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Que réserve l’avenir pour l’enseignement forestier?

C.T.S. Nair

C.T.S. Nair est Chef du Service de l’économie forestière, Département des forêts de la FAO, Rome.

Avec l’accélération rapide des changements sociaux, économiques et technologiques, les concepts pédagogiques et les institutions d’enseignement qui sont en place depuis la Révolution industrielle pourraient bien devenir obsoletes.

Ces dernières années, un certain nombre d’études ont attiré l’attention sur la détérioration de l’enseignement forestier professionnel, dans les pays tant développés qu’en développement. Plusieurs symptômes attestent de ce déclin, notamment la forte réduction des financements accordés aux institutions d’enseignement, les faibles taux d’inscription des étudiants (Van Lierop, 2003), l’incapacité à attirer les étudiants les plus doués et, surtout, le ralentissement de la demande de diplômés en foresterie. Face à l’évolution rapide des circonstances, de nombreuses institutions adoptent des stratégies de survie, principalement pour tenter d’évincer d’autres institutions rivales.

Certaines de ces stratégies prévoient d’apporter les modifications voulues aux programmes d’études pour englober les disciplines générales de la «nouvelle foresterie» (Saddler, 2001), d’améliorer les méthodes d’enseignement, de forger des partenariats de recherche avec des industries et de travailler en réseau avec d’autres institutions de recherche et d’enseignement. Très souvent, ces changements sont inadéquats et trop tardifs, et leurs effets sont de si courte durée que les institutions doivent constamment procéder à des ajustements pour survivre. Quelques efforts systématiques ont été faits pour analyser les problèmes et remédier à la situation, compte tenu notamment des changements plus généraux qui se produisent dans la société, l’économie et la foresterie. Le problème est resté dans une large mesure entre les mains des institutions d’enseignement elles-mêmes. Or, pour réinventer l’éducation forestière et lui donner un autre visage, il faut une action plus concertée que celles que peuvent mener les institutions d’enseignement, dont les capacités sont limitées.

Le présent article souligne qu’un grand nombre de problèmes auxquels est confronté l’enseignement forestier professionnel ont des causes profondes et sont communs à d’autres disciplines, sinon à l’enseignement en général. Il montre que les changements fondamentaux qui se produisent dans la société, l’économie et le secteur forestier ont des répercussions directes et indirectes sur l’enseignement forestier, puis passe à l’examen de quelques questions essentielles liées à la signification qu’attribue la société au concept d’éducation, et aux conséquences pour l’enseignement forestier, tel qu’il est perçu aujourd’hui.

La croissance rapide des travaux trans et inter-disciplinaires semble en effet indiquer que les disciplines autour desquelles ont été organisés l’enseignement, l’apprentissage et la recherche aux XIXe et XXee siècles ne nous apprennent plus rien de nouveau.

Drucker, 1989

ÉVOLUTION DU CONTEXTE DE L’ÉDUCATION FORESTIÈRE

Dans le passé, l’essentiel du système de connaissances forestières – à savoir la recherche, l’enseignement, la formation et la vulgarisation – était en grande partie orienté vers les besoins de la foresterie industrielle. Dans la plupart des pays, des départements forestiers ont été établis pratiquement dans le seul but de protéger les forêts et de garantir les approvisionnements en bois industriel pour répondre à la demande intérieure ou extérieure. Sauf dans les zones protégées, la gestion des forêts naturelles (qui, dans bien des pays, en particulier tropicaux, était essentiellement synonyme d’exploitation) ou des plantations a été principalement axée sur la production de bois industriel. Récemment encore, les systèmes d’utilisation des ressources traditionnels qui pourvoient aux besoins des communautés locales ne faisaient généralement pas partie du système de connaissances structuré. Bien que les programmes d’étude aient été quelque peu élargis au cours des deux dernières décennies, grâce à l’inclusion de la foresterie communautaire et d’autres sujets apparentés, l’enseignement forestier demeure principalement axé sur le bois.

Traditionnellement, l’enseignement forestier a surtout été centré sur le côté de l’offre de l’équation, fondée sur l’hypothèse d’une augmentation constante de la demande de bois et de dérivés du bois et, partant, des besoins en personnel technique et d’encadrement, dans le secteur forestier. Les hypothèses qui justifiaient l’objectif «produire plus de la même chose», tiennent de moins en moins la route et doivent être revues.

CONSÉQUENCES DES CHANGEMENTS SOCIAUX, ÉCONOMIQUES ET SECTORIELS

Changements sociaux

Un système de connaissances, qui comprend l’éducation, constitue le cadre essentiel pour l’interaction de la société et de la nature, et son développement est dans une large mesure lié aux caractéristiques de la société et à leur évolution au fil du temps. Pour comprendre la relation entre l’homme et la forêt, on peut regrouper les sociétés en quatre grandes catégories: communautés traditionnelles tributaires des forêts, sociétés agraires, sociétés industrielles et sociétés post-industrielles (voir tableau) (voir Nair, 2003).

La place tenue par les différents segments de la société varie d’un pays à l’autre et évolue avec le temps. La plupart des pays en développement sont caractérisés par une proportion élevée de sociétés tributaires des forêts et de sociétés agraires et par un petit segment de sociétés industrielles et post-industrielles. Dans bon nombre d’économies naissantes, on note une augmentation rapide de la proportion de sociétés industrielles, à laquelle fait pendant une baisse de la proportion des communautés agraires et tributaires des forêts. Par ailleurs, la majorité des pays développés sont caractérisés par un segment post-industriel en expansion, dans lequel les connaissances deviennent la principale source de richesse.

Les divers segments de la société se différencient nettement par leurs systèmes de production et de consommation et par leurs systèmes de connaissances, comme le montre le tableau. Ces différences imprègnent aussi le secteur forestier. A mesure que les sociétés se transforment, les exigences du système de connaissances changent.

Ces changements, en particulier les réorientations de la demande de produits et de services en fonction des besoins des différents segments de la société, feront que les programmes d’enseignement forestier traditionnels, essentiellement élaborés dans le contexte de la foresterie industrielle, seront de moins en moins adaptés.

Vue d’ensemble des liens des différents types de sociétés avec les forêts, des caractéristiques
de la production et de la consommation et des systèmes de connaissances

Type de société

Principales utilisations des forêts

Production et consommation

Système de connaissances

Tributaire des forêts

Les forêts sont utilisées pour obtenir des produits de première nécessité, tels que bois de feu, médicaments, nourriture et matériaux de construction; ces sociétés ont peu de possibilités d’altérer de façon significative l’environnement forestier

Les forêts imprègnent les croyances et les perceptions culturelles, sociales et parfois religieuses

Presque exclusivement axées sur la subsistance

Production collective et consommation partagée

Repose sur le savoir local accumulé grâce à l’expérience et transmis de génération en génération

Peu d’intrants technologiques: la production repose presque entièrement sur des facteurs naturels

Agraire

Les forêts sont considérées comme un espace disponible pour une expansion des cultures et de l’élevage; comme une source d’intrants à bas prix pour l’agriculture, et de bois de feu, de fourrage, de plantes médicinales et d’autres produits forestiers non ligneux, tels que le gibier; la vente des produits complète aussi le revenu des communautés agricoles

Avec l’agriculture sédentaire, les fonctions de service des forêts (protection des bassins versants, lutte contre la dégradation des terres) passent au premier plan

La consommation de subsistance tient une large place

Excédent limité commercialisé pour obtenir des produits industriels

La terre et la main-d’œuvre sont les principaux facteurs de production

Savoir acquis grâce au partage d’expériences et à des expérimentations locales limitées

La terre est le principal facteur de production

Technologies basées sur la main-d’œuvre

Industrielle

Les forêts sont une source de matières premières industrielles et l’on met de plus en plus l’accent sur les grandes plantations pour réduire la pression sur les forêts naturelles

Les forêts sont une source de services (approvisionnement en eau pure et activités récréatives)

Une grande partie des biens et des services produits sont commercialisés

Production et commerce à grande échelle, dépendant de marchés de masse

Le capital et la main-d’œuvre qualifiée sont les principaux facteurs de production

Connaissances acquises dans le cadre d’un système plus structuré, divisé entre la recherche, l’enseignement, la formation et la vulgarisation

Technologies consommant beaucoup d’énergie

Production à grande échelle et accent mis sur la concentration des entreprises

Post-industrielle

Les forêts perdent de l’importance comme source de produits mais en gagnent comme source de services – protection des bassins versants, conservation de la biodiversité et fixation du carbone

Les valeurs culturelles, environnementales et esthétiques passent au premier plan

La production de masse est abandonnée au profit de créneaux de marchés plus étroits

La production personnalisée est privilégiée

L’information et le savoir deviennent les facteurs critiques pour la production de biens et de services

Dématérialisation de la production

Accent mis sur la durabilité et la polyvalence

L’information et le savoir deviennent les ressources critiques

Une instruction générale est nécessaire pour acquérir la capacité d’accéder à des informations multiples et de les traiter

Passage à des technologies consommant moins d’énergie et de matériaux

L’essentiel du revenu est tiré de la vente de technologies ou de la fourniture de services

Au cours des prochaines décennies,
le changement le plus spectaculaire dans l’aménagement des forêts de l’Amérique du Nord sera probablement la manière dont le public percevra la valeur et les utilisations appropriées des forêts. Les forêts naturelles publiques notamment seront de plus en plus appréciées pour leurs fonctions environnementales – telles que la protection des bassins versants,
la conservation de la biodiversité et la fixation
du carbone – alors que seuls le bois et les autres produits étaient autrefois pris en considération.

Dombeck et Moad, 2001

Les sociétés tributaires des forêts, les sociétés agricoles, les sociétés industrielles et post-industrielles
ont toutes différents systèmes d’apprentissage et, partant, différents besoins éducationnels

O. SERRANO-FAO/11246/F.MCDOUGALL-FAO/17994/P.JENKIN-FAO/CFU347/R. FAIDUTTI

CHANGEMENTS STRUCTURELS DANS LES ÉCONOMIES

Une variation dans l’importance économique relative des différents secteurs a aussi une incidence sur la foresterie et l’enseignement forestier. L’agriculture et les autres branches d’activité du secteur primaire représentent une part importante du produit intérieur brut (PIB) et de l’emploi dans de nombreux pays, mais leur contribution diminue rapidement, en particulier à cause de la croissance fulgurante des secteurs de l’industrie et des services. En général, la croissance du secteur primaire a été lente et les prix de la majorité des produits ont fléchi. L’emploi et le revenu sont donc en baisse dans la plupart des branches d’activité du secteur primaire, mais en hausse dans les secteurs de l’industrie et des services. Ainsi, à l’échelle mondiale, la contribution du secteur forestier au PIB a reculé, tombant d’environ 1,6 pour cent en 1990 à 1,2 pour cent en 2000 (FAO, 2004). Une baisse a été enregistrée même dans les pays nordiques, où le secteur forestier a toujours tenu une place importante. En Finlande par exemple, la contribution du secteur forestier au PIB est en baisse depuis 1994 et ce secteur n’absorbe que 3,5 pour cent des emplois. Les seules régions où la part du secteur forestier dans le PIB ait quelque peu augmenté sont l’Amérique latine et l’Europe de l’Est (y compris la Fédération de Russie). Au niveau mondial, la valeur ajoutée brute dans le secteur forestier n’a augmenté que marginalement, d’environ 349 à 354 milliards de dollars EU. Cette situation a plusieurs conséquences pour la foresterie et l’enseignement forestier.

Les emplois étant plus attractifs dans des professions comme la médecine, le droit, l’ingénierie et la technologie de l’information, la foresterie n’a pas réussi à attirer les meilleurs étudiants dans de nombreux pays. Par exemple, la British Forestry Commission déplore que le nombre de «bons diplômés» souhaitant rejoindre la Commission soit désormais inférieur au nombre de places disponibles (Miller, 2003). Ce problème n’est évidemment pas réservé à la foresterie; il est commun à tout le secteur primaire (agriculture, élevage et pêche) (voir Wallace, 1997; Maguire, 2000).

Traditionnellement, la plupart des personnes formées étaient employées dans la fonction publique. Aujourd’hui, nous avons des opportunités pour des initiatives privées en foresterie, de travail indépendant, de forêts gérées en commun, etc. Le rôle du secteur public dans la gestion des forêts glisse vers la définition de politiques et plus de fonctions de réglementation/suivi. En bref, les opportunités de travail et les profils évoluent et les programmes d’enseignement doivent évoluer aussi. La situation a radicalement changé ces dernières années. De nombreux diplômés sans emploi sont déversés désormais dans les rues.

Temu et Kasolo, 2001

Changements dans le secteur forestier

Changements dans les arrangements institutionnels. D’importantes réformes institutionnelles ont été introduites dans le secteur forestier dans la plupart des pays, au cours des dernières décennies, notamment:

Ces changements continueront d’avoir un impact sur la demande de personnel d’encadrement forestier et même sur la signification réelle du concept d’«enseignement forestier de niveau professionnel». Dans la majorité des pays, le système éducatif dans ce secteur a été essentiellement conçu en vue de former un corps de personnel d’encadrement pour gérer les organisations forestières du secteur public. On s’intéressait beaucoup moins à la viabilité économique de la production de bois lorsque l’administration des forêts relevait du secteur public, et dans de nombreux pays, les revenus procurés par les forêts ne sont pas suffisants pour couvrir les frais de personnel. L’expansion des organisations forestières du secteur public dans les années 70 et 80, souvent favorisée par une aide internationale au développement, a créé une surcapacité dans l’enseignement professionnel, qui ne peut pas être maintenue, maintenant que cette assistance diminue. Cela a encore été aggravé par une réorientation des priorités des donateurs, qui sont nombreux à avoir cessé de soutenir les institutions forestières publiques.

Le secteur privé devenant un acteur majeur de la production de bois, la rémunération est de plus en plus liée à la productivité. Toutefois, l’augmentation de la production de bois observée dans quelques pays n’est pas accompagnée d’un accroissement significatif de l’emploi de personnel d’encadrement car elle repose sur l’adoption de technologies renforçant la productivité. De plus, les fusions et les rachats effectués par les sociétés forestières transnationales, réduisent considérablement la demande de cadres de niveau supérieur ou intermédiaire.

Les communautés et les petits agriculteurs deviennent d’importants acteurs de la production de bois, mais la production artisanale est en expansion, ce qui laisse peu de place pour la création de nouveaux emplois. Les pratiques adoptées par les communautés et les petits agriculteurs pour cultiver des arbres sont très différentes de la foresterie traditionnelle, et reposent sur d’autres techniques. La plantation d’arbres est souvent intégrée avec l’agriculture et largement basée sur les connaissances traditionnelles, de sorte que l’appui de diplômés en foresterie est relativement peu nécessaire. Il peut y avoir une demande limitée de services de vulgarisation professionnels, mais la gestion est assurée par les agriculteurs, et la production artisanale emploie moins de cadres forestiers que la production industrielle, par rapport au volume de bois produit. En outre, l’emploi dans des initiatives de gestion communautaire n’est pas toujours attractif, en termes de rémunération et d’autres avantages.

Dans les pays industrialisés d’Europe
de l’Est et du Nord, les augmentations futures
de la productivité devraient être moins spectaculaires que par le passé.
Pourtant, l’emploi continuera de reculer car le rythme de croissance de la production se ralentira.
Les pays membres de l’Union européenne devraient s’attendre à une baisse des emplois,
à concurrence de 160 000 postes, dont environ 70 000 dans le sous-secteur
de la pâte et du papier.

Blombäck, Poschen et Lövgren, 2003

Changements dans la production et la transformation du bois. Les taux de croissance de la production de bois industriel ont été très faibles, de l’ordre de 0,5 pour cent par an entre 1980 et 2000 (FAO, 2003), et ne devraient pas varier sensiblement dans le futur proche.

De plus en plus, les plantations forestières deviennent une importance source d’approvisionnement en bois industriel. Les plantations nécessitent plus d’apports en main-d’œuvre au départ, mais compte tenu de l’accroissement de la productivité et de la simplification de la production, la demande de cadres forestiers ne devrait pas augmenter de façon significative.

Des changements technologiques dans le domaine de l’exploitation et de la transformation ont accru la productivité et l’efficience, en réduisant les opportunités d’emploi pour les cadres forestiers. Les progrès des technologies de transformation dans l’industrie de la pâte et du papier, par exemple, ont renforcé l’échelle des opérations, en réduisant les emplois par unité de production. L’automatisation de la transformation a rendu la supervision moins nécessaire, d’où une baisse de la demande de personnel d’encadrement et de techniciens; en Europe, les emplois forestiers ont globalement diminué (-170 000 environ) au cours de la dernière décennie. L’augmentation constante de la productivité laisse présager une nouvelle baisse d’ici à 2010.

Dépendance accrue à l’égard du transfert de technologies. Les compétences en matière de production et de transformation du bois s’obtiennent de plus en plus à travers le transfert de technologies, souvent lié à des investissements privés étrangers. Bien qu’il soit nécessaire d’adapter les technologies aux conditions locales, le transfert de technologie est moins coûteux et met en jeu moins de ressources que les activités de recherche-développement. En général, une fois qu’une technologie est normalisée, elle peut être appliquée par des travailleurs qualifiés, voire semi-qualifiés, pratiquement sans supervision. Cela laisse également présager une diminution de la demande de cadres forestiers.

LE FUTUR LOINTAIN: DÉMYSTIFICATION DE LA FORESTERIE

Il ressort de l’analyse qui précède que plusieurs facteurs marquent d’ores et déjà la fin du concept d’éducation forestière, tel qu’il a été élaboré il y a plusieurs décennies. A plus long terme, quelques autres changements fondamentaux pourraient altérer de façon significative la nature de la foresterie et, du même coup, l’enseignement de la foresterie.

Intégration croissante de la foresterie avec d’autres utilisations des terres

Etant donné que la plantation d’arbres est de plus en plus intégrée avec l’agriculture et avec d’autres utilisations des terres, et qu’une part non négligeable de la production de bois passe de la forêt à la ferme, la profession forestière va inévitablement être bouleversée. Il sera de plus en plus difficile de reconnaître les limites sectorielles traditionnelles sur le terrain, comme on le note déjà dans quelques systèmes agricoles. La demande de conseils professionnels se déplacera principalement vers ceux qui sont capables de fournir des conseils techniques généraux, ne portant pas seulement sur la foresterie ou l’arboriculture, mais sur tous les aspects de l’utilisation des sols, ou vers ceux qui ont des connaissances très spécialisées sur certains sujets, comme les ravageurs et les maladies, et les marchés. L’idée d’une spécialisation appelée foresterie, pourrait bien devenir obsolète, tout comme le terme «agriculture devient dépassé, en raison de son intégration avec le concept plus général de gestion des ressources naturelles renouvelables» (Wallace, 1997).

Les progrès technologiques et la démystification de nombreuses professions, dont la foresterie

Avec l’élargissement de l’accès à l’information, facilité par les progrès rapides de l’informatique, un segment de connaissances considérable jusque-là réservé aux forestiers est entré dans le domaine public, et cette tendance ne fera probablement que s’accélérer. Au moins une partie des matières enseignées dans des institutions d’enseignement supérieur il y a quelques décennies font maintenant partie de programmes d’un niveau inférieur. La poursuite de ce processus aboutira inévitablement à une certaine démystification de la profession. La majorité des informations dont a besoin un agriculteur ou un gestionnaire de forêt (pour autant que ce titre conserve sa pertinence) seront facilement accessibles par Internet. Les call centres (même implantés dans d’autres pays) peuvent répondre rapidement à la majorité des besoins courants des agriculteurs et des autres personnes qui s’occupent de planter des arbres.

Les progrès des biotechnologies et de l’informatique et l’utilisation plus efficace des matières premières, notamment la création de matériaux composites, qui sont des disciplines qui ne font pas partie de la foresterie dans son acceptation actuelle, devraient avoir une incidence sur la manière de cultiver et d’utiliser les arbres. Ainsi, la foresterie et l’éducation forestière, dans leur conception actuelle, risquent d’être pris entre deux feux: ce que l’on considère aujourd’hui comme des connaissances spécialisées en foresterie sera disponible dans le domaine public, facilement accessible et mieux intégré sur le terrain, alors que les progrès des technologies, dans des disciplines limitrophes, nécessiteront une spécialisation allant bien au-delà du cadre de l’enseignement forestier actuel.

Dans une société basée sur le savoir, de plus en plus de connaissances et de techniques seront acquises en dehors du système d’enseignement classique. Ainsi, bon nombre des institutions existantes disparaîtront. Le monopole des institutions d’enseignement, comme fournisseurs de savoir, est d’ores et déjà menacé. Dans le domaine de l’éducation, on cessera probablement de privilégier l’enseignement d’un ensemble de connaissances prédéfini, pour renforcer les capacités d’apprentissage auprès de diverses sources. La principale tâche des systèmes pédagogiques sera d’ouvrir les esprits et de les rendre plus critiques. Or pour remplir cette tâche, les limites disciplinaires sur lesquelles prospèrent de nombreuses professions traditionnelles, seront un obstacle.

CONCLUSIONS

La plupart des problèmes auxquels sont confrontés la foresterie et par conséquent l’éducation forestière, sont symptomatiques de changements sociaux, économiques et technologiques plus généraux, qui semblent s’accélérer rapidement. Un grand nombre de concepts et d’approches appropriés depuis le début de la révolution industrielle seront probablement dépassés, de même que les institutions apparues durant cette période. La question est de savoir dans quelle mesure ces institutions peuvent être de bons agents du changement et si elles sont capables d’évoluer. Les approches différenciées qui convenaient lorsque le rythme de changement était lent perdront probablement leur efficacité. Pour s’adapter à des changements rapides, il faudra créer un environnement propre à un apprentissage continu et larguer les idées et les concepts qui ne résisteront pas à l’épreuve du temps. Indéniablement, la grande question est de savoir jusqu’à quel point nous sommes préparés à aborder ces changements.

L’arboriculture s’associe de plus en plus à l’agriculture et aux autres utilisations des terres,
forçant la profession forestière à changer radicalement son orientation; les avis spécialisés demandés
porteront désormais sur tous les aspects de l’utilisation des terres

FAO/FO-72

Bibliographie

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