Previous PageTOCNext Page

Freiner le déplacement à travers le monde des parasites forestiers

M. Keiran et E. Allen

Monique Keiran est responsable de publications et Eric Allen est chercheur scientifique auprès du Service forestier canadien, Natural Resources Canada, Victoria, Colombie britannique (Canada). E. Allen est également président du Groupe international de recherche sur la quarantaine forestière.

Des directives internationales régissant la circulation des matériaux d’emballage à base de bois ont été établies pour éviter l’introduction de parasites.

La circulation croissante de marchandises dans les échanges internationaux, au cours des dernières décennies, a permis aux parasites et agents pathogènes forestiers de traverser les océans aussi facilement et rapidement que les bateaux, les avions et les personnes. Des règlements ont été établis en vue d’empêcher la propagation de parasites forestiers à travers les mouvements du bois et des produits ligneux dans le commerce international. Cependant, même les marchandises non sujettes normalement à une inspection phytosanitaire – depuis les voitures jusqu’aux vêtements et aux ordinateurs – peuvent être emballées dans des matériaux à base de bois où les insectes se cachent souvent.

On pense qu’Anoplophora glabripennis, Agrilus planipennis et Tetropium fuscum – des insectes tueurs d’arbres qui envahissent les forêts et les paysages urbains d’Amérique du Nord – sont arrivés dans des matériaux d’emballage en provenance d’Asie. Sirex noctilio est probablement entré en Argentine, Australie, Nouvelle-Zélande et Afrique du Sud dans des emballages ligneux provenant d’Europe ou d’Afrique du Nord. Dendroctonus valens pourrait s’être acheminé jusqu’aux forêts de pins de Chine par le biais d’emballages fabriqués avec du bois d’Amérique du Nord.

Au cours des années 80 et 90, les experts phytosanitaires mondiaux ont compris le rôle que pouvaient jouer les matériaux d’emballage ligneux comme voie d’accès pour les espèces envahissantes étrangères. La recherche a confirmé cette menace. A la suite d’une vérification réalisée en 1977 sur 50 bobines en bois servant à l’enroulement de câbles métalliques expédiés d’Asie au Canada, par exemple, on s’est aperçu que 24 pour cent des bobines contenaient sept espèces différentes de foreuses du bois, et que 31 pour cent des bobines montraient des signes d’activité de ces insectes.

Pour freiner la propagation d’insectes envahissants, la Commission intérimaire des mesures phytosanitaires, hébergée par la FAO, a adopté en 2002 une norme mondiale pour le traitement des matériaux d’emballage à base de bois: la norme internationale pour les mesures phytosanitaires n° 15 (NIMP 15), «Directives pour la réglementation de matériaux d’emballage à base de bois dans le commerce international».

Deux traitements sont reconnus au titre de la norme: le traitement thermique où le bois doit être chauffé à une température centrale de 56 °C pendant 30 minutes, et la fumigation à l’aide de bromure de méthyle. Le traitement thermique a été choisi à cause de la facilité de sa réalisation commerciale et de la panoplie d’insectes pour lesquels il s’est démontré létal, bien que certains organismes pourraient avoir une tolérance thermique supérieure. Il est reconnu que le bromure de méthyle a des effets nocifs sur l’atmosphère; son utilisation devrait être supprimée progressivement d’ici à 2005 au titre du Protocole de Montréal relatif aux substances qui appauvrissent la couche d’ozone. Le Protocole de Montréal exempte de l’élimination du traitement au bromure de méthyle les marchandises en quarantaine et celles qui sont prêtes à l’expédition. Cependant, la fumigation des emballages à base de bois qui utilise le bromure de méthyle a suscité des préoccupations quant à l’environnement.

La NIMP 15 définit les matériaux d’emballage à base de bois comme «le bois ou les produits ligneux (à l’exception des produits tirés du papier) utilisés pour soutenir, protéger ou transporter un produit […] y compris les palettes, le bois de fardage, les caisses à claire-voie, les tambours, les caisses, les plate-formes de chargement, les rehausses pour palettes et les longrines». La norme ne s’applique pas aux emballages fabriqués avec des matériaux ligneux transformés en utilisant la colle, la chaleur et/ou la pression (par exemple, contreplaqué, panneaux de particules, panneaux OSB ou placages) ni à la sciure de bois, à la laine de bois et aux rognures de bois, car on estime que ces produits ne risquent pas d’être infestés.

Bien qu’il soit généralement convenu qu’une telle norme est nécessaire pour la protection des végétaux, les coûts associés à son adoption sont inévitables. Cependant, la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV) estime qu’ils seront contrebalancés par la réduction des frais relatifs à l’inspection et aux méthodes de lutte coûteuses.

Les défis demeurent en ce qui concerne la mise en œuvre harmonisée de la norme au niveau mondial. L’Australie, le Canada, les Etats-Unis, le Mexique et la Nouvelle-Zélande ont commencé à l’appliquer en 2004, mais son adoption par de nombreux autres pays est retardée par le manque de structures, l’absence de systèmes de certification à l’importation et l’exportation et, dans certains pays en développement, le manque des moyens financiers nécessaires pour éduquer les fabricants et les exportateurs et pour mettre en œuvre des procédures de traitement et des mécanismes d’application.

Il est essentiel que l’application de la norme n’entrave pas le commerce et exerce un effet minimal sur les pays individuels. Les problèmes à court terme – y compris des pénuries possibles de palettes traitées – ne manqueront certes pas, ni les enjeux que déterminera la mise au point de méthodes de traitement novatrices, sans danger et économiques. Toutefois, on prévoit que les technologies nécessaires pour traiter les matériaux d’emballage seront disponibles dans la plupart des pays et que les besoins de traitement pourront même stimuler le développement économique dans certains pays moins industrialisés.

Malgré les enjeux, la Jamaïque est prête à appliquer la NIMP 15 et pourrait devenir un modèle pour les pays en développement qui souhaitent sauvegarder leurs forêts et leurs accords d’exportation. L’économie de la Jamaïque dépend de l’exportation de marchandises, comme les produits agricoles, les vêtements, la bière, le café et le rhum, qui sont expédiées dans des emballages à base de bois. Le Gouvernement jamaïcain à facilité l’application de la NIMP 15 en mettant en place des installations de traitement thermique en collaboration avec des fabricants de palettes privés et par le biais de protocoles supplémentaires pour faciliter la fumigation au bromure de méthyle. «Nous avons aussi amorcé des consultations approfondies et permanentes avec les parties prenantes au début du processus, afin de les sensibiliser aux questions et besoins en jeu», déclare Carol Thomas du Ministère jamaïcain de l’agriculture. Thomas estime qu’environ 70 pour cent des Jamaïcains engagés dans l’exportation – exportateurs, fabricants, distilleries, expéditeurs et courtiers en douane – sont au courant des normes et des protocoles de traitement, et s’apprêtent à les appliquer. Une coalition internationale comprenant plus de 40 scientifiques et responsables de la protection des végétaux a été formée récemment, pour faire en sorte que la mise au point et l’application de normes comme la NIMP 15 aient une base scientifique. Le Groupe international de recherche sur la quarantaine forestière (IFQRG), qui s’est réuni pour la première fois à Rome en février 2004, vise à coordonner la recherche mondiale sur la quarantaine forestière. Il fournit des avis scientifiques à la CIPV et est affilié au groupe de travail 7.03.12 de l’Union internationale des instituts de recherches forestières (IUFRO) sur les espèces étrangères dans le commerce international, qui réunit la communauté élargie des chercheurs forestiers scientifiques pour résoudre des questions relatives à la quarantaine forestière. Le Groupe s’attache à affiner les traitements approuvés et à formuler des directives pour la soumission et l’évaluation de nouveaux traitements au titre de la NIMP 15. Il est important de mettre au point de nouveaux traitements, afin d’offrir plus de choix à l’industrie de l’emballage à base de bois et de tenir compte des préoccupations concernant le traitement thermique et l’emploi du bromure de méthyle.

Entre-temps, des ateliers sont organisés pour aider les pays à se préparer à l’application de la NIMP 15. Le premier, mis sur pied par l’Organisation nord-américaine pour la protection des plantes (NAPPO), aura lieu en septembre 2004 au Mexique et portera sur les problèmes des pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Nord (pour plus de détails, contacter Manuel Mejia, [email protected]). Un deuxième atelier régional est prévu à la fin de 2004 pour l’Amérique du Sud. En février 2005, le Canada accueillera un atelier mondial en partenariat avec la CIPV (voir www.ippc.int). En outre, un serveur de liste facilite les débats mondiaux et contribue à identifier et résoudre des questions relatives à l’application de la NIMP 15 (www.forestry-quarantine.org).

La NIMP 15 établit l’utilisation d’un marquage pour certifier que le traitement des emballages à base de bois a été fait; il contient un symbole de la CIPV, un code national de deux lettres, l’abréviation pour le type de traitement utilisé (HT ou MB) et un numéro assigné par l’organisation nationale pour la protection des végétaux au producteur du matériau d’emballage ligneux

Previous PageTop Of PageNext Page