SYSTEME MONDIAL D'INFORMATION ET D'ALERTE RAPIDE SUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE DE LA FAO

R A P P O R T S P É C I A L

CAP-VERT

MISSION FAO D’ÉVALUATION DES RÉCOLTES ET DES DISPONIBILITÉS ALIMENTAIRES

10 janvier 2005

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Faits saillants

  • Les invasions de criquets mais surtout la sécheresse ont fait chuter la production de maïs au tiers (4 042 tonnes) de son niveau de l’an dernier. L’ensemble des îles ayant une activité agricole est affecté par ces fléaux.
  • Les dégâts des criquets ont été importants sur les pâturages des zones arides et semi-arides, ce qui pose un sérieux problème à l’élevage.
  • Toutefois, comme les invasions arrivent par les parties basses et sèches des îles, il est souvent possible de les contenir par des traitements avant que les criquets ne remontent vers les zones humides et élevées, où ils feraient les plus gros dégâts et trouveraient également les conditions idéales pour se reproduire (sol mouillé). Ce mode de progression en «stase», lié à la forte déclivité des îles, est une différence avec le continent, où les invasions se propagent sur les étendues plates sans rencontrer d’obstacles. Cependant, on a noté cette année au Cap-Vert l’arrivée de vagues successives de criquets, ce qui complique la lutte.
  • Le niveau de couverture par la production nationale des besoins alimentaires du pays, traditionnellement très bas, est encore réduit par les problèmes de cette année, et ce alors que la vulnérabilité alimentaire caractérise une forte partie de la population. En conséquence, la situation alimentaire risque d’être très difficile à brève échéance pour les populations rurales les plus vulnérables. D’ici janvier-février, elle risque même de devenir intenable si ces populations ne reçoivent pas une assistance.
  • Pour assurer un niveau adéquat d’alimentation, une importation de près de 100 000 tonnes de céréales sera nécessaire. Avec des importations commerciales anticipées de 41 500 tonnes et des aides alimentaires annoncées de 27 000 tonnes il subsistera un déficit d’environ 30 000 tonnes nécessitant une assistance alimentaire supplémentaire.
  • Est en jeu non seulement la vulnérabilité alimentaire à la campagne mais aussi celle existant dans les villes, qui concentrent environ la moitié de la population. Les travaux publics («cash for work», financé par les fonds de contrepartie d’aide alimentaire) sont la modalité d’accès à l’aide alimentaire mais ne bénéficient qu’à la population des campagnes.
  • Une action d’urgence est recommandée par la Mission afin de reconstituer la capacité productive des agriculteurs, notamment en fournissant des semences, qui soient adaptées aux conditions agro climatiques du pays.

1. VUE D’ENSEMBLE

Une Mission conjointe FAO/CILSS d’évaluation des récoltes et des disponibilités alimentaires a séjourné au Cap-Vert du 25 octobre au 3 novembre 2004. La mission a travaillé en collaboration avec les différents services nationaux concernés par le suivi de la campagne agricole à l'occasion d’une séance de travail avec le GTP en vue de valider les informations relatives à la campagne agricole. Elle a également rencontré les différentes structures (nationales, organismes de coopération, ONG) impliquées dans le suivi de la sécurité alimentaire et la mise en œuvre du programme d'aide alimentaire, à savoir:

La Mission, accompagnée des membres du Groupe de travail pluridisciplinaire (GTP), s’est rendue sur le terrain dans l'île de Santiago et l’île de Fogo (qui fournissent l’essentiel de la production agricole) afin d'apprécier l'état des cultures, la situation relative aux criquets pèlerins et de recueillir les avis de quelques producteurs et techniciens des délégations de terrain sur le déroulement et l'issue de la campagne et sur les mesures de soutien d’urgence et à long terme à définir.

La Mission a pu observer les dommages importants causés à la production alimentaire de l’Archipel par l’effet combiné de la sécheresse et des criquets. La production de maïs en culture pluviale a été réduite des deux tiers par rapport à l’année précédente. Or, même si la production capverdienne ne subvient traditionnellement qu’à une faible part de la consommation nationale, la sévère chute enregistrée cette année aura des conséquences rapides et profondes sur la sécurité alimentaire en raison du fait que ce maïs est autoconsommé, et qu’une forte proportion des agriculteurs sont dans une situation de grande pauvreté et de vulnérabilité alimentaire. C’est d’autant plus vrai que le haricot, en général associé au maïs est lui-même très affecté par la sécheresse, y compris dans les zones sub-humides, où les arrêts de maturation nécessiteront dans un bon nombre de cas de donner les plantes (maïs ou haricots) à manger aux bêtes à partir de décembre ou janvier.

Les criquets et la sécheresse ont causé de gros dégâts dans les pâturages des zones arides et semi-arides. L’état des animaux commence à s’en ressentir et des efforts particuliers devront être faits pour mettre à la disposition des éleveurs des aliments du bétail, notamment en apportant du foin prélevé sur les parties hautes des îles, plus humides.

Les difficultés rencontrées cette année rendent plus aigus les problèmes de vulnérabilité alimentaire du pays, que ce soit en zone rurale ou urbaine. La couverture des besoins se fait souvent au moyen de la «monétisation» de l’aide par création d’emplois rémunérés sur l’initiative des autorités afin d’effectuer des travaux publics. Toutefois, ce mécanisme n’existe pas en milieu urbain, où le PAM et la Croix-Rouge, ainsi que des ONG, dispensent une aide alimentaire cruciale, mais dont on peut penser qu’elle reste en deçà des besoins.

L’enquête actuellement menée par la Direction de la sécurité alimentaire en collaboration avec le PAM permettra de mieux préciser les besoins, ainsi que le ciblage de l’aide alimentaire en fonction des critères de pauvreté. Un arrêt des activités du PAM au-delà de 2006 poserait le problème de savoir comment faire face aux problèmes engendrés par la pauvreté. Le passage du Cap-Vert dans la catégorie des pays « moyennement développés » sur le plan humain ne se traduit pas nécessairement en effet par une réduction suffisamment significative des « poches » de pauvreté et de vulnérabilité alimentaire, en particulier en milieu urbain.

Cette crise due aux criquets et à la sécheresse pose au secteur agricole à la fois un problème d’urgence et un problème de redéfinition de ses méthodes de travail. Ces deux questions sont éminemment liées, l’urgence pouvant être une incitation supplémentaire à passer à des solutions jugées comme plus porteuses d’avenir. Un plan est nécessaire à très court terme pour préserver les équilibres nutritionnels de la population agricole, sauver le cheptel et reconstituer la capacité de production pour la prochaine campagne, en particulier en ce qui concerne les semences. A un terme moins immédiat, la reconversion vers la micro irrigation, seule solution viable compte tenu de la modicité des réserves en eau du pays, et la création d’unités d’élevage familial plus rationnel doivent être encouragées.

2. CONTEXTE SOCIO-ÉCONOMIQUE

Le Cap-Vert est un archipel situé à quelques centaines de kilomètres au large du Sénégal. D’une superficie totale de 4 033 km2, sa population atteint 468 000 habitants et connaît un taux de croissance de 2,4 pour cent. Environ 55 pour cent de la population vit sur l’île de Santiago et 25 pour cent à Praia, la capitale du pays. Les Capverdiens résidant à l’étranger sont plus nombreux que les habitants de l’archipel et contribuent pour une large part à l’essor économique du pays, auquel ils demeurent très attachés.

L’économie du Cap-Vert est dominée par le manque de ressources naturelles et par la survenance répétée de sécheresse dans les diverses îles qui composent l’Archipel. Le secteur des services représente 71,6 pour cent du PIB, l’industrie, dont la construction est la principale composante, 17,2 pour cent et l’agriculture et la pêche, seulement 11,2 pour cent. La faible part de l’agriculture ne doit pas masquer le fait que ce secteur emploie environ la moitié de la population active.

Les progrès enregistrés par l’économie du Cap-Vert sont liés à la politique économique suivie ainsi qu’aux envois de fonds par les émigrés capverdiens, particulièrement nombreux dans certains pays, comme les États-Unis. Ces envois représentent 15 pour cent du PIB. Essentiel pour le maintien des équilibres budgétaires est aussi l’aide publique au développement reçue par le pays, dont 90 pour cent est non remboursable. Toutefois, l’accès récent du Cap-Vert à la catégorie des pays moyennement développés est susceptible de limiter son éligibilité à certains mécanismes d’aide.

La croissance est élevée, 7 pour cent annuels sur les 10 dernières années, mais est descendue à 4 pour cent en 2003. L’inflation, très maîtrisée en raison notamment de la parité fixe avec l’Euro, devrait atteindre 1,9 pour cent en 2005/06. Le PIB par tête est parmi les plus élevés d’Afrique, avec 1 438 EU par an. L’émigration permet d’absorber une partie de la croissance démographique, qui se traduit néanmoins par le chiffre très élevé de 3 000 nouvelles arrivées annuelles sur le marché du travail.

Le Cap-Vert est classé au 103ème rang de l’indice de développement humain du PNUD, sur un total de 175 pays. Il se place au deuxième rang en Afrique, après l’Île Maurice et fait ainsi partie de la catégorie de développement humain moyen. L’éducation reçoit 26 pour cent du budget de l’État et le taux d’analphabétisme n’est que de 25 pour cent en 2001, alors que l’espérance de vie s’établit à 69,7 ans. Pour autant, la vulnérabilité alimentaire caractérise une part importante de la population.

Les cultures principales sont la canne à sucre, le maïs et les haricots, mais également des cultures de rente, qui sont encouragées par l’État, comme les fruits et légumes, le café et le raisin pour la vinification (île de Fogo). Les surfaces sont petites, ce qui reflète la division des propriétés à la suite des héritages. L’agriculture est handicapée par des conditions climatiques arides et n’assure donc que 15 pour cent des besoins alimentaires du pays en année normale. La sécurité alimentaire repose pour une forte part sur l’aide alimentaire, entre 30 000 et 40 000 tonnes étant octroyées chaque année par la communauté internationale.

3. PRODUCTION ALIMENTAIRE DE LA CAMPAGNE 2004/05

3.1 Pluviométrie

La saison pluvieuse a démarré le 19 et 20 juillet dans l’île de Fogo suite aux fortes pénétrations des vents humides qui, associées à certaines conditions locales, ont occasionné des précipitations très localisées. Les précipitations enregistrées en juillet ont marqué le début de la campagne agricole dans certaines localités des îles de Santiago et Fogo. Elles ont permis par endroits le démarrage des premiers semis en humide et favorisé la germination des semis en sec du maïs dans l’île de Santiago. A la fin juillet, le cumul pluviométrique a été partout déficitaire par rapport à celui de l’année dernière et à la moyenne 1986-2000.

La pluviométrie s´est améliorée de manière significative en début août. Des pluies abondantes ont été enregistrées le 2 août dans les îles du Nord: Santo Antão, São Vicente et São Nicolau. Des quantités maximales ont été relevées à Rabo Curto (184,0 mm) dans l´île de Santo Antão et à Mato Inglês (91,5 mm) dans l’île de São Vicente. Ces pluies diluviennes ont sérieusement endommagé les infrastructures routières et quelques habitations dans les îles de Santo Antão et São Vicente. En revanche, les pluies ont été très faibles et modérées dans les îles plus agricoles du sud (Santiago et Fogo). Le Nord de l´île de Santiago a été plus arrosé avec 59,2 mm dans la localité de Achada Carreira. A Fogo, les quantités de pluies enregistrées ont été plus faibles ne dépassant pas 20,0 mm dans la localité de Cocho.

Au cours de la deuxième décade du mois d´août, la pluviométrie est restée faible et mal répartie dans l´ensemble de l´Archipel. C´est à la fin de la troisième décade d´août que la pluviométrie s´est améliorée de manière significative dans les îles de Santiago et Fogo. Une hauteur maximale de 102 mm a été relevée à Achada Furna dans l´île de Fogo. Ceci a permis une installation effective des cultures dans toutes les îles agricoles avec la généralisation des semis en humide de maïs et de haricots.

La première décade de septembre a été sèche. Les pluies ont repris avec de faibles quantités au début de la deuxième décade de septembre devenant plus abondantes et régulières au cours de la troisième décade de septembre dans toutes les îles à vocation agricole et plus particulièrement à Santiago et Fogo.

Des poches de sécheresse assez longues survenues en août et septembre ont limité considérablement le bon développement des cultures et se traduiront même dans bon nombre de cas par une perte totale de celles-ci, les végétaux devant dans ce cas servir à l’alimentation des animaux (chèvres, en particulier) à partir de la fin de l’année. De nombreux resemis de maïs et de haricots ont été effectués et se sont poursuivis tardivement en début septembre dans les îles de Santiago, Fogo et Santo Antão. Cette situation a engendré dans les zones semi-arides et arides des stress hydriques sévères sur les cultures de maïs et d´haricot. Les resemis de maïs et de haricots effectués à la fin août début septembre accusent un retard important dans leur cycle de croissance.

Au cours des deux premières décades du mois d´octobre, les pluies ont été particulièrement rares. Une seule pluie a été enregistrée le 8 octobre, avec cependant des quantités relativement importantes dans certaines localités des îles de Santiago (Serra Malagueta: 160,5 mm) et Fogo (Cocho: 93 mm). Par contre, les îles du Nord sont restées sèches depuis le 24 septembre.

A la date du 28 octobre, le cumul pluviométrique saisonnier est déficitaire par rapport à celui de 2003, comme le montre le graphique ci-dessous:

Les perspectives de récolte du maïs et des haricots sont quasi nulles dans les zones semi-arides. Par contre, dans les zones humides et sub-humides, le maïs est en pleine phase de maturation des graines alors que les haricots de cycle long sont en ramification avancée et ceux de cycle court en cours de récolte.

3.2 Hydrologie

La situation hydrologique a été caractérisée par quelques écoulements superficiels et temporaires après les fortes pluies enregistrées dans les îles de Santo Antão et São Vicente au cours de la première décade du mois d´août.

Sur l’île de Santiago, la plus grande île agricole, un seul écoulement superficiel a été enregistré par endroits, suite aux précipitations du 8 octobre.

Comparée à la situation hydrologique de l’an passé, celle de cette année 2004 reste très déficitaire.

En perspective, la recharge des nappes sera nettement insuffisante pour assurer un bon déroulement des activités de production des cultures irriguées (maraîchères) et un approvisionnement régulier en eau des populations rurales, particulièrement dans les localités situées en altitude.

3.3 Situation acridienne

L´invasion acridienne a commencé le 5 juillet avec l´arrivée d´un premier essaim de criquets pèlerins sur les côtes des îles de Boavista, Maio, Santiago et Fogo. Une deuxième vague encore plus dense arrivée un mois après, le 5 août, a eu le temps de pondre dans les sites infestés malgré l´efficacité des traitements sur les adultes. Les premières éclosions sont apparues après les pluies du mois d´août formant les premiers foyers de larves dans les îles de Santiago, Maio et Boavista. Pendant que les traitements contre les larves se poursuivaient pour arrêter la progression des foyers d’infestations et l´évolution des larves vers le stade adulte, de nouvelles éclosions se produisaient dans les îles de Santiago et Maio.

La situation s’est aggravée, le 20 septembre, avec l´arrivée d´une nouvelle vague d’essaims qui a atteint les îles de Santo Antão, São Nicolau, Sal, Maio, Fogo et Santiago. Depuis le 8 octobre, des vagues successives et très denses de criquets pèlerins se posent régulièrement sur les îles de São Antão, Maio, Boavista, São Nicolau, Santiago, Fogo et Sal.

La FAO a approuvé un Programme de coopération technique d’un montant de 150 000 $EU au profit du Cap-Vert ainsi que deux autres projets régionaux destinés à renforcer les capacités nationales de protection des végétaux pour assurer un suivi effectif et régulier de la situation acridienne et la mise en œuvre rapide des interventions. Le Royaume du Maroc a fourni un appui consistant en 2 pilotes, 3 mécaniciens, 2 avions et 10 000 litres de pesticides. Également, la Coopération portugaise a fourni 7 600 litres de carburant (Jet A1).

Les premières interventions du mois de juillet et de début août ont été très localisées, avec des résultats satisfaisants. Entre le 10 août et le 26 octobre 2004, une superficie totale de 2 400 hectares ont été traités dans les différentes îles (îles de Santiago, Maio, Santo Antão, São Nicolau, Boavista, Sal, Maio, Santiago et Fogo), dont 1 000 hectares à Boavista et Maio par voie aérienne.

Les produits utilisés sont le Fenitrothion EC 50, Fenitrothion ULV 20, Carbaryl 5 pour cent DP et Propoxur (Unden 75 pour cent WP et Unden 52 pour cent DP) pour les traitements terrestres et le Chlorpyriphos 240 ULV pour les traitements aériens. Les résultats des traitements ont été jusqu’ici satisfaisants malgré quelques difficultés, dues essentiellement au relief montagneux des îles, surtout à Santo Antão.

Il reste que la menace acridienne est encore réelle au regard de la mobilité des criquets pèlerins et de la situation toujours préoccupante qui prévaut en Mauritanie et au Sénégal, d´où partent les essaims. Les derniers essaims qui sont arrivés dans le pays sont constitués d’individus de couleur jaunâtre en phase de reproduction. Des pontes ont été déposées dans les zones infestées et pourraient donner lieu à de nouvelles éclosions lorsque les conditions météorologiques redeviendront favorables, notamment l’humidité du sol.

3.4 Approvisionnement en intrants agricoles

Au Cap-Vert, l’utilisation de l’engrais est peu pratiquée sur les cultures pluviales. Pour ces cultures, la fertilisation des sols se fait à travers la fumure organique. Par contre, dans les cultures irriguées, l’engrais chimique est de plus en plus utilisé. Cette année, on estime à 1,5 tonnes la quantité d’engrais NPK et Urée utilisée pour les cultures de courges, choux, carottes, etc.

Le tableau ci-dessous donne la situation des distributions de semences par le Gouvernement au titre de la campagne 2004/05. Au total, 600 tonnes de semences de maïs et 490 tonnes de haricots ont été mises à la disposition des producteurs.

Tableau 1. Quantités de semences distribuées par île (en litres)

Iles/Communes Quantités de semences distribuées
Maïs Haricot
(fève)
Phaseolus
vulgaris
Pois
d’Angole
Vigma
Unguilata
Phaseolus
lunatus
Arachide
São Nicolau 200   100   100 100  
São Vicente 100 40 20 20 30 25  
Boavista 200 50   50 100 100  
Maio 100       150 100  
Brava   100         200
Praia/S.Dom   300 400 250 500    
Total 600 490 520 320 880 325 200

3.5 Production agricole 2004

3.5.1 Prévisions de récoltes céréalières 2004/05

a) Superficies

Les superficies en maïs de la campagne 2004/05 ont été estimées à 25 963 ha. Elles sont en baisse de 19 pour cent par rapport à celles de la campagne 2003/04. Santiago, Fogo et Santo Antão, les plus grandes îles agricoles, ont connu respectivement 16, 22 et 23 pour cent de baisse de superficies emblavées en maïs.

L’analyse par strate montre une légère hausse de 4 pour cent dans les zones humides, une baisse d’environ 25 pour cent dans les zones sub-humides et 19 pour cent dans les zones semi-arides.

Tableau 2. Superficies 2004 comparées avec 2003 (en pourcentage)

Iles Superficies (ha) Total
Humide Sub-humide Semi-aride
S. Antão 29 -34 -37 -23
São Nicolau 31 -6 -3 -1
Boa Vista     -97 -97
Maio     -3 -3
Santiago - -23 -9 -16
Fogo 10 -25 -27 -22
Brava - - - -
Total 4 -24 -19 -19

b) Rendements

Le rendement moyen du maïs prévu pour la campagne 2004/05 est d’environ 155,7 kg/ha, soit 59 pour cent de baisse par rapport à celui de l’année dernière. Dans la zone semi-aride, les rendements sont nuls pour toutes les îles. C’est dans la zone sub-humide que les rendements sont les plus élevés.

Tableau 3. Rendement de maïs campagne 2004/05 en kg/ha

Iles Rendement (kg/ha) Total
Humide Sub-humide Semi-aride
S. Antão 340,6 736,6 - 296,2
São Nicolau - 971,6 - 591,1
Boa Vista     - -
Maio     - -
Santiago 351,0 190,5 - 137,9
Fogo 235,6 107,7 - 77,9
Brava - - - -
Total 288,9 259,0 - 155,7

c) Production céréalière prévisionnelle

La production prévisionnelle de la campagne 2004/05 est évaluée à 4 042 tonnes de maïs. Elle connaît une baisse de 67 pour cent par rapport à celle de l’année passée évaluée à 12 154 tonnes.

L’analyse par île montre que la production est nulle dans les îles de Brava, Maio et Boavista. Dans les autres îles agricoles, la baisse par rapport à la campagne précédente est de 55 pour cent à Santiago, 67 pour cent à Santo Antão, 77 pour cent à Fogo et 64 pour cent à São Nicolau.

Tableau 4. Prévision de récoltes 2004/05 du maïs (en tonnes)

Iles Production
Humide Semi-humide Semi-aride Total
Fogo 197 176 - 372
São Nicolau - 445 - 445
São Antão 13 929 - 942
Santiago 690 1 593 - 2 282
Brava - - - -
Maio * * - -
Boavista * * - -
Total 899 3 143 - 4 042

3.5.2 Autres productions agricoles

Les autres productions agricoles concernent les légumineuses et les cultures horticoles (bananes et légumes). Le niébé est cultivé en association avec le maïs. Cette année, les récoltes de niébé seront particulièrement faibles en raison de l’insuffisance des pluies et des invasions acridiennes. Les cultures de contre-saison s’étendent de novembre à avril/mai, mais peuvent aller jusqu’au mois de juillet en fonction de la disponibilité de l’eau. Au cours de cette campagne de contre-saison, les superficies irriguées seront plus faibles que celles de 2003/04 à cause de la faible recharge des nappes consécutive au déficit pluviométrique en 2004.

3.5.3 Production animale

Les pâturages spontanés et naturels se sont peu développés compte tenu de l’irrégularité des pluies et de l’invasion des criquets pèlerins. Les îles les plus touchées sont celles de Maio, Boavista et Santo Antão, où les pâturages sont pratiquement inexistants entraînant des problèmes nutritionnels et des pertes de poids du cheptel.

Dans les zones sub-humides et humides des îles de Santiago, Fogo, Santo Antão et São Nicolau, la production fourragère de la présente campagne reste limitée par rapport à celle de l´année dernière. Dans ces îles, la production fourragère des zones semi-arides et arides est nulle, sauf au niveau de quelques périmètres forestiers de S. Nicolau et Santiago.

La situation sanitaire du cheptel est globalement satisfaisante dans l´Archipel. Aucun développement de foyers pathogènes n´a été signalé. Une campagne de vaccination contre le rouget du porc est en cours dans l´île de Santo Antão. Dans les zones humides et sub-humides, l´alimentation du bétail est adéquate. En revanche, on note des cas de carences légères dans les zones semi-arides des îles de Fogo, Santo Antão, São Nicolau et Santiago, mais sans effet significatif sur le poids des animaux.

3.6 Impact des criquets pèlerins sur les cultures et les pâturages

Les premières invasions acridiennes de juillet et août n’ont pas causé de dégâts significatifs sur les cultures. Ce sont surtout les essences forestières, notamment les acacias qui ont subi des attaques. En revanche, les larves issues d’éclosions locales ont causé par endroits des dégâts de plus grande ampleur sur les cultures de maïs, haricot et arachide aussi bien que sur les graminées spontanées.

Dans les îles Santiago et Maio, les dégâts causés par les larves ont été plus significatifs sur les pâturages que sur les cultures de maïs, haricot et arachide.

Malgré l’efficacité des interventions, les derniers essaims sont parvenus à envahir les zones de cultures notamment à Santo Antão. Dans cette île, plus de 30 pour cent de la zone cultivée dans la localité de Ribeirão Campo de Cão ont été dévastés par les essaims de criquets.

Le tableau ci-dessous indique les zones infestées par le criquet pèlerin et l’ampleur des dégâts.

Tableau 5. Situation de l’invasion acridienne dans les îles

Îles Localités infestées Degâts
Santiago TARRAFAL (Chão Bom/Colonato)
SANTA CATARINA (Engenhos, Mem Martins, Figueira das
Naus, Charco/João Gago, Palha Carga, Achada Leite, Covão
de Laranjo, Torril de Ribeira Barca)
PRAIA/S. DOMINGOS (Palmarejo, Banana, Mendes Faleiro
Cabral, Costa Capela, Mato Afonso, Monte Coelho, Tchocona)
SANTA CRUZ (Bom Pó, Poilão)
Dégâts plus significatifs sur les
pâturages que sur les cultures
du maïs, haricots et arachides.
Maio Chão de Campo, Cascabulho, Monte Batalha, Monte
Vermelho, Laje Branca, Santo António, Figueira, Chico Vaz,
Terras Salgadas Morrinho
Dégâts significatifs sur les
cultures du maïs, haricots et
arachide et pâturages.
Boa Vista Praia de Chaves, Mar Fundinho, Praia de Santa Mónica,
Povoação Velha
Dégâts importants sur les
pâturages.
Fogo Monte Genebra Dégâts importants sur les
pâturages.
Santo Antão RIBEIRA GRANDE (Boca de Coruja, Garça, Chã de Cuscus,
Ladeira de Cucupinha, Ladeira de Violenta, Fajã Grande, Chã
de Cavado, Espadana, Lagoa Recanto, Lagoa Campainha,
Lagoa Matinho, Lagoa Fundão)
PORTO NOVO (Ribeirãozinho, Lombo das Lanças, Chã de
Parede) Ribeirão/Campo de Cão
Dégâts significatifs sur les
pâturages et essences
forestières. 30 pour cent de la
zone cultivée détruite.

3.7 Analyse régionale

3.7.1 Situation de l’île de Santiago

La pluviométrie a été à la fois insuffisante et irrégulière dans les différentes municipalités. Des stress hydriques assez prononcés ont été observés dans certaines localités de Tarrafal et São Domingo. A Santa Cruz et São Domingo, les semis tardifs de maïs ont accusé par endroits des retards de croissance dus au manque d’eau en août et septembre. Les pâturages ont également été affectés par l’insuffisance de la pluviométrie dans les zones semi-arides. A cela s’est ajoutée l’invasion acridienne, dont les attaques ont été plus marquées sur les pâturages.

La production de maïs sera très faible comparée à celle de la précédente campagne agricole. Dans la zone semi-aride, aucune récolte n’est attendue. Les cultures de contre-saison seront limitées à cause de la faible recharge des nappes phréatiques.

La situation alimentaire sera difficile dans les prochains mois, particulièrement dans la strate semi-aride dans les municipalités de Tarrafal, São Miguel, Praia Rural, Santa Cruz, Santa Catarina et São Domingo. La menace acridienne est encore réelle avec l’arrivée de vagues successives de nouveaux essaims de criquets pèlerins dans l’île.

3.7.2 Situation de l’île de Fogo

La situation est considérée très mauvaise par rapport à l’an passé. La sécheresse est très visible presque partout sur l’île, sauf dans une petite partie du Nord vers l’Est de l’île qui correspond à la zone humide (les précipitations arrivant par le nord, tandis que le sud en bénéficie beaucoup étant donné la barrière que constituent les parties montagneuses, ce qui est une caractéristique générale des îles). Mais même dans cette zone, les cultures pluviales souffrent, ainsi que les pâturages.

Les zones fortement affectées par les criquets pèlerins sont le littoral de Monte Verde semi-aride (zones pastorales de l’île, presque 80 pour cent de petits ruminants y sont concentrés), et la commune de São Filipe, chef-lieu de l’île. La végétation de ces zones est constituée des acacias et des herbacés (graminées de cycle court). Les pertes des pâturages sont évaluées à 100 pour cent.

La situation alimentaire pour le moment n’est pas alarmante au sein de la population mais tout indique que d’ici les mois de janvier-février l’alerte se déclenchera. Les éleveurs commencent déjà à diminuer leurs troupeaux. Un plan pour faire face à la situation alimentaire des populations est déjà élaboré par les autorités locales. Les perspectives de récolte du maïs et des haricots sont très faibles et les pâturages sont rares.

4. SITUATION DE L’OFFRE ET DE LA DEMANDE ALIMENTAIRES

4.1 La gestion de l’importation, source de 85 pour cent de la consommation nationale

L’Agence nationale de sécurité alimentaire (ANSA), a repris la gestion du marché national des denrées de base à la suite de la suppression de Empresa Pública de Abastecimento (EMPA : Entreprise publique d’approvisionnement) et de MOAVE, entité qui avait compétence sur l’importation de blé. L’importation elle-même est confiée à 7 firmes d’importation, spécialisées par céréales. La fonction de l’agence est notamment de tenir à jour, en lien avec le Ministère de l’agriculture, les différentes informations pour juger de l’état du marché, en particulier au moyen d’un observatoire des prix, de gérer les aides alimentaires de certains pays en procédant à des adjudications, de planifier les apports et de suivre les mouvements de marchandise par les importateurs privés afin de s’assurer de la bonne tenue du marché, sur la base de prix plafond de référence. L’ANSA dispose d’un stock financier d’un million d’Euros octroyé par l’Union européenne pour intervenir en cas de difficultés sur le marché. L’agence ne gère pas le maïs produit nationalement. En effet, comme celui-ci est autoconsommé, il est peu affecté par les importations.

4.2 L’approvisionnement du marché en 2003/04

L’approvisionnement du marché a été satisfaisant en 2003/04. Les résultats définitifs obtenus à partir de l’enquête agricole 2003/04, donnent une production totale de maïs de 12 154 tonnes, ce qui équivaut à une production disponible pour la consommation évaluée à 10 331 tonnes. Les stocks initiaux totaux, publics et privés, s´élevaient à 27 190 tonnes, dont 14 316 tonnes de maïs, 10 025 tonnes de riz et 2 849 tonnes de blé. Les importations du 1/11/2003 au 31/10/2004 de céréales (commerciales et aides) se sont élevés à 60 416 tonnes réparties comme suit:

Tableau 6. Importations de céréales en 2003/04 (en tonnes)

Produits Importations
commerciales
Aides
alimentaires
Total
Maïs 9 500 14 096 23 596
Riz 15 758 4 009 19 767
Blé 11 149 5 904 17 053
Total 36 407 24 009 60 416

Contrairement à la nette tendance des 10 années antérieures, les aides alimentaires sont inférieures aux importations commerciales.

4.3 Bilan céréalier prévisionnel 2004/05

a) Besoins en céréales

La population totale du Cap-Vert au 30 avril 2005 sera d’environ 478 450 habitants estimée sur la base du taux d’accroissement annuel de 2,4 pour cent. On prendra comme hypothèse de consommation par tête la moyenne de consommation apparente des 5 dernières campagnes. Cela donne des besoins pour la consommation humaine évalués à 102 044 tonnes. Ce total correspond à une consommation par tête de 44,0 kg de blé, 65,5 kg de riz et 103,7 kg de maïs, soit au total, pour ces trois denrées, de 213,2 kg.

b) Disponibilités céréalières

La production prévisionnelle est estimée à 4 042 tonnes. Considérant 15 pour cent de pertes et réserves de semences, la production disponible du maïs est évaluée à 3 436 tonnes.

Concernant les stocks, on part de l’hypothèse d’une variation de stocks nulle au cours de la campagne.

Les données de prévisions d’importations commerciales disponibles lors du passage de la mission se chiffrent à 41 500 tonnes. Selon le PAM/Interfais, 27 000 tonnes d’aides alimentaires sont annoncées pour l’année commerciale 2004/05. Les importations prévues se répartissent comme suit:

c) Bilan céréalier prévisionnel pour 2004/05

On voit qu’il existe un besoin non encore couvert de d’environ 30 000 tonnes (soit près de 30 pour cent de la consommation nationale) dont près de la moitié concerne le maïs et près du tiers le riz.

En raison de cette très mauvaise campagne agricole enregistrée cette année et des déficits importants de production attendus dans l’ensemble des îles agricoles du pays, la situation alimentaire risque d’être très difficile à brève échéance pour les populations rurales les plus vulnérables. D’ici janvier-février, elle risque même de devenir intenable si ces populations ne reçoivent pas une assistance.

Tableau 7. Bilan céréalier prévisionnel pour 2004/05 1/

  Riz Blé Céréales
sèches
Total
Population au 30/04/05       478 450
DISPONIBILITES INTERNES - - 4,0 4,0
Variation de stocks - - -  
Production brute - - 4,0 4,0
EMPLOIS 31,3 21,1 50,2 102,6
Consommation humaine 31,3 21,1 49,6 102,0
Pertes et semences - - 0,6 -
BESOINS D'IMPORTATION 31,3 21,1 46,2 98,6
Importations commerciales prévues 16,0 10,5 15,0 41,5
Aide alimentaire 4,0 4,0 19,0 27,0
Déficit non couvert 11,3 6,6 12,2 30,1
1/ Les besoins de consommation de la population sont estimés à partir de la consommation apparente moyenne des cinq dernières années, ce qui pourrait conduire à des resultats différents de ceux du CILSS qui utilise des normes de consommation fixes.

La situation alimentaire est aggravée par la faible production de fourrages, qui aura un impact très négatif sur la production animale. Selon les informations recueillies auprès du Délégué du Ministère de l’agriculture à Fogo, les éleveurs commencent déjà à diminuer leurs troupeaux et un plan pour la situation alimentaire des populations a déjà été élaboré par la Municipalité de São Filipe, en coopération avec la Délégation du Ministère de l’agriculture.

De plus, la faible recharge des nappes phréatiques ne permettra pas l’exploitation d’importantes superficies de cultures maraîchères pour compenser les déficits et améliorer le pouvoir d’achat des populations affectées. Du reste, on assiste déjà à une montée des prix des légumes. Par contre, l’Agence nationale de sécurité alimentaire (ANSA) a noté une baisse des prix des produits vivriers sur les marchés.

Le Gouvernement est en train de préparer une requête pour une aide alimentaire d’urgence. Cette aide ne fait pas l’objet d’une distribution gratuite mais plutôt d’une monétisation pour financer les postes de travail en faveur des populations vulnérables. En plus des programmes de sécurité alimentaire (PSSA) et de lutte contre la pauvreté, les efforts déployés par le Gouvernement pour améliorer la sécurité alimentaire nationale bénéficient d’une assistance en aide alimentaire de divers partenaires.

5. ELÉMENTS D’ANALYSE DES FACTEURS DE VULNÉRABILITÉ ALIMENTAIRE AU CAP-VERT

Une enquête est en cours de réalisation en collaboration entre le PAM et la Direction de la sécurité alimentaire en vue de procéder à une « cartographie sociale » (mapeamento social) et, ainsi, de cibler avec une précision accrue l’aide alimentaire en fonction de la vulnérabilité. Dans l’attente des résultats de cette enquête, on peut faire une analyse d’ordre général sur la vulnérabilité alimentaire.

Une distinction doit d’abord être faite entre la vulnérabilité affectant les ménages ruraux et celle qui se manifeste en milieu urbain. La pauvreté rurale est bien documentée, alors que la pauvreté urbaine semble l’être moins au vu des investigations, sans doute rapides, faites par la Mission. Certes, il y a de toute manière un lien logique profond entre l’une et l’autre, dans la mesure où c’est la première qui est principalement à l’origine de l’exode rural et donc du développement de la seconde. Mais l’urbanisation croissante du pays met au premier plan la question de savoir comment lutter contre la vulnérabilité alimentaire dans les villes, quelles que soient ses causes originelles.

Cette remarque étant posée, deux études réalisées par la Direction des services de sécurité alimentaire du Ministère de l’environnement, de l’agriculture et des pêches, intitulées respectivement: «Especial campanha 2003» et «Inquérito de seguimento da segurança alimentar das familias – Santo Antão 2003» donnent des indications importantes sur la vulnérabilité dans le secteur rural (diverses îles agricoles et, spécifiquement, Santo Antão). Il ressort que 27 pour cent des ménages agricoles étaient en situation de risque alimentaire à Santo Antão (35 pour cent dans la seule municipalité de Porto Novo), et 24 pour cent dans l’île de São Nicolau. D’autre part, un examen de la situation à l’échelle des quatre îles agricoles révèle une malnutrition alarmante chez les enfants de moins de 5 ans.

De manière surprenante, l’incidence de la malnutrition chronique dans les zones humides et sub-humides est très élevée par rapport à son niveau dans les zones arides et semi-arides pourtant en principe moins productrices de nourriture. Comme l’agriculture et l’élevage sont le plus souvent quasiment les deux seules sources de revenu en milieu rural, et que la production sert avant tout à l’autoconsommation (sauf les fruits et légumes), le déroulement de la campagne agricole, notamment le régime des précipitations, a une incidence directe sur la sécurité alimentaire des ménages agricoles. A ce titre, il est évident que l’année 2004/05 va demander un effort particulier pour couvrir les besoins alimentaires en milieu rural et pour reconstituer la base productive, en particulier en ce qui concerne les semences.

Comme l’aide alimentaire provenant des pays est dans sa presque totalité «monétisée», c’est-à-dire qu’elle est attribuée selon la procédure dite du «cash for work», le problème de savoir comment y ont accès les catégories de la population qui ne peuvent pas se prêter à un travail physique, tels les vieillards et les malades, deux catégories éminemment vulnérables sur le plan alimentaire, est crucial. D’autre part, on remarquera que cette aide va au seul milieu rural, dans la mesure où son objectif est la reconstitution de la capacité productive des agriculteurs après qu’ils ont été frappés par des fléaux. Cela laisse tout entier le problème de la vulnérabilité alimentaire en milieu urbain.

Celui-ci est bien bénéficiaire des prestations du PAM1 et de la Croix-Rouge, notamment sous la forme de distributions d’aliments dans les écoles et les jardins d’enfants. Mais il subsiste des «trous» dans le filet de sécurité, censé protéger le milieu urbain. Des consultations auprès des services compétents et des ONG caritatives montrent bien que, malgré divers progrès réalisés dans le cadre de vie urbain (qualité de la distribution électrique, pavage des rues, habitats en dur remplaçant les bidonvilles), la pauvreté y est une réalité fort prégnante, des familles vivant avec de très faibles revenus, et souvent un revenu unique en raison de la structure des ménages (forte proportion de femmes chefs de famille). A noter, parmi diverses facettes de ce phénomène, le fait que la pension minimale de retraite assurée par État ne se monte qu’à 1 500 Escudos par mois, soit environ 14 Euros et n’est attribuée qu’à une partie des ayants droit potentiels.

Il faut remarquer au sujet de la vulnérabilité alimentaire que le pays est éligible au «Millenium Challenge Account», et que ce mécanisme d’aide porte notamment sur la réduction de la pauvreté. La substance des accords au titre du MCA fait l’objet de discussions entre le gouvernement du Cap-Vert, les institutions de Bretton Woods et les bailleurs de fonds bilatéraux.

6. RECOMMANDATIONS POUR UNE ASSISTANCE AGRICOLE D’URGENCE

La brusque chute de la production agricole et les dégâts causés aux pâturages demandent une action d’urgence en vue de reconstituer la capacité productive et de frayer la voie vers des activités plus rentables et plus durables.

La Mission comprenait un expert travaillant plus particulièrement sur cette question, ce qui a donné lieu à un rapport pour la Division des urgences de la FAO. Il ressort de cette investigation les points saillants suivants:

7. EVALUATION DES BESOINS NON-ALIMENTAIRES À LONG TERME: LA RÉORIENTATION GRADUELLE DE L’AGRICULTURE CAP-VERDIENNE

Les plans du Ministère de l’environnement, de l’agriculture et des pêches visent à remodeler le secteur agricole pour le renforcer économiquement et accroître sa contribution à la couverture des besoins alimentaires du pays. Il s’agit de s’éloigner tant que faire se peut du modèle «maïs-haricots» en zone pluviale.

Un des leviers imaginés pour un tel remodelage est de se servir des actions d’urgence pour commencer à mettre en place les réorientations souhaitées. C’est par exemple le cas s’agissant de la promotion de la micro irrigation, à la fois mesure d’urgence et solution d’avenir : notamment, les semences ne seraient pas données en quelque sorte «à l’aveugle» mais seulement en complément des kits familiaux de micro irrigation (comprenant tuyaux, ciment, sable, etc.), avec obligation d’utiliser ces kits.

On notera que ces objectifs équivalent à une redéfinition du sens donné aux travaux dits «HIMO» (à Haute Intensité de Main-d’œuvre), c’est-à-dire aux emplois publics pour réaliser des travaux en zone rurale. Les «HIMOs» sont actuellement la modalité essentielle de la «monétisation» (cash-for-work) de l’aide alimentaire apportée par les bailleurs (en dehors, au Cap-Vert, de celle du PAM et de la Croix Rouge). Il est parfois jugé que les travaux en question ne contribuent pas suffisamment, tels qu’ils sont conçus et quelle que soit leur utilité sociale, à l’amélioration de l’efficacité de l’agriculture capverdienne2.

Cet effort de remodelage est axé sur un certain nombre de principes.

Le premier concerne la définition de vocations différenciées selon les divers types de zones agro écologiques et la meilleure utilisation possible de ressources en eau fort limitées:

Le second principe consisterait à développer l’élevage en attribuant les animaux (porcs, chèvres, bovins) aux éleveurs en guise de crédit pour amorcer les activités, ainsi que les éléments pour construire de petites porcheries et bergeries, voire poulaillers. Une fois les animaux dans leurs mains – et des animaux aux caractéristiques génétiques sélectionnées – les éleveurs, par ailleurs dûment formés, verraient dans cette possession un «déclic» pour aller de l’avant dans l’activité considérée.

La remise de kits familiaux d’irrigation irait dans le même sens pour ce qui concerne la production de fruits et légumes. Le doublement récent des superficies irriguées sur l’île de Santiago est un signe indéniable du succès de cette approche, car ce doublement résulte du réinvestissement des gains par les paysans qui s’étaient lancés dans cette voie. Le principe est donc l’introduction à bon escient de paquets techniques simples mais éprouvés.

Un troisième volet de l’action est la formation des producteurs aux nouvelles techniques, qui va de pair avec une forte approche participative dans les projets.

Enfin, quatrième principe, cette formation ne prend elle-même son sens que dans la mesure où elle s’appuie sur un effort d’organisation des mêmes producteurs en ce qui concerne la commercialisation et la transformation de leurs produits. Il en est ainsi en particulier de l’agro élevage: la constitution d’unités de transformation du lait de chèvres permet d’atteindre la «masse critique» et la qualité sanitaire nécessaires pour s’imposer sur les marchés, dont au premier chef celui de la consommation touristique (le tourisme, en fort développement, assure plus de 10 pour cent du PIB). Ceci a en outre l’avantage de créer des emplois pour les paysans, objectif particulièrement louable si l’on considère la haute incidence de la pauvreté dans le milieu rural et la forte proportion de femmes chefs de ménage avec enfants.

Il est bien clair cependant que le succès de cette stratégie d’intensification et de prise de distance par rapport à l’agriculture pluviale traditionnelle, postulée comme non-viable, dépend étroitement de la concurrence internationale.

Cette stratégie a en effet révélé dans le passé qu’elle n’était pas praticable pour certains produits, où l’insularité et les conditions agro climatiques du Cap-Vert condamnaient in fine la production locale par rapport à celle d’outre-mer. Par exemple, le secteur des pommes de terre et des oignons avait procédé à des avancées techniques et organisationnelles très substantielles il y a quelques années3, entre autres choses en mettant en place des abris de montagne pour la conservation de longue durée. Cela n’a pas empêché que les produits importés, plus compétitifs, l’aient finalement emporté. Il existe cependant toute une gamme de produits locaux qui conservent un avantage comparatif, en raison, notamment, des coûts d’approche vers les îles, l’insularité devenant alors en quelque sorte protectrice au lieu d’être pénalisante.

Le présent rapport a été établi par T. Aube, C.I. Ndiaye et M. Niasse, sous la responsabilité des secrétariats de la FAO à partir d'informations provenant de sources officielles et officieuses. La situation pouvant évoluer rapidement, prière de s'adresser aux soussignés pour un complément d'informations le cas échéant. Henri Josserand, Chef, SMIAR, FAO, Télécopie: 0039-06-5705-4495, Mél: [email protected]

Veuillez noter qu'il est possible d'obtenir le présent Rapport spécial sur le site Internet de la FAO (www.fao.org) à l'adresse suivante: http://www.fao.org/giews/

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1. Ces distributions concernent notamment 110 000 enfants des écoles primaires, ainsi qu’un programme pour les jardins d’enfants. Le projet correspondant, disposant d’un budget annuel de 1,5 million de $EU, doit s’achever en décembre 2005 mais devrait être relayé par un autre projet, d’un montant de 1,2 million de $EU pour la période 2006-2010.

2. Il faut toutefois être prudent à ce sujet, étant donné que, dans les zones arides et semi-arides, il existe une très forte dépendance envers le travail public et que, de manière générale, les familles les plus vulnérables se reposent sur ce mécanisme pour faire face aux situations de crise. Le travail public est une des principales stratégies d’adaptation aux situations de crise qu’utilisent les familles, indépendamment du degré de leur vulnérabilité alimentaire. A noter que la réduction de la consommation alimentaire est, pour sa part, une stratégie à laquelle on recourt de manière décroissante au fur et à mesure que décroît la vulnérabilité alimentaire elle-même.

3. Voir à ce sujet les rapports faits par Jean-Michel Ambrosino, expert FAO en commercialisation agricole (documents disponibles à la bibliothèque de la Représentation de la FAO au Cap-Vert).