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Allocation foncière et transformations des systèmes agraires des populations montagnardes en République démocratique populaire lao

Olivier Évrard, avec Paul Mathieu
Olivier Évrard, Consultant
Paul Mathieu, Fonctionnaire principal, Division du développement rural de la FAO

Les systèmes de culture itinérants (agriculture sur brûlis) jouent un rôle essentiel pour la subsistance des populations montagnardes (minorités ethniques) de la République démocratique populaire lao, principalement dans le nord du pays. Les récentes législations foncières visent notamment à encourager la fixation de ces populations et leur transition vers des systèmes agraires stabilisés (riziculture de bas-fonds notamment). Le processus d’allocation des terres se réalise dans un contexte très difficile, marqué par des migrations mal contrôlées et des approches sectorielles de la part des administrations et de nombreux projets de développement. En outre, les populations montagnardes cherchent à sécuriser leurs systèmes d’existence et leur accès à la terre moyennant différentes stratégies qui sont difficilement intégrées par les politiques foncières et de sédentarisation: défrichements illégaux, réseaux migratoires pour l’accès à la terre dans d’autres zones que celles d’origine, locations et ventes informelles de terre réalisées en marge des procédures légales.

La plupart des populations montagnardes d’Asie du Sud-Est sont confrontées depuis au moins deux décennies à des défis majeurs qui mettent en cause à la fois la durabilité de leurs modes de vie traditionnels et leur insertion dans les espaces écologiques, économiques et politiques des États. Jusqu’à une période récente, ces populations ont bénéficié d’une relative autonomie sur le plan politique et conservé la maîtrise de vastes territoires forestiers s’étendant souvent de chaque côté des frontières internationales. Ces populations qui pratiquent toutes - mais selon des modalités différentes - une agriculture itinérante sur défriche-brûlis, sont aujourd’hui fortement touchées par les politiques de développement rural visant à sédentariser et à intensifier leur agriculture en les regroupant sur les piémonts et en modifiant les règles de la tenure (Magallanes et Hollick, 1998; Laungaramsri, 2002). Il s’agit pour les nouveaux États nations non seulement de faciliter l’intégration économique et culturelle de groupes dits «minoritaires» mais également de contrôler et d’exploiter plus facilement les ressources forestières des régions montagneuses.

Dans ce contexte, le cas du Laos apparaît exemplaire. Le dernier recensement établit une liste de 48 groupes ethniques[96] différents, parmi lesquels les groupes non taï représentent presque 40 pour cent de la population totale et constituent localement des majorités parfois écrasantes. Sur une population totale d’un peu plus de 5 millions d’habitants, au moins 100 000 familles (environ 600 000 personnes) survivent grâce à la pratique exclusive de l’essartage[97] dans un des pays les plus boisés d’Asie du Sud-Est et l’un des plus riches en termes de biodiversité. Les ressources forestières représentent 34 pour cent des recettes de l’État, et ce chiffre atteint 50 pour cent certaines années. De plus, près de 80 pour cent de ses habitants (dans les zones rurales mais également périurbaines) utilisent quotidiennement des produits forestiers ou des zones forestières dans le cadre de leurs activités de subsistance. En fin, les forêts leur procurent du bois, de la nourriture, de l’énergie et des produits médicaux; elles jouent également un rôle symbolique et religieux important. Les produits forestiers non ligneux, pousses de bambou, poisson, légumes, champignons, cardamome, rotin, résines notamment, représentent quant à eux 55 pour cent du revenu des villageois (Ministère de l’agriculture et des forêts [MAF], 2003: 78).

Les dirigeants du pays ont mis en place depuis la fin des années 80 une politique de déplacements à grande échelle des populations montagnardes vers les vallées - historiquement sous-peuplées par rapport à leur potentiel agricole - et les axes routiers[98]. Ces déplacements ont pour but d’accélérer la transition agricole (abandon de l’agriculture sur brûlis au profit de la riziculture inondée) et d’assurer la valorisation et la préservation du patrimoine forestier, en constante dégradation depuis une cinquantaine d’année (voir encadré 1, p. 120). Il s’agit également de rentabiliser les infrastructures construites dans les zones rurales (routes, hôpitaux, écoles) et de faciliter l’intégration économique et culturelle de populations minoritaires et dispersées: homogénéisation des formes d’habitat et des compétences linguistiques, arrêt des rites sacrificiels et diffusion du bouddhisme notamment.

La réforme foncière mise en œuvre au début des années 90 est directement liée à ces différentes composantes de la politique de développement rural menée par le Gouvernement. Elle constitue la phase ultime de la «déterritorialisation» des minorités montagnardes (Goudineau, 2000) et l’un des aspects de leur «reterritorialisation» autour des options et des principes dé finis par l’État. Dans le domaine agricole et forestier une option clairement «conservationniste» a de lourdes répercussions sur le mode de vie des populations rurales les plus démunies et qui dépendent le plus de la forêt pour leur subsistance. À noter surtout les difficultés de l’État à encadrer ce processus et à maîtriser les différents termes (écologiques, politiques et humains) d’une équation foncière particulièrement instable et complexe.

Systèmes agroforestiers, populations minoritaires et dynamiques spatiales dans le nord du Laos

D’un point de vue linguistique, on distingue habituellement quatre groupes ou familles de langues au Laos: taï, mon-khmer, miaoyao et tibéto-birman. Les trois derniers groupes sont bien souvent implantés dans les zones montagneuses, les Mon-Khmers (ensemble austroasiatique) qui sont les premiers occupants de la région et environ 20 pour cent de la population nationale. Les populations miao-yao (Hmongs, Yao notamment) et tibéto-birmanes (Iko, Lahu)[99] quant à elles ne sont présentes dans le nord du Laos que depuis le milieu du XXe siècle.

Les populations véritablement autochtones pratiquent toutes une agriculture sur brûlis (essartage) avec une mise en culture des parcelles pendant une seule année et une longue période de friche arborée[100] (de sept à 15 ans selon les régions) par la suite. Les types de mobilité diffèrent assez nettement cependant entre le nord et le sud du pays. Dans le premier cas (groupes Khmou, Lamet), la duolocalité de l’habitat est souvent très marquée au cours de l’année agricole (les maisonnées se dispersant dans les essarts pendant quatre à six mois revenant par la suite au sein du village). Lorsque la pression foncière augmente, un groupe de migrants colonise une nouvelle colline et acquiert progressivement une autonomie économique et rituelle vis-à-vis de la localité d’origine. Ces dynamiques de scission et d’essaimage des localités correspondent à une organisation sociale de type segmentaire centrée sur le village. Cette organisation permet inversement des processus de fusion, particulièrement sensibles au sein des sociétés montagnardes de type segmentaire, des fragments de lignages pouvant émigrer et intégrer des localités déjà constituées appartenant au même ensemble ethnique. L’organisation sociale des Austroasiatiques du sud du pays (Kantou, Pacoh, Ta Oï, Talieng) est similaire, mais les territoires villageois sont plus vastes et les villages, au lieu de se scinder comme au nord, se déplacent périodiquement dans leur intégralité.

Les deux autres types de populations montagnardes (langues miao-yao: Hmongs, Yao, Lentèn; langues tibéto-birmanes: Iko, Lahou, Lolo) sont caractérisées, pour une partie d’entre elles, par une mobilité non circulaire et par une colonisation de nouveaux territoires plus rapide que chez les Austroasiatiques du nord. Cela est particulièrement vrai dans le cas des populations miao-yao, où le village n’apparaît que comme le regroupement temporaire de quelques maisonnées sur une dizaine ou une vingtaine d’années. Une structuration villageoise plus stable est observable chez les Tibéto-Birmans mais, là également, l’essaimage ou le déménagement des localités peut s’effectuer à un rythme relativement rapide. Les populations de langue taï[101] (au sein desquelles les Lao forment, à l’intérieur du territoire national, une majorité relative), ont, dès le début de leur implantation dans la région (début du second millénaire), progressivement colonisé les fonds de vallée en y pratiquant la riziculture inondée (souvent associée cependant à un essartage de complément). Cette technique agricole a permis une certaine stabilité des villages, avec des dynamiques d’essaimage en réponse à la pression foncière ou pour se rapprocher d’un carrefour commercial. La mobilité villageoise et intravillageoise reste cependant importante, que ce soit en raison de conflits internes, pour fuir une région non sécurisée ou bien, durant la période coloniale, pour échapper aux impôts et aux corvées (Goudineau, 1997: 4).

Les déplacements sont donc une donnée essentielle du mode de vie et d’occupation de l’espace de ces populations. Les conditions contemporaines d’accès à la terre (appauvrissement, intégration économique, politiques étatiques de développement rural) tendent à rendre ces migrations à la fois plus diverses, plus imprévisibles et plus étendues géographiquement. Pour assurer au mieux sa survie, chaque maisonnée cherche à sécuriser son accès au foncier en fonction d’opportunités dont les ressorts peuvent être multiples: relations familiales et sociales, incitations de l’administration, possibilités de vente de rizières déjà aménagées, etc. Dans cette recherche de la sécurité foncière, les divers types de déplacements - spontanés, encadrés ou induits, familiaux ou mobilisant toute une communauté villageoise - sont un aspect central des stratégies des groupes sociaux. Simultanément, les politiques foncières de l’État visent à organiser et orienter ces mouvements, mais ont des effets en grande partie imprévus et déstabilisateurs.

ENCADRÉ 1
Documents rédigés lors de l’allocation des terres

Ko toklong tong ban. Accord rédigé par les équipes du DAFO et signé par le comité villageois sur les frontières du village et l’affectation productive des espaces (LUP). Il s’agit normalement d’un document écrit, mais il semble que dans certains cas, il n’existe qu’un simple accord oral entre l’administration villageoise et les équipes techniques chargées du processus d’allocation. Un accord intervillageois sur les frontières des finages est également parfois rédigé et signé par des représentants des différents villages concernés.

Bay mob sid nam say din so khao ou plus couramment Bay mob ti din. Certificat Temporaire d’Usage de la Terre (TLUC: Temporary Land Use Certificate), signé par le ou les représentants de la maisonnée concernée, valable trois années, non transférable.

Sanya kan nam say ti din. Contrat d’Usage de la Terre (LUC, Land Use Contract). Il est joint au précédent et indique l’usage que l’agriculteur s’engage à faire de sa terre au cours des trois années suivantes.

Pen vad ti din. Carte de parcellaire, jointe aux deux documents précédents.

RÉFORME FONCIÈRE ET ALLOCATION DES TERRES

La réforme foncière a été mise en place progressivement à partir des années 90 en réponse à la fois aux pressions de l’aide internationale et à la volonté des dirigeants lao de contraindre les agriculteurs montagnards à intensifier leurs systèmes de production et à se sédentariser dans des régions de plaine ou de piémonts. Les deux documents de référence de la réforme foncière au Laos restent encore aujourd’hui la Loi sur les forêts (no 96/NA11) et la Loi foncière (33/PDR du 31 mai 1997). La première établit la classification officielle des forêts sur le territoire national en cinq grandes catégories: les forêts de protection et les forêts de conservation (aucune activité humaine); les forêts de production (chasse et cueillette); les forêts dégradées (agriculture et plantations) et les forêts en régénération (friches arborées de plus de cinq ans retirées des terres agricoles disponibles). La seconde, quant à elle (et notamment les Articles 17, 18, 21 et 22), formule le cadre juridique relatif au foncier rural. L’État alloue à chaque famille, sous la forme de Titres d’usage temporaires (Temporary Land Use Allocation Certificates [TLUC]), jusqu’à 25 ha de terres par unité de main-d’œuvre. Ces TLUC sont transmissibles aux descendants et considérés comme une première étape vers une immatriculation foncière complète, mais ils ne sont valables que trois ans (Article 18), ne peuvent être transférés par voie onéreuse avant qu’un titre permanent ne soit délivré (Article 57). Le bénéficiaire peut en outre en être privé si l’usage qu’il fait de la terre n’est pas conforme aux réglementations en vigueur (Article 62).

Le processus d’allocation des terres s’effectue dans chaque village selon une procédure identique, présentée officiellement par le MAF dans son instruction de 1996 sur l’allocation foncière[102] et mise au point conjointement par l’Institut de recherches agricoles et forestières (NAFRI) et la Division du planning et de l’inventaire forestier (FIPD) du MAF. Cette méthodologie contenait auparavant huit étapes, mais elle fut modifiée en 2001 et en compte désormais 10. Dans ce processus, le plan d’usage des terres (Land Use Planning [LUP], kan vang pén nam saï ti din, en lao) concerne la collectivité villageoise dans son ensemble tandis que l’allocation foncière proprement dite (mob din mob pha, en lao) s’effectue au niveau des maisonnées. Un zonage dufinage villageois est effectué en fonction des degrés de pente avant d’établir les plans d’usages des terres, c’est-à-dire l’affectation productive des espaces villageois en fonction de leurs caractéristiques et des potentiels locaux, puis de répartir les terres agricoles entre les maisonnées[103].

Au cours du processus d’allocation, au moins quatre documents officiels sont rédigés et signés par les villageois, le plus important étant le Certificat d’usage temporaire (bay mob sid nam say din so khao ou plus couramment bay mob ti din) délivré à chaque foyer au sein des villages concernés. D’après les statistiques du SCREC de la fin de 2003, des TLUC ont été délivrés depuis 1991 à plus de 330 000 foyers (50 pour cent du total national) dans 5 365 villages (40 pour cent du total national). D’après un autre document en cours de publication par le MAF (MAF, 2003: 65), il s’agirait plutôt de 6 188 villages et de plus de 370 000 foyers. Chaque fermier recevant en moyenne deux ou trois parcelles, on estime qu’entre 600 000 et 1 000 000 de TLUC ont été délivrés au cours de la dernière décennie. Aucun d’entre eux n’a pour l’instant été transformé en titre définitif, de sorte que de nombreux TLUC sont désormais arrivés à expiration mais continuent d’être considérés par les agriculteurs comme des preuves de leur droit sur les terres qu’ils occupent. La transformation du TLUC en titre permanent nécessiterait que les représentations locales du MAF procèdent à une évaluation de la mise en valeur de la parcelle au cours des trois années écoulées sur la base du «contrat d’usage de la terre» (sanya kan nam say ti din) signé en même temps que le TLUC. C’est précisément cette évaluation qui pose un problème aujourd’hui car aucun critère ni barème n’a été établi pour l’instant (Évrard, 2003: 17).

Restriction de l’accès aux espaces forestiers et paupérisation des populations montagnardes

Une enquête commissionnée en 2003 par la Banque asiatique de développement (BAsD) sur la pauvreté au Laos (BAsD, 2001: 38-39), indique que l’allocation foncière est citée par les villageois comme première cause d’appauvrissement dans trois régions sur quatre (nord, est et centre). Ce résultat très négatif provient de plusieurs facteurs étroitement liés les uns aux autres: l’esprit général de la réforme, la réduction de l’accès à la terre, la détérioration des conditions de vie locales et l’absence d’intensification de l’agriculture.

Les documents officiels récents opèrent une distinction claire entre deux formes d’agriculture sur brûlis: soit cyclique (dans laquelle un champ est cultivé une seule année, parfois deux, puis laissé en friche arborée pendant une longue période, le nombre d’années de friche arborée dépendant du degré de pression foncière dans la région considérée), soit itinérante ou «pionnière» (le sol est alors défriché, cultivé jusqu’à épuisement puis abandonné) (GoL, 2003: 55)[104]. La première de ces deux formes est considérée comme potentiellement durable lorsque la pression foncière reste faible. Des enquêtes récentes montrent que cette distinction est très théorique et qu’une politique restrictive et contraignante est généralement appliquée. L’agriculture sur brûlis cyclique est tout juste tolérée mais de façon transitoire et avec des friches arborées d’une durée maximale de quatre ans, durée à partir de laquelle un recru forestier est considéré comme une forêt en régénération, dans laquelle les coupes ne sont plus autorisées[105]. L’effet de cette politique est de contraindre les agriculteurs à changer leur système de production en réduisant leur espace disponible ou, en d’autres termes, en créant de façon réglementaire une rareté foncière.

La détermination des services techniques du MAF à réduire les espaces disponibles pour l’agriculture sur brûlis s’affiche clairement dans les statistiques du RSCEC: 82 pour cent des surfaces allouées depuis 1995 (jusqu’en 2002) ont été classées comme zones forestières (MAF, 2003: 43). Parmi celles-ci, les forêts d’usage courant (pa som say: cueillette, récolte de bois, chasse) représentent un quart du total, les forêts «en régénération» (pa feun fou: friches arborées de plus de cinq ans retirées des surfaces agricoles utilisables) 15 pour cent et les forêts dégradées (pa soud som: essartage toléré avec des friches arborées de trois ans au maximum) seulement 2 pour cent. Partout, à l’issue de l’allocation foncière, les surfaces protégées sont plus importantes que celles destinées à l’usage. Les études locales menées par l’unité socioéconomique de l’Institut national de recherches agricoles et forestières (NAFRI) confirment clairement cette tendance: dans les 66 villages du district de Namo (province d’Oudomxay) concernés par l’allocation foncière, les terres classées comme forêts représentent 88 pour cent de la surface totale et seulement 8 pour cent d’entre elles ont été classées comme forêts dégradées.

Cette réduction des espaces disponibles s’opère au détriment des conditions de vie et de la sécurité alimentaire des foyers. Avec la réduction drastique des temps de friche arborée (trois à quatre ans désormais contre 10 à 15 ans auparavant), et dans un contexte où les techniques n’évoluent pas, ou peu, la fertilité des champs d’altitude décroît fortement, les récoltes de paddy chutent parfois de plus de moitié (Chamberlain et Phomsombath, 2003: 35-39) et le temps nécessaire au désherbage ne cesse d’augmenter en raison de la prolifération des plantes adventices. En outre, en raison de la pression foncière et démographique sur certaines zones de la forêt, de nombreux produits forestiers se raréfient. Il s’agit d’une tendance extrêmement inquiétante car non seulement ces produits forestiers représentent 55 pour cent en moyenne du revenu monétaire des foyers ruraux (PNUD, 2001: 78), mais en outre ils constituent la ressource la plus importante pour les foyers les plus démunis, et leur principale protection contre l’insécurité alimentaire. La raréfaction de ce type de ressource concerne surtout les produits destinés à l’alimentation et au commerce: cardamome, fougères, certaines variétés de pousses de bambou et miel notamment (National Agriculture and Forestry Research Institute (NAFRI) et Lao-Swedish Upland AgricultureForestry Research Programme (LSUAFRP), 2003a et 2003b).

CARTE 1
Organisation territoriale du Laos du Nord

1 District cité dans le texte.
2 Nom de province.

Les effets de l’allocation foncière sur les superficies de cultures sur brûlis sont difficiles à estimer et varient suivant les régions. Officiellement, les surfaces exploitées selon la méthode sur brûlis ont diminué de 37 pour cent depuis 1996 et le nombre de maisonnées pratiquant cette forme d’agriculture aurait baissé de plus de 50 pour cent. (Ces statistiques doivent être considérées avec précaution car il est très difficile de collecter des informations précises et complètes[106]). En outre, cette tendance globale varie considérablement selon les régions: de 2001 à 2003, les surfaces concernées par l’agriculture sur brûlis ont diminué de moitié dans le sud et le centre, mais seulement d’un quart dans les provinces du nord; deux de ces dernières, Louang Nam Tha et Houaphan, ont même vu leurs surfaces de brûlis augmenter au cours de cette période[107].

Face à la réduction de leurs ressources naturelles, les agriculteurs montagnards ne disposent pas d’alternatives viables sur le long terme. Le soutien technique de la part des services publics reste très faible: une étude commissionnée par la BAsD révèle que sur les 91 villages étudiés dans43 districts, aucun n’avait reçu d’aide technique directe pour l’intensification de l’agriculture, aussi bien sous forme de développement de rizières dans les basfonds que de cultures commerciales en altitude (PNUD, 2001: 81). Il existe bien entendu des cas positifs où les pratiques agricoles s’intensifient et où les revenus des agriculteurs augmentent. Ces cas limités résultent sans doute plus de conditions préalables favorables à l’évolution des systèmes agraires et au développement d’une agriculture commerciale que de la politique d’allocation des terres. Ainsi, dans le district de Kentao (sud de la province de Sayabouri), la proximité du marché thaïlandais a directement contribué à la mécanisation et à la spécialisation de l’agriculture locale d’abord dans la production de coton puis de maïs. Le seul effet de l’allocation foncière a été d’encourager le labour des réserves foncières car les paysans craignaient de perdre leurs terres s’ils ne les mettaient pas en valeur. Il existe d’autres exemples de ce genre, notamment dans le sud du pays, mais il s’agit là d’exceptions localisées.

ENCADRÉ 2
Agriculture sur brûlis et déforestation au Laos

Au cours des 50 dernières années, le couvert forestier du Laos n’a cessé de décliner. En 2003, les zones forestières[108] représentaient 41,5 pour cent du territoire contre 47 pour cent en 1992 et 64 pour cent au milieu des années 60. Outre leur superficie, les forêts sont également plus fragmentées: les compartiments de forêts de moins de 10 ha représentent à l’heure actuelle 6,7 pour cent du total contre seulement 1 pour cent en 1992, tandis que les compartiments de forêts de plus de 1 000 ha sont passés de 88 pour cent à 54 pour cent de la surface forestière totale durant la même période. La valeur commerciale des forêts lao a décliné au cours de la dernière décennie et cela semble particulièrement vrai dans la partie centrale du pays (MAF, 2003: 14). Malgré les évidences apportées depuis longtemps par les scientifiques, ethnologues, géographes et agronomes notamment, cette réduction des espaces forestiers est systématiquement attribuée à l’agriculture sur brûlis. Pourtant, toutes les études menées sur les systèmes d’essartage basés sur de longs cycles de friche arborée ont montré que:

1) Ces systèmes constituaient un mode très élaboré et parfaitement rationnel de gestion de la forêt: Georges Condominas a montré que chez les «mangeurs de forêt» d’Asie du Sud-Est, les rendements des essarts soutenaient la comparaison avec ceux des riziculteurs des plaines. Surtout, ils permettent aux agriculteurs une polyculture (taros, maïs, millet) impossible dans les rizières inondées (1983: 54). Dans le contexte contemporain, beaucoup de montagnards, lorsqu’ils en ont la possibilité, préfèrent cultiver une rizière inondée non pour ses rendements mais parce que le travail peut y être mécanisé, parce que cela signifie une plus grande proximité des infrastructures, donc un plus grand confort, une plus grande sophistication sociale.

2) Leur impact en termes de déforestation et de réduction de la biodiversité est minimal: contrairement à une idée reçue, les forêts véritablement anciennes sont relativement pauvres, en termes de biodiversité, par rapport aux recrus forestiers d’une quinzaine d’années (dans les villages montagnards du Laos, la majeure partie des activités de cueillette et de chasse se déroulent dans les essarts laissés en friche arborée). En outre, les essarteurs ne défrichent que rarement des forêts véritablement anciennes et le mythe d’une forêt «vierge» menacée par le brûlis est un héritage direct de la pensée coloniale (Rossi, 1998: 386).

3) L’impact de l’agriculture sur brûlis sur l’environnement est très faible comparé à celui des coupes de bois opérées par les compagnies forestières ou par les populations allochtones (migrants pauvres venues d’îles surpeuplées en Indonésie, colons originaires des deltas sur les hauts plateaux vietnamiens). Dans le cas du Laos, le Gouvernement dénonce les pratiques des agriculteurs montagnards mais oublie de mentionner que l’exploitation des forêts est effectuée de façon tout à fait opaque par trois compagnies semi-publiques contrôlées par l’armée.

En cas d’accroissement démographique rapide et de raréfaction des terres disponibles, des dysfonctionnements peuvent apparaître (raccourcissement des temps de friche arborée, baisse de la fertilité du sol, mise en culture de zones jusque-là préservées) et conduire à une «crise» du système agraire. Cependant, l’évolution ne va pas nécessairement jusqu’à son terme et les paysans, lorsqu’ils y sont contraints par la pression démographique, peuvent développer certaines cultures de rente ou investir massivement dans l’aménagement de rizières en terrasses (Viet Nam du Nord) par exemple. L’agriculture sur brûlis constitue donc un capital de savoirs et de savoir-faire et non un système technologique figé ou nécessairement destructeur.

ALLOCATION FONCIÈRE ET DÉPLACEMENTS DE POPULATIONS: LA QUADRATURE DU CERCLE

Cet impact socioéconomique globalement négatif est fréquemment attribué à des méthodes trop peu participatives et à la volonté des services du MAF de réaliser l’allocation en une seule fois, le plus rapidement possible et de façon identique dans tous les villages. Les membres du SCREC interrogés durant la mission ont affirmé passer entre 30 et 45 jours dans chaque village pour réaliser l’allocation foncière, mais il s’agit dans ce cas de procédures «pilotes», au cours desquelles ils forment les personnels locaux du MAF avant de continuer leur action dans un autre district. En temps normal, d’après la plupart des observateurs (Jones, 2001: 85), il semble que le processus ne durerait qu’entre cinq et 14 jours. L’allocation foncière est-elle donc une bonne idée mal appliquée? Au-delà des problèmes de méthode, il est évident que l’allocation des terres se réalise, notamment dans les zones rurales du nord, dans un contexte extrêmement défavorable, marqué par des recompositions territoriales de grande ampleur et des migrations mal contrôlées par l’État. Selon l’avis de certains hauts responsables lao), même si elle est mieux organisée et appliquée, l’allocation foncière ne pourra donner de bons résultats que lorsque cesseront les déplacements continuels de villages ou de fractions de villages, dans de nombreux cas entrepris ou provoqués par l’administration elle-même. Depuis trois décennies maintenant, le Gouvernement de la République démocratique populaire lao encourage les villages montagnards à quitter les hauteurs et à venir s’installer dans les vallées, souvent sans assurer les mesures d’accompagnement nécessaires pour garantir l’amélioration ou le simple maintien des conditions de vie des populations ainsi déplacées. Plusieurs études ont déjà démontré le coût social très élevé de cette politique qui accroît de façon spectaculaire et durable la mortalité dans les villages déplacés (Goudineau, 1997; Romagny et Daviau, 2003).

Un autre problème réside dans l’absence de concertation entre les services concernés au moment de l’établissement et par la suite au moment de la mise en œuvre des plans quinquennaux à l’échelle des districts. La planification des déplacements et regroupements de villages est du ressort du pouvoir des cabinets des chefs de districts et des gouverneurs provinciaux; celle de l’allocation foncière dépend par contre des représentations des bureaux locaux et provinciaux du MAF. La collaboration entre ces institutions est minimale et dans bien des cas les déplacements de villages annulent les éventuels effets bénéfiques des actions des services du MAF. Une étude de l’unité socioéconomique de l’Institut de Recherches Agronomiques et Forestières (NAFRI, 2002) dans le district de Phonexaï (province de Louang Prabang) met clairement cette difficulté en évidence. Dans ce district, 35 villages doivent être déplacés et/ou regroupés au cours de la période 2001-2005 sur un total de 72 (presque 50 pour cent!)[109]. Le but affiché des autorités est de réduire à 41 le nombre total de villages dans le district. Cela représente le déplacement de 1 725 familles, soit 11 472 personnes, chiffre bien au-delà des capacités de gestion de l’administration locale d’après les rédacteurs du rapport. Ainsi dans le village de Houeï Maha (union de deux villages auparavant distincts, l’un khmou l’autre hmong), 180 nouvelles familles doivent arriver au cours des prochaines années et s’installer avec les 92 familles déjà présentes. L’administration locale a besoin de 52 millions de kips pour le réseau d’adduction d’eau et de 100 millions de kips pour l’amélioration de la piste existante. Le responsable du district essaie d’obtenir cette somme auprès de projets de développement étrangers, pour l’instant sans succès, mais cela n’empêche pas les administrateurs de poursuivre les objectifs annoncés en 2001, alors que la mortalité sur les sites d’accueil augmente fortement et que les conditions de vie y sont souvent plus difficiles que sur les sites d’origine[110].

L’arrivée permanente de nouveaux foyers à Houeï Maha (77 depuis qu’a été effectuée l’allocation des terres) a très vite rendu caducs les arrangements signés avec les autorités du district sur le partage des espaces agricoles. En prenant en compte à la fois l’accroissement naturel de la population et les plans de déplacements de villages par les autorités, on peut en effet estimer que le village comptera 294 familles et 2 117 personnes en 2020 (contre 92 en 2002). La demande de terres cultivables à cette date sera d’environ 2 400 à 3 000 ha, mais les études indiquent qu’il n’y a que 1 225 ha de terres agricoles disponibles sur le finage villageois, soit une capacité d’environ 90 à 120 personnes dans un système agraire basé sur trois à quatre ans de friche arborée. En d’autres termes, les autorités ont alloué deux fois et demie moins de terres que nécessaire aux villageois pour maintenir ou améliorer leurs conditions de vie, et ce même en comptant les terres agricoles mises en réserve lors du zonage et de l’allocation (entre 10 et 15 pour cent en moyenne dans chaque village concerné).

COMPÉTITION POUR L’ACCÈS À LA TERRE ET RELATIONS INTERETHNIQUES

Dans un contexte où la mobilité et la pression foncière s’accroissent et où, dans le même temps, les techniques de production évoluent peu, les villageois tentent de maintenir leur niveau de vie en essayant d’accéder à de nouvelles terres qui leur permettront de compenser les rendements décroissants de leurs essarts. Les stratégies développées dans ce contexte peuvent être relativement complexes, notamment dans la moitié nord du pays, et impliquer à la fois des migrations spontanées et des arrangements avec des membres d’autres groupes ethniques.

Souvent, les villageois ne cherchent pas à obtenir plus de terres auprès des autorités (afin d’éviter de payer des taxes supplémentaires) mais défrichent illégalement dans des zones forestières reculées ou dans des zones non revendiquées par les premiers occupants. Soixante-dix pour cent des cas de ce genre ont été recensés dans la moitié nord du pays (Bantheung, Soukhan et Noven, 2000: 11). Ces défrichements sont facilités, dans le cas des villages déplacés, par l’autorisation fréquemment donnée aux villageois de pratiquer une résidence alternée entre l’ancien et le nouveau site (preuve de l’incapacité des autorités à appliquer la loi de façon aussi ferme qu’il est prévu dans les textes officiels)[111]: les migrants défrichent l’espace qui leur est affecté dans le nouveau village tout en continuant un essartage de complément sur l’ancien site. La double morphologie de l’habitat caractéristique de certains groupes d’essarteurs (notamment les populations austroasiatiques du nord du pays) perdure ainsi malgré le processus de sédentarisation. Parfois, des villages déplacés, ou des familles de migrants, prennent possession de terres vacantes en plaine sans attendre d’obtenir l’autorisation de l’administration. En 1994, un cas de ce type avait fait du bruit dans la province de Louang Nam Tha: plusieurs dizaines de familles hmong originaires des régions du nord-est du Laos étaient arrivées soudainement en taxi après avoir entendu à la radio nationale un message du vicegouverneur, lui-même d’origine hmong, qui indiquait que des terres aménageables en rizières étaient libres près de l’une des pistes principales de la province. Après de premiers mois difficiles et des rapports conflictuels avec certains de leurs voisins, ces familles occupent encore aujourd’hui les mêmes terres qu’au moment de leur arrivée.

La location ou l’achat de parcelles, en altitude ou en plaine, deviennent également de plus en plus fréquents. Dans le premier cas, le dédommagement peut s’effectuer soit en nature, soit sous forme de paiement de la taxe foncière à la place du propriétaire. Cette situation tend à favoriser les résidents les plus anciens, au détriment des immigrants ou des jeunes ménages. Il a également été observé une tendance à la location, et parfois à la vente, de terres cultivables pour la plantation d’arbres de rente (teck notamment) à des personnes n’appartenant pas au village. Cela procure de l’argent à certaines familles mais réduit leurs surfaces agricoles et menace leur avenir. L’achat de terres, quant à lui, met souvent en relation des occupants anciens et des familles déplacées, parfois issues de groupes ethniques distincts. Ainsi, dans le village de Houeï Maha cité précédemment, les populations khmou (autotchtones) vendent progressivement leurs terres aux nouveaux arrivants hmong puis utilisent le capital ainsi constitué pour rejoindre d’autres familles khmou installées dans une province du sud du pays. Au moment de la transaction avec les nouveaux arrivants hmong, ces familles khmou donnent aux acheteurs leurs TLUC comme preuve de la cession de leurs droits. Le problème est que cette cession est doublement illégale: d’une part les TLUC ne peuvent pas être vendus et, d’autre part, leur période de validité a en général expiré au moment de la transaction. En outre, ces transactions informelles ne sont pas enregistrées, ne serait-ce qu’à titre informatif, par les autorités locales, d’où un décalage de plus en plus important entre les données «officielles» et la réalité des arrangements fonciers dans les villages. Dans un contexte marqué par une recrudescence des conflits fonciers, l’absence de suivi de ces transactions informelles rend également plus difficile l’éventuelle intervention des autorités locales pour gérer et arbitrer les conflits.

Enfin, l’accès à la terre pour les populations minoritaires peut également être assuré par la constitution de «réseaux migratoires» mêlant une dimension à la fois institutionnelle et interpersonnelle. Le patronage d’un haut responsable provincial originaire du même groupe ethnique peut, par exemple, assurer à des migrants montagnards la possibilité de s’installer en plaine ou bien dans une zone concernée par un projet de développement national ou international[112]. Toutefois, il peut également s’agir de dynamiques de plus longue durée reposant sur le maintien de relations d’entraide et d’assistance mutuelle entre un premier groupe de migrants et ceux restés sur le site d’origine (redistribution de bénéfices tirés d’une activité commerciale, accueil temporaire de certains parents venant comme travailleurs saisonniers, étudiants, militaires). Une fois une «tête» de réseau constituée, par intégration politique ou économique, de nouvelles familles arrivent de la région d’origine chaque fois que celle-ci connaît un excédent démographique trop important par rapport à ses potentialités agricoles. Au sein de cette seconde vague de migrants, on trouve en général des familles relativement aisées ayant réussi à se constituer un capital suffisamment important pour acheter des terres en plaine. Ce phénomène est attesté notamment dans la région Phou Noï (province de Phongsali) où les familles parties en plaine au cours des 10 années précédentes comptent toujours parmi les plus riches de leur village (Évrard, 1998). Les données démographiques disponibles montrent par ailleurs très clairement la «descente» des populations montagnardes originaires de Phongsali vers Oudomxaï et Louang Nam Tha et les recompositions territoriales en cours dans tout le nordouest du Laos (Bouthavy et Taillard, 2000: 56-57). De cette manière s’est développé depuis la fin des années 80 un phénomène de «course à la rizière» dans les principales plaines du nord du pays, à Müang Sing, Louang Nam Tha, Oudomxaï et Boun Neua notamment.

CONCLUSIONS

Les interventions foncières ont des effets déterminants sur les conditions de vie et les stratégies d’adaptation des populations montagnardes. Les observations qui précédent montrent les difficultés de mise en œuvre des politiques foncières, en raison de plusieurs facteurs interdépendants: i) l’importance des déplacements pour ces populations; ii) les approches sectorielles des administrations; et iii) les difficultés d’intégrer de façon cohérente les propositions techniques (sédentarisation des systèmes agraires), sociales (déplacements organisés par l’État) et les stratégies de subsistance et de sécurisation foncière des populations elles-mêmes.

Dans un contexte où la mobilité et la pression foncière s’accroissent et où les techniques de production évoluent peu, les villageois doivent se débrouiller pour maintenir leur niveau de vie, c’est-à-dire concrètement pour accéder à de nouvelles terres qui leur permettront de compenser les rendements décroissants de leurs essarts. Les transactions foncières émergentes (locations, ventes) jouent un rôle croissant dans les stratégies de subsistance mais elles restent largement informelles, et donc invisibles, en raison de leur décalage par rapport aux législations et aux programmes fonciers étatiques (allocation et titrage des terres). Une meilleure connaissance des dynamiques de déplacement, des perceptions de la sécurité et des pratiques foncières informelles des populations permettrait sans doute aux projets et aux programmes étatiques de mieux intégrer les stratégies paysannes dans leurs modes d’intervention et donc de réaliser des actions mieux adaptées et plus durables.

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[96] Les appellations de «groupes autochtones»ou de «peuples indigènes» (indigenous people) ne peuvent s’appliquer qu’à une partie seulement des populations montagnardes du Laos, certaines d’entre elles s’étant installées assez récemment dans ce pays. Pour une analyse critique de ces notions et de celle «d’ethnies minoritaires» dans le contexte des États socialistes de la péninsule indochinoise, voir l’article de Goudineau (2000).
[97] Sans compter les nombreuses familles d’agriculteurs pour lesquelles l’agriculture sur brûlis intervient comme complément à la riziculture inondée.
[98] Le Gouvernement affirmait au début des années 90 vouloir déplacer vers les basses terres un quart de sa population totale (soit environ un million de personnes à cette époque) et dépeupler ainsi un tiers de son territoire, essentiellement les régions montagneuses (Goudineau, 2000), programme dont l’ampleur relative est sans équivalent en Asie du Sud-Est. Dans le nord et le centre du pays, les déplacements de populations montagnardes vers les plaines et les vallées sont aujourd’hui aussi importants que les migrations vers les villes (Bouthavy et Taillard, 2000: 56).
[99] Environ 10 pour cent de la population du pays concentrés exclusivement dans la partie nord du pays.
[100] Contrairement aux jachères des systèmes agraires du Moyen-Âge en Europe, les friches arborées ne font l’objet d’aucun travail du sol et elles ne sont pas non plus fertilisées par les déjections des animaux d’élevage. La reconstitution de la fertilité de la terre s’opère simplement en laissant la forêt se régénérer, processus qui demande théoriquement au moins une dizaine d’années.
[101] Le terme taï désigne la famille linguistique et l’ensemble des locuteurs (les Shan, les Lao, les Lü, les Siamois) et thaï les habitants de l’actuelle Thaïlande.
[102] Instruction du MAF 0822/AF de 1996 (Instruction on Land and Forest Land Allocation Management and Use).
[103] Au cours de la procédure d’allocation des terres, les zones forestières, celles destinées à l’élevage ainsi que les terres agricoles «mises en réserve» (utilisables en fonction des besoins futurs) sont attribuées au communautés villageoises dans leur ensemble (terres communales) et les terres agricoles (rizières, essarts, jardins) aux maisonnées. La délivrance des TLUC dans un village peut ne concerner qu’une partie des maisonnées, celles qui n’ont pas accès à des rizières ou bien dans une proportion insuffisante.
[104] Ces classifications apparaissent inadéquates puisque les systèmes agraires constituent en fait presque toujours une mosaïque de techniques et de pratiques différentes: dans certaines zones de plaine, les habitants pratiquent encore l’agriculture sur brûlis comme préalable ou supplément à la riziculture inondée tandis que certains villages montagnards ont réussi à développer des rizières en terrasse ou des plantations permanentes. En d’autres termes, il ne s’agit pas ici de classer ces pratiques en catégories totalement séparées les unes des autres mais d’évaluer la part de chaque technique dans un système donné. En fait, une analyse basée sur les modes de vie des agriculteurs montre que la plupart des foyers du Laos s’appuient pour leur subsistance sur une multitude de techniques et d’activités agricoles ou non agricoles (chasse, cueillette, agriculture, jardinage, vannerie, élevage, tissage) soit pour leur propre consommation, soit à des fins commerciales (PNUD, 2001: 74). Si toutes ces activités sont prises en compte pour définir les systèmes agraires, ceux-ci apparaissent rapidement bien plus nombreux. Le MAF a récemment publié une classification en 10 catégories, tandis que Chazée (1998: 186-189) a identifié 15 systèmes agraires différents au Laos.
[105] L’Article 35 de la Loi sur la forêt de 1996 met en place des incitations financières pour les agriculteurs acceptant de ne pas les arbres sur les friches arborées de cinq ans et plus. L’Article 20 indique lui que les forêts de régénération deviennent ensuite des forêts «de protection» ou des forêts de «conservation».
[106] L’impact réel de l’allocation foncière en termes de sédentarisation des pratiques agricoles reste très flou: les essarts illégaux, très nombreux notamment dans le nord, ne sont, par définition, pas pris en compte dans ces statistiques.
[107] Données fournies en novembre 2003 par le Centre de réduction de l’agriculture sur brûlis et de vulgarisation agricole (RSCEC) au sein du MAF.
[108] Définition légale au Laos: couverture de la canopée d’au moins 20 pour cent, hauteur minimale de 5 m et superficie minimale de 0,5 ha.
[109] Les raisons invoquées pour les déplacements: villages situés sur des zones cruciales d’un bassin versant; opium; implantation d’activités de développement trop difficile; villages situés en dehors des ZPD; population inférieure à 50 familles. Concernant ce dernier point, l’argument apparaît spécieux: 17 villages sur les 35 qui doivent être déplacés par le district de Phonesaï sur la période 2001-2005 sont composés de 50 familles ou plus (NAFRI-LSUAFRP 2002: 3-4).
[110] Certains villageois de Huay Maha bénéficiaient par exemple d’un système d’adduction d’eau dans leur village d’origine.
[111] Parfois, l’amende que les villageois payent pour leurs essarts illégaux est considérée par eux comme une façon de légaliser leur occupation.
[112] L’intégration politique de membres des minorités ethniques est très sensible au Laos aux niveaux local et régional. Depuis 1975, les responsables provinciaux sont issus en général d’un groupe montagnard majoritaire localement. Par exemple, dans la province d’Oudomxaï, le gouverneur est d’origine khmou, ses deux adjoints d’origine hmong et lü. Chacun d’entre eux exerce la fonction de gouverneur de la province pendant deux ans puis redevient l’adjoint d’un des deux autres. Le même phénomène s’observe dans la plupart des provinces du nord, par exemple celles de Bokèo et de Louang Nam Tha, où Hmong et Khmou sont représentés au plus haut niveau, mais également aux échelles intermédiaires. La place faite aux cadres d’origine ethnique à l’échelon des provinces et des districts contraste cependant avec leur sousreprésentation à l’échelon national.

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