L'écart entre les ressources et la production
Les pays africains possèdent 20% des bovins, ovins et caprins du monde, mais ne produisent que 14,9% des cuirs et peaux mondiaux. Ils ont 10% du bétail du monde mais ne produisent que 4,5% des cuirs de bovins. Leurs exportations de cuirs et peaux ont fléchi ces dernières années, passant de 4 à 2%, et leur capacité de tannage de 9,2 à 6,8%. En un moment où les autres pays en développement ont fortement accru leur part de la production mondiale de chaussures par rapport aux pays développés, les pays africains n'ont obtenu qu'un modeste gain. La pénétration de leurs marchés intérieurs de chaussures de cuir par les importations d'autres pays en développement est estimée à 73,3%.
Cet écart entre les ressources et la production montre le potentiel considérable détenu par l'industrie africaine du cuir. Il est essentiel de le combler dans un secteur d'une importance stratégique pour le développement économique et industriel de nombreux pays africains. Non seulement ce secteur a-t-il une excellente base de ressources renouvelable, mais il est également à coefficient élevé de main-d'oeuvre et une source majeure d'emploi potentiel tout au long de sa chaîne d'approvisionnement. Dans huit des neuf pays examinés dans les études qui ont donné lieu à ce Plan, le sous-secteur du cuir et de la fabrication de chaussures fournit déjà 4 ou 5% de l'ensemble des emplois industriels, avec des contributions à la valeur de fabrication ajoutée de 2,9% en Egypte, 8,3% en Tunisie et 7,4% en Ethiopie, où la population bovine est la plus nombreuse d'Afrique, et près de 1% dans les cinq pays restants.[3] Il est évident que la réalisation du potentiel de l'industrie africaine du cuir apporterait des gains économiques importants au continent.
Ce Plan pour l'industrie africaine du cuir a été préparé dans le but précisément d'identifier les moyens de réaliser ce potentiel. Son objectif est de servir de guide à la mise en place de mécanismes et d'activités pouvant assister les différents intervenants dans la chaîne d'approvisionnement du cuir - le gouvernement, le secteur privé et les organisations internationales - afin de s'attaquer, de concert et de façon intégrée, aux problèmes auxquels se heurte la chaîne africaine, à l'aide de solutions rentables dans le cadre de la mondialisation et des échanges interrégionaux.
L'industrie africaine du cuir ne manque pas d'indicateurs positifs:
Des institutions ont été crées pour introduire et renforcer les normes et la qualité.
Des bases de données ont été établies et sont en service pour appuyer l'industrie, encore qu'elles n'aient pas toutes le même degré d'efficacité.
Les normes ont été, ou sont sur le point d'être, harmonisées au niveau national dans les neuf pays visés, un progrès qui facilite les opérations et réduit considérablement les coûts.
Quelques progrès ont été réalisés vers la stabilité macroéconomique générale et un environnement politique plus constant, bien qu'il reste encore une marge pour l'amélioration.
La réduction de la pollution environnementale est désormais reconnue comme un facteur de compétitivité.
Des stratégies de promotion du commerce ont été conçues et appuient les institutions établies, bien que leur coordination laisse encore à désirer.
Cependant, les problèmes qui nuisent à la croissance et à la compétitivité de l'industrie africaine du cuir sont nombreux. Parmi eux figurent:
La qualité des cuirs et peaux.
Une infrastructure insuffisante et en voie de détérioration, en termes de routes, alimentation en électricité et télécommunications, qui influence tous les éléments de la chaîne.
De faibles niveaux de transparence dans les opérations commerciales.
Le manque d'expérience en matière de négociations commerciales
Des niveaux insuffisants de développement technologique.
Une faible productivité de la main-d'oeuvre, une mauvaise gestion et des services de formation surannés.
En outre, ce sont des problèmes qui découragent l'investissement direct étranger, les coentreprises et la sous-traitance qui sont tous des mécanismes importants pour la participation à la chaîne mondiale du cuir et pour acquérir le transfert de technologies et le savoir-faire, ainsi que pour obtenir du capital moins onéreux.
Le concept de la chaîne d'approvisionnement
Le Plan pour l'industrie africaine du cuir se fonde sur le concept de la chaîne d'approvisionnement. Il étudie les différentes composantes de l'industrie africaine du cuir en tant que stades d'une chaîne d'approvisionnement, depuis l'élevage jusqu'à la production et la commercialisation du cuir et des produits dérivés. La valeur de cette perspective réside dans le fait qu'elle permet une analyse intégrée des problèmes affectant l'ensemble de l'industrie. Le Plan cherche à regrouper les solutions en éléments qui influenceront positivement les autres composantes, et à élaborer des solutions plus rentables pour l'ensemble de la chaîne.
Esquisse du Plan
Le Plan se compose de quatre parties formées de sept chapitres, suivies d'appendices et accompagnées d'un tableau récapitulatif séparé des recommandations.
La première partie inscrit la chaîne d'approvisionnement du cuir dans le cadre de la chaîne d'approvisionnement mondiale.
Le chapitre 1 présente:
Le concept de la chaîne d'approvisionnement dans l'industrie du cuir et des produits dérivés, décrivant brièvement les différents maillons de la chaîne et les liens qui les relient.
Les changements dynamiques survenant dans la chaîne d'approvisionnement mondiale du cuir, notamment dans la répartition géographique des matières premières, et dans les produits intermédiaires et finis destinés aux marchés mondiaux.
La position du marché, tant international qu'intérieur, du cuir et des produits dérivés africains.
Les facteurs déterminant la compétitivité de la chaîne d'approvisionnement africaine du cuir, ainsi que les nouveaux faits positifs.
La deuxième partie examine la production de cuirs et peaux en Afrique, et analyse les moyens de l'améliorer.
Chapitre 2: Elevage. Le chapitre présente une description des pratiques d'élevage appliquées dans quatre pays africains représentatifs et analyse certaines questions relatives au développement, au commerce et aux politiques.
Chapitre 3: Gestion des abattoirs. Le chapitre porte sur les questions techniques et pratiques relatives à l'abattage des animaux, y compris leur impact sur la qualité des cuirs et peaux et des produits qui en sont tirés.
La troisième partie se penche sur la transformation et la fabrication du cuir et des produits dérivés, et présente des recommandations pour leur amélioration.
Chapitre 4: Gestion des tanneries. Le chapitre porte sur des questions techniques, d'investissement, de politique générale et d'environnement en matière de tannage des cuirs et peaux pour la production de cuir.
Chapitre 5: Fabrication des produits en cuir. Le chapitre examine des thèmes relatifs au développement, au commerce, à la valorisation des ressources humaines, et à la qualité et la compétitivité de l'industrie du cuir.
Ces chapitres soulignent l'importance de moderniser les entreprises et d'améliorer les infrastructures de service servant à la formation et à l'assistance technique, et de renforcer la fourniture de services intégrés.
La quatrième partie s'occupe du développement des marchés et de la promotion des échanges.
Chapitre 6: Commercialisation des cuirs et peaux, du cuir préparé et des produits dérivés:
Le chapitre passe en revue la position du marché du cuir et des produits dérivés africains, et les facteurs concurrentiels qui influencent négativement le commerce et la commercialisation.
Il identifie les conséquences pour la chaîne d'approvisionnement africaine des tendances et exigences actuelles de l'industrie mondiale du cuir et des produits dérivés et des politiques commerciales et règlements d'importation des pays importateurs.
Il décrit les mécanismes qui permettraient aux entreprises africaines de participer plus activement à la chaîne d'approvisionnement mondiale.
Il propose des initiatives visant à appuyer la participation des entreprises africaines à la chaîne d'approvisionnement mondiale.
Il présente des recommandations pour l'amélioration, tant au plan mondial que national, de la position du marché africain du cuir et des produits dérivés.
Chapitre 7: Stratégies et outils commerciaux. Le chapitre présente des outils commerciaux servant au développement de la chaîne d'approvisionnement africaine du cuir:
Macropolitiques pour accroître les flux d'investissements directs étrangers vers les pays africains.
Renforcement du système de financement de la chaîne d'approvisionnement du cuir en Afrique: les besoins financiers de différents éléments de la chaîne d'approvisionnement du cuir; les sources possibles de financement; les directives pour la présentation de propositions aux instituions financières; les principales composantes d'un système financier structuré, et les avantages et enjeux de l'introduction d'un tel système en Afrique.
Une analyse du commerce électronique et de son application dans la chaîne d'approvisionnement africaine du cuir.
L'étalonnage pour évaluer la position des matières premières, du cuir et des produits dérivés africains dans le marché mondial.
Appendices: Un certain nombre d'appendices sont inclus; ils fournissent un matériel de référence sur les normes et standards, les institutions et services spécialisés, les personnes et institutions à contacter, et les exigences des importateurs, informations qui serviront à tous les intervenants dans la chaîne d'approvisionnement africaine du cuir.
Tableau récapitulatif des recommandations: Il s'agit d'un tableau détaillé de recommandations concernant: les mesures à prendre; l'amélioration des ressources animales et des cuirs et peaux, du tannage et de la fabrication d'articles en cuir; la formation et les services techniques; la commercialisation des cuirs et peaux et des produits intermédiaires et finals; la technologie de l'information et les finances. Il précise les rôles que devront jouer et les activités que devront entreprendre les agents responsables de l'amélioration: gouvernements, secteur public, associations de producteurs, fédérations de producteurs, institutions financières, organisations internationales, y compris la coopération bilatérale et les ONG, et les accords économiques et de coopération régionaux. C'est un supplément joint au Plan qui sert d'aide-mémoire, facilite l'archivage et peut être utilisé pendant les réunions et les débats.
Les actions et les acteurs
D'après le Plan, le développement de la chaîne d'approvisionnement africaine passe par la mise en oeuvre de plusieurs actions primordiales:
La formulation de stratégies détaillées et de politiques connexes.
L'application d'un grand nombre d'activités interconnectées pour améliorer la gouvernance, le cheminement de l'information, la modernisation des services destinés aux industries et aux infrastructures, et l'introduction de technologies actualisées ainsi que d'investissements tout au long de la chaîne d'approvisionnement.
La modernisation des mécanismes et institutions commerciaux, et la mise en place d'institutions de formation pour améliorer la productivité tout au long de la chaîne
Le renforcement de la capacité du système bancaire local de traiter le cuir comme un produit, parallèlement à la création d'un système financier structuré.
L'élimination des obstacles aux investissements directs étrangers et au commerce interrégional.
La coopération interrégionale pour améliorer l'accès aux marchés.
Le gouvernement et le secteur privé devraient entreprendre conjointement ces actions, avec l'aide d'organisations internationales spécialisées dans les différents segments de la chaîne d'approvisionnement. Etant donné le grand nombre de problèmes qui devront être résolus simultanément afin d'exercer le maximum d'impact, il faudra formuler et exécuter des programmes intégrés.
Le Plan, ainsi que le tableau des recommandations qui en est la base, fournira une plate-forme pour amorcer le dialogue et préparer des initiatives de partenariat. Des mécanismes comme les partenariats public-privés (PPP) promouvront la consultation et le dialogue avec les participants du secteur public, aux niveaux national et local, et du secteur privé représenté par les associations, les fédérations, les chambres d'industrie et de commerce, les syndicats, les institutions financières, les institutions de recherche et les universités. Des organisations internationales comme l'ONUDI, le PNUD, la FAO, le CCI, le Fonds commun, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement devraient participer activement, de même que le NOPADA[4] grâce à sa capacité d'accélérer la solution de problèmes liés à l'infrastructure régionale et la promotion du commerce intrarégional. Ces organisations internationales ont un rôle de catalyseur fondamental à jouer dans le dialogue à l'appui de l'assistance technique, de l'investissement et des partenariats issus de ce dialogue, et dans la surveillance des progrès réalisés grâce à ce dernier.
Vision et objectifs
Le défi auquel fait face la chaîne d'approvisionnement africaine du cuir, quelque énorme qu'il soit, peut certainement être relevé. Avec une plus grande disponibilité de cuirs et peaux bruts, et les prévisions mondiales[5] d'une demande de cuir supérieure à l'offre dans la décennie à venir, l'industrie africaine du cuir est parfaitement à même de transformer en réalité la vision ébauchée lors de la réunion du groupe d'experts, et fondée sur les progrès observés dans plusieurs pays au cours d'enquêtes menées pour la préparation du Plan, à savoir d'un «monde où les consommateurs locaux et les pays développés reconnaîtront que la qualité, la conception et la valeur monétaire du cuir et des produits dérivés africains sont parmi les plus élevées du monde». Cette vision deviendra réalité grâce à la réalisation de sept objectifs:
1. Réduction marquée de l'écart entre les matières premières disponibles et les produits transformés et commercialisés à partir de ces ressources.
2. Application d'une approche axée sur le marché avec un système d'achat fondé sur des incitations à la valeur appliquée tout au long de la chaîne d'approvisionnement.
3. Accord entre le secteur privé et les gouvernements sur des initiatives commerciales régionales et sur une approche axée sur la libéralisation des échanges.
4. Disponibilité des investissements et du fonds de roulement sous forme de financement par actions et d'autres mécanismes facilitant la production et le commerce.
5. Amélioration de l'environnement commercial et transparence dans les opérations pour attirer les investissements directs étrangers.
6. Modernisation des éléments de la chaîne d'approvisionnement africaine du cuir, aux plans techniques et de la gestion, et relèvement de la qualité des ressources humaines et des institutions de soutien.
7. Orientation commerciale de la production de chaussures et d'autres articles en cuir pour remplacer les importations; promotion des liens avec la chaîne mondiale d'approvisionnement du cuir par le biais de sous-traitances, de partenariats et d'autres alliances; et développement des aptitudes créatrices de l'Afrique pour promouvoir les produits «Fabriqués en Afrique».
Avec la réalisation de cette vision, la chaîne d'approvisionnement africaine du cuir pourra fournir une importante contribution au développement économique et industriel du continent.
[3] Années 1997-1999,
base de données industrielles mondiale de l'ONUDI. Pays: Egypte, Tunisie,
Maroc, Ethiopie, Sénégal, Afrique du Sud, Tanzanie, Bénin
et Kenya. [4] NOPADA: Nouveau partenariat de développement de l'Afrique [5] Milone 2002 |