Page précédente Table des matières Page suivante


Chapitre 6. Analyses de sol en vue d'une application de phosphates naturels


Les analyses de sol pour le phosphore (P) ont fait l'objet d'une recherche approfondie. De nombreuses solutions d'extraction allant des acides forts aux bases et à divers agents complexants organiques et inorganiques ont été testées pour évaluer la biodisponibilité du phosphore dans certaines conditions de cultures et de sols. Les tests les plus largement répandus pour évaluer le phosphore du sol sont Bray I (Bray et Kurtz, 1945), Mehlich I (Nelson et al., 1953), et Olsen (Olsen et al., 1954). Les autres tests communs incluent Bray II, Mehlich II et III, et l'utilisation de la résine (Fixen et Grove, 1990). Cependant, tous ces tests sont utilisés principalement pour des recommandations avec des engrais phosphatés hydrosolubles tels que le phosphate di-ammonique (DAP), le superphosphate simple (SSP) et le superphosphate triple (TSP). Des rapports ont montré que ces tests conventionnels, acides ou alcalins, ne donnent pas de bons résultats pour les sols fertilisés avec du phosphate naturel (PN) (Perrott et al., 1993, Menon et Chien, 1995, Rajan et al., 1996). Ainsi, il est nécessaire de développer des tests adaptés qui reflètent étroitement l'absorption du phosphore du PN pour une gamme de sources de PN, de propriétés de sols, et de variétés de cultures. En outre, les tests devraient convenir pour les PN et les engrais phosphatés hydrosolubles. Cette question est devenue plus importante en raison de l'intérêt croissant pour l'utilisation du PN en application directe dans les pays développés et en voie de développement, par exemple en Australie, Nouvelle-Zélande, Brésil, Indonésie, Malaisie et dans les pays d'Afrique subsaharienne.

Ce chapitre fournit une vue d'ensemble des tests qui ont été employés pour mesurer le phosphore disponible dans les sols traités avec des PN et des engrais hydrosolubles. Il offre une introduction sur la nature des réactions du PN et de l'engrais hydrosoluble dans les sols. Il analyse ensuite l'emploi de la méthode de cinétique d'échange isotopique utilisant le 32P par rapport aux mesures de phosphore disponible dans le sol.

FIGURE 14
Relation entre l'absorption de phosphore par la plante et le phosphore disponible dans le sol provenant du TSP et du PN appliqués sur un sol acide

RÉACTION DU PHOSPHORE DANS LE SOL ET TEST DE SOL

Quand un engrais phosphaté hydrosoluble, par exemple du TSP, est appliqué dans un sol acide contenant des oxydes de fer (Fe) et d'aluminium (Al), les produits de réaction sous forme de P-Fe-Al sont les sources de phosphore disponible pour l'absorption par la plante grâce aux processus de désorption/ dissolution (figure 14). Si la quantité de phosphore disponible extraite par un type d'analyse de sol (k1') est proportionnelle (c'est à dire a une bonne corrélation) à la quantité de phosphore absorbée par la plante (k1) ou à la production de la culture, alors ce type d'analyse de sol convient pour effectuer des recommandations de doses d'engrais phosphaté hydrosoluble.

Quand un PN est appliqué dans un sol acide (figure 14), sa dissolution libère du phosphore dans la solution du sol. Les racines des plantes peuvent absorber directement une partie du phosphore libéré, et une partie du phosphore libéré forme des produits de réaction (cf. ci-dessus). Ceux-ci peuvent également fournir plus tard du phosphore disponible par le procédé de désorption (à la différence des engrais phosphatés hydrosolubles, la concentration en phosphore dans la solution du sol due à la dissolution des PN est trop faible pour précipiter sous forme de composés de type P-Fe-Al). Ainsi, les produits de réaction et le PN non dissous peuvent fournir du phosphore disponible pour la plante (Chien, 1978). Le degré de disponibilité relative du phosphore des PN non dissous par rapport à P-Fe-Al dépend de: la réactivité du PN, la capacité de fixation du sol pour le phosphore, et la durée de la réaction du PN avec le sol. Bien qu'on puisse penser que les produits de réaction de la dissolution du PN soient identiques à ceux issus de la dissolution du TSP, c'est à dire k3/k3' = k1/k1', le minéral phosphaté dans le PN est le P-Ca (calcium). Ceci diffère des produits de réaction du TSP qui sont sous forme de P-Fe-Al. Ainsi, la proportionnalité k1/k1' pour le TSP peut être ou non identique à celle de k2/k2' pour le PN avec un test donné de sol. Si k2/k2' > k1/k1', le test sous-estimera le phosphore disponible du PN par rapport au TSP. Si k2/k2' < k1/k1', le test surestimera le phosphore disponible du PN par rapport au TSP. Si k2/k2'= k1/k1', alors le test sera applicable au PN et au TSP.

Comme le montre la figure 14, aussi longtemps que le PN non dissous est la source primaire pour fournir du phosphore disponible à la plante, il y aura deux courbes d'étalonnage séparées avec un test donné de sol (une pour le PN et une pour TSP) si k2/k2' 1 k1/k1'. Quand la majeure partie du PN est dissoute et que les produits de réaction du PN sont les sources principales de phosphore disponible pour la plante, le TSP et le PN suivront la même courbe d'étalonnage si k3/k3' = k1/k1' dans un test donné de sol. Cependant, on peut penser que les produits de réaction du PN avec le sol et leur disponibilité pour les plantes peuvent différer de ceux obtenus avec des engrais phosphatés solubles, c'est à dire k3/k3' 1 k1/k1', en raison de la libération lente due à la dissolution du PN (Chien et al., 1987a). Par conséquent, un test de sol peut être applicable au TSP et au PN selon: la nature chimique du test (acide, alcaline, etc.), la quantité de PN non dissous et la quantité et la nature des produits de réaction formés lors de la dissolution du PN.

TESTS DE SOL CONVENTIONNELS

Test Bray I

La solution de Bray I (0,03 M NH4F + 0,025 M HCl) développée par Bray et Kurtz (1945) a été largement utilisée pour déterminer le phosphore disponible dans les sols. Elle a donné des résultats fortement corrélés avec la réponse de la culture à la fertilisation phosphatée. La combinaison de HCl et NH4F faibles est conçue pour enlever les formes solubles de phosphore avec l'acide et précipiter le CaF2, en grande partie les P-Ca autres que l'apatite, et une partie du P-Fe-Al par complexation des cations avec des ions fluor (F). Par conséquent, beaucoup de chercheurs ont supposé que le phosphore extrait par Bray I à partir des sols traités avec des PN est bien le phosphore disponible dérivé des produits de réaction des PN plutôt que des PN non dissous dans les sols. Cependant, Chien (1978) a trouvé que Bray I pouvait dissoudre des PN dans un sol acide au temps zéro, c'est à dire avant que le sol ait réagi avec les PN. Les quantités de phosphore extraites par Bray I à partir du sol traité avec des PN avant et après l'incubation (trois semaines) sont bien corrélées avec la solubilité des PN et la dose de phosphore. Ainsi, Bray I peut aider à prévoir la réponse des cultures à diverses sources de PN appliqués à différentes doses de phosphore sans comparaison avec des engrais phosphatés hydrosolubles. De nombreuses publications soutiennent cette affirmation (Barnes et Kamprath, 1975, Smith et al., 1957, Smith et Grava, 1958, Howeler et Woodruff, 1968, Hammond, 1977, Mostara et Datta, 1971). Cependant, la question se pose de savoir si la méthode Bray I peut être employée pour comparer les réponses des cultures au phosphore disponible dans un sol traité avec des PN ou des engrais hydrosolubles.

Barnes et Kamprath (1975) ont rapporté que deux courbes distinctes de production de matière sèche de maïs ont été tracées en fonction du niveau de phosphore Bray I obtenu à partir de deux PN et de TSP. Ces courbes indiquaient que la production de matière sèche d'une culture de maïs était plus forte dans le sol traité avec un PN que dans le sol ayant reçu du TSP et ce, avec le même niveau de phosphore Bray I dans les deux cas. En outre, le phosphore extrait par la méthode Bray I à partir des sols traités avec des PN (Floride et Caroline du Nord, Etats-Unis) est étroitement corrélé avec la production de la plante et l'absorption de phosphore, indépendamment des types de sol, du pH du sol et de la source de PN. Cependant, Barnes et Kamprath ont essayé d'expliquer pourquoi deux courbes distinctes ont été obtenues quand ils ont tracé la production de matière sèche du maïs en fonction du phosphore Bray I obtenu avec PN et TSP: l'hypothèse est que certains produits d'acidulation du PN que la plante peut utiliser ne seraient pas dissous par la solution d'extraction.

La figure 15 montre deux exemples supplémentaires de l'utilisation de Bray I pour évaluer le phosphore disponible des PN par rapport au TSP. Ces résultats montrent que le rapport entre la production de matière sèche et le phosphore Bray I était identique pour différentes sources de PN, c'est à dire qu'une courbe simple s'adaptait à toutes les sources de PN. En outre, les résultats montrent que la courbe Bray I des PN était au-dessus de la courbe du TSP. Ceci suggère que la méthode Bray I sous-estime le phosphore disponible à partir des PN étudiés par rapport au phosphore du TSP du fait que la production de matière sèche est plus élevée avec les PN qu'avec le TSP avec un même niveau de phosphore extrait par la méthode Bray I. Apparemment, les solutions acides faibles de Bray I ont extrait moins de phosphore à partir de l'apatite du PN non dissous qu'à partir des produits de la réaction du TSP par comparaison avec l'absorption relative par des plantes de phosphore provenant des PN ou du TSP, c'est à dire k2/k2'> k1/k1'(figure 14).

FIGURE 15
Relation entre la production de matière sèche et le phosphore extrait par la méthode Bray I dans les sols traités avec PN et TSP

Sources: Données pour (a): Hammond (1977) et (b): Reinhorn et Hagin (1978, données non publiées).

FIGURE 16
Rapport entre la production de matière sèche de maïs avec différentes sources de phosphore et le phosphore Bray I extrait à partir (a) d'un sol sableux acide (pH 4,8) à faible pouvoir tampon de pH et (b) d'un sol acide (pH 5,2) avec une capacité de rétention élevée

Comme le montre la figure 16, la méthode Bray I peut également surestimer le phosphore disponible des PN par rapport au TSP dans un sol sableux acide ou un sol à forte rétention. Dans les sols sableux avec un pouvoir tampon pour le pH relativement faible, le pH de la suspension de sol peut encore être acide pendant l'extraction du sol. Par exemple, le pH de l'extrait Bray I du sol sableux acide (pH 4,8) représenté sur la figure 16(a) était de 3,1, peu différent du pH de la solution de Bray I (pH 3,0). Ainsi, la solution de Bray I peut dissoudre proportionnellement plus de phosphore des PN que des produits de la réaction de TSP par comparaison avec l'absorption de phosphore à partir des deux sources, c'est à dire k2/k2' < k1/k1', comme représenté sur la figure 14. Dans les sols avec un pouvoir tampon de pH relativement élevé, l'acidité de la solution de Bray I peut être neutralisée partiellement par le sol de sorte qu'elle ne soit pas assez forte pour extraire du phosphore en excès à partir du PN. Par exemple, le pH de l'extrait Bray I d'un sol acide (pH 5,2) contenant 34 pour cent d'argile était 4,6, plus élevé que le pH de la solution de Bray I (pH 3,0). Pour ces types de sol, Bray I sous-estime fréquemment le phosphore disponible du PN par rapport au TSP comme représenté sur la figure 15.

Dans les sols avec une capacité de fixation relativement élevée, le phosphore disponible pour la plante suite à la dissolution du PN dans la solution du sol (c'est à dire k2 sur la figure 14) peut être relativement bas parce que le phosphore libéré par le PN est fixé par le sol. Cependant, la solution de Bray I peut encore extraire du phosphore à partir du PN pendant l'extraction du sol (c'est à dire k2' sur la figure 14). Par conséquent, Bray I peut surestimer le phosphore disponible à partir des PN par rapport au TSP dans les sols ayant une capacité de rétention élevée (figure 16b), c'est à dire k2/k2' < k1/k1' sur la figure 14.

Tests Bray II et Mehlich I

Les solutions d'extraction de Bray II (NH4F 0,03 M + HCl 0,1 M) et Mehlich I (HCl 0,05 M + H2SO4 0,0125 M) sont plus acides que Bray I en raison des concentrations relativement plus élevées en HCl. Ces deux tests sont généralement employés dans les sols acides tropicaux, par exemple Bray II en Malaisie et en Colombie, et Mehlich I au Brésil.

FIGURE 17
Rapport entre la production de matière sèche du maïs et (a) le phosphore extrait par Bray-II, et (b) le phosphore extrait par Mehlich I dans le sol traité avec le PN et le TSP de Floride centrale

Source: Données de Menon et al. (1989b).

En raison des réactifs acides relativement forts de ces deux tests, ils peuvent dissoudre, pendant l'extraction du phosphore du sol, une quantité substantielle de PN non dissous. Par conséquent, ils peuvent surestimer la disponibilité du phosphore du PN par rapport au phosphore hydrosoluble (Barnes et Kamprath, 1975, Yost et al., 1982, Bationo et al., 1991). La figure 17 montre que Bray II et Mehlich I ont extrait proportionnellement plus de phosphore à partir du PN que des produits de réaction de TSP quand on analyse la disponibilité du phosphore, c'est à dire k2/k2' < k1/k1', comme représenté sur la figure 14. Par conséquent, les méthodes Bray II et Mehlich I ne sont pas recommandées pour le PN et le phosphore hydrosoluble car ils peuvent surestimer le phosphore disponible à partir des PN par rapport au phosphore hydrosoluble.

Test Olsen

La méthode Olsen (NaHCO3 0,5 M, pH 8,5) utilise un réactif alcalin qui extrait le phosphore à partir des produits de réaction de PN (c'est à dire k3') dans le sol traité avec le PN comme à partir des produits de réaction de TSP (c'est à dire k1') (figure 14).

Bien que le rapport k3/k3' des PN puisse être semblable à k1/k1' (TSP), le réactif d'Olsen n'extrait pas le phosphore à partir des PN non dissous (c'est à dire k2' = 0). Cependant, le PN non solubilisé peut être une source plus importante de phosphore que ses produits de réaction pour fournir du phosphore disponible pour la plante, particulièrement l'effet initial du phosphore. Dans ce cas, la méthode Olsen sousestime habituellement le phosphore disponible des PN par rapport à celui de TSP quand on considère l'absorption de phosphore par la plante, c'est à dire k2/k2' > k1/k1' (figure 14). Par conséquent, la méthode Olsen a fréquemment comme conséquence la présence de deux courbes avec la courbe du PN au-dessus de la courbe du phosphore hydrosoluble quand la production de la culture ou l'absorption de phosphore est tracée en fonction du phosphore extrait par la méthode Olsen (figure 18).

Dans l'étude de Rajan et al. (1991b), la pente de la courbe d'étalonnage pour le PN était très forte en raison des quantités de phosphore extraites par la méthode Olsen (figure 18 a) qui représentaient seulement le phosphore disponible à partir des produits de réaction du PN mais pas du PN non dissous. Pour avoir la même courbe d'étalonnage pour le PN et le TSP, Perrott et al. (1993) ont employé un facteur de correction (1,69) pour multiplier les valeurs de phosphore extrait par la méthode Olsen du PN et déplacer la courbe du PN vers la courbe du TSP (figure 18b). Cependant, cette modification est une approche empirique et dépend de plusieurs facteurs: par exemple le temps de dissolution du PN, la réactivité du PN, les propriétés du sol, et l'espèce cultivée.

FIGURE 18
Relation entre la production des pâturages et les valeurs de phosphore Olsen dans les sols traités avec le PN de Sechura et: (a) le phosphate monocalcique, et (b) le TSP

Sources: Rajan et al., 1991b, Perrott et al., 1993.

TESTS DE SOL RÉCEMMENT DÉVELOPPÉS

Méthode du papier imbibé d'oxyde de fer

La méthode des bandes de papier imbibé d'oxyde de fer (Pi) est une nouvelle approche pour évaluer le phosphore disponible dans les sols (Menon et al., 1989b, Menon et al., 1990, Chardon et al., 1996, Menon et al., 1997). Au lieu de solutions d'extraction, la méthode emploie des bandes de Pi comme puits pour absorber et retenir le phosphore présent dans une suspension de sol, comparable à une résine d'échange anionique. Cependant, à la différence de la résine d'échange anionique, les bandes de Pi montrent une préférence pour le phosphate par rapport à d'autres anions communs dans le sol (Van der Zee et al., 1987). Les ions phosphate peuvent être recherchés facilement dans une suspension de sol. De plus, la préparation des bandes de Pi est simple et peu coûteuse, ce qui devrait permettre à presque tous les laboratoires de les produire au lieu d'acheter aux vendeurs de produits chimiques de la résine d'échange anionique très onéreuse (Menon et al., 1989a). A la différence des réactifs utilisés dans les tests conventionnels de sol, les bandes de Pi ne réagissent pas avec le sol mais absorbent seulement le phosphore existant dans la solution du sol. Ainsi, cette méthode peut être utilisée dans les sols fertilisés avec des engrais phosphatés hydrosolubles et des PN.

Menon et al. (1989b) ont rendu compte de l'utilisation des bandes de Pi pour mesurer le phosphore disponible dans les sols traités avec un PN moyennement réactif de Floride ou un TSP avant une culture de maïs. Par rapport à d'autres méthodes conventionnelles, la méthode Pi a eu la corrélation la plus élevée entre la production de matière sèche ou l'absorption de phosphore et le phosphore du sol disponible quand tous les sols, les sources de phosphore, et les doses de phosphore ont été rassemblés. Cependant, dans l'étude, les gammes de résultats observés dans la production de la plante ou l'absorption de phosphore et le P-Pi obtenu avec le TSP étaient beaucoup plus étendues que celles obtenues avec le PN de Floride. Ainsi, statistiquement, il n'était pas approprié de prendre la même droite de régression entre la réponse de la culture (production de la plante ou absorption de P) et le P-Pi pour le PN et le TSP du fait que la régression était dominée par le TSP (bien que le coefficient de corrélation soit fortement significatif). Afin d'évaluer si le PN et le TSP suivent la même relation quand la réponse de la culture est tracée par rapport à P-Pi dans le sol, les échelles des réponses de la culture et du P-Pi avec le PN et le TSP devraient être approximativement identiques. De plus, le test Pi développé au début avec du CaCl2 0,01 M utilisé pour l'extraction du sol pourrait avoir sous-estimé le phosphore disponible du PN par rapport au TSP dans l'étude de Menon et al. (1989b) en raison de l'effet du calcium sur la dissolution du PN, c'est à dire k2/k2 ' > k1/k1' (figure 14).

Habib et al. (1998) ont préincubé deux sols acides avec du TSP et du PN fortement réactif de Caroline du Nord avant de faire des extractions de sol pour mesurer le phosphore disponible avant une culture de maïs. Les réponses de la culture (production de matière sèche ou absorption de P) obtenues avec le PN de Caroline du Nord étaient entre 83 et 91 pour cent de celles du TSP. Les méthodes utilisées étaient des bandes de Pi avec du CaCl2 0,01 M, des bandes de Pi avec du KCl 0,02 M, et Bray I. Les résultats ont montré que Bray I et les bandes de Pi avec du CaCl2 0,01 M ont sous-estimé le phosphore disponible issu du PN de Caroline du Nord (figures 19 et 20), confirmant que k2/k2' > k1/k1' (figure 14). Le phosphore disponible estimé par les bandes de Pi avec du KCl 0,02 M remplaçant le CaCl2 0,01 M a été corrélé plus étroitement à la réponse de la culture pour des sols traités avec du PN de Caroline du Nord et du TSP (figure 21), c'est à dire k2/k2' = k1/k1' (figure 14). Une moindre quantité de phosphore a été extraite du PN de Caroline du Nord par les bandes de Pi avec du CaCl2 0,01 M qu'avec du KCl 0,02 M (figure 22) parce que le CaCl2 a diminué la dissolution du PN, tandis qu'aucun effet n'a été observé avec le TSP (figure 23) du fait qu'il n'y a pas d'effet des ions calcium sur l'extraction de phosphore à partir de ses produits de réaction (P-Fe-Al). Par conséquent, il est recommandé d'utiliser le test Pi avec du KCl 0,02 M pour estimer le phosphore disponible dans les sols traités avec des PN et des engrais phosphatés hydrosolubles. Cependant, des recherches complémentaires sont nécessaires, particulièrement des essais agronomiques dans des conditions de champ, pour valider ce test Pi modifié.

FIGURE 19
Relation entre l'absorption de phosphore par le maïs et le phosphore extrait par la méthode Bray I dans les sols traités avec du TSP et du PN de Caroline du Nord

Source: Habib et al., 1998.

FIGURE 20
Relation entre l'absorption de phosphore par le maïs et le P-Pi (CaCl2 0,01 M) dans les sols traités avec TSP et PN de Caroline du Nord

Source: Habib et al., 1998.

FIGURE 21
Relation entre l'absorption de phosphore par le maïs et le P-Pi (KCl 0,02 M) dans les sols traités avec TSP et PN de Caroline du Nord

Source: Habib et al., 1998.

Résines mixtes d'échange anionique et cationique

Depuis son introduction par Amer et al. (1955), la résine d'échange anionique a été largement appliquée dans les travaux de recherche pour évaluer le phosphore du sol disponible. Comme le test Pi, la résine anionique est une méthode non destructive qui simule l'activité des racines de la plante. Cependant, c'est une méthode longue comportant un processus d'échange anionique en deux étapes (échange anionique de la résine avec le phosphore du sol, suivi de l'échange du P-résine avec l'anion). De plus, la difficulté de séparer les petites billes de résine du sol, ainsi que son coût, ont limité l'utilisation de cette méthode à quelques pays, par exemple le Brésil et le Danemark.

Saggar et al. (1990) ont utilisé une bande simplifiée de membrane de résine contenant - un mélange de cations (Na+) et d'anions (HCO3) pour évaluer le phosphore disponible dans les sols ayant reçu des PN ou des engrais phosphatés hydrosolubles. L'inclusion de résine saturée en Na+ augmentera la libération de phosphore du PN par enlèvement du Ca2+ lié au PN de sorte que la disponibilité du PN ne soit pas sous-estimée; cependant le PN ne sera pas solubilisé en excès ce qui aurait eu comme conséquence de surestimer la disponibilité du PN, c'est à dire k2/k2' = k1/k1' (figure 14). Saggar et al. (1990) ont simplifié le procédé en secouant la bande ayant fixé le phosphore directement avec du réactif coloré pour phosphore et, ainsi, ils ont enlevé une étape d'élution (échange traditionnel du P fixé par la résine avec la solution de NaCl). Les quantités de phosphore extraites par le procédé de résine mixte étaient proportionnelles à la quantité et à la solubilité de la source de phosphore appliquée aux sols. Plus tard, Saggar et al. (1992a, 1992b) ont comparé la méthode de résine mixte cation-anion à sept autres types d'analyse de sol et ont trouvé que la méthode mixte était la meilleure pour évaluer le statut du phosphore disponible des sols traités avec deux PN différant par leur réactivité. La méthode pouvait également décrire la relation entre la production de la culture et le phosphore disponible à partir du PN et du TSP, tandis que la méthode Olsen a échoué. Cependant, la recherche doit continuer pour évaluer le test utilisant une membrane de résine mixte pour diverses cultures développées sur différents sols traités avec du PN et des engrais phosphatés hydrosolubles, particulièrement au champ.

FIGURE 22
P-Pi avec du CaCl2 0,01 M ou du KCl 0,02 M dans les sols traités avec le PN de Caroline du Nord

Source: Habib et al., 1998.

FIGURE 23
P-Pi avec du CaCl2 0,01 M ou du KCl 0,02 M dans des sols traités avec du TSP

Source: Habib et al., 1998.

Par rapport au test de la bande de Pi, la bande de membrane de résine mixte cation-anion a cet avantage que la bande peut être régénérée et réutilisée. Cependant, elle est fournie uniquement par les sociétés commerciales de chimie, et elle est probablement considérablement plus chère que la bande de papier Pi, particulièrement pour des laboratoires dans les pays en voie de développement.

Méthode cinétique d'échange isotopique 32P

La technique isotopique au 32P fournit des données quantitatives sur le comportement du phosphore dans le sol (Fardeau, 1996) et le système plante-sol pour évaluer l'efficacité des engrais phosphatés (par exemple les PN) influencée par les procédures de gestion (Zapata et Axmann, 1995). La méthode de cinétique des échanges isotopiques (CEI) 32P fournit une caractérisation complète du phosphore du sol disponible en déterminant quatre facteurs indépendants dans une seule expérimentation. Le facteur intensité est donné par la mesure du potentiel chimique des ions phosphatés dans la solution du sol (Cp). Le facteur quantité est estimé par la quantité d'ions phosphatés étant instantanément échangeables isotopiquement après 1 minute (E1). Deux facteurs de capacité, un «immédiat» et l'autre «retardé», sont déterminés simultanément. Ces quatre caractéristiques permettent l'application d'un modèle fonctionnel et dynamique pour le phosphore disponible du sol (Fardeau, 1996).

La plupart des méthodes d'extraction employées pour l'analyse des sols permettent seulement la détermination d'un facteur de quantité, tandis que l'extraction à l'eau mesure seulement le facteur intensité. Bien que la méthode CEI permette la quantification des facteurs d'intensité, de quantité et de capacité, elle ne peut pas être employée en analyse de routine du sol en raison de la nature radioactive de l'isotope 32P. Cependant, la méthode CEI peut être considérée comme méthode de référence pour évaluer l'adaptation d'autres méthodes d'analyse de sol pour la détermination courante du phosphore. Aigner et al. (2002) ont comparé le phosphore disponible mesuré par le test Pi avec la méthode CEI dans des sols - dont les propriétés varient considérablement - ayant reçu ou non un PN du Maroc. Pour les sols qui n'ont pas reçu de PN, une corrélation très élevée (R2 = 0,94) a été trouvée entre le phosphore extrait par le test Pi et la valeur E1 déterminée par la méthode CEI. Pour des sols traités avec le PN, la corrélation était inférieure (R2 = 0,53). Le sol ayant la valeur de CP la plus élevée (sol de Hongrie) a montré que la valeur E1 a diminué de 9,4 mg de phosphore par kilogramme sans PN à 6,8 mg de phosphore par kilogramme avec l'addition de PN, tandis que la valeur de P-Pi a augmenté de 19,3 à 31,1 mg de phosphore par kilogramme. Aucune explication définitive n'a été donnée pour cette anomalie. Après l'exclusion du sol de Hongrie, la corrélation entre le test Pi et la méthode CEI était très forte (R2 = 0,92). Par conséquent, on a conclu que le test Pi est une bonne alternative à la méthode isotopique dans l'analyse de routine, fournissant de meilleures évaluations du phosphore disponible dans le sol que d'autres méthodes d'extraction.


Page précédente Début de page Page suivante