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Annexe une - Le droit à une alimentation suffisante et le droit à l’eau


Le fondement juridique du droit à une alimentation suffisante et du droit à l’eau

Le droit à une alimentation suffisante et le droit à l’eau font partie des droits de l’homme. Leur principal fondement juridique est l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui reconnaît à chaque individu le droit à un niveau de vie approprié pour luimême et sa famille, dont une nourriture, des vêtements et un logement adéquats. Le Pacte a force de droit dans les 146 états qui l’ont ratifié. Le droit à une alimentation suffisante et le droit à l’eau étant également reconnus dans un grand nombre d’autres textes légaux, juridiquement contraignants ou non, on peut aussi penser qu’ils font aussi partie du droit international coutumier.

Le respect du Pacte par les états parties est surveillé par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, l’organe du Pacte ayant été créé par traité par 18 experts indépendants. Le Comité adopte des «observations générales» constituant des interprétations des dispositions du Pacte qui font autorité pour clarifier la teneur normative des droits, des obligations des états parties et des autres intéressés, des violations et de la mise en vigueur des droits à l’échelle nationale.

Le droit à une alimentation suffisante

En 1999, le Comité a adopté l’Observation générale 12 sur le droit à une alimentation suffisante. Il s’agit du droit de chacun à accéder physiquement et économiquement à une alimentation suffisante ou aux moyens de se la procurer. Il en découle pour l’essentiel que la nourriture doit être disponible en quantité et qualité suffisantes pour satisfaire les besoins alimentaires des individus, exempte de substances nocives et acceptable pour une culture donnée, et que cette nourriture doit être accessible de manière durable, sans empiéter sur la jouissance d’autres droits de l’homme.

Par disponibilité, on entend la possibilité soit de s’alimenter directement à partir de la terre productrice ou d’autres ressources naturelles, soit d’avoir les moyens de se procurer les aliments par l’intermédiaire de systèmes de distribution, de traitement et de commercialisation fonctionnant de manière satisfaisante. Quant à l’accessibilité, elle doit être à la fois économique et physique.

Le droit à l’alimentation exige qu’un accès durable aux ressources en eau soit garanti à l’agriculture.[1] Il faudrait veiller à ce que les agriculteurs défavorisés et marginalisés, y compris les agricultrices, bénéficient d’un accès équitable à l’eau et aux systèmes de gestion de l’eau, y compris la récupération durable des eaux de pluie et l’irrigation. Le Pacte prévoyant également qu’il ne faut pas priver une population de ses propres moyens de subsistance (art. 1 (2)), il faut également faire le nécessaire pour maintenir l’accès à l’eau pour l’agriculture de subsistance et pour assurer les moyens d’existence des peuples autochtones.

Le droit à l’eau

Le Comité a adopté en 2002 l’Observation générale 15 sur le droit à l’eau (art. 11 et 12 du Pacte). L’observation générale 15 est le premier document qui a détaillé ce que ce droit sous-entend et énoncé clairement que le droit à l’eau émanait d’un niveau de vie adéquat mais qu’étant une des conditions fondamentales de la survie, il était également indispensable pour assurer un niveau de vie suffisant. Le droit à l’eau donne à chacun le droit à des ressources en eau suffisantes, saines, acceptables, physiquement accessibles et abordables pour ses besoins personnels et domestiques. La disponibilité suppose que pour chaque personne l’approvisionnement en eau est suffisant et permanent pour l’eau potable, l’assainissement, le lavage des vêtements, la préparation des aliments et l’hygiène personnelle et du ménage. Il ne doit pas présenter de micro-organismes, ni de substances chimiques, ni de risque d’origine radiologique susceptibles de menacer la santé des personnes. L’eau et les installations et services d’eau doivent être physiquement et économiquement accessibles à tous sans discrimination.

L’eau est également associée à la jouissance d’un certain nombre d’autres droits. L’utilisation de l’eau pour assurer l’hygiène du milieu fait partie du droit à la santé. L’eau nécessaire à la jouissance de certaines pratiques culturelles est protégée par le droit à prendre part à une vie culturelle. Le droit de gagner sa vie en travaillant inclut celui sur l’eau qui permet la garantie des moyens d’existence. Enfin, comme nous l’avons vu précédemment, l’eau qui permet de produire les aliments est nécessaire pour que les personnes puissent jouir du droit à une alimentation suffisante. En cas d’utilisations concurrentielles, la priorité d’attribution doit être accordée au droit à l’eau pour les utilisations personnelles et domestiques ainsi que pour la prévention des famines et des maladies.

Les obligations des états

Le droit à une alimentation suffisante et le droit à l’eau posent aux états le problème de les exercer progressivement mais aussi immédiatement. La principale obligation des états par rapport au droit à une alimentation suffisante et au droit à l’eau est l’obligation de prendre des mesures pour assurer progressivement la pleine jouissance de ces deux droits. Les états doivent agir aussi promptement et efficacement que possible dans les limites des ressources maximales dont ils disposent pour atteindre ces objectifs. Leur satisfaction totale peut prendre du temps, mais certaines mesures doivent être prises immédiatement. L’obligation de veiller à ce que les droits s’exercent sans discrimination prend aussi effet immédiatement.

Les états doivent respecter, protéger et faire appliquer le droit à une alimentation suffisante et le droit à l’eau. Cette obligation de respect exige que les états s’abstiennent d’intervenir directement ou indirectement dans la jouissance de ces droits. Ils ne doivent s’engager dans aucune procédure ou activité qui empêche ou limite l’accès à la nourriture ou à l’eau ou qui interfère arbitrairement avec les arrangements existants, par exemple en prélevant illégalement des volumes d’eau excessifs. L’obligation de protéger demande aux états de prendre des mesures pour veiller à ce que des tiers, que ce soit des individus, des groupes, des corporations ou d’autres entités, n’interfèrent en aucune manière dans la jouissance des droits, par exemple en adoptant les nécessaires mesures législatives ou autres et en veillant à leur efficacité et à leur mise en vigueur, pour contrôler et restreindre les activités des tiers, comme des mesures de lutte contre la pollution. L’obligation de faire appliquer les droits signifie que les états doivent prendre des mesures positives pour permettre aux individus de jouir de leurs droits par l’élaboration de stratégies, politiques et mesures législatives, défendre ces droits grâce à l’éducation, par exemple en matière de protection des ressources en eau et de méthodes pour minimiser le gaspillage, et, enfin, assurer directement la jouissance des droits dans les cas où les individus sont incapables, pour des raisons qui les dépassent, de les exercer euxmêmes (ex.: les orphelins).

Perspectives

Bien que dans le monde entier un grand nombre d’individus continuent à être privés de leur droit à une alimentation suffisante et de leur droit à l’eau, des tendances encourageantes ont été observées. Un nombre croissant de pays et d’organismes internationaux adoptent des politiques et dispositions fondées sur le droit qui incorporent par exemple dans les stratégies de sécurité alimentaire les principes de la responsabilité, de la non-discrimination, de l’égalité, de la participation et de l’interdépendance des droits. De plus en plus de pays reconnaissent explicitement ou implicitement ces deux droits dans leurs constitutions ou leurs régimes juridiques, et tentent de faire appliquer ces droits dans tous leurs aspects par l’élaboration de nouvelles séries de mesures. Certains en ont même fait des droits justiciables. En outre, la FAO et les états membres des Nations Unies travaillent actuellement, dans le cadre du groupe de travail intergouvernemental créé par le Conseil de la FAO en octobre 2002, à l’élaboration d’une série de directives volontaires pour l’exercice progressif du droit à une alimentation suffisante dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale.

Références

Comité des droits économiques sociaux et culturels, Observation générale 12. 1999. Le droit à une alimentation suffisante, E/C.12/1999/5 (12 mai 1999), accessible sur: http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(symbol)/E.C.12.1999.5,+CESCR+General+comment+12.En?OpenDocument

Comité des droits économiques sociaux et culturels, Observation générale 15. 2002. Le droit à l’eau, E/C.12/2002/11 (26 novembre 2002), accessible sur: http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(Symbol)/E.C.12.2002.11.En?Opendocument

Liens

Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), page du droit à l’alimentation du Bureau juridique
http://www.fao.org/Legal/rtf/rtf-e.htm

L’information sur le droit à l’alimentation renvoie à des documents officiels et à des textes internationaux, à des publications de la FAO, et à d’autres organisations et initiatives associées au droit à l’alimentation.

Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Groupe de travail intergouvernemental pour l’élaboration d’une série de directives volontaires pour soutenir l’exercice progressif du droit à une alimentation suffisante dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale
http://www.fao.org/righttofood/en/index.html

Documents officiels, textes et informations sur les sessions du Groupe de travail intergouvernemental.


[1] Cet aspect du droit à une alimentation suffisante est essentiellement traité dans l’introduction à l’Observation générale 15 sur le droit à l’eau.

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