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Beaucoup à apprendre des éleveurs


Un système prend forme pour exploiter les connaissances locales

DAR ES SALAAM, République-Unie de Tanzanie - Tout en formulant des politiques de modernisation du gigantesque secteur d'élevage du pays, le gouvernement est à la recherche de moyens d'exploiter les connaissances locales des éleveurs, allant de la gestion du cheptel aux races traditionnelles et aux remèdes locaux.

La science occidentale contribue beaucoup, pour sa part, à la production animale - par exemple, avec des vaches qui fournissent de grandes quantités de lait, et des vaccins contre les maladies contagieuses. Mais souvent, les races occidentales sont trop délicates pour les rudes conditions africaines, ou les médicaments sont trop chers pour les bergers de subsistance. Pourquoi la Tanzanie ne peut-elle adopter le meilleur des techniques modernes et des méthodes traditionnelles?

LA FAO, UN CATALYSEUR. Le projet LinKS de la FAO contribue à ce processus en formant des chercheurs et des scientifiques pour comprendre et documenter les savoirs locaux et leurs liens avec le rôle des femmes et la biodiversité (voir Quel est le lien entre les femmes, la biodiversité et les systèmes de savoirs locaux page 1).

Le projet a appuyé un réseau de professionnels au sein des principaux ministères, organisations non gouvernementales et universités - des personnes pouvant faire appel aux autres en cas de besoin de soutien ou d'information. "Avec un réseau, il devient plus facile d'influencer le gouvernement; on peut exercer une pression," explique le coordonnateur national de Links, Sachin Das.

"Avant LinKS, beaucoup de gens n'osaient pas dire qu'ils travaillaient sur les savoirs indigènes," dit Mkangare Minja, un ethnovétérinaire qui mène des recherches sur la validité scientifique des médicaments traditionnels, qui constitue le premier pas sur la voie de l'acroissement de leur utilisation. "Grâce au réseau, je suis désormais en contact avec d'autres ethnovétérinaires dans le pays pour éviter la duplication d'efforts."

Faith Magambo, une sociologue du Centre tanzanien d'alimentation et de nutrition, ajoute: "Les scientifiques ne peuvent à eux seuls changer les choses. LinKS a apporté une contribution à leur travail en mettant la communauté au coeur du problème, et non plus le laboratoire."

Laboratoire de recherche du Ministère de l'eau et du
développement de l'élevage (en haut à gauche).
Réunion des membres du réseau tanzanien sur
les savoirs locaux (en haut à droite).
Des étudiants de l'Université d'agriculture de Sokoine
se préparent pour les examens (en bas à droite);
bientôt le module d'enseignenment de l'université comprendra
l'agriculture locale et les connaissances en élevage.

Sur le campus de l'Université d'agriculture de Sokoine à Morogoro, à deux heures environ à l'ouest de la capitale, 2 500 étudiants, dont 30 pour cent de femmes, se pressent dans les salles de classe et les labos pour connaître les dernières méthodes scientifiques. Bientôt, ils apprendront aussi les savoirs locaux, grâce au soutien de LinKS pour un module d'enseignement.

"Espérons que la prochaine génération
intègrera le meilleur de la modernité
avec le meilleur de la tradition."

George Kifuko - ELEVEUR MASAI

INFLUENCER LA POLITIQUE. Le Ministère de l'eau et du développement de l'élevage est en train de préparer une Politique nationale sur la production animale, qui représente un grand pas en avant et prévoit la création d'un centre de ressources génétiques. Deux des cinq rédacteurs et nombre de professionnels qui seront employés dans le futur centre sont associés au projet LinKS. La FAO, en tant qu'organisme chef de file des Nations Unies pour l'agrobiodiversité, contribue à ces questions dans le pays depuis 1991.

"LinKS est arrivé à point, au moment où nous nous efforçons de créer un nouveau système d'élevage," dit David Sendalo, directeur adjoint pour la recherche en matière d'élevage. "Un réseau me met en contact avec toutes sortes de contributeurs à ce processus."

Une mère Masai et son enfant font une pause durant la traite des vaches
(en haut) tandis qu'un éleveur Masai montre une poignée d'écorces de
mkunde kunde (à droite). Lorsque l'écorce est réduite en poudre
(photo de couverture) et mélangée à l'eau, elle peut être donnée au bétail,
telle que cette chèvre, comme traitement vermifuge (en bas à droite).

L'histoire des Masai

MZEE NDEMO TIPA, République - Unie de Tanzanie - "Nos animaux sont bien adaptés à cet endroit, contrairement aux races exotiques. Ils sont résistants à la trypanosomiase et peuvent parcourir de longues distances pour trouver de meilleurs pâturages. Les animaux exotiques ne peuvent pas, comme nos propres races, marcher 10 kilomètres sans devoir se désaltérer," dit l'éleveur Masai Bakari Mameo, assis à l'ombre d'un arbre dans ce petit hameau à une heure à l'ouest de la capitale. "Nous avons acheté quelques sujets croisés de la race Friesian. Ils n'ont duré que six mois. Certains sont morts et d'autres ont commencé à perdre du poids."

Son ami George Kifuko poursuit: "Si nous avons deux remèdes, un traditionnel et un moderne, nous décidons lequel utiliser sur la base de deux critères: le coût et les effets secondaires."

Et il ajoute que, en dépit du fait que certains enfants Masai rejètent les moyens traditionnels, "nous espérons que la prochaine génération intègrera le meilleur de la modernité avec le meilleur de la tradition."

Le gouvernement tanzanien est en train de documenter les pratiques d'élevage Masai dans une étude commandée par LinKS.


Des ovins rouges aux poussins verts

Que se passe-t-il lorsqu'une race d'élevage montre un trait exceptionnel?

Prenons l'ovin Red Masai, par exemple, qui a une résistance génétique aux parasites, grave problème en Afrique. "Les Masai savent que le mouton a ces caractéristiques, mais ils ne savent pas pourquoi," fait remarquer Sachin Das, coordonnateur national de LinKs.

La crainte est que, comme la science tanzanienne est incapable d'isoler et d'exploiter le gène résistant aux parasites, quelqu'un le fera en Occident.

"Nous avons peur de perdre ces moutons. Ils seront achetés, et nous devrons racheter une nouvelle race améliorée dans 20 ans."

Certains savoirs locaux sont plus faciles à comprendre.

"L'autre jour, j'ai vu un agriculteur dans une cour pleine de poussins verts," affirme Peniel Mwasha, directeur adjoint de la vulgarisation au Ministère de l'eau et du développement de l'élevage. "Il m'a dit qu'il utilisait une teinture faite avec une herbe pour protéger les poussins des faucons. Ils avaient un taux de survie de 90 pour cent."


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