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Coopération internationale pour la gestion
des incendies de forêt

J.G. Goldammer

Johann G. Goldammer est directeur de l’Observatoire mondial des incendies (GFMC) et coordinateur du Groupe consultatif des incendies, Stratégie internationale des Nations Unies pour la prévention des catastrophes naturelles (ISDR-ONU).

Les impacts des incendies de forêt ne s’arrêtant pas aux frontières nationales, les organisations internationales et régionales, les institutions non gouvernementales, les gouvernements et la société civile harmonisent leurs efforts pour atténuer les effets nuisibles de ces incendies.

«Etant donné que, dans de nombreux écosystèmes, le feu est aussi un important processus naturel et qu’il a été utilisé traditionnellement pendant des millénaires comme instrument de gestion des terres, il importe de formuler une politique éclairée qui tienne compte de son rôle positif de même que traditionnel, tout en réduisant l’incidence et l’ampleur des incendies incontrôlés et leurs impacts nuisibles.»
(Groupe de travail des incendies de forêt, 2003)

Au cours de la décennie écoulée, dans de nombreuses parties du monde s’est dessinée une tendance croissante à l’application excessive du feu dans les systèmes d’utilisation des terres et les changements d’affectation des terres, et à l’apparition plus fréquente d’incendies d’une gravité extrême. Certains effets des incendies de forêt dépassent les frontières, par exemple la pollution par la fumée et ses retombées sur la santé et la sécurité humaines, la perte de biodiversité, ou la dégradation des terres au niveau du paysage qui conduit à la désertification ou aux inondations. L’épuisement du carbone terrestre par les feux allumés dans des conditions extrêmes dans certains types de végétation, y compris les terrains organiques dans les biomes de tourbières, est l’un des facteurs déterminants de la perturbation des cycles biogéochimiques mondiaux, notamment le cycle mondial du carbone. Cette tendance encourage la communauté internationale à s’attaquer collectivement au problème. Les partenariats non officiels, les projets conjoints et les accords officiels entre les institutions gouvernementales et non gouvernementales sont indispensables pour permettre aux pays de créer des capacités de gestion durable des incendies.

Plusieurs organisations et programmes du système des Nations Unies œuvrent dans des domaines liés à la gestion des incendies de forêt:

En outre, plusieurs conventions mondiales ont pour mandat de protéger le couvert végétal mondial et le bon fonctionnement des écosystèmes, telles la Convention sur la diversité biologique (CDB), la Convention de lutte contre la désertification (UNCCD), la Convention de Ramsar et la Convention-cadre sur les changements climatiques (CCCC-ONU).

Etant donné la diversité des responsabilités sectorielles au sein du système des Nations Unies, un Groupe de travail interorganisations des incendies de forêt a été établi en 2001 pour faciliter la formulation d’une politique commune. Le groupe de travail a été institué au sein de l’Equipe de travail interorganisations pour la prévention des catastrophes naturelles dans le cadre de la Stratégie internationale des Nations Unies pour la prévention des catastrophes naturelles (ISDR).

Toutefois, les organisations des Nations Unies ne peuvent , à elles seules, satisfaire tous les besoins d’assistance et de transfert de technologies nécessaires pour promouvoir la gestion durable des incendies dans les pays en développement. L’appui des organisations gouvernementales et non gouvernementales, y compris la coopération bilatérale et multilatérale, revêt dès lors une importance cruciale.

Le présent article décrit le rôle de la collaboration tant internationale que régionale et celui des gouvernements et de la société civile dans l’atténuation des impacts nuisibles du feu sur les populations et l’environnement.


POURQUOI LA COOPÉRATION INTERNATIONALE EST-ELLE NÉCESSAIRE?

Les causes aussi bien que les effets d’incendies destructeurs sont déterminés par des facteurs sociaux, économiques et naturels qui varient suivant les régions et les pays du monde. De nombreuses régions souffrent d’un excès de feu; d’autres écosystèmes ou paysages sont menacés par le manque de feu ou par les changements d’affectation des terres provoqués indirectement par des changements dans le régime des incendies.

Par ailleurs, les incendies de forêt ont certains points communs et des effets qui dépassent les frontières. Par exemple, la pollution par la fumée près du sol nuit à la santé et à la sécurité humaines aux niveaux local et régional. Les émissions des incendies de végétation déterminent aussi la composition et le fonctionnement de l’atmosphère mondiale. Des catastrophes secondaires déclenchées par des incendies particulièrement intenses s’étendent souvent au-delà des frontières nationales. Telles sont la déstabilisation du fonctionnement de l’écosystème au niveau du paysage, les inondations, la perte de biodiversité, la formation de savanes et même la désertification. Les incendies de forêt peuvent donc avoir des impacts sur de multiples pays, voire sur la communauté mondiale.

Pour formuler des politiques éclairées, il faudrait définir les problèmes posés par les incendies au sein des régions et les synthétiser au niveau mondial. Il faut quantifier les impacts de ces incendies à l’échelle planétaire pour comprendre le rôle qu’ils jouent dans les processus de changement mondiaux. On devra disposer d’informations exactes et immédiates sur le nombre d’incendies, la superficie brûlée et la masse végétale consumée annuellement aux échelons national, régional et mondial, et sur leurs coûts sociaux, économiques et environnementaux. C’est alors seulement qu’une politique harmonisée, tenant compte des effets multidirectionnels du feu, pourra être formulée.

Des amas de combustibles dans les forêts attisent les feux

Des feux superficiels de faible à moyenne intensité, brûlant à intervalles réguliers dans les forêts de conifères du nord – comme ceux de Sibérie (Fédération de Russie) représentés ici – contribuent à la réduction cyclique des amas de combustibles sans endommager le bois (à gauche). Des forêts adultes maintenues par le feu fournissent aussi des habitats à la faune sauvage et aux espèces animales et végétales menacées d’extinction. La suppression des incendies naturels ou d’origine humaine sur de longues périodes peut provoquer l’accumulation de combustibles qui, lorsqu’ils s’enflammeront inévitablement, déclencheront des incendies d’une grande intensité (à droite). Les impacts de ces incendies diffèrent de ceux des incendies à faible intensité et entraînent de fortes pertes économiques et écologiques (destruction du peuplement, ravageurs secondaires, perte d’habitats).

GFCM


SOMMET INTERNATIONAL DES INCENDIES DE FORÊT: DES SOLUTIONS À MOYEN ET COURT TERMES

Le Sommet mondial pour le développement durable (Johannesburg, Afrique du Sud, 2002) a préparé le terrain pour la mise au point d’un programme d’action visant à réduire les effets nuisibles des incendies de forêt sur l’environnement et l’humanité. De ce fait, un Sommet international des incendies de forêt s’est tenu à Sydney (Australie) en octobre 2003 (immédiatement après la troisième Conférence internationale sur les incendies de forêt). Le thème du Sommet était «La gestion des incendies et le développement durable: renforcer la coopération internationale pour réduire les effets nocifs des incendies de forêt sur l’humanité et l’environnement mondial».

Ce thème a été choisi pour souligner l’importance de diminuer la vulnérabilité croissante des écosystèmes et des populations humaines vis-à-vis des incendies incontrôlés, ainsi que l’usage impropre et abusif du feu pour modifier le couvert végétal. Une haute priorité a été accordée à la définition de solutions et au renforcement de la coopération internationale dans le domaine de la gestion des incendies.

Le Sommet reconnaissait que les solutions devaient se fonder sur des approches et instruments pratiques et réalisables menant à des stratégies communes, des cadres de mise en œuvre et des mécanismes de financement. L’aspect le plus crucial est la création de mécanismes qui détermineront des actions concrètes, y compris des accords officiels et non officiels aux niveaux bilatéral et international. La «Stratégie de développement futur de la coopération internationale pour la gestion des incendies de forêt», convenue lors du Sommet, a fourni un certain nombre de recommandations visant à harmoniser et normaliser les approches et à renforcer la coopération internationale. Deux décisions du Sommet, notamment, sont d’ordre pratique et prêtes à être mises en œuvre:


RÉSEAUX MONDIAUX ET RÉGIONAUX DES INCENDIES DE FORÊT

Parmi les domaines prioritaires du Groupe de travail des incendies de l’ISDR figurait l’établissement d’un réseau mondial des incendies visant à renforcer les capacités existantes en matière de surveillance des incendies, d’alerte rapide et d’évaluation de l’impact, et à faciliter la coopération internationale relative à la gestion des incendies (figure 1).

Le Sommet international des incendies de forêt a approuvé la constitution du réseau mondial qui deviendrait un instrument d’unification, de développement et de promotion des travaux des réseaux régionaux des incendies, grâce à ses activités de partage des informations, de création de capacités et de préparation d’accords bilatéraux et multilatéraux. Ce processus sera facilité par des conférences et des sommets régionaux pertinents en collaboration avec un comité international de liaison. Il a été prévu qu’à la conclusion de son mandat, à la fin de 2003, le Groupe de travail des incendies serait incorporé dans le Réseau mondial des incendies en tant que programme actif de vulgarisation. Pour appuyer les travaux du réseau mondial, un Groupe consultatif des incendies serait créé sous l’égide de l’ISDR. Le Groupe consultatif fera appel à la participation et au soutien des organisations et programmes des Nations Unies, d’autres organisations internationales, d’organisations non gouvernementales (ONG), d’organismes publics, d’institutions et d’accords intergouvernementaux, de la société civile, des universités, du Comité international de liaison de la série de conférences internationales sur les incendies de forêt et de l’Observatoire mondial des incendies (GFMC). Au nom de l’ISDR, ce dernier agit en qualité de responsable et comme secrétariat du réseau mondial, appuyant l’établissement de réseaux régionaux des incendies et favorisant les initiatives collectives avec les organismes existants, y compris la FAO et d’autres comme:

Les réseaux régionaux des incendies (voir encadré et figure 2) pourraient consister en sous-réseaux pertinents ou être complétés par tout autre réseau tropical. Il est souhaitable que les objectifs et les efforts soient harmonisés avec d’autres réseaux indépendants. Les équipes régionales GOFC-GOLD de gestion des incendies auront un rôle clé à jouer dans la formation et l’opération des réseaux de surveillance des incendies de forêt.

Les initiatives régionales indépendantes déjà en place ont été contactées et encouragées à se relier au Réseau mondial des incendies de forêt. Les activités sont en train de démarrer dans les régions où de telles initiatives régionales n’existent pas encore.

Le Réseau mondial des incendies de forêt –
situation au début de 2004

Réseau régional des incendies de forêt pour l’Afrique subsaharienne: lancé en 2002; objectif principal: Centre africain de formation en matière d’incendies de forêt.

Réseau régional des incendies de forêt pour l’Asie du Sud-Est: accord de base: l’accord ANASE sur la pollution transfrontière par la brume (signé en 2002, mis en œuvre en 2003).

Réseau régional des incendies de forêt pour l’Asie du Nord-Est: lancé en 2004; animateur: l’Institut coréen de recherche forestière.

Réseau régional des incendies de forêt pour l’Asie du Sud: les débats commenceront en 2004-2005.

Réseau régional des incendies de forêt pour l’Asie centrale: lancé en 2004 par l’équipe de spécialistes des incendies de forêt CEE/FAO/OIT.

Réseau régional des incendies de forêt pour l’Australasie: mis en œuvre depuis 1996 par le Conseil des autorités des incendies de l’Australasie.

Réseau régional méditerranéen des incendies de forêt: mis en œuvre progressivement par le biais du Groupe des incendies de Silva Mediterranea.

Réseau régional balkanique des incendies de forêt: a démarré en 2002; les activités de base sont appuyées par la Bulgarie.

Réseau régional baltique des incendies de forêt: fondé en 2000 par l’équipe de spécialistes des incendies CEE/FAO/OIT, lors de l’Exercice baltique pour l’échange d’informations et de ressources en matière d’incendies en 2000; regroupé par une réunion régionale en 2004.

Réseau régional méso-américain des incendies de forêt: lancé en 2002 par la première Réunion méso-américaine sur la protection des forêts contre les incendies; appuyé par le Guatemala.

Réseau régional des incendies de forêt pour l’Amérique du Sud: lancé en 2004 en prévision de la conférence de l’hémisphère occidental sur les incendies de forêt, qui se tiendra au Costa Rica en octobre 2004 dans le cadre de la Commission FAO des forêts pour l’Amérique du Nord et la Commission FAO des forêts pour l’Amérique latine et les Caraïbes

Réseau régional des incendies de forêt pour l’Amérique du Nord: géré par le Groupe de travail de la gestion des incendies de la Commission FAO des forêts pour l’Amérique du Nord, établi en 1962.

Source: site Web du Réseau mondial des incendies de forêt: www.fire.uni-freiburg.de/GlobalNetworks/globalNet.html


1
Le rôle du Réseau mondial des incendies de forêt dans la collecte et la diffusion d’informations locales à mondiales sur les incendies, pour la formulation de politiques éclairées et l’appui à la prise de décisions


2
Délimitation des régions couvertes par le Réseau mondial des incendies de forêt


COMMENT FAIRE PROGRESSER LE DIALOGUE INTERRÉGIONAL ET MONDIAL: PERSPECTIVES
ET ENJEUX


Perspectives à court et moyen termes

Les événements ci-après, qui visent la mise en œuvre des recommandations du Sommet international des incendies de forêt, l’intensification du dialogue international, l’instauration de partenariats officiels et non officiels et la mise en route du Réseau mondial des incendies de forêt, se tiendront dans un proche avenir.


Perspectives à long terme

A long terme, il faudra formuler des programmes pour affronter, entre autres, les questions clés suivantes:

Pour réaliser ces objectifs, la concordance des arrangements officiels et non officiels est essentielle. La figure 3 donne un exemple d’un arrangement conjoint pour la mise en œuvre des recommandations stratégiques élaborées par le Sommet international des incendies de forêt. L’ISDR continuera de coordonner les opérations entre les organisations, les programmes et les conventions des Nations Unies et sera appuyé par le Groupe consultatif des incendies.

3
Modèle d’accords de coopération entre le Réseau mondial des incendies de forêt et l’Université des Nations Unies pour la création de capacités de haut niveau en matière de gestion des incendies de forêt


COOPÉRATION INTERNATIONALE AU NIVEAU OPÉRATIONNEL

Un grand nombre de projets bilatéraux et multilatéraux ont contribué à renforcer les capacités en matière de gestion des incendies dans le monde entier. Les expériences qui en ont été tirées fournissent des exemples de solutions pratiques permettant la réalisation d’activités conjointes au niveau opérationnel.

Une coopération prometteuse s’est instaurée entre les pays et les organisations internationales pendant des situations d’urgence où les effectifs nationaux de pompiers se sont révélés insuffisants ou épuisés. En voici quelques exemples:

Depuis 2000, plusieurs accords bilatéraux et internationaux de cogestion durable des incendies ont été conclus. Un consensus international résolu permet la promotion des programmes de coopération officiels et non officiels. De nombreux projets bilatéraux et multilatéraux ont été appuyés par la FAO (par le truchement de son Programme de coopération technique), l’Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT), les Etats-Unis (par le biais d’organisations comme le Service forestier du Département de l’agriculture, le Bureau de la gestion des terres, l’Agence pour le développement international et le Bureau pour l’assistance aux catastrophes étrangères), le Canada, l’Australie, l’Allemagne (grâce à l’Office allemand de la coopération technique [GTZ]) et d’autres pays. Le grand nombre d’accords bilatéraux passés entre les pays partageant une même frontière ou des systèmes communs de gestion des catastrophes (par exemple l’ICS) souligne la volonté des pays d’offrir un soutien et de partager leurs ressources.


Liens: sites Web relatifs à la coopération internationale en matière d’incendies de forêt

ECE/FAO International Forest Fire News: www.fire.uni-freiburg.de/iffn/iffn.htm

FAO Global Forest Fire Assessment 1990-2000: www.fao.org/DOCREP/006/AD653E/AD653E00.HTM

Site FAO sur les incendies de forêt: www.fao.org/forestry/site/14050/en

«Forests and fire»: www.fao.org/forestry/site/11481/en

Observatoire mondial des incendies (GFMC): www.fire.uni-freiburg.de

Système mondial d’observation du couvert forestier/Système mondial d’observation des dynamiques forestières et de la couverture terrestre (GOFC/GOLD), cartographie et surveillance des incendies: gofc-fire.umd.edu

Réseau mondial des incendies de forêt: www.fire.uni-freiburg.de/GlobalNetworks/globalNet.html

Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT): www.itto.or.jp/live/index.jsp; voir www.fire.uni-freiburg.de/programmes/itto/itto_start.htm

Sommet international des incendies de forêt: www.fire.uni-freiburg.de/summit-2003/introduction.htm

Groupe consultatif des incendies (ISDR): www.unisdr.org/eng/task%20force/tf-working-groups4-eng.htm

Joint UNEP/OCHA Environmental Unit/WSSD Partnership for environmental emergencies: www.reliefweb.int/ochaunep; www.reliefweb.int/ochaunep/tools/wssd.htm

OMS Health guidelines for vegetation fire events: www.who.int/docstore/peh/Vegetation_fires/vegetation_fires.htm


CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

De nombreuses organisations des Nations Unies ont reconnu l’importance du rôle des incendies de forêt dans les processus mondiaux de changement et ont collaboré pour harmoniser les efforts internationaux visant à réduire les conséquences nuisibles de ces incendies, y compris celles qui découlent du brûlage des terres à des fins de défrichement. Les solutions concernant la gestion des incendies devront tenir compte de la série complexe de facteurs qui contribuent à la fréquence des incendies, à la vulnérabilité croissante des systèmes de végétation vis-à-vis du feu et à la dégradation grandissante de la végétation due aux incendies. La poussée démographique, la pauvreté, l’instabilité sociale et politique, ainsi que les conséquences de la mondialisation économique, font partie de ces facteurs, et il est difficile de s’attaquer à ces problèmes par des mesures isolées ou sectorielles.

Bibliographie

Groupe de travail des incendies de forêt. 2003. Outcomes of the International Wildland Fire Summit, Sydney, Australie, 8 octobre 2003. Part VII. Background paper: an overview of vegetation fires globally. International Forest Fire News, 29: 40-55.

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