La présente étude passe en revue la situation actuelle et lévolution future potentielle de lindustrie du tabac au Brésil. Elle porte non seulement sur la production de tabac brut mais aussi sur les produits manufacturés: cigarettes et cigares.
Les auteurs ont tenté dévaluer limportance sociale de la culture du tabac et des principaux facteurs économiques influençant la production et la consommation des produits dérivés. Ils ont également tenu compte de certaines des répercussions des politiques et des mesures gouvernementales de lutte contre le tabagisme.
Le tabac est cultivé dans deux régions distinctes: le nord-est et le sud. Pour environ 135 000 producteurs familiaux oeuvrant dans 656 municipalités des trois États riches et industrialisés du sud, la culture du tabac est la principale activité économique. En 2000/2001, la récolte des États de Paraná, Santa Catarina et Rio Grande do Sul sest élevée à 504 728 tonnes et a rapporté un revenu brut de 1,23 milliard de $R, soit un revenu brut moyen de 9 164,63 $R par famille rurale tiré dune production moyenne de 3,47 tonne/ha - un résultat record. Dans le sud, un demi-million environ de personnes se consacrent à des activités liées au tabac.
Les propriétés où le tabac est cultivé ont une superficie moyenne de 16,8 ha - une petite exploitation suivant les normes brésiliennes - dont 2,5 ha plantés en tabac, 9,4 en dautres cultures et le reste portant des pâturages, des forêts vierges ou reboisées, des barrages et des jachères. Le quart environ des familles rurales productrices de tabac dans le sud louent leur terres ou souscrivent à des accords de métayage avec les propriétaires - contrats de location des terres qui imposent aux agriculteurs soit de planter du tabac soit de quitter lexploitation. Lexiguïté de la taille moyenne des exploitations dans le sud - entre 1 et 10 ha - ne permet que des solutions de rechange limitées au tabac.
Rares sont les cultures qui, comme le tabac, permettent de dégager un revenu de petites parcelles, assurent des recettes quatre fois supérieures à celles des autres cultures, et utilisent la main-doeuvre familiale, laquelle représente plus de 50 pour cent des coûts de production. La production du tabac exerce un impact social positif, militant ainsi contre lexode rural qui est lun des problèmes les plus dramatiques du Brésil depuis la libéralisation du commerce.
Dans les zones pauvres du nord-est, le tabac est la force motrice de léconomie dans 39 municipalités, notamment dans les États de Paraíbo, Rio Grande del Norte, Ceará et Pernambouc, qui sont parmi les plus déshérités du pays. Là, les familles dépendent du tabac pour leur subsistance. Labandonner en faveur dautres spéculations - sil était possible - aurait un impact notable sur la sécurité alimentaire de ces tabaculteurs.
Daprès une estimation de lAssociação dos Fumicultores Brasileiros (Afubra) (lAssociation des producteurs de tabac brésiliens) et lAssociação Brasileira das Indústrias do Fumo (Abifumo) (lAssociation des industries de tabac du Brésil), le nombre de familles se consacrant à la culture du tabac a enregistré dintéressantes fluctuations au cours des deux dernières décennies (tableau 2.1). Dans le sud, ce nombre a atteint un maximum de 160 560 en 1997, contre 83 150 en 1981, pour tomber à environ 135 000 en 2001. Dans le nord-est, le nombre de familles productrices de tabac est monté, passant dun peu moins de 64 000 en 1980 à 81 000 en 1986, avant de diminuer de la moitié pour atteindre 36 250 en 2001.
Le revenu familial total provenant du tabac sest élevé, passant de 233,4 millions de dollars EU en 1980 au point culminant de 1 milliard de dollars environ en 1997. Le revenu familial total tiré du tabac nétait que de 580,1 millions de dollars en 2001.
Tableau 2.1 - Nombre de familles productrices de tabac et revenu familial total
Année |
Nombre de familles |
Total pour le Brésil |
Revenu familial |
|
Sud |
Nord-est |
|||
1980 |
94 840 |
63 980 |
158 820 |
233 385 |
1981 |
83 150 |
77 140 |
160 290 |
311 181 |
1982 |
89 030 |
75 040 |
164 070 |
419 236 |
1983 |
113 380 |
81 790 |
195 170 |
404 846 |
1984 |
112 940 |
81 460 |
194 400 |
330 384 |
1985 |
112 110 |
80 880 |
192 990 |
364 116 |
1986 |
112 570 |
81 000 |
193 570 |
404 117 |
1987 |
113 490 |
69 990 |
183 480 |
433 765 |
1988 |
114 390 |
75 000 |
189 390 |
366 407 |
1989 |
127 400 |
75 200 |
202 600 |
419 691 |
1990 |
121 600 |
72 000 |
193 600 |
569 707 |
1991 |
123 600 |
72 000 |
195 600 |
461 000 |
1992 |
149 750 |
55 000 |
204 750 |
785 390 |
1993 |
157 520 |
56 000 |
213 520 |
766 375 |
1994 |
136 640 |
50 000 |
186 640 |
478 852 |
1995 |
132 680 |
48 000 |
180 680 |
601 420 |
1996 |
142 590 |
49 000 |
191 590 |
788 813 |
1997 |
160 560 |
49 000 |
209 560 |
973 053 |
1998 |
158 980 |
42 000 |
200 980 |
670 079 |
1999 |
150 070 |
45 000 |
195 070 |
584 200 |
2000 |
134 850 |
40 000 |
174 850 |
619 586 |
2001 |
134 930 |
36 250 |
171 180 |
580 149 |
Sources: Afubra et Abifumo.
La production et la transformation du tabac sont des activités économiques très importantes dans le sud, a savoir dans les États de Paraná, Santa Catarina et Rio Grande do Sul, où, à part la production, il existe des industries manufacturières et des sociétés de transformation qui exportent le tabac et les produits dérivés. Ces États sont fortement tributaires des recettes fiscales tirées du tabac, notamment par le biais de la taxe sur la valeur ajoutée (ICMS).
Le nord-est du Brésil - une région où le tabac joue un rôle important dans une économie locale autrement déprimée, fournissant des emplois et des revenus à des milliers de petites unités de production familiales - produit bien moins de tabac que le sud, mais sa qualité est adaptée à la fabrication de cigares de valeur élevée. Ce segment de léconomie du nord-est est une importante source demplois permanents à temps plein. Il fournit des emplois aux femmes dans un travail spécialisé aux niveaux tant de lexploitation que de lindustrie locale.
Normalement, un petit exploitant de la région de Recôncavo, dans lÉtat de Bahia, planterait en moyenne 0,5 ha de tabac, soit environ 10 000 plants. La récolte normale est denviron 750 kg, récolte qui, dans une campagne agricole normale, se vendrait à 60,00 $R par arroba (15 kg) de feuilles de qualité supérieure. La récolte assure un revenu brut de 3 000 $R par an, dont la majeure partie sert aux dépenses familiales. Cest un moyen de subsistance pour une famille de six personnes. Les gros exploitants établissent jusquà 40 000 plants.
À Bahia, une zone densément peuplée de lÉtat et de la région, lindustrie du tabac offre aussi des emplois aux communautés rurale s-urbaine s. Une industrie typique assure des emplois presque toute lannée à 300 femmes qui sont formées au roulage des cigares, un processus qui seffectue entièrement à la main. Il sagit dune main-doeuvre spécialisée travaillant pour des entreprises qui se vantent souvent avec fierté de leur respect des «responsabilités sociales». Certaines entreprises vont encore au-delà et incluent dans leurs activités le développement communautaire.
À linstar des États du sud, les planteurs participent avec les entreprises à un système dit d«intégration» qui fournit une enveloppe technologique de bonnes pratiques (dans lutilisation des engrais et des produits chimiques agricoles), finance une partie des coûts de production du planteur et assure lachat de la récolte. Lindustrie du cigare se charge aussi de transporter le tabac depuis lexploitation, où a lieu le séchage, jusquaux usines de transformation.
Le système dintégration, en garantissant lachat du produit, agit de fait comme un mécanisme dassurance-prix qui a un impact notable sur lapprovisionnement. Laccroissement de ce dernier est dû, pour une large part, tant à ce système de gestion des risques de fluctuations des prix quau contrôle de la qualité au niveau de lexploitation.
Limportance sociale et économique du tabac peut être évaluée au regard des 171 000 familles de tabaculteurs du sud et du nord-est et de la transformation relative. Lindustrie de la cigarette fournit à elle seule directement et indirectement 2,1 millions demplois, a un chiffre daffaires de 4,8 milliards de $R, and dégage 3,1 milliards des recettes fiscales.
Les emplois relatifs au tabac fournissent une occupation à environ 3,2 pour cent de la main-doeuvre totale du Brésil, la production agricole du tabac employant près dun demi-million. En outre, 223 000 emplois sont créés dans des activités agricoles, comme la transformation du tabac dans lexploitation. Il est estimé, en outre, que 1,5 million dautres emplois proviennent de lindustrie du tabac dans des domaines comme le transport, la production et la distribution dintrants, les ventes en gros et au détail, et la transformation en vue de lexportation (voir le tableau 2.2).
Tableau 2.2 - Lemploi dans lindustrie brésilienne du tabac (1999/2000)
Secteur |
Nombre demployés |
Pourcentage |
Culture du tabac et transformation au niveau de lexploitation |
723 000 |
33,0 |
Fabrication |
17 000 |
0,8 |
Emploi indirect |
1 450 000 |
66,2 |
Total |
2 190 000 |
100,0 |
Sources: Afubra et Abifumo.
Le Brésil est un important producteur de tabac qui se place au deuxième rang après la Chine dans la production mondiale. Il est donc sensible aux changements survenant dans le commerce international du tabac. Des améliorations récentes ont rehaussé la qualité du tabac brésilien et la capacité de production sest accrue, principalement au niveau des exportations.
Dans le nord-est, les coûts de la main-doeuvre sont les plus faibles du pays, voire du monde. Tant que la main-doeuvre reste relativement bon marché, la production de tabac, une activité à fort coefficient de main-doeuvre, demeurera rentable. La principale différence entre le sud et le nord-est est le fait que le sud se consacre à la production de tabac en feuilles pour la fabrication de cigarettes, alors que le nord-est se spécialise dans la production de tabac noir et de feuilles de tabac pour le cappage des cigares.
La superficie et la production ont fait lobjet dune forte croissance ces dernières années. Les sociétés productrices de tabac ont été encouragées à améliorer la qualité du tabac brésilien, ce qui a permis dobtenir une qualité supérieure et une meilleure productivité. La production sest accrue denviron 3,5 pour cent par an au cours des 25 dernières années, résultat dû davantage à laugmentation des rendements (2,3 pour cent par an) quà lextension de la superficie récoltée (0,8 pour cent par an). Les rendements moyens ont enregistré une tendance régulière à la hausse depuis les deux dernières décennies, mais avec des fluctuations car le tabac est une culture pluviale. Une partie de cet accroissement est attribuable à lamélioration des variétés, mais les pratiques culturales sont le principal facteur à la base de la croissance des rendements qui sont parmi les plus hauts du monde. Dans le sud, ladoption généralisée de cultivars améliorés et de meilleures pratiques culturales, comme le recommandent les principales sociétés productrices de tabac, ont stimulé les rendements qui ont atteint des niveaux sans précédent au cours de la décennie écoulée.
La figure 2.1 montre les effets sur la production de lessor des exportations au début des années 1990. La demande pilotée par les exportations a déterminé une croissance viable de production. Les tendances relatives à la production, la superficie et les rendements montrent de bonnes perspectives de croissance durable de la production de tabac au Brésil dans les années à venir. Certes, beaucoup dépendra de lévolution des marchés étrangers vis-à-vis du tabac brésilien. Le tableau 2.3 et les figures 2.1, 2.2 et 2.3 montrent les tendances de la production de tabac.
Tableau 2.3 - Production, superficies récoltées et rendements moyens au Brésil
Année |
Récolte totale |
Superficie
récoltée |
Rendement moyen |
1975 |
285 934 |
253 736 |
1 127 |
1976 |
298 645 |
280 373 |
1 065 |
1977 |
356 999 |
311 386 |
1 146 |
1978 |
405 191 |
328 313 |
1 234 |
1979 |
421 708 |
326 049 |
1 293 |
1980 |
404 860 |
316 427 |
1 279 |
1981 |
365 738 |
297 564 |
1 229 |
1982 |
420 329 |
317 231 |
1 325 |
1983 |
392 578 |
311 759 |
1 259 |
1984 |
413 598 |
282 218 |
1 466 |
1985 |
410 474 |
268 992 |
1 526 |
1986 |
386 827 |
279 364 |
1 385 |
1987 |
397 453 |
297 744 |
1 335 |
1988 |
430 979 |
280 486 |
1 537 |
1989 |
446 041 |
289 083 |
1 543 |
1990 |
445 489 |
274 098 |
1 625 |
1991 |
413 831 |
287 266 |
1 440 |
1992 |
575 652 |
344 872 |
1 669 |
1993 |
655 739 |
372 912 |
1 758 |
1994 |
519 541 |
320 185 |
1 622 |
1995 |
455 986 |
293 425 |
1 554 |
1996 |
472 738 |
314 279 |
1 504 |
1997 |
596 952 |
338 059 |
1 765 |
1998 |
505 353 |
353 679 |
1 428 |
1999 |
629 525 |
341 591 |
1 842 |
2000 |
579 727 |
310 462 |
1 867 |
Source: IBGE.
Figure 2.1 - Tendances des récoltes totales de tabac au Brésil, 1975-2000
Figure 2.2 - Superficie des plantations de tabac récoltées au Brésil, 1975-2000
Figure 2.3 - Rendement moyen du tabac en feuilles au Brésil, 1975-2000
À partir de la moitié des années 1970, la superficie plantée en tabac sest étendue pour atteindre 354 000 ha en 1998, environ 2,7 pour cent de la superficie consacrée aux cultures annuelles, et 0,2 pour cent de la superficie cultivée totale du Brésil. La superficie plantée en tabac est fortement influencée par les prix. Elle sest accrue entre 1974 et 1979 quand les prix sont passés de 3,75 à 4,50 $R/kg, et a haussé de nouveau entre 1990 et 1993, quand les prix se sont redressés, passant de 2,90 à 4,55 $R/kg. En dautres périodes, les prix se sont établis à environ 2,50 $R/kg.
Amélioration de la qualité du tabac
Certaines mesures ont été introduites dans lattente dune restriction éventuelle ou dun resserrement des mesures de contrôle, qui pourraient compromettre la position du Brésil dans le commerce mondial du tabac pour ce qui est des propriétés chimiques du tabac et de la nécessité dappliquer des pratiques culturales respectueuses de lenvironnement. Conformément à ces décisions, les sociétés productrices ont lancé des campagnes en faveur de la réduction des contaminants. Les tests des niveaux chimiques - en particulier pour les alcaloïdes - sont désormais courants, des quantités inférieures de produits chimiques agricoles sont utilisés, et les conteneurs vides sont collectés et envoyés à une usine centrale de recyclage. Un programme efficace - Lavenir c est maintenant - interdit aux enfants et aux jeunes au-dessous de 16 ans de travailler dans les exploitations de tabac et les usines de transformation.
Les conseils dispensés par les industries ont amélioré la gestion de la récolte dans le but de produire du tabac ayant moins dalcaloïdes pour satisfaire aux exigences du marché international. Ils ont également permis daméliorer le calendrier de la récolte, afin quelle coïncide avec la maturation optimale du produit, et promu lutilisation de certaines variétés recommandées.
Variétés de tabac plantées au Brésil
Quelques variétés seulement de tabac sont cultivées au Brésil, le tabac de Virginie représentant plus des trois quarts de la production intérieure en 2000 (tableau 2.4).
Table 2.4 - Production de tabac par variété au Brésil (tonnes)
Année |
Virginie |
Burley |
Comum |
Autres |
1977 |
119 870 |
26 970 |
44 800 |
145 360 |
1980 |
165 200 |
28 260 |
21 150 |
158 360 |
1985 |
221 320 |
41 190 |
15 440 |
132 330 |
1990 |
258 170 |
57 390 |
16 090 |
116 330 |
1995 |
282 480 |
52 220 |
3 710 |
51 590 |
1996 |
308 540 |
70 380 |
5 580 |
49 020 |
1997 |
429 890 |
100 970 |
8 870 |
48 440 |
1998 |
312 960 |
82 620 |
4 670 |
40 090 |
1999 |
440 130 |
100 740 |
5 230 |
44 000 |
2000 |
439 450 |
92 550 |
7 040 |
38 070 |
Source: Afubra.
Le comum (commun) nest vendu que sur les marchés intérieurs. Les préférences des consommateurs ont changé radicalement au cours de la décennie écoulée, passant de la qualité «ordinaire», comme le comum, à dautres variétés plus aromatiques. Le tabac de Virginie et le burley sont des variétés de haute qualité vendues sur le marché national aussi bien quétranger. La catégorie «Autres» consiste principalement en feuilles pour les cigares et les petits cigares produits dans le nord-est.
Le tabac de Virginie et le burley sont, dans une large mesure, séchés dans des fours spéciaux (séchés à lair chaud) et des hangars de séchage (tabacs bruns séchés à lair naturel). Les autres variétés sont séchées au soleil. Dans le sud, un nombre croissant de planteurs investissent dans des installations pour la production de tabac séché à lair chaud. Les États du sud jouissent dune bonne fertilité du sol et de pluies abondantes alternant avec de longues périodes dhumidité relativement élevée nécessaire pour le séchage. Le tabac de Virginie servant à la fabrication de tabac séché à lair chaud est la variété la plus répandue dans le sud et sa production atteint 408 200 tonnes (81 pour cent de la production totale). Le reste consiste en variétés séchées à lair: le burley et le comum qui représentent 17,5 pour cent (88 600 tonnes) et 1,5 pour cent (7 600 tonnes) respectivement. Les rendements de la campagne 2000/2001 ont atteint 2 047kg/ha pour le burley et 1 770 kg/ha pour le comum. Les superficies plantées sont restées inchangées entre les années.
Bien que le tabac noccupe que quelque 0,2 pour cent de la surface cultivée, il rapporte 1,23 milliard de $R en revenu agricole, soit environ 9 200 $R par famille. Environ 60 pour cent du tabac produit dans le sud sont exportés, le reste étant utilisé dans le pays pour la fabrication de cigarettes.
Classement du tabac au Brésil
Grâce à un système de contrôle sévère de la qualité, au bon séchage et aux machines modernes utilisées pour la transformation, ainsi quà des techniques de pointe pour la fabrication et la préparation du tabac en feuilles destinées à lexportation, le Brésil est devenu une source fiable de tabac de qualité supérieure. Cette qualité est maintenue grâce à un système qui récompense les hauts niveaux, stimulant ainsi les planteurs à investir pour produire du tabac de qualité. On le voit clairement dans le pourcentage relativement élevé de tabac de Virginie (41,3 pour cent) et de burley (33,5 pour cent) classés dans la catégorie «B» des tabacs de haute qualité, 54,7 pour cent de TJV entrant dans la sous-catégorie «O». Sous langle du type, 34,6 pour cent du TJV appartiennent au type 1, et 47,8 pour cent du burley sont aussi du type 1; 58 pour cent de ce dernier entrent dans la sous-catégorie «O», un tabac brun foncé très apprécié et 36,9 pour cent dans la sous-catégorie «R», un tabac brun clair (de qualité moins élevée).
Les prix se négocient chaque année entre les agriculteurs et les représentants de lindustrie, la qualité étant le principal facteur déterminant. Daprès les estimations de lAfubra, chaque famille productrice de tabac a dégagé un revenu brut moyen de 9 240 $R en 2000/2001, soit une augmentation de 15,6 pour cent par rapport aux 7 990 $R tirés de la campagne de 1999/2000. Les bénéfices pour les planteurs sont montés en flèche, passant de 22 à 47 pour cent. Le tableau 2.5 montre le profil du classement en catégories et sous-catégories du tabac au Brésil.
Lun des facteurs indispensables pour la production de tabac est lapprovisionnement en bois de feu pour le séchage du tabac. En effet, les restrictions législatives frappant lexploitation des forêts naturelles, et qui imposent à toutes les fermes de conserver 20 pour cent de leur superficie comme forêt indigène, sont perçues comme une menace pour la production de tabac.
Tableau 2.5 - Profil du classement du tabac au Brésil
|
|
Virginie |
Burley |
Catégories |
T |
15,0 |
12,6 |
B |
41,3 |
33,5 |
|
C |
26,8 |
36,9 |
|
X |
15,3 |
16,3 |
|
G |
1,7 |
0,6 |
|
Total |
100 |
100 |
|
Sous-catégories |
O |
54,7 |
58,0 |
R |
20,8 |
36,9 |
|
L |
13,7 |
- |
|
K |
9,2 |
4,5 |
|
G |
1,7 |
0,6 |
|
Total |
100 |
100 |
|
Types |
1 |
34,6 |
47,8 |
2 |
47,3 |
28,1 |
|
3 |
18,1 |
24,1 |
|
Total |
100 |
100 |
Source: Afubra.
Cependant, les sociétés productrices ont mis en oeuvre un programme visant la remise en état du couvert forestier dans les zones de production. Le programme avait pour objectif la protection des forêts indigènes et le reboisement en vue dapprovisionner les planteurs en bois de feu pour le séchage, et en bois doeuvre pour la construction de granges de séchage, tout en sauvegardant léquilibre écologique. Les sociétés productrices de tabac, les associations de producteurs et les industries ont réalisé de gros investissements dans le lancement de campagnes promouvant leur proposition conjointe de boiser les terres en friche à laide dessences indigènes (acacias) et exotiques (eucalyptus), atteignant ainsi quelque 140 000 planteurs dans le sud. Laccord prévoit la fourniture des services et intrants nécessaires, comme le financement, loctroi de licences aux pépinières offrant des plants à faible coût pour le reboisement, une assistance technique et des recherches menées sur le terrain. Lindustrie a promis de ne pas acheter du tabac séché à laide de bois de feu provenant de sources illicites, et les planteurs ne pourront être enregistrés que sils sengagent à reboiser une partie de leur propriété.
Au Brésil, les rendements nets par hectare de tabac sont supérieurs à ceux du maïs (une importante culture vivrière) et à ceux des haricots (une importante culture de rente). Quelques récoltes, comme les légumes et les légumineuses, pourraient soutenir avec succès la concurrence avec le tabac mais les marchés pour ces produits sont déjà bien approvisionnés. Le tableau 2.6 compare le tabac à des cultures de remplacement.
Dautres cultures rentables, comme lail et lasperge, qui pourraient concurrencer le tabac exigent une fertilité naturelle du sol, alors que le tabac nen a pas besoin. Il existe des possibilités de diversifier et dabandonner le tabac en faveur dautres cultures, mais ce choix dépend de la recherche et des économies de ces cultures de remplacement.
Pour obtenir le revenu brut à lhectare du tabac, il faut 6,5 ha de maïs ou 9,6 ha de haricots. À ces conditions, il est pratiquement impossible de remplacer le tabac sur les petites exploitations par des cultures tout aussi rentables. En effet, si les agriculteurs cultivent le maïs et les haricots comestibles dans le sud, ils devront mettre en production dautres superficies, ce qui déterminerait lexploitation et le déboisement de nouvelles terres et, partant, causerait des dommages à lenvironnement.
Tableau 2.6 - Estimation des coûts, recettes et revenu net relatifs au tabac et à des cultures concurrentielles
Eléments |
Tabac |
Autres cultures |
||
Virginie |
Burley |
Maïs |
Haricots |
|
1. Coûts variables |
|
|
|
|
Coûts de la main-doeuvre ($EU) |
969,26 |
771,11 |
104,94 |
124,05 |
Services salariés ($EU) |
78,59 |
61,10 |
59,79 |
25,91 |
Intrants ($EU) |
423,71 |
402,82 |
142,53 |
70,76 |
Bois de feu ($EU) |
145,71 |
- |
- |
- |
Autres ($EU) |
121,01 |
108,90 |
27,80 |
26,88 |
Total partiel des coûts variables ($EU) |
1 738,28 |
1 343,93 |
335,06 |
247,60 |
2. Coûts fixes |
|
|
|
|
Amortissement ($EU) |
160,47 |
163,06 |
48,17 |
48,21 |
Traitement du sol ($EU) |
10,35 |
11,46 |
8,37 |
8,37 |
Total partiel des coûts fixes ($EU) |
170,82 |
174.82 |
56,54 |
56,58 |
Coûts totaux ($EU) |
1 909,09 |
1 518,45 |
391,60 |
304,18 |
Rendement (kg/ha) |
2 026,00 |
1 678,00 |
3 600,00 |
1 200,00 |
Coût de production au kg ($EU) |
0,94 |
0,90 |
0,11 |
0,25 |
Prix moyen au kg ($EU) |
1,17 |
1,12 |
0,11 |
0,22 |
Revenu brut à lha ($EU) |
2 370,42 |
1 879,36 |
396,00 |
264,00 |
Revenu net à lha ($EU) |
454,57 |
360,91 |
1,51 |
(42,11) |
Besoins de main-doeuvre (jours de travail/ha) |
149 |
134 |
22 |
26 |
Source: Afubra.
Le tabac supporte bien les terrains montagneux dans le sud, où la production de cultures de remplacement serait malaisée.
En outre, il est très difficile de remplacer le tabac par dautres spéculations en raison de lassurance-récolte parrainée actuellement par lAfubra. Elle sest montrée fiable pendant 45 ans et sest améliorée au fil des ans. Sans une augmentation des taux, laide financière est accordée aujourdhui à la reconstruction des granges de séchage endommagées par les incendies, le vent, la grêle ou la foudre pendant le processus de séchage du tabac. Une aide est aussi prévue pour les dégâts aux cultures causés par la grêle ou le vent.
Lassurance-récolte relative aux autres cultures, PROAGRO, nest pas aussi efficace que celle pour le tabac. PROAGRO est notoire pour ses retards dans le règlement des sommes dues.
Seules de rares recherches ont été menées sur le remplacement du tabac dans le nord-est. Au sud, lUniversité de Santa Maria, dans le Rio Grande do Sul, a évalué le thé, qui présente certains avantages par rapport au tabac, bien quil sagirait dune substitution contestable: i) pour dégager le même revenu net par famille, il faudrait des superficies plus étendues (comportant certainement le défrichement des terres et le déboisement des forêts); ii) 30,6 pour cent des agriculteurs possèdent des exploitations de moins dun hectare, superficie insuffisante pour la culture du thé; et iii) le thé est potentiellement antiéconomique dans les conditions actuelles du marché.
Une autre substitution viable consisterait dans le boisement, à savoir la plantation dessences indigènes comme lacacia. Lacacia est une essence intéressante car elle fournit non seulement du bois doeuvre mais aussi du tanin. Les difficultés que présente lacacia sont les suivantes: i) les terres adaptées sont, dans une large mesure, déjà plantées en essences exotiques destinées à fournir du bois de feu pour le séchage du tabac; ii) certaines superficies occupées par le tabac sont extrêmement fertiles et plus adaptées aux cultures de rente quaux cultures permanentes; et iii) la plupart des plantations existantes ont été établies grâce aux ressources des agriculteurs et à des incitations fiscales lorsque le crédit était bon marché; à lheure actuelle il est difficile à obtenir et cher.
Dépendance des agriculteurs vis-à-vis de la production de tabac
Les petits exploitants du sud sont entièrement tributaires du tabac pour leur subsistance économique. Vingt-cinq pour cent des planteurs cultivent moins dun hectare; 30,5 pour cent ont de 1 à 10 ha (voir le tableau 2.7); lexploitation moyenne a une étendue de 17,5 ha, dont 2,6 sont plantés en tabac.
Vingt-cinq pour cent des planteurs cultivent des terres cédées à bail par des propriétaires fonciers ou sont des métayers; les autres planteurs possèdent leurs propres terres. Les petites exploitations dominent, et puisque le tabac na besoin que dune superficie limitée, le bail et le métayage sont un mode naturel de régime foncier et ont lavantage de ne pas immobiliser dans la terre le capital du tabaculteur.
Tableau 2.7 - Taille des exploitations productrices de tabac dans le sud (1999/2000)
Catégorie |
Taille (ha) |
Pourcentage (%) |
< 1 ha |
33 886 |
25,1 |
1- 10 ha |
45 075 |
30,5 |
11 - 20 ha |
34 416 |
25,5 |
21 - 30 ha |
15 836 |
11,7 |
31 - 50 ha |
7 190 |
5,3 |
> 50 ha |
2 467 |
1,8 |
Total |
134 850 |
100 |
Source: IBGE.
La plupart des exploitations cédées à bail ont moins de 5 ha (un minifundia au Brésil), le tabac représentant la principale source de revenu. Le métayage est fréquent parmi les agriculteurs âgés ou en retraite qui partagent leurs terres avec les nouveaux venus.
Dans le sud, daprès une enquête menée par Afubra, la dépendance des agriculteurs vis-à-vis du tabac peut être jugée par ce qui suit:
88,4 pour cent des planteurs lont cultivé depuis au moins 5 ans et auraient du mal à apprendre à produire dautres cultures;
les planteurs affirment que le tabac est la seule culture quils connaissent capable dassurer leur subsistance avec une superficie de 2 ou 3 ha;
une évaluation de la planification de lexploitation suggère que le tabac est la seule culture produite à grande échelle jouissant dun marché capable dabsorber toute la production du sud;
les agriculteurs estiment que toutes les autres cultures sont des cultures de subsistance et non commercialisables;
les activités pouvant mieux être combinées avec le tabac sont lélevage porcin et de la volaille qui, daprès les exploitants, rapporterait 1 200 $EU par an, mais ne saurait remplacer le tabac;
tous les agriculteurs estiment que le changement daffectation de la terre entraînerait des pertes financières;
67,1 pour cent des agriculteurs ont noté quen labsence dun marché pour le tabac ils auraient à défricher des terres pour établir une nouvelle association de cultures.
79,9 pour cent des producteurs de tabac plantent le maïs après avoir récolté le tabac;
32,2 pour cent des producteurs de tabac associent le tabac au boisement, le bois étant utilisé pour le séchage du tabac, ce qui donne une combinaison rentable;
29,5 pour cent des agriculteurs ont noté que le tabac est une culture idéale car elle nexige pas de grandes parcelles;
28,9 pour cent des agriculteurs ont noté que le tabac est une culture intéressante à cause de lachat garanti du produit, avantage que noffre actuellement aucune autre culture;
28,2 pour cent des planteurs estimaient quaucune autre culture nétait aussi rentable que le tabac;
13,4 pour cent des agriculteurs ont souligné quils ne trouveraient aucune autre occupation, ni dans le domaine de lagriculture ni au dehors, sils cessaient de cultiver le tabac;
le revenu annuel net moyen dégagé du tabac pourrait atteindre 8 000 $R, alors que celui de la meilleure solution de rechange ne dépasserait pas 2 000 $R.
Les exploitants interviewés ont déclaré que les solutions déjà disponibles, comme la retraite anticipée ou une prime de fin de service, ne réduiraient que marginalement le nombre de planteurs. Le tabac continuera à représenter le gros de la production dans le sud. Dans le nord-est, le tabac est la principale, voire la seule, source de revenu dans les zones économiquement défavorisées de Bahia et Alagoas.
On peut sattendre que le Brésil continue à produire activement du tabac. Sa production et son revenu saccroîtront à mesure que se répandent les techniques améliorées, comme lépandage dengrais, les plants produits grâce au système du flottement qui assure une récolte plus régulière et élimine le besoin de fumigation au bromure de méthyle, lemploi de variétés résistant mieux aux maladies et aux ravageurs adaptées à chaque région, et ladoption de la plantation à demeure.
La production de cigares connaîtra un essor grâce aux perspectives dune croissance du marché dexportation. Une tendance aux nouveaux investissements se dessine, des techniques et des compétences étrangères étant introduites à la suite des fusions et alliances avec les grandes sociétés mondiales. Toutefois, les investissements ont été entravés par la hausse des taxes sur les cigares et les petits cigares, qui sélèvent maintenant à 67 pour cent, et par la concurrence accrue de la contrebande de produits de faible qualité.
Les tentatives du gouvernement visant à réduire la production de tabac ou à encourager son abandon pour dautres cultures se sont soldées par un échec, bien quaucun effort systématique nait été accompli pour étudier et proposer des cultures de remplacement. Aucune solution susceptible de procurer un revenu viable ne se présente. Sans une recherche appropriée il est pratiquement impossible de formuler des politiques appropriées.
Le gouvernement sest concentré sur les campagnes antitabac. Lindustrie de la cigarette a adopté des contre-mesures visant à neutraliser toute campagne susceptible de porter atteinte à son image aux yeux du Congrès et de lopinion publique. Toute tentative faite par le pouvoir exécutif dédicter une loi frappant de restrictions la production, la commercialisation ou la consommation de cigarettes a été étouffée par la Chambre et le Sénat.
Lindustrie du tabac cherche à rehausser son image aux yeux des communautés locales et des États en mettant en évidence sa contribution aux avantages sociaux qui améliorent la qualité de la vie des communautés où elle opère. Les sociétés ont souvent utilisé comme stratégie leurs activités en faveur de la communauté pour resserrer les liens avec les pouvoirs politiques, notamment les administrations locales et les circonscriptions. Les employés des sociétés - par le biais dune série de campagnes - ont noué des liens entre ces sociétés et dautres organisations et institutions locales, ainsi que lensemble de la communauté.
Certaines sociétés contribuent à la gestion des ressources naturelles et à lenvironnement. Elles organisent des programmes pour léducation environnementale, la réduction du bruit, le traitement des effluents liquides et le contrôle des émissions dans latmosphère. Une société met en oeuvre un projet de recyclage des matières plastiques à réutiliser dans la fabrication dautres produits. À Santa Cruz, Rio Grande do Sul, lacétate, la cellulose et les filtres sont utilisés à nouveau pour produire des articles de literie et des jaquettes.
Les sociétés productrices de tabac veulent que leur nom soit associé à: i) des activités culturelles, comme des séminaires dart, des activités artistiques scolaires et des manifestations auxquelles participent des artistes célèbres; ii) des initiatives concernant la santé, comme les travaux en partenariat avec la prestigieuse Fondation Zerbini dans le cadre dun programme pour la prévention du SIDA; iii) des activités sociales et de solidarité «susceptibles de changer la vie des personnes»; et iv) des initiatives éducatives pour éradiquer lanalphabétisme, associées au projet «Solidarité pour lalphabétisme» mis en oeuvre par le prestigieux Conseil de solidarité communautaire, qui vise à améliorer lalphabétisme dans la plupart des régions déshéritées du pays.
Sous langle de lemploi, la culture du tabac est, dans une large mesure, une entreprise familiale. Ce type de récolte sadapte parfaitement au modèle dagriculture familiale que le gouvernement fédéral a parrainé, notamment grâce à son Programme national dagriculture familiale (Pronaf). Au titre du Pronaf, les tabaculteurs ont droit à des crédits pour la production et linvestissement portant des intérêts subventionnés.
Aucune information nest disponible en ce qui concerne la participation des producteurs de tabac au Pronaf. Il serait difficile de les exclure de ce programme sans supporter un coût politique, puisque ce groupe remplit les conditions dadmissibilité. Sil existait des cultures de remplacement rentables, ce programme pourrait être utilisé.
Le tabac est exclu des politiques publiques de soutien au secteur de la production. Il est également exclu du système de prix minimums et des programmes de prêts en faveur de la commercialisation (prêts à forfait). Cependant, lindustrie du tabac fournit aux exploitations une assurance-prix de fait par lentremise du système dachat garanti à un prix préétabli. Ce type darrangement crée des liens solides entre les producteurs et lindustrie, bien que, dans une année de récolte favorable, il puisse être difficile de convenir sur un prix.
Le gouvernement tente de juguler la contrebande des cigarettes
Le gouvernement sefforce de réduire lintroduction illicite des cigarettes au Brésil. Le Département fédéral des impôts a augmenté les saisies de produits introduits en fraude ou contrefaits, en particulier ceux provenant du Paraguay et de lUruguay. Toutefois, il a été observé que malgré lintensification des efforts visant à maîtriser les mouvements de contrebande, ils pourraient être supérieurs aux estimations, voire en augmentation. Les marchés intérieurs de cigarettes ont été inondés de marques «pirates» et de mauvaises copies de marques connues existantes. Daprès les spécialistes du marché, le volume de cigarettes provenant dailleurs (contrebande) avoisinait 30 pour cent du total.
Selon Abifumo, le marché illégal continue à poser une grave menace à la survie de lindustrie (en particulier pour les petites et moyennes unités industrielles). Dans le marché illégal des cigarettes, plus de 80 pour cent sont des produits de contrebande - dont plus de 25 pour cent sont contrefaits - et environ 19 pour cent le résultat dune production locale soustraite au fisc. Abifumo estime quil est difficile dévaluer le marché illégal et donc de déterminer la consommation totale de cigarettes au Brésil.
Partenariat public-privé pour le contrôle de la qualité
En janvier 1889, lAssociated Press a signalé que les planteurs de Rio Grande do Sul produisaient du tabac du type g-1 qui, par rapport au tabac ordinaire, se caractérise par une teneur en nicotine deux fois plus haute que la normale (le niveau moyen étant de 6,2 pour cent). Ce rapport a suscité une profonde inquiétude parmi tous ceux liés à lindustrie du tabac et parmi les consommateurs et les importateurs.
Pour contrecarrer cette tendance et neutraliser les dommages que le rapport aurait pu causer à lindustrie, le Ministère de lagriculture a mis en oeuvre un programme visant à certifier les niveaux dalcaloïdes (nicotine et alcaloïdes secondaires) dans le tabac brésilien. Tout le tabac de Virginie transformé par les sociétés de Rio Grande do Sul est soumis désormais à des vérifications rigoureuses de la teneur en nicotine. Le programme oeuvre en partenariat avec sept sociétés liées à Abifumo et à lUniversité de Santa Cruz (UNISC) et assure la certification officielle du produit pour le marché international.
LUNISC fournit des analyses de laboratoire des niveaux moyens dalcaloïdes présents dans les feuilles de tabac de Virginie, sur la base déchantillons collectés le long de la filière des achats des sociétés productrices. Les résultats obtenus par le laboratoire autorisé (Centre danalyse de lUNISC) sont ensuite comparés à ceux des laboratoires des sociétés productrices. Chaque société reçoit un certificat indiquant sa moyenne et au Sindifumo est remis un autre mentionnant la moyenne générale. Le programme a maintenant été étendu à Santa Catarina et Paraná, ce qui permet la couverture de lensemble du sud.
Les études empiriques sur léconomie de la consommation de cigarettes sont rares au Brésil, mais deux (Costa et Silva et al., 2000; Carvalho et Lobão, 1999) peuvent être utilisées pour évaluer limpact des politiques publiques (par la taxation, par exemple) sur les prix et la consommation de cigarettes. Costa et Silva tirent largement parti des données de lanalyse de létude précédente et examinent les résultats et leurs retombées au plan de la formulation des politiques.
Costa et Silva et al sont résolument en faveur de laugmentation des prix comme moyen de réduire la consommation. Cette étude publiée par lINCA a influencé les décisions du gouvernement daccroître les prix des cigarettes pour réduire lusage du tabac.
Costa et Silva et al. (2000) ont estimé les prix et lélasticité-revenu pour la demande du marché vis-à-vis de modèles de consommateurs de cigarettes, dont les résultats sont résumés au tableau 2.8.
Le premier - Modèle 1 - se fondait sur lhypothèse que les fumeurs acceptaient de conserver dans leur corps un «stock de tabac», qui est un pourcentage de la «consommation désirée» de cigarettes (Chaloupka, 1991). Le modèle se basait sur lhypothèse que le fait de fumer, qui est une activité nuisible, est le résultat dune évaluation de coûts (dépendance, dommages à la santé du fumeur et à celle dautrui) et davantages (plaisir de fumer).
Le deuxième - Modèle 2 - a été proposé par Becker et Murphy (1988) avec deux versions. Lune partait de lhypothèse dune demande rationnelle dans le cas de fumeurs aux préférences fixes, alors que lautre supposait une demande myope ou étroite de la part dadolescents et de personnes ayant un faible niveau déducation formelle et un faible revenu. Dans cette hypothèse, le consommateur est défini comme un individu incapable de prévoir les conséquences à long terme du tabagisme. Autrement dit, il est estimé que ces personnes ont une attitude naïve et manquent déducation, comme celles appartenant à des milieux socioéconomiquement désavantagés. Daprès la littérature, cest ce groupe de consommateurs myopes qui devrait être la cible des politiques visant la réduction de la consommation de tabac.
Tableau 2.8 - Modèles économétriques de lélasticité-prix des cigarettes
Élasticité |
Modèle 1 |
Modèle 2 (Becker et Murphy, 1988) |
||
rationnel |
étroit ou myope |
|||
Prix |
|
|
|
|
|
à court terme |
-0,1118 |
-0,1407 |
-0,1962 |
|
à long terme |
-0,7982 |
-0,4932 |
-0,4792 |
Revenu |
|
|
|
|
|
à court terme |
- |
0,2277 |
0,3120 |
|
à long terme |
- |
0,7980 |
0,7621 |
Source: Costa et Silva et al., 2000, basé sur Chaloupka, 1991, et Becker et Murphy, 1988.
Les résultats de lanalyse fondée sur lhypothèse de myopie montraient que la consommation de cigarettes au Brésil a fait lobjet dun changement structurel au plan de lélasticité-prix au cours du troisième trimestre de 1990, quand la consommation est tombée à un niveau inférieur à celui de la tendance passée. Ce changement structurel était probablement dû aux règlements sur la santé du travail introduits en 1990 et qui imposaient un contrôle sévère de la consommation de cigarettes dans les emplacements de travail. Après ce changement, lélasticité-prix de la demande pour les long et court termes sest accrue, principalement au sein du groupe de consommateurs myopes où elle a presque doublé. Ces changements sont illustrés au tableau 2.9.
Une simulation de limpact des changements des politiques publiques visant à réduire la consommation de cigarettes a suggéré une élasticité-prix de la demande de -0,15 dans le court terme et de -0,5 dans le long terme (comme dans le tableau 2.9). Une augmentation de 15 pour cent des prix des cigarettes entraînerait une réduction de la consommation de 2,25 pour cent dans le court terme et de 7,5 pour cent dans le long.
Ces résultats laissent entendre que des changements dans les politiques publiques relatives à la lutte antitabac peuvent influencer les élasticités-prix de la demande des consommateurs tant rationnels que myopes. Des preuves empiriques indiquent que la consommation se réduit en présence dinformations améliorées sur les dommages possibles pour la santé.
Tableau 2.9 - Changements dans lélasticité-prix à la suite des variations des politiques publiques en 1990
|
Modèle rationnel |
Modèle étroit |
|
Avant le 3 trimestre |
|
|
|
|
à court terme |
-0,1407 |
-0,1962 |
|
à long terme |
-0,4932 |
-0,4792 |
Après le troisième trimestre |
|
|
|
|
à court terme |
-0,17 |
-0,35 |
|
à long terme |
-0,58 |
-0,73 |
Source: Costa et Silva et al., 2000.
La sensibilité-prix des consommateurs aux variations des prix et du revenu avait des élasticités semblables à celles proposées dans des études comparables menées ailleurs, qui montraient que les augmentations de prix peuvent réduire la consommation de cigarettes, alors que laugmentation du revenu du fumeur stimule la consommation.
Il ny avait guère de sensibilité à la variation des prix dans le court terme. Avec une augmentation moyenne des prix de 10 pour cent, un consommateur fumant un paquet par jour réduirait sa consommation de 4 à 7 paquets lan.
À long terme, la même augmentation de 10 pour cent diminuerait la consommation de 344 cigarettes par an. Les consommateurs myopes (jeunes, personnes moins instruites) seraient plus sensibles aux variations des prix dans le court terme que le groupe rationnel.
Laugmentation des taxes sur les cigarettes jusquà 90 pour cent des prix de détail moyens accroîtrait, dans le court terme, les rentrées fiscales qui passeraient de 12 à 15,5 pour cent, tout en réduisant la consommation de 1,5 à 3 pour cent; dans le long terme, elle accroîtrait les rentrées fiscales de 3 à 9 pour cent et réduirait la consommation de 6 à 12 pour cent. Il y a plusieurs conséquences au plan des politiques:
les campagnes mettant laccent sur les risques pour la santé du tabagisme sont plus efficaces que la taxation des cigarettes;
bien que les campagnes dinformation devraient sadresser à tous les fumeurs et à lensemble de la société, elles devraient également cibler les consommateurs jeunes et moins instruits;
les consommateurs réagissent aux prix lorsque la taxation produit une forte augmentation des prix, mais les effets du revenu doivent également être pris en compte, car ce sont les consommateurs de la tranche de revenu plus faible qui souffriront le plus, et cest précisément ce groupe qui réagit le plus favorablement à la publicité et à linformation.
Carvalho et Lobão (1999) ont analysé lefficacité de différentes politiques. Les taxes sont déjà élevées (74 pour cent du prix de détail des cigarettes) de sorte que leur accroissement pourrait savérer insoutenable. Toutefois, malgré ce haut niveau de taxation, les prix des cigarettes brésiliennes sont parmi les plus faibles du monde, ce qui montre quil existe encore une marge pour une augmentation, mais que cette augmentation pourrait encourager la contrebande et réduire, par là même, les rentrées fiscales. Les taxes pèsent toujours plus lourdement sur ceux qui sont moins capables de sy soustraire.
Les statistiques disponibles suggèrent que les normes sociales influençant la consommation de tabac sont probablement responsables des changements observés dans la demande structurelle de cigarettes. Cest ce qui explique le fléchissement de la consommation quelques mois après lintroduction détiquettes de mise en garde sur les paquets de cigarettes en 1995. Les normes sociales rendent également le consommateur plus sensible aux variations des prix, accroissant lélasticité-prix de la demande (avec un impact inférieur sur les consommateurs rationnels et supérieur sur les consommateurs myopes).
Létude de Carvalho et Lobão (1999), basée sur des travaux réalisés dans les années 1990, est parvenue à trois principales conclusions. Dabord, toute tentative de réduire la consommation de cigarettes par le biais dune augmentation des taxes est probablement vouée à léchec étant donné que cette augmentation pourrait navoir quun faible impact sur la consommation en raison du stimulant représenté par le commerce illégal. Les taxes sur les cigarettes sont déjà élevées et ont probablement atteint leur maximum car lévasion fiscale est déjà très forte.
Deuxièmement, des taxes plus élevées sur les cigarettes pourraient avoir des effets de répartition négatifs car leur impact sur le revenu pénaliserait davantage les individus (familles) à plus faible revenu, qui destinent une part proportionnellement plus élevée de leur revenu à lachat de cigarettes, que ceux appartenant aux tranches supérieures de revenu. Il en résulterait une situation où une augmentation des prix due à des taxes plus élevées nentraînerait pas nécessairement une diminution de la consommation mais la transférerait vers des cigarettes de qualité inférieure. Cette politique pourrait donc savérer improductive.
Troisièmement, certains indices montrent que les politiques qui mettent laccent sur les risques pour la santé sont plus efficaces que laugmentation des prix par le biais de la taxation.
Le Brésil impose aussi des restrictions sur la vente de cigarettes, fixe des limites dâge pour leur achat, nautorise les ventes quà certains endroits et exige pour elles des licences spéciales, interdit de vendre des cigarettes dans les lieux publics et limite la distribution déchantillons gratuits. Ces politiques ont fait lobjet de nombreux débats, et aucune recherche nest entreprise pour examiner leur efficacité.