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6. VERS UNE GESTION DES PÊCHES CENTRÉE SUR LES MOYENS D'EXISTENCE


6.1. Nouvel examen des hypothèses

Cette section évalue brièvement les hypothèses sous-jacentes de cette étude, basées sur les sections 2 à 5 qui décrivent et analysent les aspects des moyens d'existence dans la pêche artisanale et les divers sytèmes et organisations qui réglementent la pêche.

RAPPEL DES HYPOTHÈSES SOUS-JACENTES DES OBJECTIFS

· La surexploitation des lieux de pêche est très répandue et affecte négativement les moyens d'existence des pêcheurs artisans.

· La gestion responsable de la pêche est nécessaire pour aborder ce problème.

· La gestion d'une pêche responsable implique de manière active les pêcheurs artisans.

· La participation active des pêcheurs artisans dans la gestion des pêches améliorera l'efficacité des mesures de gestion.

· La gestion responsable des pêches améliorera les moyens d'existence des pêcheurs.

Cette étude montre que les hypothèses sont des simplifications excessives de la réalité. Dans le cas d'un programme de mise en œuvre comme le PMEDP, pour être applicables, elles demandent une description plus précise et que des nuances soient établies. La première hypothèse, par exemple, pourrait être reformulée et stipuler qu'il y a des signes de surexploitation dans beaucoup de pêcheries mais que la situation doit être spécifiée dans chaque cas car elle varie selon les ressources, les régions et les types de pêcheries (voir sections 2.1.3 et 2.1.5). De la même manière, pour la seconde hypothèse, la gestion des pêches peut résoudre une partie du problème de surexploitation. Toutefois, les possibilités d'emploi dans d'autres secteurs pourraient être un moyen de réduire la pression sur les ressources halieutiques (sections 2.1.3, 2.1.4 et 2.1.5). Par ailleurs, les mesures de gestion des pêches peuvent avoir des objectifs purement biologiques (dans un parc par exemple) et ne tenir aucun compte des moyens d'existence des pêcheurs artisans.

Dans la troisième et la quatrième hypothèses, le groupe spécifique de pêcheurs et leur type de participation doivent être clarifiés (sections 2.2.1, 2.2.4, 5.3.2 pour les pêcheurs artisans et sections 3.2, 3.3 et 5.2). Quels groupes de pêcheurs artisans, avec quels types de stratégies de pêche et stratégies de moyens d'existence, devraient être impliqués dans le processus de gestion d'un certain type de pêche (à une période précise de l'année, à un certain niveau d'exploitation couramment pratiquée de la ressource, etc.). Leur participation active consistera-t-elle à mettre les règlements édictés par le gouvernement en application, à décider au sujet du dénouement des politiques ou à laisser les pêcheurs gérer leur propre projet? Ces deux hypothèses renferment une autre hypothèse: celle selon laquelle les pêcheurs devraient participer à la gestion des pêches par le gouvernement, ignorant tout du fait que le gouvernement pourrait appuyer des initiatives au niveau local. Les cas montrent qu'il ne s'agit pas tant d'une participation active mais plutôt d'un intérêt direct et un engagement dans un processsus de gestion par à la fois le gouvernement et les pêcheurs qui aboutit à des mesures de gestion positives. La mise en application des lois est un élément essentiel de l'efficacité.

Enfin, cette étude montre que la gestion des pêches effectuée de manière précise n'améliore pas nécessairement les moyens d'existence de tous les pêcheurs et n'a certainement pas un effet immédiat. La gestion signifie donner des droits à certains et dénier à d'autres la possibilité d'accéder à des activités jugées industrielles. Ceux qui sont exclus devront trouver d'autres moyens d'existence pour survivre.

6.2. Les facteurs qui facilitent et qui compliquent

Certaines tendances peuvent être identifiées, qui conduisent à l'augmentation de la collaboration entre les pêcheurs et le gouvernement dans les mesures de gestion des pêches, et à une attention croissante des aspects concernant les moyens d'existence. Il existe déjà des règles et des comités, au sein des communautés et des groupes de pêcheurs, qui gouvernent la pêche, et une conscience accrue dans les communautés de la nécessité de protéger les stocks. Il y a in intérêt croissant pour la pêche artisanale au sein de l'administration gouvernementale. Il existe déjà des processus de consultation avec les pêcheurs pour l'élaboration des plans de gestion et des réglementations. Les processus de décentralisation en cours encouragent les collaborations entre les communautés et le gouvernement par l'intermédiaire de mécanismes, comme les conseils de pêche locale et les comités de gestion communautaire des pêches.

D'un autre côté, certains facteurs compliquent la collaboration croissante entre les pêcheurs et le gouvernement pour les mesures de gestion des pêches, et l'attention portée aux aspects des moyens d'existence, surtout au niveau de l'exécution. Les divers groupes de pêcheurs et de personnes chargées de la transformation du poisson ayant des intérêts différents, parmi lesquels la compétition, les accidents et les conflits peuvent rendre la collaboration difficile. De manière générale, il y a un long passé de relations forcées entre les pêcheurs et les autorités gouvernementales. Souvent, le gouvernement n'a pas été capable ou n'a pas voulu appliquer les lois actuelles, et les pêcheurs pratiquant la pêche industrielle ont tendance à en tirer profit, et cela au détriment des pêcheurs artisans. Les mandats flous ou de facto concernant le partage des tâches entre les différentes organisations gouvernementales concernées par la pêche et les affaires maritimes, mettent un frein à une gestion des pêches efficace. Les mécanismes de communication entre les différents niveaux, entre les organisations gouvernementales locales, régionales et nationales, ne sont pas toujours clairs, et le financement et le recrutement du personnel pour les initiatives de gestion des pêches a tendance à être une faiblesse, surtout au niveau local. Même lorsqu'il y a assez de ressources humaines, leurs capacités et leur formation ne sont pas toujours suffisantes pour les tâches qu'on leur demande d'exécuter.

6.3. Les recommandations pour une gestion des pêches centrée sur les moyens d'existence

Les facteurs qui facilitent ou compliquent peuvent être utilisés comme point de départ pour améliorer la gestion des pêches. Il est possible de travailler sur deux aspects en particulier afin de parvenir à une gestion des pêches plus centrée sur les moyens d'existence. Ces deux aspects s'inscrivent dans n'importe quel type d'exercice en gestion des pêches, mais la manière de travailler fait toute la différence au niveau des résultats sur les moyens d'existence des pêcheurs, à savoir que:

1. toutes les phases de la gestion des pêches, comme l'élaboration, la mise en œuvre, le SCS et l'application doivent être abordées, prises individuellement ou globalement et clairement rattachées aux problèmes et objectifs des moyens d'existence;

2. il devrait y avoir un sérieux engagement au niveau de la participation, la représentation, la communication et l'information de la part de tous ceux qui s'intéressent aux moyens d'existence et à la gestion des pêches.

La FAO et d'autres organismes de coopération internationale ainsi que les pays eux-mêmes pourraient apporter un soutien aux pêcheurs, aux fonctionnaires gouvernementaux et autres organismes pour améliorer ces deux points. Ils peuvent identifier des personnes et moyens susceptibles de seconder ces parties prenantes tant du point de vue technique que pratique. Certaines de ces activités sont déjà en cours mais pourraient être développées davantage. Les paragraphes ci-dessous indiquent dans le détail en quoi consisterait ce soutien.

6.3.1 Amélioration des phases de gestion des pêches

· Actions de sensibilisation et de formation en gestion des pêches, mécanismes et phases de gestion en rapport avec le CCPR.

Dans la mesure où il y a des lacunes en matière de connaissance et d'expérience sur la gestion des pêches, celles-ci peuvent être améliorées grâce à l'information et à des formations basées sur le Code de conduite pour une pêche responsable et sur les Directives pour une gestion des pêches qui seraient adaptées en fonction des différents groupes ciblés (les pêcheurs, les associations de pêcheurs, les responsables des postes décentralisés du gouvernement, les ONG, les personnes lettrées et illettrées, les équipages, les armateurs, les mareyeurs, etc.).

· Actions de sensibilisation et de formation sur les différentes manières d'inclure des considérations et des objectifs de moyens d'existence dans la gestion des pêches.

Cela peut être réalisé en montrant l'importance de la pêche dans les moyens d'existence de la population nationale et les éventuelles conséquences de l'affaiblissement de certaines pêcheries. Les activités comprendraient des rencontres, des analyses et le recueil de données destinées aux décideurs et aux acteurs et présentées sous une forme qui leur est accessible. Une deuxième manière d'arriver à faire prendre en considération les moyens d'existence serait par le biais d'un plus grand nombre de délégués des pêcheurs des différents groupes qui sont représentés de manière active dans les prises de décisions. Une troisième façon serait de sensibiliser les décideurs aux impacts sur les moyens d'existence.

· Forums d'échanges d'expérience sur la gestion des pêches et les mécanismes de gestion au moyen d'études de cas, etc.

Là où une connaissance et une expérience en gestion des pêches existent déjà, des échanges peuvent aider à identifier les alternatives ou les manières d'améliorer les pratiques en cours. Ces échanges pourraient avoir lieu sous la forme de rencontres sur des sujets spécifiques ou de voyages d'études dans une région ou un pays précis, où un certain mécanisme de gestion des pêches (officiel ou informel) est en train d'être mis en place. Une fois encore, ces derniers doivent être adaptés au groupe ciblé.

6.3.2 Amélioration du processus de gestion des pêches

· Actions de sensibilisation, de formation et d'échanges d'expériences sur la participation et les mécanismes de participation aux niveaux national, local et communautaire et soutien au procédé de décentralisation et de passage du statut de consultation à celui de gestion commune.

Comme mentionné dans les paragraphes ci-dessus, les informations, la formation et les échanges d'expériences peuvent être basés sur des travaux qui existent déjà à la FAO, par exemple les publications de la Foresterie communautaire (FONP) et du Service de la vulgarisation, de l'éducation et de la communication (SDRE). Ces derniers doivent, encore une fois, être adaptés aux groupes ciblés en particulier et doivent inclure des aspects sur les avantages et désavantages des différents types de participation dans des contextes différents.

· La formation pour renforcer les associations de pêcheurs et leur représentation dans les processus officiels.

Que ce soit au niveau local ou national, les associations de pêcheurs et leurs représentants pourraient bénéficier d'un soutien afin de renforcer leur position dans les processus de gestion des pêches. La manière selon laquelle cela pourrait être fait devra être définie en collaboration avec ces associations.

· Les opportunités pour améliorer la collaboration et la communication entre les acteurs, en tenant compte des pêcheurs les plus pauvres.

Cet aspect peut être abordé de manière directe ou indirecte. Une manière directe implique une série de réunions ou d'ateliers ayant pour but d'identifier les faiblesses et les façons d'améliorer la collaboration ou la communication. La manière plus indirecte consiste à entreprendre certaines activités (telles que la formation et des échanges de visites comme suggéré ci-dessus) au sein d'un groupe mixte de parties prenantes (regroupant des pêcheurs, le gouvernement local, le gouvernement national, etc.).


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