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ÉDITORIAL

Menaces pour les forêts

Les forêts ont été longtemps menacées par une grande variété d’agents destructeurs. Aujourd’hui, la fréquence, l’intensité et l’époque des incendies, ouragans, sécheresses, tempêtes de verglas et infestations d’insectes tendent à évoluer sous l’effet des activités humaines et des changements climatiques mondiaux, ce qui rend les écosystèmes forestiers encore plus vulnérables aux attaques. Le présent numéro d’Unasylva examine les menaces que représentent un certain nombre d’agents biotiques et abiotiques, ainsi que quelques-unes des mesures prises pour les dominer.

Les menaces naturelles, comme le feu, les insectes et les maladies, font partie intégrante de la dynamique forestière. Cependant, elles peuvent perturber le flux des biens et services procurés par les forêts, en nuisant à la croissance et à la survie des arbres, à la qualité et au débit de l’eau et à la biodiversité. Il faut aussi tenir compte des espèces envahissantes étrangères – ravageurs, micro-organismes ou arbres qui ne sont pas originaires d’un écosystème particulier et dont l’introduction provoque, ou pourrait provoquer, des dommages économiques ou environnementaux. De nombreuses espèces d’arbres introduites ont une haute valeur socioéconomique et environnementale, mais elles peuvent créer des problèmes si leur utilisation et leur gestion ne sont pas correctement réglementées. Les mesures visant à protéger les forêts contre toutes les menaces doivent faire partie intégrante de la gestion durable des forêts.

Les incendies sont parmi les principales menaces auxquelles sont exposées les forêts. Le feu ne respecte pas les frontières nationales, rappelle J.G. Goldammer dans le premier article, qui décrit le rôle des efforts internationaux et régionaux de collaboration déployés pour réduire les effets négatifs des incendies sur les populations et l’environnement. V. Mosoti et A. Mekouar présentent un aperçu de la législation nationale édictée par de nombreux pays pour prévenir ou maîtriser plus efficacement les incendies de forêt.

Les efforts nationaux et internationaux visant à formuler des stratégies de réduction des incendies doivent aussi tenir compte des causes humaines du feu. Une solution consiste à faire participer les populations locales à la planification de la gestion des incendies. M. Jurvélius décrit une approche de la gestion à assise communautaire qui a permis de réduire notablement le nombre et la propagation des incendies de forêt en Afrique australe.

En Amérique centrale, les zones touchées récemment par des invasions de scolytes devenaient une source de graves incendies, car les arbres morts augmentaient les amas de combustibles. R.F. Billings et les coauteurs analysent les causes et les impacts des invasions de scolytes dans cinq pays – tout en examinant aussi le rôle du feu – et mettent l’accent sur les nouvelles perspectives de protection intégrée.

Lorsqu’une invasion d’insectes atteint les proportions d’une épidémie, les applications aériennes de biopesticides sont parfois le seul moyen de traiter efficacement l’infestation. Mais les coûts élevés sont un obstacle aux traitements à grande échelle dans les pays en développement et les pays aux économies en transition. G. Allard et al. décrivent comment une intervention de coopération technique, comportant le transfert de technologies et d’équipement, a permis à la République de Moldova de maîtriser une invasion catastrophique de papillons défoliants. J. Novotný décrit une stratégie participative mise en œuvre par les petits exploitants, les grands propriétaires forestiers privés et les entreprises forestières pour protéger les peuplements d’épicéas contre les parasites et les maladies fongiques en Slovaquie.

La circulation croissante de semences et de plantes ainsi que le commerce et les voyages internationaux ont accru le risque d’introductions involontaires de parasites forestiers. Un court article par M. Keiran et E. Allen souligne le risque particulier associé aux matériels d’emballage à base de bois, et l’adoption d’une norme mondiale pour leur traitement.

S.S. Lee illustre la menace que les maladies peuvent faire peser sur les plantations forestières: en Malaisie, le succès à long terme d’Acacia mangium, jadis considéré comme l’essence forestière de plantation la plus prometteuse du pays, pourrait être compromis par sa vulnérabilité à la pourriture du cœur, au pourridié et à la rouille du phyllode.

Les espèces de Prosopis, introduites dans certaines parties de l’Afrique pour lutter contre la désertification, font désormais l’objet de contestations, car elles sont considérées comme envahissantes. Sur la base d’études réalisées au Niger et au Yémen, D. Geesing, M. Al-Khawlani et M.L. Abba concluent que les espèces introduites de Prosopis peuvent en effet être envahissantes. Cependant, avec des intrants sylvicoles appropriés, et quand on exploite ces espèces pour le bois de feu, le fourrage et les aliments, elles peuvent procurer des avantages, y compris renforcer la sécurité alimentaire.

Il est encore trop tôt pour conclure que les organismes génétiquement modifiés (OGM) représentent une menace pour les forêts. M.H. El-Lakany souligne que la recherche et le déploiement des OGM ne sont pas encore généralisés dans le secteur forestier, et rares sont les informations fiables disponibles. La majorité de la superficie forestière mondiale étant susceptible de rester naturelle ou semi-naturelle, la zone plantée en arbres forestiers génétiquement modifiés restera sans doute relativement limitée. Pourtant, du moment que ce nouvel outil est utilisable, il est essentiel de mettre en place des cadres réglementaires pour la mise à l’essai, le suivi et la gestion des OGM, de même que des protocoles visant à évaluer les risques connexes.

Enfin, un court article par D.A. Taylor traite d’une menace humaine particulière dont les forêts font l’objet: les conflits armés. De par leurs riches ressources naturelles et leur éloignement des centres du gouvernement, les forêts ont souvent été le motif de profonds différends. Lorsque la violence éclate dans les zones forestières, la forêt en subit les conséquences.

En collaboration avec ses nombreux partenaires, la FAO fournit aux pays des avis sur la prévention, la législation et les stratégies à long terme, et elle appuie la coopération régionale en matière de menaces pour les forêts. Elle fournit une assistance technique et des réseaux d’information, car l’information systématique est cruciale pour neutraliser efficacement les nouveaux dangers qui menacent la santé et la productivité des forêts, et pour réduire la dépendance vis-à-vis de solutions ponctuelles.

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