis d’une longue pause) ont été observées dés le mois de mai (Kédougou) et juin. Par contre pour les régions de Dakar, Thiès, Diourbel et la partie ouest de Louga et Saint-Louis, ces pluies ne sont venues que fin juillet et même en début août pour la zone côtière. D’une manière générale la fin de la saison des pluies est plus précoce en 2004 que l’année normale sur l’ensemble du pays.

Les effets cumulés de la sécheresse de début et de fin de cycle, des prédateurs habituels (sauteriaux) dès l’implantation des céréales comme à Gossas, et l’invasion acridienne précoce dès fin juin dans les régions nord, ont sérieusement réduit les superficies de céréales : diminution de 23 pour cent des superficies récoltées de mil et de 19 pour cent celle de sorgho, en partie à cause des resemis répétés jusqu’à quatre fois liés à la sécheresse et au dégât du criquet pèlerin, mais aussi à cause de la substitution de ces cultures par de l’arachide subventionné, soit plus de 30 pour cent d’emblavements qu’en 2003.

Au total, toutes céréales confondues, les superficies de céréales récoltées en 2004 avoisinent les 1,06 million d’hectares soit 300 000 ha de moins qu’en 2003 et inférieure de quelque 20 pour cent de la moyenne des cinq dernières années. Ainsi, les superficies implantées de céréales se situent à environ 666 000 ha de mil, 168 000 ha de sorgho, 145 000 ha de mais, 74 000 ha de riz, et 2650 ha de fonio (Tableau 2).

Tableau 2: Superficies, rendements et production céréalière attendue pour l’hivernage  2004 (sans les cultures de contre-saison: voir Note)

Céréales Superficie (ha) Rendement (kg/ha) Production (tonnes) *
Mil 665 982 569 379 166
Sorgho 168 096 788 132 400
Maïs 145 830 2 898 422 623
Riz 73 926 2 666 197 095
Fonio 2 647 540 1 430
Total 1 056 481 1 072 1 132 714
Source: Données de l’enquête DAPS, et estimations/calculs de la mission.
Note: Dans ce tableau et tous ceux qui suivent, la production céréalière de contre saison 2004/05 n’est pas incluse; cette production est estimée à environ 52 366 tonnes qui est prise en compte dans l’estimation du bilan céréalier prévisionnel.

3.4 Rendements observés

L’effet conjugué des contraintes agronomiques décrites ci avant a entraîné une réduction importante des rendements. Le maïs est la seule céréale qui connaît une augmentation de rendement aussi bien par rapport à 2003 que par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Ceci est du au fait que l’essentiel du maïs est produit dans les régions de Kolda, Kaolack et Tambacounda qui ont connu une bonne pluviométrie et qui n’ont pas connu d’attaques de criquets pèlerins. Le maïs a aussi fait l’objet d’une distribution soutenue d’intrants et a bénéficié d’un meilleur ciblage des zones de production dans le cadre du programme 2004 des cultures encadrées.

En moyenne à l’échelle nationale avec de fortes variations entre les régions, les rendements prévisionnels des céréales pour la saison 2004 se présentent comme suit:

Il faut souligner qu’une diminution importante des rendements résulte des dégâts causés par les criquets sur le mil, le niébé et l’arachide dans 7 des 11 régions que compte le pays, ainsi que du début erratique de la pluviométrie et de son arrêt précoce à Louga, Saint Louis, Thiès, Diourbel et Fatick.

3.5 Projections de la production céréalière

L’estimation des productions des différentes cultures a été approchée en s’appuyant sur:

Les niveaux de production attendus pour la campagne agricole 2004 se présentent comme indiqué au Tableau 3 et la contribution de chaque céréale à la production totale comparée à 2003 et à la moyenne 1999-2003 est donnée au Tableau 4. La production céréalière de l’hivernage 2004 est estimée à environ 1 132 714 tonnes. A ce tonnage il faut ajouter la production céréalière de contre saison 2004/05 qui est estimée à environ 52 366 tonnes ce qui porte la production céréalière totale prévisionnelle à 1 185 080 tonnes. C’est ce niveau de production qui est pris en compte dans l’estimation du bilan céréalier prévisionnel.

Tableau 3: Production céréalière totale de 2004/05 comparée à la production de 2003/04 et à la moyenne des cinq dernières années 1999-2003 (en tonnes)

Total Moyenne
1999-03
2003/04 2004/05 Variation 2004/05 (%) sur
Moyenne
1999-2003
2003/04
Superficies (ha) 1 259 704 1 331 210 1 056 481 -16 -21
Production 1 108 300 1 451 892 1 132 714 +2 -22
Source: DAPS – Ministère de l’Agriculture et Estimation de la Mission 2004
Note: la production céréalière de contre saison 2004/05 estimée à 52 366 tonnes n’est pas incluse.

Tableau 4: Contribution des principales céréales à la production totale en 2004 comparée à 2003 et à la moyenne 1999-2003 (en tonnes)

Cultures Mil Sorgho Maïs Riz Fonio Total Céréales
Production
2004/05 (a)
379 166 132 400 422 623 197 095 1 430 1 132 714
Production
2003/04 (b)
628 426 189 787 400 909 231 805 966 1 451 892
Moyenne
1999-03 (c)
575 024 149 512 146 910 235 496 1 358 1 108 300
Ecart (%)            
a/b - 40 - 30 5 - 15 48 - 22
a/c - 34 - 11 188 - 16 5 2
Source: DAPS – Ministère de l’Agriculture et Estimation de la Mission 2004
Note: la production céréalière de contre saison 2004/05 estimée à 52 366 tonnes n’est pas incluse.

3.6 Facteurs affectant les rendements et la production céréalière

  1. Invasion du criquet pèlerin

La saison 2004 est marquée par des invasions massives et exceptionnelles de criquets pèlerins qui touchent 8 des 11 régions que compte le pays (Saint-Louis, Matam, Louga, Thiès, Dakar, Fatick, Kaolack et Diourbel). Les dégâts les plus importants sont observés dans la zone des Niayes, le département de Tivaouane (Thiès), les régions de Louga, Saint-Louis et Diourbel.

Venant de Mauritanie, les premières infiltrations d’essaims jaunes, prêts à pondre ou ayant déjà pondu, ont été constatées dans l’extrême nord du pays en juin 2004. De juin à fin août, 200 essaims ont été signalés dans l’axe Podor-Matam et Richard-Toll-Dagana-Thikité. Les conditions écologiques favorables au Sénégal durant cette période leur ont permis de pondre sur un grand nombre de sites. Des bandes larvaires se sont ainsi développées dans toutes les zones infestées. Ces bandes larvaires et leur développement en des essaims roses d’adultes immatures ont causé d’importants dégâts sur les cultures de mil, d’arachide et de niébé ainsi que sur les pâturages.

Le dispositif de lutte, mis en place par la Direction de la protection des végétaux (DPV), a été transféré à l’Armée Nationale le 30 juillet 2004 sur décision du Conseil Présidentiel. Il comprend des unités décentralisées au niveau des DRDR avec des Bases d’avertissement agricole, des unités terrestres et aériennes d’intervention et des Comités de lutte villageois. Lors du passage de la mission, le dispositif de lutte comptait 20 avions (6 américains, 3 marocains, 4 sénégalais, 5 libyens et 2 FAO), 53 véhicules de traitement terrestre et 50 véhicules de prospection et de suivi des traitements.

Au 20 octobre 2004, le rapport de situation de la DPV indique que 1 196 528 ha ont été prospectés, 923 448 ha infestés et que le cumul des superficies traitées s’élève à 536 707 ha.

  1. Sécheresse et autres sinistres

Les déficits hydriques de début et de fin de cycle en plus des épisodes de sécheresse qui ont marqué la saison agricole ont sérieusement affecté les rendements du mil semé tardivement à cause des resemis, du sorgho, du niébé et accessoirement de l’arachide, plus particulièrement dans le Centre nord du pays, la zone du Littoral, la zone de Podor et le nord de la région de Matam. Lorsque les rendements attendus étaient jugés satisfaisants à l’approche de la maturité du mil au stade grain laiteux pâteux, l’invasion acridienne dans les zones affectées par la sécheresse et les sauteriaux a davantage infligé de dégâts aux rendements de la plupart des cultures.

  1. Estimation des pertes de production

La chute des rendements liée à l’invasion acridienne est difficilement dissociable des effets des autres facteurs, sauteriaux et stress hydrique plus particulièrement. A partir des entretiens avec les agriculteurs concernant les rendements qu’ils espéraient en l’absence des criquets et/ou de la sécheresse, des estimations sont faites pour avoir des ordres de grandeur. Les pertes totales varient de 30 pour cent à Gossas (seul Département affecté de la région de Fatick) à 100 pour cent dans la région de Saint Louis. Les pertes dues au criquet pèlerin varient entre 16 pour cent environ à Matam et 50 pour cent à St Louis où pratiquement toutes les cultures pluviales ont été ravagées. Les dégâts des criquets sur les cultures sont estimés représenter près de la moitié des pertes totales enregistrées sauf à Gossas (Région de Fatick) où ces pertes sont de l’ordre de 10 pour cent (Tableau 5). Les pertes au niveau des pâturages des zones nord (St Louis, Matam, Louga, Linguere, Podor, Dagana) sont de l’ordre de 40 à 50 pour cent (voire 80 pour cent comme à Louga et Podor).

En considérant le poids respectif de la production des différentes régions affectées dans la production totale du pays après avoir exclu le riz qui n’est pas affecté par le criquet pèlerin on estime les pertes de production dues au criquet à l’échelle nationale à environ 4,3 pour cent.

Tableau 5: Estimation des pertes de production céréalière (sans le riz) causées par le croquet Pèlerin et autres sinistres dans les régions affectées à la date du 30 Octobre 2004

Régions affectées Production
moyenne
1999-2003
%
Pertes totales
Pertes dues au
criquet pèlerin
Tonnes %
Thiès 53 112 43 11 685 22
Diourbel 57 038 51 14 830 26
Saint Louis 1 504 100 752 50
Louga 36 412 80 14 565 40
Matam 18 699 30 2 992 16
Fatick (Gossas) 26 665 30 2 666 10
Total     50 -
- Régions affect. 193 430 - 47 489 25-
- Sénégal 1 108 300 * 47 489 4,3
Source: Mission FAO/ PAM/CILSS, Sénégal 18-30 Octobre 2004.
Note: Les pertes totales correspondent à la différence entre la production moyenne 1999-2003 et la production estimée pour 2004.
(*) A estimer en tenant compte des dégâts autres que ceux dus au criquet

3.7 Production agricole par région

Les conditions pluviométriques ayant prévalu dans les régions ont pu déterminer quatre types de situations culturales pour l’installation de l’hivernage 2004 et ont situé la production céréalière à des niveaux contrastés selon les zones:

3.7.1 Production céréalière

La production totale des céréales par région obtenue cette année ainsi que la contribution des cultures de mil, sorgho, maïs, riz et fonio sont indiquées dans le dans le Tableau 6 qui montre que la production céréalière prévue pour 2004 est proche de la moyenne des cinq dernières années, mais en baisse de 22 pour cent par rapport à la production record de l’année 2003/04. Ce niveau de production traduit:

a) Une baisse de 21 pour cent des superficies emblavées en céréales, due à une série de facteurs:

b) Une réduction importante des rendements suite aux dégâts causés par les criquets pèlerins sur le mil, le niébé et l’arachide dans 7 des 11 régions que compte le pays, ainsi qu’au début erratique et à son arrêt brusque à Louga, Saint-Louis, Thiès, Diourbel et Fatick. Le maïs est la seule céréale qui connaît une augmentation de rendement aussi bien par rapport à 2003 que par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Ceci est du au fait que l’essentiel du maïs est produit dans les régions de Kolda, Kaolack et Tambacounda qui ont connue une bonne pluviométrie et qui n’ont pas connu d’attaque de criquets pèlerins, en plus du fait que cette culture ait bénéficié d’une meilleure distribution des intrants et d’un meilleur ciblage des zones de production cette année.

Tableau 6: Production céréalière 2004 par région1/ (en tonnes)

Régions Mil Sorgho Maïs Riz Fonio Total céréales
Dakar 9 51 500 - - 560
Diourbel 26 446 2 751 80 - - 29 277
Fatick 77 771 4 518 26 120 63 - 108 471
Kaoloack 156 374 40 328 135 225 - - 331 927
Kolda 26 101 27 555 156 243 22 899 474 233 272
Louga 6 240 776 30 - - 7 045
Saint Louis - - - 107 870 - 107 870
Tambacond 38 638 43 664 93 151 1 636 955 178 044
Thiès 29 135 1 383 242 - - 30 760
Ziguinchor 15 800 736 10 771 33 628 - 60 934
Matam 2 653 10 639 263 31 000 - 44 555
Sénégal 2004/05 (a) 379 166 132 400 422 623 197 095 1 430 1 132 714
Production 2003/04 (b) 628 426 189 787 400 909 231 805 966 1 51 892
Moyenne 1999-03 (c) 575 024 149 512 146 910 235 496 1 358 1 108 300
Ecart (%)            
a/b - 40 - 30 5 - 15 48 - 22
a/c - 34 - 11 188 - 16 5 2
Source: DAPS – Ministère de l’Agriculture et Estimation de la Mission 2004
1/: La production céréalière de contre saison 2004/05 estimée à 52 366 tonnes n’est pas incluse.

3.7.2 Autres cultures

La production d’arachide, principale culture de rente et principale source de revenu pour les agriculteurs a augmenté de 28 pour cent par rapport à l’année 2003, même si elle est en baisse de 20 pour cent par rapport à la moyenne des cinq dernières années (Tableau 7). Cette augmentation résulte d’une superficie plantée supérieure en 2004 comme déjà expliqué (substitution d’une partie du mil et du sorgho du fait de la subvention de l’arachide et du maïs) mais aussi de rendements élevés dans les zones du bassin arachidier qui ne sont pas affectées ni par la sécheresse, ni par l’invasion acridienne.

Tableau 7: Production prévisionnelle d’arachide pour 2004/05 comparée à la moyenne des cinq dernières années (1999-03) et à la production record 2003/04(en tonnes)

Cultures Prévisions
2004/05
Production
2003/04
% Variation

sur 2003/04
Moyenne
1998-2002
% Variation Moyenne
1999-03
Arachide 565 853 440 709 + 28 708 459 - 20

3.8 Situation de l’élevage et des pâturages

3.8.1 Importance de l’élevage

L’élevage constitue un secteur dynamique de l’économie sénégalaise avec des effectifs élevés et une part importante du PIB du secteur primaire (35 pour cent). Les effectifs par espèce se présentent comme indiqué au Tableau 8.

Tableau 8: Effectifs de l’élevage par espèces

Espèces Effectifs
Bovins 2 927 054
Ovins 4 447 005
Caprins 3 835 842
Porcins 239 489
Equins 448 016
Asins 376 500
Camelins 3 920
Total 12 277 826
Source: Direction de l’élevage, 1999.

Les pâturages naturels constituent l’essentiel de l’alimentation du cheptel. En saison sèche les troupeaux transhument en fonction des disponibilités en eau et en fourrages. En fin de saison sèche, la mauvaise qualité des pâtures fait perdre aux animaux jusqu’à 35 pour cent de leur poids.

3.8.2 Etat des pâturages

Globalement, la situation actuelle des pâturages et l’état du bétail (gros bétail et petits ruminants) observés lors des visites sur le terrain sont bons sauf dans les régions nord où l’invasion acridienne a provoqué des dégâts importants notamment à Podor, Louga, St Louis et Matam. Dans certains arrondissements affectés, on observe un départ précoce des populations dont les conséquences sur les ménages et la scolarité des enfants sont à craindre. Selon l’information recueillie lors des visites de terrain, il semble que la transhumance précoce est liée d’une part à l’anticipation de l’afflux des animaux d’autres régions touchées et d’autre part au fait que les éleveurs hésitent à faire pâturer les terrains traités par les pesticides de peur d’intoxiquer les animaux.

Durant les derniers mois, les bandes larvaires et les essaims de criquets roses immatures ont causé d’importants dégâts sur la végétation naturelle des zones infestées. Les cultures qui fournissent des résidus de récoltes pouvant être utilisés comme fourrages (mil, sorgho, maïs, arachide, niébé, etc.) ayant également été attaquées, les disponibilités fourragères vont s’en trouver affectées. Le Centre de suivi écologique et la direction de l’élevage conduisent actuellement une étude pour estimer la perte de biomasse due aux invasions de criquets.

Les zones où d’importants dégâts sur les pâturages ont été observés sont les suivantes:

Ces dégâts et la crainte des éleveurs de voir leurs troupeaux intoxiqués par les traitements, provoquent d’importants mouvements de bétail. Les transhumances qui démarrent habituellement après les récoltes, en décembre-janvier, ont déjà commencé. Il faut rappeler que lors de la sécheresse de 2002, environ 50 000 têtes en provenance de Mauritanie ont traversé la frontière du Sénégal à la recherche de l’herbe et des points d’eau plus au sud. Selon les responsables de la Direction régionale de l’agriculture à Matam, un tel afflux d’animaux risque fort de se reproduire en 2004 suite à la dégradation sévère de la capacité de charge des pâturages causée par les effets conjugués de la sécheresse et du criquet pèlerin.

4. ANALYSE DE L’OFFRE ET DE LA DEMANDE CÉRÉALIERE

4.1 Accès aux aliments et prix des produits agricoles

La campagne agricole 2003/04 a enregistré une excellente production céréalière ainsi qu’une augmentation importante de la production d’autres spéculations (arachide d’huilerie, coton, niébé, manioc, pastèques, sésame) par rapport à 2002/03. Ce qui s’est traduit sur les différents marchés par une offre abondante et soutenue de céréales depuis fin octobre 2003, et une baisse de prix conséquent. Par exemple au marché de Thiaroye (région de Dakar), les prix du mil ont évolué dans une fourchette de 105-150 FCFA/kg jusqu’en septembre 2004 contre 150-200 FCFA/kg en 2002/03. Pour ces mêmes périodes de référence à Kaolack (région de production par excellence), les fourchettes respectives étaient de 80 FCFA/kg - 100 FCFA/kg, et 125 FCFA/kg – 200 FCFA/kg.

En septembre 2004, les producteurs envisageaient avec optimisme la fin de l’hivernage et avaient procédé à des déstockages, ce qui a poussé à la baisse les prix des céréales même dans les régions structurellement déficitaires comme Diourbel et Louga, où les prix du mil ont fléchi de 12 pour cent en moyenne (Figure 3). Cette tendance baissière était aussi manifeste dans les zones de production telle que Kaolack.

Figure 3: Évolution du prix moyen du mil au détail sur le marché de Ngouye Mbeuth, Région de Louga (Source : CSA/SIM /FEWS NET)

Mais en octobre 2004, lors des visites effectuées par la Mission, les prix des céréales et du bétail dans certains marchés régionaux reflétaient déjà les pénuries anticipées de mil et des fourrages du fait de l’invasion acridienne et de la sécheresse.

La pénurie (anticipée) des céréales locales se fait déjà ressentir sur les marchés régionaux.. Par exemple à Touba Toul, commune rurale dans la région de Thiès, dont les 96 villages ont eu leurs champs de mil, manioc et arachide dévastés par les criquets, le mil se vendait à 150 francs/kg en octobre 2004 contre 75 francs seulement l’année dernière à la même période, et 80-100 francs avant l’arrivée des criquets.

Au marché de Diourbel, le mil de Kaolack se vendait à 130 francs/kg contre 120 francs/kg une semaine auparavant et 60 à 70 francs/kg pendant la même période en 2003. Le prix du maïs suivait la même tendance: 130 francs/kg en octobre 2004 contre 80 à 90 francs/kg à la période correspondante de l’année dernière.

Même à Nioro (région de Kaolack), normalement excédentaire, les prix des céréales avaient tendance à augmenter rapidement: le mil se vendait à 115 FCFA/kg en octobre contre 75 FCFA/kg en septembre 2004, et le prix du maïs passait de 70-80 FCFA/kg à 100 FCFA/kg pendant la même période. Ainsi, les marchés de céréales étant relativement concurrentiels dans le pays, les pénuries ressenties dans les zones déficitaires comme Diourbel, Thiès ou Louga exercent sur les prix une pression à la hausse dans les zones excédentaires.

Concernant le prix du riz importé, il est demeuré relativement stable dans l’intervalle de 195-200 FCFA /kg pendant les 4 dernières années. Il a cependant augmenté de façon soutenue à partir de mai 2004, atteignant les 250 FCFA/kg en septembre-octobre. Cette augmentation est sans doute due à l’augmentation du prix du riz sur le marché international.

Le bétail, quant à lui, se vendait à des prix de détresse dans les localités où la pénurie des céréales et des fourrages se faisait le plus sentir. Ainsi, en octobre 2004 à Touba Toul (région de Thiès), une brebis s’offrait pour 15 000 francs en moyenne, contre 30 000 ou 40 000 en 2003. Les ventes précipitées sont motivées par la pénurie anticipée des pâturages et le désir des paysans d’obtenir de l’argent afin d’acheter le mil pour constituer des réserves familiales.

Outre Thiès, les régions de Diourbel, Fatick (Département de Gossas), Louga, Saint-Louis et Matam, fortement affectées par l’invasion acridienne et la sécheresse, sont en proie au renchérissement des prix des céréales et, par endroits, à la vente à vil prix du bétail, notamment des petits ruminants et au déclenchement précoce du phénomène de transhumance avec des conséquences néfastes sur les cultures et sur la santé animale. C’est à juste titre que le Gouvernement les a classées comme étant à haut risque d’insécurité alimentaire en 2004/05. Cependant, même dans ces régions, les dégâts ont été souvent localisés, constituant des poches de vulnérabilité qu’il convient de bien cerner par des enquêtes spécifiques pour mieux cibler les mesures palliatives appropriées.

4.2 Bilan céréalier prévisionnel pour 2005

L’analyse de l’offre et de la demande des céréales au Sénégal pour 2004/05 repose sur les hypothèses suivantes:

Tableau 9: Bilan céréalier prévisionnel 2004/05 (en tonnes)1/

Postes Riz Blé Céréales
secondaires
Total céréales
Disponibilités 142 740 - 803 410 946 150
Variation de stocks - - - -
Production nationale nette 142 740 - 803 410 946 150
Utilisation 774 640 284 940 764 900 1 824 480
Consommation humaine 774 640 284 940 764 900 1 824 480
Besoins 631 900 284 940 - 38 510 878 330
Importations commerciales 625 120 284 940 - 871 550
Aides alimentaires 6 780 - - 6 780
1/ Les besoins de consommation de la population sont estimés à partir de la consommation apparente moyenne des cinq dernièrères années, ce qui pourrait conduire à des resultats différents de ceux du CILSS qui utilise des normes de consommation fixes.

Ainsi, le déficit céréalier national pour 2004/05 est estimé à 878 330 tonnes, qui pourra être comblé à hauteur de 871 550 tonnes par des importations commerciales de riz et de blé, et par des aides prévues de 6 780 tonnes de riz.

Il est à noter que les céréales secondaires dégagent un excédent estimé à 38 510 tonnes de maïs qui seront certainement exportées via des réseaux informels vers les pays voisins ou vendues aux agro-industries locales (provenderies, brasseries). Cette analyse suppose une substitution importante du mil par le maïs dans le régime alimentaire, ce qui ne sera nécessairement pas le cas. Il est alors probable que le prix du mil continue à augmenter, eu égard à l’offre insuffisante aussi bien au Sénégal que dans le reste de la sous-région.

Le fait que le Sénégal puisse couvrir ses besoins d’importations alimentaires sur une base essentiellement commerciale, ne doit pas masquer la précarisation de la situation des populations localisées dans les zones qui ont été durement affectées par le déficit pluviométrique et l’invasion acridienne en 2004. Comme signalé ci-avant, sont particulièrement concernées les régions de Louga, Saint-Louis, Matam, Diourbel, et, dans une certaine mesure, Fatick (Département de Gossas).

5. BESOINS D’INTERVENTION AGRICOLE D’URGENCE

5.1 Populations affectées

Les zones les plus affectées par les invasions acridiennes sont les régions de Diourbel (départements de Mbacke et Bambey), Louga (départements de Linguère, Kékémer et Louga), Thiès (départements de Tivaouane, Mbour et Thiès), Saint-Louis (départements de Podor, Saint-Louis et Dagana), Matam (département de Matam), Dakar (zone des Niayes) et Fatick (département de Gossas).

Notons que les zones en situation de grande vulnérabilité structurelle (Tambacounda et Kolda) ne sont pas affectées par les invasions de criquets. Les zones de Fatick, Kaolack et Kaffrine sont à la fois relativement vulnérables et affectées par les criquets.

Dans les zones affectées, les ménages pour lesquels la production sous pluie représente la principale ou même la seule ressource, sont les plus touchés.

Tableau 10: Nombre de ménages ruraux et à assister, par région

Régions Nombre total de
ménages
Nombre de ménages
ruraux
Nombre de ménages à
assister
Dakar 302 551 9 077 915
Diourbel 102 325 85 953 22 149
Fatick 69 991 60 892 2 164
Kaolack 104 757 80 663 0
Kolda 79 735 70 167 0
Louga 66 730 54 051 14 595
Matam 42 918 36 909 42 853
Saint-Louis 80 264 51 369 19 439
Tambacounda 67 431 55 968 0
Thies 145 536 81 500 22 239
Ziguinchor 60 107 33 660 0
Total 1 122 345 620 209 124 354
Sources: DPS/MEF, janvier 2004 et estimations de la mission pour le nombre de ménages à assister.

Les populations répondent par:

5.2 Assistance actuelle et programmée au secteur agricole et pastoral

  1. Un «Programme d’urgence de cultures de contre-saison» a été élaboré par le MAEH en septembre 2004. Il vise la mise en place de cultures vivrières et maraîchères dans les régions touchées par le fléau : Saint-Louis, Matam, Louga et Dakar. Il sera mis en œuvre par les DRDR (Directions régionales du développement rural), la SAED (Saint-Louis et Matam) et le PRODAM (Projet de développement agricole de la région de Matam) sous la coordination de la Direction de l’agriculture et de l’ANCAR (Agence nationale de conseil agricole et rural). Il prévoit la fourniture d’intrants, des traitements phytosanitaires, la prise en charge des labours pour le maïs et le riz et des frais d’irrigation. Son coût total s’élève à environ 23 millions de $EU Le FIDA et la Banque ouest africaine pour le développement (BOAD) supporteront les coûts dans la zone d’intervention du PRODAM (500 000 $EU environ).

  2. La Direction de l’élevage du MAEH a également préparé une « Opération de sauvegarde du bétail » prévoyant la fourniture de tourteaux pour les ruminants (390 928 bovins, 713 624 ovins et caprins) et d’aliments pour 207 874 chevaux pendant une durée de 8 mois. Le coût global de cette opération se chiffre à 88 millions de $EU.

  3. L’ONG Catholic Relief Service (CRS), sur la base d’une évaluation de la situation actuelle, prévoit la fourniture d’équipements de traitement des criquets et de protection. Cette ONG compte également acheter des semences et constituer des stocks pour la saison prochaine dans les régions de Diourbel, Fatick et Kaolack.

  4. AFRICARE programme un appui aux communautés villageoises pour lutter contre les prochaines invasions de criquets.

  5. OXFAM va apporter un appui pour le maraîchage de contre-saison.

  6. Un protocole l’accord a été signé le 21 septembre dernier entre les organisations paysannes représentées par le Conseil national de concertation des ruraux (CNCR), l’ANCAR et la DPV pour préciser le mécanisme d’alerte et d’intervention au niveau des Communautés Rurales.

5.3. Propositions d’interventions agricoles d’urgence

Alimentation du bétail

Le déficit fourrager et l’afflux d’animaux d’autres régions ou d’autres pays vont fortement augmenter la demande en aliments du bétail et en produits vétérinaires.

D’autre part, les mouvements d’animaux, notamment les mouvements transfrontaliers, et la concentration du bétail dans les zones disposant de points d’eau et de disponibilités fourragères, vont aggraver les risques sanitaires et les risques de conflits lorsque les transhumances précoces se font dans des zones de culture non encore récoltées ou lorsque la pression sur les points d’eau et les pâturages devient trop forte.

Pour ce qui concerne les aliments du bétail, deux types de situations se présentent:

Tableau 11: Coût total par types d’aliments

Types d'aliments Quantité par
animal (kg)
Nombre
d'animaux
Quantité
(tonne)
Coût total
($EU)
Tourteaux pour bovins 480 8 000 3 840 905 660
Tourteaux pour ovins et caprins 120 10 000 1 200 283 019
Aliments pour chevaux 480 3 000 1 440 339 623
Total     6 480 1 528 302

Tableau 12: Fourniture d'aliment pour le bétail

Désignation $EU
Intrants agricoles 1 528 302
Personnel 80 000
Formation 30 000
Frais généraux de fonctionnement 120 000
Frais directs de fonctionnement 114 290
Total 1 758 302

Cultures de contre-saison

Les cultures de contre-saison contribuent habituellement pour une large part aux revenus des familles rurales. Malgré les risques de nouvelles invasions de criquets, ces cultures vont être pratiquées cette année avec d’autant plus d’intérêt que les familles victimes des invasions de criquets ou des aléas climatiques, vont chercher à compenser leur manque à gagner. Ces cultures intéressent tout particulièrement les femmes et sont susceptibles de limiter l’exode des personnes valides ou même des familles entières. Notons cette année la faible amplitude des crues du fleuve Sénégal et donc la difficulté de pratiquer des cultures de décrue en fin d’hivernage.

Les cultures maraîchères de contre-saison froide, d’octobre à février, sont les plus intéressantes. Les cultures céréalières de contre-saison chaude (février à juin) peuvent compenser un déficit vivrier mais présentent le risque de repousser les semis de la saison principale. Les efforts porteront donc principalement sur les cultures vivrières et maraîchères semées d’octobre à décembre.

Les zones identifiées sont les rives du fleuve, les abords du lac de Guier, la frange littorale et les petits périmètres maraîchers gérés par les associations féminines de la région de Louga, Thiès et Diourbel.

Des semences maraîchères et des engrais seront mis gratuitement à la disposition des familles les plus affectées, c’est-à-dire de celles pour qui les cultures sous pluies représentent la principale, sinon l’unique ressource.

L’organisation des distributions se fera sur la base de l’expérience acquise par les Comités de supervision, de contrôle et de suivi des opérations de cession d’intrants agricoles mis en place en juin 2004 par le MAEH (Arrêté ministériel n° 005231 du 4 juin 2004). Ces Comités impliquent toutes les structures aux niveaux des Communautés Rurales, des communes et des régions.

Tableau 13: Coût total par types d’intrants

Types d'intrants Quantité totale (kg) Coût total ($EU)
Semence de pastèque 14 389
Semence de piment 77 2 470
Semence d'oignon 388 32 923
Semence d'aubergine 106 6 017
Semence de gombo 2 445 36 901
Semence de maïs 6 824 7 726
Semence de sorgho 3 428 3 234
Semence de riz 62 292 47 013
Semence de tomate 58 7 152
Semences de chou 14 440
Engrais (NPK 10-10-20) 466 327 131 979
Total   276 245

Tableau 14: Fourniture d'intrants pour les cultures de contre-saison

Désignation $EU
Intrants agricoles 276 245
Personnel 30 000
Formation 10 000
Frais généraux de fonctionnement 25 000
Frais directs de fonctionnement 22 181
Total 341 245

Cultures d’hivernage

La mission n’a pas identifié de risques majeurs quant à un manque général de semences pour la prochaine campagne agricole dans la mesure où les dégâts dus aux criquets sur les cultures de mil, d’arachide ou de niébé sont très localisés.

Cependant, les ménages victimes des invasions de criquets et pour lesquels les cultures sous pluie représentent la principale ou même l’unique source de revenu, vont se trouver confrontés à de sérieuses difficultés pour acquérir les semences requises pour la prochaine campagne agricole démarrant en mai-juin 2005.

Une assistance en la matière est donc nécessaire. Des semences de mil, niébé, arachide, sorgho et maïs seront ainsi achetéeS et distribuées gratuitement aux ménages identifiés comme victimes des criquets et vulnérables, c’est-à-dire ne disposant pas d’autres ressources que l’agriculture.

Les structures rurales au niveau des villages et des communautés rurales se chargeront de l’identification des bénéficiaires et des distributions.

Comme pour les intrants de contre-saison, l’organisation des distributions se fera sur la base de l’expérience acquise par les Comités de supervision, de contrôle et de suivi des opérations de cession d’intrants agricoles mis en place en juin 2004 par le MAEH. Ces Comités identifieront nominativement les bénéficiaires et déterminerons les modalités de distributions (distributions directes ou foires agricoles).

Tableau 15: Coût total par types d’intrants

Types d'intrants Quantité totale (tonnes) Coût total($EU)
Semence de maïs 23 25 905
Semence d'arachide 412 194 285
Semence de niébé 27 20 724
Semence de sesame 2 2 159
Semence de riz 183 138 158
Semence de mil 11 8 635
Semence de sorgho 9 8 635
Semence de tomate - 139 885
Total   538 386

Tableau 16: Fourniture de semences vivrières

Désignation $EU
Intrants agricoles 344 101
Personnel 40 000
Formation 10 000
Frais généraux de fonctionnement 30 000
Frais directs de fonctionnement 27 567
Total 424 101

5.4 Les recommandations

Le caractère très localisé des graves dégâts commis par les criquets oblige à cibler précisément les zones et les ménages à assister. Le Gouvernement, le PAM, certaines ONG disposent déjà d’un grand nombre de données. Un travail de recueil, de synthèse et éventuellement d’investigations complémentaires, est indispensable pour un ciblage des opérations futures d’urgence de la FAO dans le pays.

Tableau 17: Récapitulatif des opérations d'urgence au Sénégal ($EU)

Fourniture d'intrants pour les cultures de contre-saison 341 245
Fourniture d'aliments du bétail 1 758 302
Fourniture de semences vivrières 424 101
Total général 2 523 648

6.  AIDE ALIMENTAIRE D’URGENCE

6.1  Besoins d'aide alimentaire d'urgence

Si dans ces régions nord et centre du pays, l’invasion acridienne s’est traduite par de très forts dégâts sur les cultures pluviales (mil, niébé et arachides principalement), atteignant parfois les 100% de pertes dans certains villages, en revanche, la sécurité alimentaire des ménages n’est pas sérieusement menacée. En effet, toutes ces zones disposent de mécanismes d’ajustement très performants (élevages, migrations, activités génératrices de revenu, commerce etc.). Même en année normale, les cultures pluviales ont un faible poids dans les revenus des ménages des zones affectées.

On peut en conclure qu’en dépit du péril acridien et des sécheresses localisées, le Sénégal n’est pas exposé pour l’année 2004/2005 à une crise alimentaire majeure nécessitant une distribution massive et gratuite de l’aide alimentaire.

Cependant, il faut toutefois souligner que certains ménages pauvres et/ou vulnérables ont été très fortement affectés.

La situation générale de la campagne est normale, en dépit de la crise acridienne. Les interventions en matière d’assistance alimentaire doivent être centrée sur le structurel. Afin de prendre en compte les effets de cette année sur la sécurité alimentaire des ménages, il sera nécessaire de procéder à des ciblages plus raffinés dans les zones à risque ou vulnérables.

Tableau 18: Zones affectées

Régions infestées Départements affectées Raisons du déficit
Saint-Louis Saint-Louis
  • Sécheresse
  • Criquets
  • Ennemis des cultures
  • Pauses pluviométriques
  • Arrêt précoce des pluies
  • Démarrage tardif des pluies
Dagana
Podor
Louga Louga
Linguère
Kébémer
Matam Ouest Matam
Thies Thiès
Tivaouane
Diourbel M’Backé
Bambey
Fatick Gossas

6.2 Réserve de sécurité alimentaire

Le Sénégal ne dispose pas de stock national de sécurité. Les conditions d’accès aux marchés internationaux sont très bonnes et les liaisons excellentes.

6.3 Capacités logistiques et contraintes

Les capacités de stockage du pays sont très bonnes.

6.4 Utilisation des programmes en cours d'aide alimentaire

Compte tenu de ces constats, la mission recommande dans le domaine de l’assistance alimentaire de:

Le présent rapport a été établi par B. Badjeck, T. Ameziane el Hassani, J.F. Gascon, et Birane Wane, sous la responsabilité des secrétariats de la FAO et du PAM à partir d'informations provenant de sources officielles et officieuses. La situation pouvant évoluer rapidement, prière de s'adresser aux soussignés pour un complément d'informations le cas échéant.

Henri Josserand
Chef, SMIAR, FAO, Rome
Télécopie: 0039-06-5705-4495
Mél: [email protected]
Mustapha Darboe
Directeur régional, ODD, PAM
Télécopie: 0022-1-8423-5632
Mél: [email protected]

Veuillez noter qu'il est possible d'obtenir le présent Rapport spécial sur le site Internet de la FAO (www.fao.org) à l'adresse suivante: http://www.fao.org/giews/

Il est également possible de recevoir automatiquement, par messagerie électronique, les Alertes spéciales et les Rapports spéciaux, dès leur publication, en souscrivant à la liste de distribution du SMIAR. À cette fin, veuillez envoyer un message électronique à l'adresse suivante: [email protected] sans rien écrire dans la ligne "sujet" et en indiquant le message suivant:

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1. Les données utilisées dans cette section proviennent essentiellement de The Economist Intelligence Unit, des publications du FMI et de la Banque Mondiale, ainsi que du Gouvernement du Sénégal.