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DEUXIÈME PARTIE
Quelques problèmes auxquels sont confrontés les pêcheurs et les aquaculteurs

L’AQUACULTURE FONDÉE SUR LES CAPTURES1

PROBLÉMATIQUE

Définie comme la pratique consistant à récolter des reproducteurs en milieu naturel – du stade précoce du cycle vital jusqu’au stade adulte – puis à les élever en captivité par des techniques aquacoles jusqu’à ce qu’ils atteignent une taille commercialisable, l’aquaculture fondée sur les captures, comporte des caractéristiques bien particulières. Ce type d’aquaculture concerne certaines espèces de poissons et la plupart des mollusques, mais inclut par ailleurs certaines formes d’élevage extensif de crevettes de mer. Il est difficile d’en quantifier l’échelle, puisque les relevés statistiques ne distinguent pas cette production de celle des autres formes d’aquaculture fondées sur l’élevage de juvéniles produits en écloserie. La part de l’aquaculture fondée sur les captures a néanmoins été estimée à quelque 20 pour cent de la quantité total de la production aquacole de poisson destiné à l’alimentation, soit plus de 7,5 millions de tonnes par an (d’après les données FAO pour 2001) constituées surtout de mollusques; dans le cas des poissons, l’aquaculture fondée sur les captures, en particulier d’espèces carnivores, suscite à présent un intérêt particulier2. Parmi les espèces concernées figurent le mulet, le chanos, le mérou, le thon, la sériole et l’anguille.

Les données de production des relevés statistiques communiqués à la FAO concernant certains de ces groupes d’espèces semblent sous-estimées. Le tableau 11 présente des estimations plus élevées concernant l’anguille, le mérou, le thon rouge et la sériole: sur la base des données de la FAO la production correspondante de l’aquaculture fondée sur les captures a dépassé 1,7 milliard de dollars EU en l’an 2000. La seule production de thon rouge devrait dépasser 25 000 tonnes en 2004. Bien que le marché primaire du thon rouge reste le Japon, on estime qu’il existe actuellement aux États-Unis une demande de l’ordre de 45 000 tonnes, essentiellement pour des préparations telles que le sushi et le sashimi, mais aussi pour les grillades.

L’aquaculture fondée sur les captures comporte des activités communes aux pêches de capture et à l’aquaculture véritable. Elle fournit une possibilité de subsistance supplémentaire aux communautés côtières locales des pays en développement et de plusieurs pays industrialisés, mais se trouve confrontée à plusieurs problèmes importants. Ces derniers viennent de l’incidence sur des tiers de deux pratiques courantes de l’aquaculture fondée sur les captures – l’utilisation de reproducteurs sauvages et celle de poisson cru pour l’alimentation des élevages, entre autres pratiques contestables du point de vue de l’environnement. De plus, aucun moyen efficace n’a encore été mis au point pour surveiller la production de l’aquaculture fondée sur les captures. Il importe de résoudre ces problèmes, étant donné que ce type d’aquaculture offre de notables possibilités d’emplois dans les pays en développement, comme dans les communautés côtières de certains pays industrialisés. L’aquaculture fondée sur les captures a par ailleurs créé de nouveaux segments de marchés de grande consommation, notamment en comblant le vide entre deux catégories alimentaires extrêmes (produits coûteux/de qualité supérieure et produits bon marché de qualité médiocre) de thon rouge sur le marché japonais, et en constituant une source d’approvisionnement en mérou moins onéreuse que les pêches de capture; elle offre d’autre part des possibilités de création de produits de bonne qualité, à faible risque, conforme aux exigences des codes de conduite et de pratique.

Tableau 11
Aquaculture fondée sur les captures: estimation de la production d’anguilles, de mérous, de thons et de sérioles en 2000

Groupes d’espèces

Estimation de la production

 

(milliers de tonnes)

Anguilles

288

Mérous

15

Thons rouges

10

Sérioles

136

Utilisation des reproducteurs sauvages

Par définition, l’aquaculture fondée sur les captures repose sur l’utilisation de reproducteurs capturés à l’état «sauvage» (terme désignant les alevins, les juvéniles, et dans certains cas les poissons de plus grande taille) pour l’empoissonnement d’installations d’élevage, telles que cuves ou cages. Cette source de reproducteurs ne semble pas durablement utilisable à court terme et se révèle inadéquate à long terme, puisque les captures par unité d’effort de reproducteurs – juvéniles ou adultes – semblent diminuer. Les pépinières et les habitats d’adultes (par exemple mangroves, herbiers marins et coraux) sont de plus endommagés par la pollution, les pratiques de pêche destructrices et différentes atteintes à l’environnement. De plus, dans nombre de cas, l’état actuel de ces ressources reste indéterminé dans une large mesure. Les ressources cibles font fréquemment l’objet d’une surpêche dans le cadre des opérations normales, mais ce phénomène est considérablement aggravé par la demande de l’aquaculture fondée sur les captures; de plus, la collecte de reproducteurs en réponse à cette demande risque d’entraîner des mortalités parmi les espèces non cibles, de détruire et de perturber des habitats, et de donner lieu à des rejets en mer, contribuant ainsi à l’épuisement d’autres ressources. En outre, le transfert de reproducteurs vers les élevages aquacoles fondés sur les captures se caractérise par des taux de mortalité élevés (et donc par un gaspillage de ressources) et va à l’encontre des intérêts d’autres utilisateurs de la ressource, (par exemple l’obstruction des chenaux causée par le remorquage de cages contenant les thons rouges à des activités d’élevage installées ailleurs).

Utilisation de poisson cru comme produit d’alimentation animale

De nombreuses formes d’aquaculture fondée sur les captures utilisent le poisson cru comme produit d’alimentation animale (qualifié parfois de «poisson de rebut»). Jusqu’à présent, on a mal évalué les incidences correspondantes sur l’environnement, telles que l’épuisement des stocks utilisés et la possibilité de transferts pathogènes aux poissons d’élevage et éventuellement à d’autres poissons vivant dans la même masse d’eau. Le transfert d’agents pathogènes humains est également possible. Même en cas de substitution du poisson cru par des aliments composés pour l’aquaculture, la dépendance à l’égard des ressources marines en tant qu’ingrédients des produits d’alimentation animale tend à persister puisque ces régimes alimentaires sont à fortes teneurs en huiles et en farines de poisson.

Effet de la gestion de l’aquaculture fondée sur les captures

Les modalités d’implantation et d’exploitation des fermes d’aquaculture fondée sur les captures créent également des problèmes. Ce type d’aquaculture soulève un certain nombre de questions touchant l’environnement et la sécurité, parmi lesquelles figure l’absence d’un système adéquat et efficace par rapport à leur coût d’évaluation de l’impact sur l’environnement, propre à garantir la validité du choix des implantations. Un choix approprié des sites d’implantation réduirait au minimum l’accumulation de sédiments, empêcherait l’eutrophisation des eaux et éviterait le risque de contamination des produits d’élevage (par exemple par les dioxines et les PCB).

Les exploitations aquacoles font parfois appel à des technologies inadéquates, par exemple des régimes d’alimentation inappropriés, des installations de mouillage insuffisantes et des structures de nasse défectueuses. La limitation des connaissances quant aux conditions optimales des installations d’élevage et l’absence de personnel qualifié (niveau artisanal de nombreuses exploitations) se traduisent par un rendement faible et des pertes de poissons, etc., affectant par ailleurs la durabilité des activités aquacoles fondées sur les captures. De plus, tout déchet non traité issu des exploitations agricoles porte préjudice à l’environnement côtier et inflige un coût aux populations qui y vivent.

Suivi de la production de l’aquaculture fondée sur les captures

La quantification de la production aquacole fondée sur les captures se heurte par ailleurs à des difficultés notables. Par convention, les captures de poisson sauvage à des fins d’empoissonnement sont intégrées à la production des pêches de capture et seule l’augmentation de poids obtenue par grossissement est enregistrée au titre de la production aquacole. Dans le cas des activités aquacoles fondées sur les captures de juvéniles capturés à l’état sauvage, cela ne pose pas de problèmes compte tenu du poids négligeable des juvéniles. En revanche, ce n’est pas le cas en ce qui concerne le thon puisque les poissons capturés pour grossissement sont déjà de taille adulte. Autrement dit, il est impossible de négliger leur poids et cet élément doit être évalué d’une manière ou d’autre autre.

SOLUTIONS POSSIBLES

Approvisionnement en reproducteurs et transbordement

Les techniques d’élevage en écloserie font l’objet d’activités de recherche et de développement dans le cas des espèces actuellement présentes à l’état d’alevins dans les installations d’aquaculture fondée sur les captures. À condition que ces techniques se révèlent économiquement viables, les alevins élevés en écloserie remplaceront en définitive les alevins capturés à l’état sauvage (l’élevage de ces espèces s’apparentera alors effectivement à de l’aquaculture et non à une activité aquacole fondée sur les captures). Toutefois, il est extrêmement peu probable qu’à l’avenir l’élevage de reproducteurs dans des conditions contrôlées devienne économiquement viable, alors que, au lieu de jeunes alevins, les reproducteurs sont constitués de juvéniles de grande taille ou de poissons adultes (comme dans les élevages aquacoles de thon rouge fondés sur les captures). Selon toute vraisemblance, l’aquaculture fondée sur les captures aura toujours besoin de s’approvisionner en reproducteurs capturés à l’état sauvage, et non seulement des espèces produites actuellement, mais des autres espèces susceptibles d’être produites à l’avenir pour répondre aux besoins du marché.

Il faut par conséquent rechercher des solutions à ces problèmes (de reproducteurs), faisant notamment appel aux perfectionnements apportés à la gestion des pêches des espèces utilisées dans ce type d’aquaculture fondée sur les captures. Cela implique la poursuite des études consacrées à la biologie de ces espèces et la réalisation de recherches spécifiques axées sur des engins de pêche plus sélectifs. La réduction des niveaux de mortalité exige par ailleurs l’application des nouvelles techniques au transfert des poissons sauvages vers les exploitations aquacoles. De plus, il faut élaborer des dispositions spécifiques et des cadres juridiques relatifs à l’aquaculture fondée sur les captures propres à définir et à intégrer les interactions entre les secteurs de la pêche et de l’aquaculture.

Remplacement du poisson cru («de rebut») utilisé comme produit d’alimentation animale dans l’aquaculture fondée sur les captures

La mise au point pour chaque espèce de régimes alimentaires économiques spécifiquement définis et leur acceptation par les exploitants aquacoles sera une avancée majeure. Le remplacement du poisson cru par des aliments composés limitera la dépendance à l’égard des pêches de capture, et préservera donc indirectement les ressources marines. Il aura également pour effet de réduire la pollution due aux déchets alimentaires, contribuera à l’instauration d’un équilibre environnemental favorable, permettra de contrôler la qualité d’alimentation animale et garantira l’obtention de meilleurs indices de consommation, d’où une baisse des coûts de manutention et d’alimentation (bien que l’avantage économique ultime de telles améliorations dépende des coûts unitaires relatifs des aliments de substitution comme de l’indice de consommation). L’usage de préparations formulées éliminera en outre les risques sanitaires (dans le cas du poisson d’élevage) liés à l’absence de contrôle de la qualité du poisson cru. La réalisation de l’objectif visé par l’utilisation de régimes alimentaires formulés spécifiques demande en outre la prise en considération d’autres facteurs; parmi ces derniers, il y a lieu de citer l’acceptabilité par le consommateur final et donc la valeur des produits obtenus par l’utilisation d’aliments de substitution. Ces facteurs jouent un rôle notable puisqu’ils déterminent dans une large mesure la disposition des exploitants aquacoles à modifier leurs pratiques actuelles en matière d’alimentation animale.

Disponibilité accrue de sites

La poursuite des progrès observés en matière d’équipements et de technologies appliqués à l’aquaculture en nasses au large des côtes se traduira par une amélioration de la qualité de l’eau et de la santé des poissons. Le recours à des implantations au large des côtes imposera un perfectionnement des systèmes d’alimentation animale, exigera des embarcations plus importantes pour les pêches d’exploitation et demandera la mise en œuvre de nouvelles techniques de réparation des filets, ainsi que de nettoyage et d’entretien des installations de mouillage. Parmi les solutions envisageables figurent une automatisation accrue, une surveillance électronique, ainsi que le recours à l’utilisation de systèmes de mouillage à lignes tendues.

Gestion des déchets

Le contrôle et la réduction des déchets seraient profitables au secteur de l’aquaculture fondée sur les captures. L’adoption de pratiques durables non seulement préserverait l’environnement et réduirait les risques de conflits avec d’autres utilisateurs des ressources littorales, mais permettrait en outre d’obtenir des produits jugés sûrs par le consommateur (et dont la qualité marchande serait ainsi améliorée). L’organisation et la mise en œuvre de pratiques durables exigent une approche intégrée et multidisciplinaire. La mise au point de programmes économiques d’évaluation rapide et novatrice de l’impact sur l’environnement, associée à un suivi régulier fondé sur l’examen des principaux indicateurs de performances du point de vue de la préservation de l’environnement, serait du plus haut intérêt pour l’aquaculture fondée sur les captures.

Contrôle juridique et institutionnel des activités d’aquaculture fondée sur les captures

L’application de méthodes de production responsables doit devenir la norme dans le secteur des activités d’aquaculture fondée sur les captures des activités d’aquaculture fondée sur les captures. Dans de nombreux cas, l’aquaculture fondée sur les captures représente la première étape (mais parfois, avec des délais très importants, notamment pour la production d’anguilles) vers une véritable aquaculture. Toutefois, cette évolution n’affectera pas les caractéristiques de certaines pratiques actuelles d’aquaculture fondée sur les captures, comme l’empoissonnement par des thons rouges adultes. En outre, ce type d’aquaculture est appelé à s’étendre à de nouvelles espèces. Aussi est-il essentiel que les gouvernements étudient et définissent des instruments juridiques et institutionnels propres à reconnaître l’aquaculture fondée sur les captures comme un secteur distinct; il faut par ailleurs l’intégrer à la planification de l’utilisation de la mise en valeur des ressources. Des accords internationaux en vue d’actions spécifiques dans le secteur de l’aquaculture fondée sur les captures doivent être élaborés et signés par tous les pays qui partagent des ressources communes. La gestion de ce secteur, en particulier lorsque les pratiques en vigueur ne sont pas durables, doit être améliorée. Les gouvernements devraient en outre apporter un soutien actif, dans la mesure où ce type d’aquaculture aboutira à l’élevage de nouvelles espèces aquacoles, limitant ainsi la pression exercée sur les stocks sauvages actuels.

Suivi de la production de l’aquaculture fondée sur les captures

Depuis plus d’une décennie la FAO perfectionne les questionnaires portant sur la production aquacole adressés à ses États Membres. Ces initiatives ont été conçues pour les aider à définir les activités de production génératrices d’une production aquacole (d’un point de vue statistique) et devant être considérée comme une production des pêches de capture. En 2001, le Groupe de travail chargé de coordonner les statistiques des pêches a examiné, dans le cas du thon, la question particulière de l’aquaculture fondée sur les captures, et décidé que le poids des captures devrait être enregistré au titre de la production des pêches de capture et que la croissance supplémentaire ultérieure obtenue en captivité devrait être enregistrée au titre de la production aquacole. Cette façon de procéder est censée éviter un double comptage3.

Toutefois, bien que cette solution soit théoriquement parfaite, la pesée du poisson au début et à la fin des activités d’élevage, soulève des difficultés pratiques. Cette question reste par conséquent à l’étude4 et n’a pas encore trouvé de réponse satisfaisante. Tant qu’il n’en est pas ainsi, l’interprétation des données statistiques touchant à ces espèces de thon en rapport avec les activités d’aquaculture fondée sur les captures continuera à poser certains problèmes. La coopération entre la FAO et le secteur de la production aquacole de thonidés est essentielle pour définir des rythmes appropriés de mesure des accroissements observés au fil du temps de façon à pouvoir répartir correctement la production totale indiquée dans les relevés statistiques entre les pêches de capture et l’aquaculture.

Bien que cette question soulève un problème grave en ce qui concerne le thon, il n’existe pas de problème statistique analogue lié à l’aquaculture fondée sur les captures des anguilles, des mérous et des limandes dans l’état actuel des choses, en raison du poids négligeable des captures sauvages destinées à l’empoissonnement des unités d’élevage. En l’occurrence, la production totale est enregistrée au titre de l’aquaculture. Toutefois, la notification de la production des activités d’élevage des autres espèces susceptibles d’être capturées au stade adulte, puis grossies dans des élevages aquacoles, risque de poser des problèmes statistiques analogues à ceux posés par l’aquaculture de thonidés fondée sur les captures.

ACTIONS RÉCENTES

Reproducteurs élevés en écloserie

La production en écloserie de certaines espèces élevées actuellement par les techniques d’aquaculture fondée sur les captures progresse actuellement à grands pas. Cette activité s’étendra progressivement à certains domaines du sous-secteur qui s’apparentent davantage à l’aquaculture authentique et réduisent l’impact écologique des captures de reproducteurs sauvages. Cela contribuera par ailleurs en définitive à l’avancement des programmes de mise en valeur des pêches.

Des technologies permettant d’élever des stocks de géniteurs de thon rouge dans des nasses installées en mer et dans des systèmes à filets de retenue/en baie fermée pour la mise en valeur des pêches ont été mises au point au Japon. Le premier élevage en cycle fermé de thon rouge y a été ensuite réalisé en 2002; des activités analogues se poursuivent en Australie et en Méditerranée. Des thons rouges reproducteurs en captivité sont également élevés dans plusieurs autres lieux notamment en Californie (États-Unis). La CICTA a entretenu depuis 1996 au Panama un stock de reproducteurs de thon albacore (Thunnus albacares) à l’échelle expérimentale; dans ce contexte, l’optimisation des conditions d’élevage des larves de thon fait l’objet d’essais en cours.

Le frai naturel de thons à queue jaune (Seriola dumerili) capturés à l’état sauvage et de thons blancs ou de sérioles limons (S. rivoliana) a été obtenu à Hawai (États-Unis) en 1999; depuis, des stocks domestiques de lignées F1 et F2 ont fait office de producteurs.

Jusqu’à une date récente, la survie des alevins produits en écloserie de différentes espèces de poissons de mer, notamment de mérous, s’est révélée faible et variable. Toutefois, la production d’alevins de mérous a connu un développement notable en Indonésie, par exemple, essentiellement dans des écloseries artisanales à Bali. Autrefois, la production de ces écloseries était axée en principe sur une autre espèce et utilisait des reproducteurs sauvages à des fins d’empoissonnement, en l’occurrence des reproducteurs de poissons-lait (Chanos chanos). On estime à une proportion de 15 à 30 pour cent des mérous d’élevage en Indonésie la part provenant actuellement des reproducteurs élevés en écloserie.

Dans l’immédiat, l’obtention de reproducteurs pour l’élevage de type aquaculture fondée sur les captures d’anguilles ne semble guère possible au moyen d’un cycle complet commercialement viable. Toutefois, il a été signalé5 que les recherches entreprises notamment pour Anguilla anguilla, sont sur le point d’aboutir.

Eléments nouveaux concernant les produits d’alimentation animale

Les exploitants des installations d’aquaculture fondée sur les captures hésitent généralement à modifier leurs pratiques en matière d’alimentation animale; compte tenu du risque d’échec des solutions de remplacement lorsque les enjeux économiques sont si importants (en particulier dans le cas des élevages de thon rouge), ils sont rares à prendre ce risque. Néanmoins, le remplacement partiel du poisson cru par des aliments préparés fait l’objet de certaines tentatives.

Des travaux de recherche consacrés aux aliments préparés destinés au thon se poursuivent en Australie depuis 1997, bien qu’ils aient été entravés par les difficultés rencontrées pour mener à bien des essais contrôlés sur des poissons d’une telle valeur. L’importance des coûts de fabrication des aliments et le niveau suboptimal d’acceptation des aliments en boulettes par les thons constituent par ailleurs des facteurs éminemment défavorables. De plus, une certaine opposition des consommateurs à l’égard de l’alimentation «artificielle» du thon (et d’autres espèces produites avec des techniques aquacoles fondées sur les captures) a par ailleurs été escomptée.

Lors de l’exposition de la Société mondiale d’aquaculture à Hawai (États-Unis) en 2004, une société américaine de production d’aliments pour animaux a présenté une préparation destinée au thon utilisée au Mexique de façon à compléter dans une proportion de 25 à 50 pour cent le régime alimentaire. On estime par ailleurs que certains exploitants envisagent d’utiliser pour l’élevage de leurs thons une nourriture constituée à 100 pour cent d’aliments secs (granulés).

Les élevages intensifs d’anguilles (qui continuent à utiliser dans les premiers jours de l’élevage des civelles, des petits vers aquatiques et de la chair de poisson), s’engagent dans une période transitoire caractérisée par l’utilisation d’un aliment «artificiel» sous forme de pâte humide, à la suite de laquelle ils passent à l’utilisation de granulés extrudés ou formés sous pression pour la nourriture des anguilles remises en élevage.

Le poisson cru (poisson de rebut) reste le type d’aliment le plus couramment utilisé dans le cas des mérous, en dépit des dizaines d’années de recherche consacrées à la production des produits de remplacement sous forme de granulés. Or, des essais de commercialisation d’aliments pour mérous se poursuivent: suite à un essai concluant à l’échelle industrielle sur le mérou à tâche orange (Epinephelus coioides), un producteur a mis sur le marché aux Philippines en 2002 un aliment pour le mérou.

Au Japon le poisson cru reste utilisé dans les élevages de thon jaune fondés sur les captures, mais compte tenu de la sensibilisation des exploitants aux répercussions de cette pratique sur l’environnement depuis le début des années 90, les granulés humides, semi-humides ou moyennement secs ainsi que les granulés extrudés sont de plus en plus employés. En 1998, la consommation dépassait 120 000 tonnes d’aliments artificiels. En dépit de cette évolution, le choix d’un aliment artificiel réellement adapté aux thons à queue jaune de plus de 3 kg n’est pas parfaitement résolu; en effet, ils préfèrent nettement le poisson cru aux granulés extrudés.

Le besoin de remplacer partiellement ou complètement les ressources marines en tant qu’ingrédients des aliments d’aquaculture n’est pas particulier à l’aquaculture fondée sur les captures, mais affecte également l’élevage de toutes les espèces de poissons carnivores et de crustacés6.

PERSPECTIVES FUTURES

L’aquaculture fondée sur les captures est une activité économique susceptible de continuer de se développer à court terme, aussi bien avec les espèces de poisson actuellement exploitées que vraisemblablement avec d’autres espèces qui seront retenues à l’avenir à des fins d’élevage. En dehors des poissons, par exemple, pour différents mollusques bivalves (moules notamment), la pratique de ce type d’aquaculture est très vraisemblablement appelée à se poursuivre indéfiniment, compte tenu du nombre considérable de gamètes libérées. Toutefois, l’aquaculture fondée sur les captures des espèces particulières de poisson est plus incertaine; en effet, il y aura très certainement des partisans d’une stricte limitation (au moins) de cette activité en concurrence directe avec les pêches de capture. C’est la raison pour laquelle la mise au point d’une solution viable pour l’élevage de ces espèces tout au long de leur cycle vital présente une importance décisive. Une fois cet objectif atteint, non seulement la production aquacole future correspondante sera garantie, mais il sera possible d’étudier la faisabilité de programmes de réempoissonnement de façon à développer les pêches de capture associées.

En dépit des perspectives de développement commercial pour les espèces qui font actuellement l’objet de techniques d’aquaculture fondée sur les captures, on constate une tendance marquée (comme cela a été le cas pour le saumon, les serranidés et les sparidés) à une baisse des prix à la production au fur et à mesure de l’accroissement de l’offre. Ce développement ne sera viable que si les exploitants sont en mesure de diminuer leurs coûts. D’un point de vue technique l’approvisionnement en reproducteurs constitue le principal obstacle; ainsi, l’essor futur de l’aquaculture de thonidés fondée sur les captures sera limité par les quotas. L’élevage des anguilles se heurte d’ores et déjà à une pénurie de reproducteurs, tandis qu’à l’avenir son développement sera vraisemblablement limité par les contrôles exercés sur les captures de civelles. Les dommages infligés à l’environnement (par exemple, du fait de la collecte de reproducteurs de mérou) entraîneront par ailleurs des mesures de contrôle visant à restreindre l’expansion de cette activité; également en butte aux contraintes d’approvisionnement en reproducteurs, l’élevage du thon à queue jaune suscite néanmoins un intérêt accru.

Les avantages potentiels à long terme de l’aquaculture fondée sur les captures ne doivent cependant pas être ignorés. Ainsi, l’élevage des mérous se transforme progressivement en véritable aquaculture en Indonésie, l’approvisionnement en juvéniles élevés en écloserie incite les pêcheurs à abandonner la récolte au cyanure des poissons d’ornement au profit de l’aquaculture des poissons de récifs. Cette évolution fait apparaître un scénario futur intéressant constitué par l’élevage de poissons de récifs en substitut à des pratiques destructives de pêche de capture, non seulement en Indonésie, mais partout dans le monde.

À cet effet, il est essentiel de consacrer davantage de travaux de recherche et de développement et de renforcer les capacités disponibles tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Depuis de nombreuses années, les travaux des chercheurs partout dans le monde ont été consacrés aux cycles reproductifs de nombreuses espèces; les résultats ainsi obtenus vont d’une amorce de réussite dans le cas des anguilles à des travaux partiellement aboutis dans le cas du thon rouge et de certaines espèces de mérous. Ces études revêtiront une importance encore accrue si les pêches de capture d’espèces destinées à l’aquaculture fondée sur les captures sont menacées par l’utilisation des reproducteurs sauvages dans ce même secteur. Tel est le cas des pêches d’anguille, puisque la capture et l’exportation de civelles risquent ainsi d’être interdites. Dans cette hypothèse, l’élevage des anguilles cessera, à moins qu’une méthode économique d’élevage en milieu artificiel jusqu’au stade de l’empoissonnement n’ait été mise au point.

En conclusion, le développement de la production d’alevins en écloserie à une échelle industriellement viable et le perfectionnement des techniques de grossissement afin de garantir le caractère acceptable pour l’environnement de l’élevage de ces espèces par les méthodes d’aquaculture fondée sur les captures constituent les enjeux critiques pour l’avenir. Faute d’apporter une réponse satisfaisante à cet égard, il pourrait en résulter des conséquences préjudiciables pour l’avenir de l’aquaculture et de certaines pêches de capture.

NORMES DU TRAVAIL DANS LE SECTEUR DE LA PÊCHE

PROBLÉMATIQUE

L’évolution de la situation des ressources halieutiques a compté parmi les principaux facteurs de transformation de la pêche en mer au cours des 40 dernières années. L’essor de la demande de poisson, associé aux innovations techniques dans le domaine de la pêche et de la navigation, en particulier en l’absence d’une véritable gestion des pêches, a abouti à une situation dans laquelle les perspectives d’accroissement de la production des pêches de capture sont limitées. Il en résulte des conséquences graves pour l’emploi dans ce secteur; d’après l’OIT la priorité accordée à l’emploi maximum cède progressivement la place à l’emploi durable. Simultanément, le vieillissement de la flottille mondiale a des implications sur la sécurité au travail et sur la santé des équipages.

La plus ancienne norme de travail concernant les pêches est la Recommandation sur les heures de travail adoptée en 1920 par l’OIT, un an seulement après sa création7. Dans le secteur des pêches les actuelles normes de travail de l’OIT applicables aux personnes travaillant à bord des navires de pêche sont les Conventions sur l’âge minimum et sur le contrôle médical, les articles de certains accords concernant notamment le logement et les certificats de compétence, ainsi que les Recommandations sur la formation professionnelle et les heures de travail. Deux des normes actuelles, à savoir celles concernant les certificats de compétence et le logement à bord, excluent par ailleurs explicitement de leur domaine d’application les navires de pêche artisanale. À toutes fins pratiques, le domaine d’application des normes de travail existantes dans le domaine de la pêche en général, n’inclut pas les personnes qui travaillent à bord des navires de pêche artisanale et à petite échelle. Parmi les nouveaux aspects ignorés des instruments actuels figurent les documents d’identité, le rapatriement, le recrutement, les soins médicaux en mer, la sécurité au travail et la santé, la protection sociale, ainsi que l’observation et l’application des normes en vigueur.

Bien que l’adoption des normes de travail de l’OIT dans le domaine de la pêche remonte maintenant à près de 40 ans, les taux de ratification de ces conventions ont été très faibles. De plus, ces instruments ne sont plus parfaitement pertinents et doivent être mis à jour de façon à refléter le caractère évolutif des opérations de pêche dans le monde actuel; l’OIT procède donc à présent à leur révision, pour mettre à jour et renforcer son système d’élaboration de normes et pour tenir compte des modifications survenues dans le secteur des pêches au cours des quatre dernières décennies.

SOLUTIONS POSSIBLES

En mars 2002, la 283e Session du Conseil d’administration de l’OIT a décidé d’inscrire à l’ordre du jour de la session de la Conférence un point concernant une norme détaillée – Convention complétée par une Recommandation – sur le travail dans le secteur de la pêche. La nouvelle norme devait définir les sept instruments existants de l’OIT. Les aspects relatifs aux personnes travaillant à bord des navires de pêche qui n’étaient pas pris en considération jusqu’à présent, devaient inclure notamment la sécurité et la santé au travail et la sécurité sociale.

L’OIT vise également à assurer une protection aux personnes travaillant à bord des grands comme des petits navires de pêche, et ce dans le cadre de toutes ses normes du travail dans le secteur de la pêche. De l’avis de l’OIT, les nouveaux instruments devraient s’employer à étendre la couverture de leurs dispositions au plus grand nombre de personnes travaillant à bord de navires de pêche; à réduire au minimum les obstacles s’opposant à la ratification des accords; à élargir les possibilités de ratification dans une large proportion; à veiller à la mise en œuvre concrète des dispositions adoptées; et à réduire au minimum le risque de vieillissement prématuré de la Convention.

La nouvelle norme complète sur le travail dans le secteur de la pêche devrait prendre en considération les dispositions du Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO (1995) et s’efforcer d’intégrer les activités de l’OIT à celles des autres organisations internationales concernées par les pêches et l’exploitation des navires. Selon l’OIT cette situation devrait entraîner une bonne compréhension de l’intérêt des normes, leur acceptabilité étant alors accrue, tant du point de vue des ministères chargés des questions de main-d’œuvre, que des responsables de la gestion des pêches et de la sécurité des navires, des propriétaires des bateaux de pêche et des personnes employées à bord.

ACTIONS RÉCENTES

La Conférence internationale du travail tenue en juin 2004 lors de sa 92e Session à Genève a créé un Comité sur le secteur de la pêche chargé d’adopter des dispositions concernant plusieurs sujets importants liés aux normes de travail dans le secteur de la pêche. Les conclusions adoptées par le Comité au terme de 20 séances sont censées s’adresser à la majorité des pêcheurs opérant dans le monde, notamment ceux qui travaillent à bord de petits navires. Elles doivent également assurer la protection des travailleurs indépendants, notamment ceux dont la rémunération est calculée en proportion des captures.

Les Conclusions offrent en outre une souplesse suffisante pour garantir leur ratification et leur mise en œuvre à grande échelle. Cette souplesse s’avère particulièrement importante, compte tenu de la complexité du secteur qui inclut aussi bien les petits navires opérant dans les eaux territoriales que les navires hauturiers de plus grande capacité. Le Comité s’est employé à obtenir cette souplesse sans néanmoins altérer la protection offerte aux pêcheurs travaillant à bord de navires de différentes tailles et dans le cadre d’opérations de nature différente.

Dans la nouvelle norme, l’OIT élargit la définition de la «pêche commerciale», de façon à englober toutes les activités à l’exception de la pêche de subsistance et de la pêche sportive (notamment dans les lacs et les cours d’eau). Le terme «pêcheur» désigne toute personne employée ou engagée à un titre quelconque à bord d’un navire de pêche, notamment les personnes travaillant à bord et rémunérées en proportion des captures.

Certaines catégories de pêcheurs et de navires de pêche ne sont pas assujetties aux exigences de la Convention, lorsqu’elles sont jugées inapplicables. Toutefois, des exemptions de ce type ne sont possibles qu’après consultation des organisations représentatives des propriétaires de navires et des pêcheurs.

L’instrument comportera pour la première fois des dispositions en matière de sécurité et de santé professionnelle dans le secteur de la pêche et contribuera ainsi à y limiter la fréquence des blessures et des accidents mortels. Cette extension est importante vu que la pêche est considérée comme l’un des métiers les plus dangereux. En définitive, l’instrument comportera de nouvelles dispositions en matière de mise en conformité et d’application, consistant notamment à favoriser l’intervention des États du port au sujet des conditions présentes à bord des navires de pêche de passage dans leurs installations portuaires.

PERSPECTIVES

La Conférence internationale du travail a approuvé le rapport du Comité et adopté les conclusions proposées concernant le secteur de la pêche. De nombreux travaux restent néanmoins à mener à bien lors de la Deuxième discussion à venir prévue au cours de la 93e Session de la Conférence internationale du travail en juin 2005. Une nouvelle section consacrée aux exigences supplémentaires applicables aux navires d’une longueur minimale à spécifier, doit être élaborée par le Bureau international du travail et examinée lors de la prochaine session de la Conférence. Les dispositions concernant les navires de pêche plus longs et le logement à bord de ces derniers restent à mettre définitivement au point, tâche jugée «complexe et sujette à controverse» par le Président du Comité sur le secteur de la pêche. Les questions de sécurité sociale ont seulement fait l’objet d’échanges de vues limités mais doivent être traités dans la Convention sur la pêche, étant donné que les pêcheurs sont exclus de la Convention sur la sécurité sociale (normes minimales), 1952. La question des contrats de travail des pêcheurs reste également en suspens.

Tandis que le Groupe des employeurs est désireux de définir des normes suffisamment générales et souples, le groupe des travailleurs vise à adopter une approche d’une portée mondiale et offrant la souplesse nécessaire au sous-secteur de la pêche à petite échelle (outre l’extension progressive des normes à ces derniers), tout en garantissant que la protection offerte aux navires de plus grande capacité par les actuels instruments de l’OIT est maintenue et non réduite. Vu que le projet de Convention maritime consolidée doit exclure les pêcheurs, le groupe des travailleurs s’emploie à ce que les normes de pêches prévoient également des dispositions propres à conserver les protections assurées en vertu des conventions maritimes existantes actuellement étendues aux pêcheurs.

Dans son allocution au Comité des pêches, le Secrétaire général de la Conférence internationale du travail a fait la remarque suivante: «Il importe manifestement qu’aucun pêcheur ne soit exclu par inadvertance du filet protecteur de la Convention … À cet effet, la maille des filets doit être dimensionnée avec précision: suffisamment petite pour que tout le monde en bénéficie, mais d’une taille raisonnable pour ne pas compromettre sa ratification et sa mise en œuvre.»

La Conférence internationale du travail prévue en 2005 doit adopter les normes du travail révisées concernant le secteur de la pêche.

Source: S. Mathew, Collectif international d’appui aux travailleurs de la pêche (ICSF).

LA GESTION DES PÊCHES ET LA CITES

PROBLÉMATIQUE

La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) est entrée en vigueur le 1er juillet 19758 et incluait, lors de sa création, 166 pays signataires appelés Parties à la CITES. Cette Convention vise à faciliter la conservation des espèces menacées d’extinction ou des espèces qui, sans être nécessairement menacées à présent, risquent de le devenir si les échanges dont elles font l’objet ne sont pas assujettis à une réglementation stricte de façon à éviter une utilisation susceptible de menacer leur survie. Dans ce but, elle instaure un contrôle international du commerce des spécimens des espèces concernées. La liste de ces espèces figure dans l’une des trois Annexes suivantes, selon le degré de protection jugé nécessaire.

Les critères de décision d’inscrire une espèce sur une liste figurent dans la Rés. Conf. 9.24 de la CITES. Cette résolution indique les critères précis, avec les définitions, les directives et les notes correspondantes, pour inscrire des espèces à l’Annexe I, ainsi que des critères plus généraux pour inscrire des espèces à l’Annexe II. L’Annexe II a une fonction double puisqu’elle peut contenir des espèces tel qu’indiqué ci-dessus dont l’état de conservation est préoccupant (critère de l’Annexe 2a), mais peut aussi inclure des espèces qui doivent être assujetties à une surveillance, pour pouvoir contrôler efficacement le commerce des spécimens d’autres espèces inscrites sur la liste eu égard au caractère préoccupant de leur état de conservation. Il s’agit de la disposition relative aux espèces dites semblables, qui font l’objet des critères de l’Annexe 2b. Tel qu’indiqué à la section suivante, ces deux types de critères de l’Annexe II constituent un sujet de préoccupation, à l’origine de divergences d’opinion parmi les membres de la FAO.

Toute Partie peut soumettre à la CITES une proposition en vue de l’inscription d’une espèce dans une liste, de son déclassement ou de sa radiation. Normalement, ce type de proposition doit être présenté et soumis à un vote lors d’une session de la Conférence des Parties. Tous les États parties à la CITES sont habilités à participer au vote sur toutes les propositions d’inscription aux listes, dont l’acceptation exige une majorité des deux tiers. Bien que ce mécanisme soit conçu pour veiller à la coopération internationale dans le cadre de la protection des espèces à préserver, il peut également créer des difficultés; dans la pratique, l’obtention d’une majorité des deux tiers s’est révélée fréquemment problématique, l’extrême rigidité de ce mécanisme étant à l’origine de frustrations pour les Parties désireuses d’inscrire une espèce, de la déclasser ou de la retirer d’une liste. Naturellement, le vote est souvent précédé d’une phase particulièrement intense de mobilisation. Pour les adversaires du système actuel, l’issue des scrutins ne sera donc pas déterminée par des considérations inhérentes à la Convention de la CITES, mais par des arguments non pertinents vis-à-vis des questions en cause.

Au moment de la rédaction du présent article, 827 espèces au total étaient inscrites à l’Annexe I, plus de 32 500 à l’Annexe II et 291 à l’Annexe III. Chaque annexe contient en outre un certain nombre de sous-espèces et de populations. L’Annexe II comprend essentiellement des espèces végétales (28 074) mais aussi des mammifères (369 espèces), des poissons (68 espèces), des invertébrés (2 030 espèces), ainsi que des espèces d’autres grands groupes taxonomiques. Jusqu’à une date très récente, la CITES n’avait pas prêté beaucoup d’attention à certaines espèces importantes pour les pêches; or, à la 10e session de la Conférence des Parties (COP-10) tenue en 1997 à Harare (Zimbabwe), une proposition a été déposée en vue de la création d’un Groupe de travail sur les pêches marines. La proposition a été justifiée par les préoccupations liées au commerce international et à l’exploitation à grande échelle de certaines espèces de poisson pouvant remplir les conditions requises pour être inscrites sur les listes des annexes de la CITES. Toutefois, lors de la même réunion, des mises en garde ont été formulées selon lesquelles les critères de la CITES risquaient de n’être pas parfaitement applicables à des ressources halieutiques exploitées et gérées.

Suite à la COP-10, la question a été soumise à l’attention de la FAO à l’occasion de la 6e Session du Sous-Comité sur le commerce du poisson du Comité des pêches (COFI), tenue à Brème (Allemagne) en juin 1998. Selon les suggestions formulées à cette occasion, la FAO devrait étudier l’applicabilité des critères d’inscription CITES aux espèces aquatiques exploitées au niveau commercial et la nécessité de modifier ou d’interpréter de manière adéquate les critères CITES vis-à-vis des espèces en question. Ainsi a été amorcée une participation intense, sans détour et fructueuse de la FAO à la CITES. Celle-ci est à l’origine d’une coopération et d’une compréhension mutuelle accrues entre les deux organisations et de la mise au point par la FAO de recommandations en faveur d’importantes modifications des critères d’inscription. Ces recommandations ont été acceptées par la CITES lors de la COP-13 à Bangkok en octobre 2004 en tant que révision plus approfondie des critères précédents.

SOLUTIONS POSSIBLES

Mécanismes de la FAO

La question des critères d’inscription CITES applicables aux espèces aquatiques exploitées au niveau commercial a été examinée lors de trois sessions du Comité des pêches (COFI) (1999, 2001 et 2003) et de trois sessions du Sous-Comité du COFI sur le commerce du poisson (1998, 2000 et 2002) et a fait par ailleurs l’objet de deux consultations techniques (2000 et 2001 et de deux consultations d’experts (toutes les deux en 2004). De plus, un Groupe consultatif spécial d’experts chargé de l’évaluation des propositions soumises à la CITES s’est réuni en juillet 2004 pour étudier les avantages techniques des propositions soumises à la COP-13 pour l’inscription des espèces aquatiques exploitées au niveau commercial. Les travaux menés par la FAO ont porté sur les critères d’inscription et sur le mécanisme d’évaluation des propositions d’inscription, mais aussi sur les applications au niveau national, en matière d’administration et de suivi de l’inscription d’une espèce aquatique exploitée commercialement et sur les implications juridiques et la mise en œuvre de la CITES.

En ce qui concerne les critères d’inscription, la première Consultation technique FAO sur l’applicabilité des critères d’inscription sur les listes de la CITES aux espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales (Rome, 28-30 juin 2000) a abouti à la conclusion selon laquelle les critères actuels ou critères Rés. Conf. 9.24, n’étaient pas totalement applicables. Les délibérations consacrées aux critères d’inscription à l’Annexe I ont toujours été à caractère essentiellement technique; lors de cette consultation, elles ont porté sur des questions telles que la nécessité de formuler des directives techniques pertinentes quant aux procédés et aux méthodes de quantification des niveaux-seuils, ainsi que les besoins et les difficultés liés à la vérification et à la validation des effectifs (Critère A); et enfin, les problèmes en rapport avec l’estimation et la portée des changements observés dans la zone de répartition géographique et dans la fragmentation des populations (Critère B).

En revanche, l’examen des critères plus généraux d’inscription à la liste de l’Annexe II, en particulier des critères d’inscription à la liste de l’Annexe 2a, a fait apparaître un plus net désaccord quant à la finalité des critères. Les critères de l’Annexe 2a. spécifiaient:

Une espèce doit être inscrite à l’Annexe II lorsque l’un des critères suivants est vérifié.

A. Lorsque l’on sait, suppose ou prévoit que sauf réglementation stricte du commerce des espèces considérées, elles vérifiera au moins l’un des critères mentionnés à l’Annexe 1 dans un proche avenir.

B. On sait, suppose ou prévoit que la récolte de spécimens sauvages en vue du commerce international a déjà eu ou risque d’avoir un effet préjudiciable sur l’espèce considérée pour l’une des deux raisons suivantes:

i) dépassement, pendant une période de temps prolongée, du niveau d’exploitation susceptible d’être maintenu indéfiniment; ou

ii) réduction de la population à un niveau de nature à compromettre la survie de l’espèce, du fait d’autres influences.

La formulation de ce paragraphe a suscité des préoccupations, notamment l’emploi de termes tels que «périodes prolongées» et «indéfiniment». En particulier, les Membres de la FAO ne sont pas parvenus à un accord «sur la question de savoir si l’alinéa devait être interprété comme traitant des espèces menacées ou comme un moyen de faciliter leur utilisation durable». Ces divergences ont également été exprimées au sein de la CITES et n’ont pas encore été résolues; elles constituent ainsi un sujet majeur de controverse quant au rôle de l’Annexe II.

La Consultation a également étudié les problèmes potentiels de l’inscription d’une espèce aquatique exploitée commercialement, en rapport avec le critère de l’Annexe 2b, à savoir la clause de «ressemblance». D’après le paragraphe A de l’Annexe 2b, des espèces doivent être inscrites à la liste de l’Annexe II si «elles ressemblent à des spécimens d’une espèce figurant à l’Annexe II en vertu des dispositions du paragraphe 2(a) de l’Article II, ou à l’Annexe I, de telle sorte qu’il est peu probable qu’un non-spécialiste soit raisonnablement en mesure de les distinguer». Étant donné que nombre de produits à base de poisson sont commercialisés sous une forme transformée (par exemple, les filets de poisson), l’application de ce paragraphe risque d’avoir des répercussions étendues pour les pêches et le commerce du poisson. En outre, certains Membres de la FAO se sont inquiétés du fait que les références à l’approche de précaution, évoquées à l’Annexe 4 de la Rés. Conf. 9.24, risquent de conduire à des interprétations excessives.

La 24e Session du COFI tenue en 2001 a convenu qu’une autre consultation technique devrait être organisée pour élaborer les contributions officielles de la FAO à la CITES au sujet des critères. Par la suite, un petit groupe d’experts de haut niveau a été réuni en juin 2001 afin de préparer un document de travail en vue de la Consultation. Ce groupe s’est appuyé sur les travaux les plus récents consacrés au risque d’extinction des espèces aquatiques, en particulier, les travaux effectués par le service national des pêches en mer des États-Unis d’Amérique9.

Un rapport et des recommandations ont été préparés et soumis à la deuxième Consultation technique sur l’applicabilité des critères d’inscription sur les listes de la CITES aux espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales10. En mettant à profit les conclusions du groupe restreint, la Consultation a approuvé plusieurs révisions et ajouts majeurs aux critères d’inscription sur les listes de la CITES en vue de leur application aux espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales. Les recommandations de la FAO s’appuyaient sur les principes fondamentaux suivants:

Sur la base de ces principes fondamentaux, la Consultation a établi une série de recommandations sur les critères biologiques à prendre en compte pour inscrire des espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales sur les listes des Annexes I et II. Le rôle de la diminution des effectifs dans la détermination des risques d’extinction est étroitement lié à ces recommandations; il est possible de déterminer les taux de diminution, soit à l’échelle historique (effectif actuel de la population rapporté à un niveau de référence passé), soit les taux de diminution récents (taux observés sur une population ou une espèce au cours de la période récemment écoulée). Des critères ont donc été définis pour l’Annexe I et pour l’Annexe II en s’appuyant sur ces deux notions de taux de diminution. Pour la FAO, l’interprétation des critères de l’Annexe II suivant cette approche quantitative est une avancée majeure du point de vue de l’application de l’Annexe II aux espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales.

Outre ses recommandations concernant les critères, la FAO a souligné qu’il importait d’établir les propositions d’inscription aux listes CITES en s’appuyant sur les meilleures données scientifiques disponibles. Ces informations doivent avoir fait l’objet d’une étude détaillée, si possible quantitative, de manière à y intégrer les données pertinentes disponibles. Il s’agit de la méthode la plus fiable pour établir les estimations des principaux indicateurs tels que l’effectif de la population et les niveaux de production. Par ailleurs la FAO a fait état de sa préoccupation quant au processus normalement suivi par la CITES pour évaluer d’un point de vue scientifique les propositions d’inscription, étant donné que le processsus en question ne garantissait pas une évaluation rigoureuse et offrait peu de possibilités de rapprochement des vues divergentes. Il a été recommandé que la FAO puisse participer aux évaluations des propositions relatives à certaines espèces.

Après avoir été officiellement approuvées, les recommandations de la FAO ont été envoyées à la CITES pour examen.

Le processus de la CITES

Lors de l’adoption des critères de la Rés. Conf. 9.24 par la 9e Conférence des Parties à la CITES en 1994, les Parties ont recommandé de réexaminer, avant la COP-12, la validité scientifique du texte et des annexes de cette Résolution. La CITES a donc entrepris le réexamen des critères en 2000, suite à la COP-11. Le processus de la CITES a comporté la tenue de deux réunions d’un Groupe de travail sur les critères spécialement constitué, la poursuite de consultations avec les Parties et les organisations intéressées, l’étude détaillée et l’analyse des critères à la COP-12, l’expérimentation des projets de critères révisés sur plusieurs espèces de groupes taxonomiques différentes et leur mise au point finale lors de la COP-13. Le Département des pêches de la FAO a été invité par la CITES à participer étroitement aux activités du Groupe de travail sur les critères, comme à la plupart des autres délibérations et consultations. Un certain nombre d’autres spécialistes des poissons et des pêches ont également participé. Tout au long du processus, la CITES a dûment pris en considération les préoccupations de la FAO, des autorités nationales des pêches et des organisations régionales de gestion des pêches quant aux critères de la Rés. Conf. 9.24, et manifesté une attitude réceptive à l’égard des recommandations et des contributions des experts des pêches et de la FAO. De l’avis de la CITES, il est souhaitable de retenir un jeu unique de critères, applicable à toutes les espèces; aussi les définitions et les critères spécifiquement appliqués aux espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales ont été pour la plupart reprises à l’Annexe 5 des critères révisés (contenant des définitions, des directives et des notes). Les considérations prises en compte n’ont cependant pas perdu de leur pertinence: on estime à présent que les critères révisés se prêtent de façon satisfaisante, sinon parfaite, à leur application aux espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales.

ACTIONS RÉCENTES

Tout en veillant à ce que les critères de la CITES soient applicables aux espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales, la FAO a aussi recommandé d’apporter des améliorations au processus d’évaluation scientifique des propositions d’inscription, de transfert ou de retrait d’espèces sur les listes. Cette question a maintenant été résolue. En ce qui concerne le texte de la Convention de la CITES pour les propositions d’inscription d’espèces marines (paragraphe 2b de l’Article XV), le Secrétariat de la CITES est tenu de consulter les organismes intergouvernementaux jouant un rôle en rapport avec ces espèces «en vue d’obtenir toute donnée scientifique que ces organismes sont à même de fournir» et «d’assurer la coordination de toute mesure de conservation appliquée par ces organismes».

Avant la COP-13, la FAO refusait de répondre aux demandes d’information de la CITES en vertu de l’Article XV, au motif que le Secrétariat de la FAO n’était pas mandaté à cet effet. Cette situation a changé à la suite de la 25e Session du COFI en 2003 et de la 9e Session du Sous-Comité du COFI sur le commerce du poisson en 2004 lorsque a été approuvé le mandat d’un Groupe consultatif spécial d’experts chargé de l’évaluation des propositions soumises à la CITES, et décidé que ce groupe devrait se réunir afin d’évaluer les propositions de listes à l’intention de la COP-13 pour les espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales.

Constitué de plusieurs experts de haut niveau issus de différentes régions du monde, le Groupe s’est réuni en juillet 2004 afin d’examiner les propositions suivantes adressées à la COP-13:

Les recommandations du Groupe ont été adressées au Secrétariat de la CITES et communiquées aux Parties conformément aux dispositions de l’Article XV. Les recommandations ont été notées par la COP-13 même si elle n’ont pas été acceptées de manière consistante dans les décisions finales, où il a été convenu d’inclure le requin blanc (sans la contrainte d’un quota zéro), le napoléon et la moule de la Méditerranée dans l’Annexe II.

Les Membres de la FAO se sont également inquiétés des implications de l’inscription sur les listes de la CITES des espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales, du point de vue des États exportateurs, réexportateurs et importateurs. Aussi, une consultation d’experts a-t-elle eu lieu pour examiner les questions suivantes:

De plus, une deuxième consultation d’experts s’est tenue afin d’étudier plusieurs questions juridiques liées à la CITES et aux pêches. Elle a porté en particulier sur les deux thèmes suivants:

PERSPECTIVES MONDIALES

Pratiquement toutes les pêches de la planète sont actuellement confrontées à un dilemme. Un certain nombre de ressources dont elles dépendent sont surexploitées, alors que le caractère largement excédentaire de la capacité des flottilles de pêche mondiales est largement admis; or, les pêches restent un facteur majeur de sécurité alimentaire, d’emploi et de différents avantages économiques. Aussi, les pays de la planète pratiquant la pêche s’emploient à résoudre ces difficultés de manière responsable. Eu égard à son mandat, la CITES a évidemment a un rôle dans la facilitation de la résolution des problèmes des pêches, bien que les pays ne soient pas tous du même avis quant à l’importance de ce rôle.

Lorsque la FAO a commencé à travailler avec la CITES, les organismes des pêches, ainsi que l’agence de la CITES dans les pays, se trouvaient souvent au sein de différents ministères et ne communiquaient pas assez entre eux. L’avancée majeure de ces cinq dernières années semble avoir été la destruction des obstacles présents dans de nombreux pays et l’incitation des organismes des pêches à participer davantage aux activités de la CITES qui les concernent. De plus, les révisions des critères de façon à ce qu’ils soient davantage en accord avec les meilleures pratiques en matière de science halieutique et d’évaluation des stocks, jointes à un processus rigoureux et transparent de réexamen, devraient amener les Parties à la CITES à prendre des décisions mieux informées au sujet des espèces aquatiques exploitées a des fins commerciales et contribuer ainsi à une plus grande efficacité de la CITES dans l’accomplissement de sa mission et dans l’exercice de ses attributions.

IMPLICATIONS COMMERCIALES DE L'IDENTIFICATION DES ÈSPECES DE POISSON ET DES PRODUITS DE LA PÊCHE

PROBLÉMATIQUE

Le développement des technologies de conservation ou de traitement des produits alimentaires et la libéralisation des échanges ont contribué dans une large mesure à la mondialisation du commerce du poisson et à la diversification des fruits de mer, aussi bien en termes d’espèces que de produits. On évalue actuellement à plus de 800 le nombre d’espèces de poisson faisant l’objet d’un commerce international de produits diversifiés par la présentation, la forme, la marque et la préparation.

Étant donné que les prix dépendent du produit ou de l’espèce ainsi que des préférences et des perceptions du consommateur, il importe que les mécanismes de marché et d’environnement commercial assurent la protection des consommateurs contre les pratiques frauduleuses et déloyales consistant à substituer des espèces ou des produits de faible valeur à des espèces similaires de grande valeur. Au niveau national, la législation alimentaire spécifie généralement que l’étiquette ne doit pas induire les consommateurs en erreur, mais l’existence d’échanges internationaux et l’utilisation de termes similaires pour différents produits compliquent la situation lorsqu’un produit provenant d’un pays est introduit dans un autre où le créneau de marché correspondant existe déjà.

Entreprises productrices de fruits de mer et pays exportateurs cherchent de plus en plus à utiliser des désignations commerciales bénéficiant d’une renommée internationale établie, afin de développer autant que possible la valeur et la notoriété de leurs produits. La question est d’autant plus délicate que différentes espèces peuvent avoir le même nom dans des pays différents (ou dans plusieurs régions du même pays). Par ailleurs, plusieurs noms sont parfois attribués à la même espèce dans la même langue, en différents points d’un même pays. Dans les pays nordiques par exemple, Sprattus sprattus en conserve porte l’étiquette «sardiner» ou «ansjos», mais «brisling» lorsqu’il ne s’agit pas d’un produit en conserve, tandis que dans d’autres pays, le mot sardine correspond à Sardina pilchardus et le mot anchois à l’espèce Engraulidae. Un nom commercial tel que «perche de mer» ou bar est fréquemment utilisé dans le commerce international, mais peut désigner des espèces très différentes de plusieurs familles; la même remarque s’applique au terme «poisson-chat». Cette diversité peut être à l’origine d’informations trompeuses.

Par ailleurs, les entreprises de production alimentaire, les associations commerciales et même les pays considérés globalement, s’emploient parfois à protéger les créneaux commerciaux correspondant à des espèces de poissons et des produits déterminés. Ils estiment en effet que la création de ces créneaux exige souvent d’importants investissements de recherche et de développement, de publicité, de promotion et de sensibilisation du consommateur aux caractéristiques déclarées du produit particulier qu’ils s’efforcent de protéger. Par conséquent, les pays ou les entreprises qui obtiennent de bons résultats n’acceptent pas que d’autres produits similaires utilisent les mêmes désignations commerciales et leur fassent concurrence sur les mêmes créneaux. Cette situation peut être à l’origine de différends commerciaux entre les pays.

Les exemples récents de différends commerciaux internationaux (coquille Saint-Jacques, sardine en boîte – arbitrages de l’OMC) révèlent le caractère chronique et mondial de la question de l’identification des espèces de poisson. Bien que ces différends concernent d’ordinaire un nombre limité de pays, ils ont un impact direct sur le commerce international du poisson.

Dans le cas de la sardine, la cause du différend venait de l’utilisation du terme «sardine» réservé exclusivement à Sardina pilchardus dans certains pays, alors que d’autres pays envisageaient de développer sous la même appellation le commerce d’autres espèces de clupéidés. Le différend a été soumis à l’Organe d’appel de l’OMC, qui a réexaminé les indications du Codex concernant la sardine en conserve et les produits de type sardine11. D’après les dispositions de la norme sur l’étiquetage, le produit doit porter le nom suivant:

«X» désigne les espèces de type sardine dont la liste figure dans la partie «définition de produit» de la norme qui comprend les petits pélagiques tels que les anchois ou le hareng.

En conclusion du différend portant sur la description commerciale des sardines protégées, l’organe d’appel de l’OMC a confirmé que les dispositions du Codex sur l’étiquetage étaient utiles, adaptées et efficaces quant à la poursuite des objectifs légitimes consistant à promouvoir la transparence commerciale, la protection du consommateur et une juste concurrence. Aussi, les pays devront-ils modifier leurs réglementations de l’étiquetage pour les rendre conformes aux dispositions du Codex.

Les autres implications en matière d’identification des espèces de poisson peuvent être constatées dans les clauses de mise en œuvre de la Convention de la CITES. Ainsi, l’Annexe 2b de la Convention définit deux conditions à observer pour inscrire une espèce à l’Annexe II conformément au paragraphe 2(b) de l’Article II.

A. Les spécimens ressemblent aux spécimens d’une espèce inscrite à l’Annexe II au titre des dispositions de l’Article II, paragraphe 2(a) ou à l’Annexe I, au point qu’il est peu probable qu’un non-spécialiste soit raisonnablement en mesure de les distinguer.

B. L’espèce appartient à un taxon dont la plupart des espèces sont inscrites à l’Annexe I au titre des dispositions de l’Article II, paragraphe 2(a), ou à l’Annexe I et les espèces qui restent doivent être inscrites pour permettre un contrôle efficace des spécimens des autres espèces.

Le critère A résout le problème de la «ressemblance» en définissant un mécanisme d’inscription à l’Annexe II de toutes les espèces présentant d’étroites ressemblances d’aspect avec toute espèce inscrite à l’Annexe I ou à l’Annexe II conformément aux dispositions de l’Article II, paragraphe 2(a).

Certains pays s’inquiètent du fait que ces critères risquent d’être interprétés de manière à entraîner l’inscription à l’Annexe II d’espèces halieutiques importantes du point de vue économique. Un autre sujet de préocupation concerne les difficultés qu’ont les fonctionnaires des douanes à identifier rapidement et correctement certains produits importés obtenus à partir des espèces figurant à l’Annexe II, accompagnés ou non des documents appropriés.

L’élaboration de procédures fondées sur des méthodes scientifiques éprouvées d’identification devrait autoriser une gestion plus précise des espèces de poisson protégées et des espèces semblables, et atténuer par ailleurs, les répercussions économiques de l’application du principe de précaution.

SOLUTIONS POSSIBLES

Le Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO préconise la libéralisation du commerce de poisson et des produits de la pêche et l’élimination des barrières non justifiées, conformément aux principes établis par l’accord portant création de l’OMC12. Toutefois, cette libéralisation ne peut intervenir que dans un cadre de transparence et d’amélioration de l’information des consommateurs, en particulier en matière d’étiquetage des produits.

Pour pouvoir concilier les intérêts des parties désireuses de protéger les appellations commerciales et de ceux qui cherchent à les utiliser pour les attribuer à des espèces «semblables», il est indispensable de mener une action internationale selon une approche et une méthodologie rigoureuses. Les principes régissant le cadre à instaurer à cet effet figurent dans l’Accord de l’OMC ayant force obligatoire sur les obstacles techniques au commerce. L’Accord a pour objectif d’empêcher l’usage des normes techniques nationales ou régionales ou des normes en général en guise d’obstacle technique injustifié au commerce. Il comporte de nombreuses mesures conçues pour protéger le consommateur contre les pratiques déloyales et les fraudes économiques. L’Accord stipule essentiellement que les normes et les réglementations techniques doivent avoir une finalité légitime et que l’impact ou le coût de leur mise en application doivent être adaptés à cette finalité. Il stipule en outre, que s’il existe au moins deux moyens d’atteindre le même objectif, la solution la moins restrictive du point de vue des pratiques commerciales doit être adoptée. L’Accord met par ailleurs l’accent sur les normes internationales, les membres de l’OMC étant tenus de se référer auxdites normes ou à des parties desdites normes, sauf en cas d’inefficacité ou d’inadéquation dans le contexte national. Les dispositions concernant la qualité, les besoins nutritifs, l’étiquetage, l’emballage et la réglementation de la teneur des produits et les méthodes d’analyse constituent les aspects des normes alimentaires dont traitent spécifiquement les exigences de l’Accord.

L’étiquetage des produits afin d’en indiquer la nature exacte et les caractéristiques est considéré comme la méthode la plus appropriée et la plus transparente dans le cadre du commerce international. Ce faisant, elle devrait permettre aux consommateurs de choisir en toute connaissance de cause et de les protéger ainsi contre les pratiques déloyales. De manière analogue, la vérification de la conformité d’un produit halieutique aux caractéristiques affichées sur l’étiquetage exige le recours à des techniques d’identification fiables.

Il importe donc d’élaborer des critères scientifiques concernant l’inscription des espèces sur les listes sous une dénomination donnée, ainsi qu’une méthodologie fiable permettant de vérifier l’authenticité des caractéristiques annoncées sur l’étiquette. À cet égard, les normes du Codex font maintenant partie intégrante du cadre réglementaire international assurant une harmonisation et, en définitive, un développement des échanges. Ayant d’ores et déjà fait office de système de référence lors des différends du commerce international, elles devraient selon toute vraisemblance jouer un rôle croissant.

Les pays exportateurs de poisson cherchent de plus en plus à obtenir la reconnaissance de leurs produits de la pêche dans les normes du Codex, et il est parfaitement compréhensible pour un pays de souhaiter obtenir le plus grand avantage possible de ses ressources et de ses compétences. L’inscription d’espèces ou de familles d’espèces dans une norme du Codex comporte une récompense potentielle évidemment liée à la reconnaissance internationale des produits dérivés de cette espèce. Cette reconnaissance est liée essentiellement au nom commercial choisi; ensuite, l’autorisation d’utiliser un nom doté d’une renommée internationale établie est donc un atout important et un objectif déclaré. Toutefois, bien qu’il existe de nombreuses espèces pour lesquelles on souhaite utiliser des appellations valorisantes, ces dernières sont relativement rares. Aussi, les dispositions concernant l’étiquetage doivent être suffisamment claires pour éviter d’induire les consommateurs en erreur et de créer les conditions d’une concurrence déloyale au niveau du commerce international.

Puisque les normes du Codex servent de documents de référence pour le règlement des différends commerciaux, les pourparlers avec le Comité du Codex sur le poisson et les produits de la pêche ont tendance à être plus délicats et plus longs, surtout lorsqu’il s’agit des sections des nouveaux projets de normes concernant la définition et l’étiquetage des produits. La prise en compte de nouvelles espèces dans les normes existantes est une question non moins délicate, au point que le Comité a entrepris une tâche consistant à mettre au point une méthode améliorée à cette fin.

Les espèces dont la prise en compte dans les normes du Codex est proposée doivent être identifiables. L’actuelle procédure d’inscription exige la fourniture de données biologiques de manière à situer l’espèce en question dans une classification; toutefois, la fourniture de données supplémentaires en améliorerait l’efficacité. Dans la perspective d’un développement du commerce international et d’un nombre croissant d’espèces potentiellement commercialisables, il faut disposer de méthodes permettant de vérifier l’authenticité des produits. Aussi, tout pays demandant la prise en compte d’une espèce supplémentaire dans une norme, doit être en mesure de fournir les données biochimiques de référence qui permettront d’identifier l’espèce parmi les produits couverts par la norme (par exemple profils d’électrophorèse de protéines ou séquences d’ADN).

Le même raisonnement est applicable à l’inscription d’espèces supplémentaires sur les listes de la CITES. La mise au point de procédures fondées sur des méthodes scientifiques rigoureuses pour l’identification des espèces de poisson autorise une gestion plus précise des espèces protégées et des espèces ressemblantes, tout en atténuant l’impact économique de l’application du principe de précaution.

ACTIONS RÉCENTES

À partir du milieu des années 60, la FAO a mis au point un programme13 destiné à préciser et à améliorer à l’échelle nationale, régionale et mondiale l’identification des espèces effectivement ou potentiellement intéressantes pour les pêches, cadre dans lequel les critères de conservation sont également étudiés depuis peu. Ce programme a établi des catalogues mondiaux bien connus, des fiches régionales d’identification et des guides pratiques nationaux, utilisés depuis quatre décennies par de nombreuses entreprises de commercialisation du poisson en tant que source d’information faisant foi tant pour les caractéristiques des espèces que pour la nomenclature scientifique et vernaculaire. Au cours de la dernière décennie, les données sur les poissons osseux et cartilagineux ont été progressivement intégrées à la base de données FishBase14. La FAO a récemment établi une liste des espèces intéressantes du point de vue du commerce international du poisson et classé les données actuellement disponibles sur l’authentification des espèces de poisson par des techniques telles que l’électrophorèse et le séquençage de l’ADN. Cette tâche vient à l’appui des délibérations du Comité du Codex sur le poisson et les produits de la pêche sur l’identification des espèces de poisson, en vue de la normalisation des produits dérivés du poisson et des produits de la pêche et dans le but de promouvoir ce commerce et en particulier les exportations des pays en développement.

Sur la base des informations disponibles en particulier dans FishBase, les noms communs correspondants ont été indiqués le cas échéant dans les différentes langues utilisées dans chaque pays, classés par région: Afrique, Amérique Latine et Caraibes, Amérique du Nord, Asie, Europe, Pacifique Sud-Ouest et Proche-Orient. Il y a lieu de noter, conformément à la plupart des normes du Codex applicables aux produits de la pêche, que «le nom du produit déclaré sur l’étiquette doit être le nom commun ou usuel attribué à l’espèce, conformément aux lois et coutumes du pays dans lequel il est commercialisé, et de façon à ne pas induire en erreur le consommateur». Les noms et les codes taxonomiques de la FAO sont également mentionnés d’après les indications du système ASFIS (Aquatic Science and Fisheries Information System). Toutefois, il y a lieu de considérer cette liste comme un élément de départ à améliorer et à compléter. La FAO invite les pays membres du CODEX à participer à cette tâche. La liste des espèces doit être corrigée et mise à jour, notamment afin de vérifier si toutes les espèces présentent effectivement un intérêt commercial, d’éliminer celles dont l’intérêt commercial est réduit ou inexistant et, enfin, d’introduire si nécessaire de nouvelles espèces.

PERSPECTIVE FUTURE

La biologie moléculaire a fait des progrès considérables dans le domaine de l’identification des produits de la pêche transformés, notamment des produits ayant subi un traitement technique poussé. Il serait intéressant de recenser les protocoles d’analyse appliqués dans les pays membres du Codex pour identifier les espèces utilisées dans les produits de la pêche et pour rassembler les données de référence disponibles. Ce type de compilation ou de base de données d’information de référence reconnues au niveau international pourrait contribuer utilement à la mise en œuvre des procédures d’inscription et à la vérification de la conformité des produits aux exigences d’étiquetage des normes.

L’identification précise des espèces et de leur origine exige la collaboration de la communauté scientifique au niveau international. Depuis la première réunion TAFT (Trans-Atlantic Fish Technology) tenue à Reykjavik (Islande) en 2003, il a été proposé de créer un réseau international d’institutions chargées de fournir des échantillons de référence dûment authentifiés. De fait, la principale difficulté d’identification d’un échantillon tient souvent à l’absence d’élément de référence authentifié, là où l’analyse doit être effectuée. Il y aurait tout intérêt à établir une base de données ou à créer une base de données ou une page Web contenant une liste de chaque espèce utilisée pour l’alimentation, indiquant les noms communs de chaque espèce, les lieux où chacun des noms communs est effectivement utilisé couramment, le nom scientifique, la description des analyses effectuées sur les espèces considérées et comportant un lien avec les résultats. Cette page Web pourrait contenir un lien vers une autre page d’illustration des résultats (par exemple photographie du gel ou du scan) et, si possible, vers un tableau indiquant les valeurs correspondantes. Pour chaque espèce, il serait par ailleurs extrêmement précieux d’inclure un lien vers une institution susceptible de fournir des échantillons de matériel dûment authentifié.

Le concours d’une institution internationalement reconnue telle que la FAO est précieux pour rétablir l’infrastructure et les contacts entre les institutions concernées dans chaque pays. La FAO étudie actuellement les possibilités de prise en charge de cette responsabilité, en liaison avec le programme AFP (Aquatic Food Programme) mis au point sous la direction de la Division des industries des pêches de la FAO, sans perdre de vue la nécessité de veiller à faciliter l’accès des pays en développement aux données scientifiques.

En encourageant la collaboration entre chercheurs individuels et différentes institutions internationales, la FAO s’attend à ce que ce programme crée, sur les questions de sécurité sanitaire et de qualité des aliments aquatiques, une base de connaissances multidisciplinaire et examinée par des pairs. L’aide aux pays membres dans le domaine de la sécurité sanitaire et de la qualité (notamment du caractère authentique) des produits alimentaires obtenus à partir des espèces aquatiques figure parmi les objectifs à long terme du Programme AFP. Ce dernier s’emploie notamment à développer au maximum l’utilisation des technologies de l’information afin de faciliter la diffusion des données et de soutenir les initiatives de renforcement des capacités dans les pays en développement.

Une liste ainsi établie des noms communs associée à la base de données scientifiques de l’AFP pourrait contribuer utilement à l’élaboration et à la mise en place d’une nouvelle procédure d’inscription au Codex et, de façon plus générale, à la poursuite des travaux consacrés à l’identification des espèces et, enfin, à une plus grande transparence du commerce international du poisson.

LA RECONSTITUTION DES STOCKS ÉPUISÉS: UN IMPÉRATIF INCONTOURNABLE

PROBLÉMATIQUE

Au cours des XVIII e et XIX siècles, des penseurs tels que Jean-Baptiste de Lamarck et Thomas Huxley ont postulé que la taille des océans et la fécondité élevée des poissons et des coquillages faisant l’objet d’une exploitation commerciale étaient tels que, dans les conditions qui prévalaient à l’époque, le risque d’extinction des ressources halieutiques était faible. Or, ces scientifiques ont surestimé la capacité d’adaptation de l’océan à l’effort de pêche et sous-estimé aussi bien la demande future que l’augmentation potentielle des rendements de pêche. Toutefois, le fait que les ressources renouvelables locales puissent être épuisées, en raison de la vaine concurrence dont elles font l’objet et sans régime de propriété bien défini, était connu à toutes fins pratiques depuis des siècles15 et à la fin des années 60, le thème de «la tragédie des biens communs» est d’ores et déjà omniprésent16. Le problème de la surpêche a été identifié par le premier Comité technique des pêches de la FAO en 1946 et signalé régulièrement au cours des conférences successives de la FAO sur les pêches, par exemple à Vancouver (1973), Rome (1984) et Reykjavik (2002) pour citer simplement quelques événements importants. La question de l’épuisement des ressources est signalée à nouveau au début du XXIe siècle dans le rapport de la FAO La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2002 aux termes duquel «On estime que 25 pour cent des principaux stocks de poisson de mer … sont sous-exploités ou modérément exploités … Environ 47 pour cent des principaux stocks ou groupes d’espèces sont pleinement exploités … 18 autres pour cent seraient déjà surexploités ... Les 10 pour cent restants sont largement épuisés ou en voie de reconstitution.» Parmi les stocks considérés comme épuisés, l’Atlantique Nord-Est et les mers Méditerranéenne et Noire sont les zones où la reconstitution des stocks est la plus indispensable, suivies de l’Atlantique Nord-Ouest, l’Atlantique Sud-Est, Pacifique Sud-Est et des autres zones des mers australes.

L’épuisement des stocks est en contradiction avec l’exigence fondamentale de protection des ressources définies dans la Loi de 1982 sur la Convention de la mer et va à l’encontre des objectifs de développement durable. Il s’oppose en outre aux principes et aux dispositions de gestion adoptés dans le Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO de 1995. Enfin, il affecte la structure, le fonctionnement et la capacité d’adaptation de l’écosystème, compromet la sécurité alimentaire et le développement économique et limite les possibilités à long terme de bien-être collectif. La demande de poisson pour l’alimentation humaine atteindra environ 180 millions de tonnes en 2030, et la production de protéines des écosystèmes marins sauvages ne pourra être remplacée, ni par l’aquaculture, ni par aucun autre système de production alimentaire terrestre.

Le Plan de mise en œuvre du Sommet mondial sur le développement durable invite expressément à «Maintenir ou rétablir les stocks à des niveaux susceptibles d’assurer la production durable maximale dans le but d’atteindre ces objectifs en ce qui concerne les stocks épuisés, dans les meilleurs délais et, si possible, avant 2015 au plus tard.» Or, vu la tendance suivie depuis 1946, le respect de ces échéances constitue un défi particulièrement ambitieux.

ACTIONS REQUISES

Bien que l’on ait signalé l’existence de stocks qui ont été reconstitués à partir de niveaux tombés à 10 pour cent de leur biomasse non exploitée, il convient d’élaborer un plan de reconstitution explicite avant qu’elles ne tombent au-dessous de 30 pour cent de ce niveau et, de préférence, dès que les ressources semblent être clairement en dessous de leur rendement moyen d’exploitation durable à long terme.

Les mesures requises pour reconstituer les stocks ne sont pas essentiellement différentes de celles destinées à éviter leur épuisement:

Suivant l’approche écosystémique des pêches, la reconstitution des stocks est une condition préalable à la remise en état des écosystèmes. Dans la dernière édition de ce rapport, il était indiqué que «la reconstitution des stocks suppose généralement des réductions spectaculaires et durables de la pression sur les pêches et/ou l’adoption de mesures visant à éliminer les conditions qui ont contribué à la surexploitation et à l’épuisement du stock». L’adoption explicite d’une stratégie de reconstitution implique cependant l’adoption d’un objectif non moins explicite dans ce sens, dans le cadre d’un plan formel de reconstitution des stocks, comportant notamment des valeurs cibles de référence, des mesures de gestion spécifiques et une évaluation de ces résultats. Il ressort des exemples disponibles que la réussite d’un plan de reconstitution exige la réunion de pratiquement tous les éléments fondamentaux suivants, classés sensiblement dans l’ordre de priorité ci-dessous:

La reconstitution la mieux préparée risque de se heurter aux obstacles
suivants:

Tous ces phénomènes peuvent en outre être aggravés par la perte de diversité génétique.

En raison des coûts impliqués, il faudra soigneusement définir le nombre de pêches à inclure dans les plans de reconstitution et le calendrier correspondant, compte tenu du caractère fondamentalement incertain du processus engagé. Les délais de reconstitution dépendent en effet de la ressource, de l’échelle de l’intervention, comme des caractéristiques socioéconomiques et des conditions climatiques. Si les stocks sont épuisés dans une forte proportion et lorsque la capacité excédentaire est élevée, un processus radical et donc coûteux s’impose parfois si l’on veut constater un effet notable sans attendre trop longtemps. Si la reproduction de stocks épuisés constitués de juvéniles a peu de chances d’obtenir des résultats optimaux19, la reconstruction des classes plus âgées exige plus d’une génération, de façon à reconstituer la capacité du stock à compenser les oscillations climatiques à moyen terme20. Du fait des prises accessoires ou des relations prédateur-proie, des effets peuvent être constatés aussi bien dans la pêche cible que dans les autres pêches qui lui sont liées.

Compte tenu de leurs coûts sociaux potentiels, les plans de reconstitution peuvent être mis au point en étroite concertation avec les communautés concernées21. Bien que ces plans ne soient pas accueillis très favorablement, le coût des politiques de laisser-faire, comme en témoignent les exemples passés, risque d’être nettement plus élevé à moyen et long termes22. La reconstitution peut exiger une réduction permanente de la capacité de pêche et, le cas échéant, la délocalisation des équipages. Dans la plupart des pays, une forme ou une autre de mesures de dédommagement est à prévoir, tant pour les propriétaires de navires (par exemple, rachat des navires) que pour les équipages de pêche (assurance-chômage; prêts assortis de conditions de faveur, recyclage, autres possibilités d’emplois). Les programmes de rachat ont donné des résultats mitigés et il faut veiller à ce que l’aide financière fournie ne soit pas réinvestie dans des navires encore plus puissants.

Au cours du programme de reconstitution, les mesures d’application et de suivi revêtent une importance décisive. Lorsque les premiers effets escomptés sont évidents, on constate une intensification spectaculaire de la pression exercée par le secteur pour reprendre ou intensifier la pêche, de telle sorte que des mesures de gestion très stricte s’imposent pour éviter de se trouver confrontés à nouveau au même problème.

MESURES ADOPTÉES

L’infléchissement de l’effort de pêche a été la principale mesure de reconstitution suite à l’épuisement d’un stock du fait de la surpêche, en présence ou non de conditions climatiques défavorables. La diminution progressive de l’effort, par exemple par une réduction des captures totales admissibles a été la première solution pour limiter l’obligation de remédier à des conséquences sociales et économiques. En raison du coût et de la difficulté d’une réduction de la capacité de pêche pour l’amener à un niveau de récolte compatible avec la reconstitution des stocks, ces mesures se sont souvent révélées en définitive «trop limitées et trop tardives». La répartition de l’effort résiduel entre les secteurs artisanaux, industriels et sportifs d’une pêche est une tâche délicate et rarement entreprise. De plus, puisque la facilité de capture tend à augmenter de façon exponentielle au fur et à mesure que certains stocks se raréfient, le contrôle de l’effort de pêche est extrêmement compliqué. Aussi, est-il parfois inévitable de devoir l’interrompre brutalement, pour des raisons tant écologiques qu’économiques; de fait, la plupart des fermetures brutales ont été imposées par l’effondrement économique de la pêcherie concernée.

Les fermetures saisonnières («repos biologique») ont par ailleurs souvent été proposées en tant que mesures «douces» de reconstitution. Elles se sont révélées inefficaces dans la mesure où la capacité globale de pêche reste excessive.

Après l’échec des tentatives mentionnées ci-après de réduction progressive de l’effort, on a généralement fait appel à des moratoires, souvent imposés en fait par la faillite économique de la pêcherie. Les pêches sportives sans capture peuvent avoir un effet analogue si tous les individus capturés sont relâchés pour assurer la survie du stock. Les moratoires ont réussi assez bien à rétablir les pêches au hareng de l’Atlantique Nord et du Pacifique Nord-Est. Dans ces zones les fermetures sont plus faciles à appliquer et donc plus acceptables pour certaines pêches pélagiques par comparaison aux pêches démersales multispécifiques et multi-engins qui imposent l’adoption d’un plan de reconstitution intégré conçu pour tous les segments des pêcheries ayant une incidence sur la ressource de la zone considérée, mais représentant à ce titre un défi encore plus complexe pour un vaste éventail de groupes d’intérêts. Il n’y a aucune garantie de rapidité ou même de certitude de succès des fermetures totales, comme l’a démontré la très lente reconstitution du stock de morue canadienne à la suite d’une décennie d’efforts.

Des fermetures de zones, soit permanentes (sanctuaires), soit temporaires ou saisonnières afin de protéger des zones d’alevinage ou de reproduction, ainsi que les concentrations de reproducteurs ou de juvéniles, sont par ailleurs mises en œuvre depuis un certain temps. Elles permettent de protéger les habitats critiques des rivières et des cours d’eau, les mangroves, les herbiers marins, les lits d’algues et les récifs coralliens. Leur efficacité est fonction des niveaux de surcapacité existants et du degré d’application (niveau d’observation). À condition d’être convenablement situées, les zones marines protégées peuvent jouer un rôle utile à cet égard; ainsi, la fermeture d’une réserve de 17 000 km2 (versant États-Unis du George’s Bank) aux chalutages de haddock et de flétan a permis d’obtenir au bout de cinq années une reconstitution notable des stocks des deux espèces cibles, dans une certaine mesure des stocks de morue, ainsi qu’une reconstitution à grande échelle des stocks de pétoncles. Toutefois, les résultats de la fermeture d’une zone ou d’une pêcherie ne sont pas toujours entièrement prévisibles, comme en témoigne l’augmentation des débarquements de homards, de crabes et de crevettes dans l’Atlantique Nord-Ouest et sur le plateau continental écossais, suite à la fermeture de la pêche à la morue. La valeur élevée de ces débarquements risque de créer des pressions allant toujours à l’encontre de l’objectif initial du plan de reconstitution23.

Bien que les résultats obtenus ne soient pas uniformément concluants, l’expérience fait ressortir l’importance d’une «règle de limitation des récoltes» qui spécifie les conditions dans lesquelles la reconstitution du stock est obligatoire et dont la stricte application s’impose tant que le stock n’a pas été reconstitué. Une telle approche fondée sur ce principe exige la définition de points limites de précaution (par exemple, pour la biomasse de reproducteurs et pour la capacité de pêche); il faut convenir à l’avance de mesures inconditionnelles qui seront mises en œuvre dès que ces limites seront atteintes. L’application des mesures en question doit se poursuivre jusqu’à ce que le stock de reproducteurs soit ramené à un niveau prédéterminé, si possible supérieur au niveau précédemment associé aux prises maximales équilibrées. Faute d’un contrôle de la capacité, la pêche oscillera alors dangereusement autour du seuil de surpêche.

Résultats obtenus

La planification active de la reconstitution des stocks est récente. La plupart des programmes de reconstitution effective concernent les eaux limitrophes de pays développés et font l’objet de données portant sur une période ne remontant pas au-delà de 10 à 20 ans. Leur niveau de réussite a été limité et de nombreux programmes se poursuivent encore actuellement. On considère qu’un programme est réussi dès lors que la biomasse suit une évolution ascendante un certain temps après le début dudit programme; l’expérience acquise fait apparaître que la reconstitution a été concluante dans 12 cas (46 pour cent) pour les démersaux, 8 (67 pour cent) pour les pélagiques et 10 (71 pour cent) pour les invertébrés, ce qui est vraisemblablement lié à l’effet prédateur réduit des stocks effondrés de poissons de fond24. D’après ces données statistiques, la reconstitution des stocks de poissons de fond s’est révélée moins concluante par rapport aux autres ressources, sinon à la suite de la fermeture de certaines zones locales de pêche en eaux tropicales. À noter également que nombre de stocks de petits pélagiques ont été reconstitués cinq ans après leur principal épisode d’effondrement, alors que 40 pour cent des stocks de poissons de fond ont continué à diminuer même 15 ans après la fin de leur principal épisode d’effondrement25.

PERSPECTIVES

Est-il possible de se conformer à la directive de Johannesburg?

Le tour d’horizon ci-dessus, comme les résultats obtenus jusqu’à maintenant témoignent de l’ampleur de la tâche à entreprendre pour réaliser le Plan de mise en œuvre du Sommet mondial sur le développement durable, dont le calendrier résulte davantage d’un marchandage politique que d’une quelconque étude scientifique des délais de reconstitution. La reconstitution des stocks aura inévitablement un coût élevé, mais en tout état de cause inférieur à celui de l’autre éventualité (absence de mesures). D’après les rares programmes de reconstitution dont le caractère concluant a pu être établi, le rétablissement des stocks de démersaux est une tâche nettement plus délicate par comparaison aux pélagiques et aux invertébrés, en particulier dans les zones de pêche aux latitudes élevées. La rapidité de ce processus sera par ailleurs compromise en présence d’environnements défavorables ou d’une réduction des stocks nettement au-dessous de 30 pour cent de l’effectif inexploité. Si la fermeture des zones de pêche a permis d’obtenir assez vite au niveau local la reconstitution des ressources halieutiques du plateau continental, essentiellement dans les eaux tropicales, une période de 15 années au moins sera vraisemblablement nécessaire pour reconstituer des stocks de démersaux aux latitudes élevées et devra probablement être complétée par des dispositions techniques et par la création d’importantes zones de fermeture. Malheureusement, les fermetures à grande échelle de pêches démersales dans les eaux tempérées ont été relativement peu nombreuses, bien que ce mécanisme semble offrir des chances de succès au bout d’une dizaine d’années.

La lenteur des progrès accomplis en matière d’adaptation de la capacité de pêche à la productivité biologique n’est pas un signe encourageant, étant donné que la prise de conscience de ce problème remonte à 50 ans au moins. À présent, la sensibilisation à ce problème est très importante et les pêcheries, comme les défenseurs de l’environnement, exercent une pression croissante. Toutefois, la capacité d’action reste très inégale et souvent insuffisante, en particulier dans les pays en développement. De plus, le principe selon lequel la conservation des ressources exige leur répartition, principe qui remonte à la civilisation grecque, doit encore faire son chemin pour prévaloir dans le monde politique moderne et réussir à enrayer le processus en cours dans de nombreuses régions.

GOUVERNANCE ET GESTION DES PÊCHES EN EAU PROFONDE

PROBLÉMATIQUE

Il n’est pas facile de définir précisément la notion de poisson de grands fonds. D’après la récente Conférence intitulée Deep Sea 2003, tenue en Nouvelle-Zélande26, ce type de poisson est généralement absent des eaux au-dessus du plateau continental ou des eaux épipélagiques (voir figure 37). Le Groupe de travail sur les pêches hauturières du Conseil international pour l’exploration de la mer adopte une limite de 400 à 500 m pour définir la profondeur minimale. En outre, le comportement de nombreuses espèces des grands fonds complique ces définitions. Plusieurs espèces effectuent des migrations verticales quotidiennes importantes, passant de la zone mésopélagique à la zone épipélagique pour se nourrir; d’autres espèces se déplacent entre les eaux du plateau et du talus continental.

 

Encadré 7

Les pêches en eau profonde: aperçu historique

Les pêches en eau profonde se sont développées tout particulièrement dans l’Atlantique Nord et cette région fournit la plus grande partie des débarquements mondiaux (voir figure). Les débarquements de l’Océan Pacifique ont été importants, mais y ont enregistré en ce qui concerne les espèces de grands fonds un certain retard par rapport à l’Océan Atlantique. Pendant les années 70 et 80, il existait peu de relevés statistiques concernant les pêches hauturières, étant donné que nombre des pays opérant alors dans ces zones n’avaient ni la capacité juridique, ni la volonté de documenter soigneusement les captures et l’effort de pêche de leurs chalutiers hauturiers en eau profonde, notamment pour ce qui de la tête casquée pélagique du Pacifique. Dans ce cas, le chalutage dans les eaux de la chaîne sous-marine Emperor Seamount et de la dorsale sous-marine du nord de l’archipel de Hawai par des navires russes et japonais a commencé en 1969. Bien que le volume total des captures ne soit pas connu, il a été estimé à un niveau compris entre 36 000 et 48 000 tonnes/an pour la période 1967-1977; 90 pour cent des captures étaient constituées de têtes casquées pélagiques. Les captures totales sont tombées à un niveau de 5 800-9 900 tonnes par an entre 1977 et 1982, et aujourd’hui cette pêcherie n’existe plus.

Tableau 12
Données mondiales relatives aux débarquements déclarés de poissons d’eau profonde

 

1952

1962

1972

1982

1992

2002

Prises en eau profonde, monde Chine exclue (tonnes)

232 574

360 125

870 693

1 726 181

2 348 990

3 325 006

Augmentation décennale (%)

54,8

141,8

98,3

36,1

41,6

Part des prises marines totales, Chine exclue (%)

1,2

1,0

1,7

2,8

3,3

4,7

Prises en eau profonde, monde Chine comprise (tonnes)

468 174

759 125

1 366 193

2 219 554

2 971 233

4 613 684

 

Alors qu’autrefois les profondeurs considérables des eaux en question ont eu pour effet de limiter ou d’en exclure les opérations de pêche, les progrès techniques survenus depuis lors ont certes été à l’origine de problèmes de gestion, mais ont permis d’envisager des solutions. L’évolution a été rapide au cours des 50 dernières années. À partir d’un niveau initial limité à 1,2 pour cent en 1952, la part des débarquements enregistrés des pêches hauturières (hormis les débarquements chinois) avait atteint 4,7 pour cent des débarquements marins totaux en 2002. Les débarquements de poissons de grands fonds signalés par la Chine sont constitués en quasi- totalité de poisson-sabre commun (Trichiurus lepturus) et représentaient d’après les mêmes sources 1,5 pour cent du total mondial des débarquements des poissons de mer en 2002.

Parmi les espères de grands fonds faisant actuellement l’objet d’une exploitation à titre commercial figurent l’hoplostète orange (Hoplostethus atlanticus), l’oréos (Allocytus spp. Neocytus spp. Pseudocyttus spp.), le beryx rouge (Beryx spp.), les bromes et les abadèches (Ophidiidae), la légine antarctique (Dissostichus eleginoides), le tête casquée pélagique (pseudopentaceros wheeleri), la morue charbonnière (Anoplopoma fimbria), le flétan du Groenland (Reinhaedtius hippoglossoides), les morues moridées (Notocanthidae et Moridae) et différentes espèces de Scorpaenidae. À l’écart des montagnes sous-marines, les gadiformes, par exemple les macrouridés sont prédominants, mais aussi des espèces à croissance lente – dont les caractéristiques démographiques sont toutefois moins particulières – par exemple, les hoplostètes (Trachichthyidae) capturés à proximité des montagnes sous-marines. Plusieurs espèces de vivaneaux des grands fonds (Etelis spp.) et de rougets (Lutjanidae) (Pristopomodides spp.) sont présents au-dessus du talus continental à des profondeurs allant de 100 à 400 m aux faibles latitudes de l’océan Pacifique et de l’océan Indien. Récoltés par des pêcheurs à la ligne artisanaux, ces poissons de valeur sont particulièrement exposés à l’épuisement de leurs stocks.

À Madère la pêche à la palangre au sable noir (Aphanopus carbo) compte parmi les rares activités traditionnelles en eau profonde, tandis que les espèces de grands fonds actuellement les plus importantes du point de vue commercial sont récoltées par des chaluts dans les zones correspondant aux reliefs des fonds marins.

Dans de nombreux cas, le développement rapide des pêches en eau profonde a largement devancé l’acquisition des connaissances nécessaires à une gestion efficace de la ressource. De fait, la connaissance de la biologie de nombreuses espèces reste incomplète et compte tenu de la dispersion géographique de ces pêches, on dispose de peu d’informations quant à l’incidence des opérations en termes de captures accessoires (par exemple, élasmobranches de grands fonds). Quant aux effets benthiques, les quelques études disponibles justifient une certaine inquiétude, comme en ce qui concerne les coraux d’eaux profondes.

Les pêches hauturières se sont heurtées d’une part aux problèmes des pêches classiques, et dans certains cas, à des difficultés propres à ce secteur. Parmi ces dernières figurent: la faible durabilité des ressources ichthyques à long cycle vital; les rejets de captures accessoires et l’impact des opérations de pêche sur les habitats benthiques, en particulier la création d’habitats d’alevinage pour les espèces faisant l’objet d’une exploitation commerciale. De plus, étant donné que la plupart des pêches en eau profonde interviennent en haute mer, la capacité (ou l’incapacité) des régimes et des accords juridiques internationaux à offrir un cadre adapté à une gestion efficace des ressources halieutiques concernées a constitué une préoccupation supplémentaire.

SOLUTIONS POSSIBLES

Gestion des pêches en eau profonde – nécessité d’une amélioration qualitative et quantitative des données disponibles

La gestion des ressources des grands fonds exige l’adoption de stratégies adaptées à différentes espèces dont beaucoup présentent des caractéristiques biologiques et démographiques inhabituelles. Parmi les poissons qui constituent ces ressources on observe notamment les comportements suivants: de fortes migrations diurnes; des phases larvaires pélagiques susceptibles d’être prolongées (par exemple, pour l’oreos et les Pentacerotidae); des groupes possédant une ou plusieurs populations mondiales de reproducteurs; des groupes dotés de populations de reproducteurs fortement localisées (par exemple, l’hoplostète orange, dont les œufs subissent rapidement une poussée hydrostatique négative, ce qui facilite leur maintien à proximité de l’habitat des reproducteurs); et, enfin, les groupes comportant des phases de comportement de concentration intense – parfois de façon intermittente et annuellement en période de reproduction. Certaines populations d’espèces démersales se trouvent dans des zones géographiquement limitées, tandis que d’autres sont très largement réparties; nombre de ces espèces ont une longévité extrêmement importante (environ 100 ans) et parviennent relativement tardivement à maturité (au bout de 15 à 20 ans), tandis que d’autres ont un cycle vital qui ne diffère guère par rapport aux stocks de poisson du plateau continental.

Encadré 8

Les poissons d’eaux profondes et leur environnement

Le milieu naturel des poissons d’eaux profondes est extrêmement étendu (plus de 50 pour cent de la surface du globe), alors que les connaissances correspondantes concernant la dynamique des océans, les caractéristiques biologiques des pêches et les écosystèmes sont limitées. Toutefois, les études consacrées à ces régions au cours des deux dernières décennies révèlent progressivement leurs caractéristiques physiques et biologiques souvent étonnantes: dans une large mesure dépourvues de reliefs et comportant des fonds recouverts de vase et de boue, elles présentent ailleurs des chaînes sous-marines, des dorsales et des surélévations. Sur les plateaux continentaux, les courants de turbidité ont creusé des canyons sous-marins dont on commence seulement à comprendre l’importance en tant que passages vers la haute mer. D’autres aspects, tels que les bouches hydrothermales et les infiltrations à travers les fonds marins ont permis l’apparition de communautés chimiosynthétiques complexes, ainsi qu’une faune hors du commun et particulièrement évoluée.

Les montagnes sous-marines et les éléments topographiques analogues des fonds marins sont peuplés d’une faune benthique diversifiée et à long cycle vital (en particulier les coraux des profondeurs). Ainsi, la longévité des coraux en eau froide peut dépasser 10 000 ans. Leur structure qui se détache sur les fonds marins et leur fragilité les rendent d’autant plus vulnérables à la destruction par les chalutages, lorsque des marins inexpérimentés laissent leurs chaluts toucher la surface des reliefs. Un autre sujet de préoccupation tient à l’endémisme apparemment élevé de l’espèce dans les zones étudiées de reliefs sous-marins; ainsi, le recrutement de nombreuses espèces provenant d’autres zones de montagnes sous-marines est vraisemblablement inférieur au niveau escompté.

Les montagnes sous-marines ont des caractéristiques océanographiques importantes du point de vue des pêches. Premièrement, les principales espèces commerciales forment des agrégats de reproducteurs à proximité des zones montagneuses, ce qui se traduit par des taux de capture rentables, alors qu’ils sont parfois nettement inférieurs dans le cas des espèces plus éloignées des reliefs. Deuxièmement, les courants qui circulent au-dessus des reliefs entraînent dans la zone photique des eaux riches en éléments nutritifs, favorables à la production biologique. Ensuite, en cas de formation de colonnes de Taylor au-dessus du relief sous-marin, les zones ainsi créées retiennent les larves de poisson au voisinage de l’habitat des poissons adultes. Un enrichissement supplémentaire résulte de la migration nocturne du plancton vers les couches superficielles: dans l’impossibilité de redescendre en raison des courants d’advection au-dessus des reliefs sous-marins, il fournit une biomasse susceptible d’être capturée par les écosystèmes des reliefs sous-marins.

 

Vu ces difficultés, il n’est pas étonnant que la gestion des ressources démersales n’ait guère été plus efficace, par comparaison à maintes pêches continentales. Même dans le cadre d’une approche de précaution, les captures totales admissibles fixées en l’absence de données concluantes ont dans un premier temps, généralement surestimé la productivité des ressources démersales. En pareille circonstance, la théorie halieutique prévoit que sur les espèces à long cycle vital, faible taux de croissance et recrutement épisodique, les effets de la surpêche et la reconstitution des stocks s’étalent sur plusieurs générations. Cela souligne la nécessité pour les gestionnaires de la ressource – dans la mesure où ils existent et si leurs attributions et leurs moyens d’action le permettent – de bien évaluer les conséquences d’une information scientifique insuffisante, de données inadéquates ou inexistantes sur les captures et l’effort de pêche27, du manque ou de l’absence d’informations sur les captures accessoires et de l’ignorance de l’évolution passée des pêches en eau profonde. On sait néanmoins que la productivité de nombre de ces pêches (mais pas toutes) sera faible, ce qui résulte notamment de l’absence d’aliments dans les habitats des eaux profondes et moyennement profondes. Si l’on veut donner un contenu opérationnel à des principes de gestion tels que «l’approche des écosystèmes», pour la gestion des pêches démersales, il faudra considérer explicitement la préservation de la biodiversité benthique et le maintien de biomasses minimales de reproducteurs pour toutes les populations de jeunes poissons exposées à un isolement reproductif.

L’efficacité de l’évaluation des ressources et des stratégies de récolte correspondantes exigera:

Pour mettre en pratique ces considérations, il faut conjointement faire preuve d’inventivité et d’aptitude à faire le meilleur usage des développements les plus récents en matière de gestion de la ressource halieutique. Ceux-ci comprennent notamment:

De plus, il faut s’employer à empêcher les marins inexpérimentés ou les opérateurs qui prennent des risques d’accéder aux pêches dans lesquelles un défaut d’expérience risque d’infliger des dommages considérables à la faune benthique et d’affecter gravement la biodiversité. Ainsi, l’homologation par le secteur industriel des officiers de navires participant aux pêches en question, contribue sans doute à garantir que l’exploitation de la ressource peut se poursuivre, tout en réduisant au minimum les dommages infligés à la faune benthique.

Gouvernance des pêches en eau profonde

De nombreuses lacunes persistent en dépit de l’adoption de plusieurs instruments internationaux s’appuyant sur l’élaboration de la législation internationale, du droit de la mer et du droit de l’environnement, comme sur les progrès des bonnes pratiques relevant du domaine d’action des organismes régionaux des pêches ou des accords connexes. En fait, la plus grande partie des ressources halieutiques démersales mondiales et des zones de haute mer où se situent les pêches en eau profonde pourraient être considérées dans l’état actuel des choses comme «non réglementées». Comme l’a montré la Conférence Deep Sea 2003, il ne semble pas y avoir de convergence de vues quant à la meilleure façon de procéder pour réglementer ces ressources et veiller à leur bonne gouvernance. La définition et la mise en œuvre de nouveaux instruments contraignants ou la modification des accords actuels prendraient sans doute trop de temps pour permettre l’adoption des mesures urgentes souvent nécessaires. Il y a en outre d’autres difficultés dont il faut tenir compte, telles que l’incertitude quant au degré d’acceptation de ces instruments ou quant à la nécessité d’éviter de compromettre par cette façon de procéder certains des éléments clés contenus dans les instruments existants. Beaucoup craignent qu’il ne faille renoncer à la préservation et peut-être même à la survie de nombreux écosystèmes démersaux menacés. Aussi, la meilleure façon de gérer les ressources halieutiques en eau profonde et en haute mer consiste pour beaucoup à mettre pleinement à profit le cadre juridique existant et à veiller à son application par toutes les parties prenantes. Dans certains cas, l’élargissement des compétences des actuels organismes régionaux de gestion des pêches ou des accords existants pourrait être envisagé. Dans d’autres cas, la création de nouvelles instances pourrait se révéler nécessaire.

Il ne suffit vraisemblablement pas d’adopter une approche régionale ou pêcherie par pêcherie. Il est essentiel de veiller à ce que les problèmes ne soient pas purement et simplement exportés d’une zone marine à une autre. Une approche mondiale est également indispensable, par exemple l’Accord visant à favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion (Accord de conformité de la FAO), qui vise à garantir l’exercice d’un réel contrôle de l’État du pavillon sur tous les navires de pêche utilisés ou destinés à la pêche hauturière. Outre les mesures adoptées par l’État du pavillon proprement dit, les dispositions de l’Accord de conformité de la FAO se rapportent aux États du port et permettent à ces derniers de «notifier rapidement l’État du pavillon» s’ils «sont fondés à estimer qu’un navire de pêche a été utilisé pour mener une activité compromettant l’efficacité des mesures internationales de conservation et de gestion». D’autres activités de surveillance des zones de haute mer, par exemple les systèmes de suivi des navires et les futurs systèmes de documentation sur les captures, contribueront à augmenter les chances de succès, à condition d’être adoptées à l’échelle mondiale.

ÉVOLUTION RÉCENTE

Les systèmes satellitaires de positionnement géographique sont vraisemblablement la principale innovation à l’origine du développement des pêches en eau profonde. Ils permettent en effet aux navires de pêche de positionner leurs chaluts à 10 m près des objets topographiques des fonds marins et de répéter des chalutages efficaces avec une grande précision, lorsque la répartition du poisson est fortement localisée. Si cette technique a facilité la capture des espèces d’eaux profondes, elle a aussi permis aux marins de choisir soigneusement l’endroit où ils doivent installer leur matériel et éviter les zones dans lesquelles la pêche se révèle impossible ou difficile.

Parallèlement à cette technologie dite de surface, la télémétrie acoustique des chaluts a progressé. Ce procédé permet de situer précisément le filet, souvent à une distance de un kilomètre à l’arrière du navire, dans un système de coordonnées verticales et planes, évitant ainsi les accrochages par le fond et permettant de placer le matériel de pêche de façon à capturer les bancs de poissons de grands fonds. Les progrès accomplis dans le domaine de la détection – sondeurs acoustiques traditionnels et sonars – utilisés pour localiser le poisson à l’avant du chalut ont complété les innovations susmentionnées.

La cartographie par balayage des fonds marins constitue un autre développement des techniques acoustiques facilitant le ciblage des ressources démersales à l’intérieur de bandes étroitement définies et souvent de formes très irrégulières. Ces méthodes fournissent des images de haute définition des profils bathymétriques et facilitent le chalutage contrôlé, de telle sorte que les marins peuvent éviter les zones où ils risquent de perdre le matériel de pêche, ou de toucher le fond (voir figure 38). La cartographie par balayage représente l’équivalent de la cartographie topographique terrestre pour le plus grand bien des patrons de pêche.

L’efficacité des pêches démersales en eau profonde exige plusieurs compétences: en premier lieu, le chalutage contrôlé en eau profonde implique nécessairement des capacités de manœuvre du navire et de contrôle des engins de pêche pour éviter les dommages infligés à la faune benthique et pour préserver les équipements.

À l’instar de toute ressource marine, la productivité des pêches en eau profonde est généralement indéterminée mais limitée en tout état de cause; aussi, la durabilité des récoltes comme celle des biomasses impliquent une gestion judicieuse. Toutefois, d’après les données disponibles, les débarquements enregistrés en provenance des pêches en eau profonde continuent à augmenter, vraisemblablement dans certains cas suite à une exploitation intégrale des biomasses, mais aussi à la faveur des gains de productivité.

PERSPECTIVES

La technologie continuera à évoluer. Cette évolution peut être mise à profit par ceux qui s’efforcent de contrôler le niveau d’activité des pêches hauturières en eau profonde; par ailleurs, elle peut également s’avérer bénéfique pour ceux qui dirigent ces mêmes opérations. Cette incertitude appelle vraisemblablement un effort soutenu pour renforcer la gouvernance des pêches hauturières en général, et des pêches en eau profonde en particulier.

Pour certains, les dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, notamment la liberté sous réserve de pêcher en haute mer, fournissent des réponses précises et détaillées au problème de gestion des ressources halieutiques en haute mer, où se trouvent nombre de pêcheries en eau profonde. Toutefois, la liberté de pêche en haute mer et le libre-accès aux ressources halieutiques qui en résulte a entraîné en fait de nombreux problèmes, et tout particulièrement l’absence de mesures d’incitation pour encourager les individus à limiter l’effort de pêche et à observer les mesures de conservation.

Encadré 9

Gouvernance et pêcheries en haute mer

La liberté de pêche en haute mer, où se situent la plupart des pêcheries en eau profonde, remonte certes aux travaux de Grotius au XVIIe siècle, mais a déjà été évoquée auparavant; on peut en effet constater qu’il en est question dans le droit romain. La persistance de son acceptation au cours des siècles qui ont suivi a conduit à l’intégrer au droit coutumier international et par la suite à sa codification dans la deuxième moitié du XXe siècle. Par conséquent, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, entrée en vigueur en 1994, 12 années après son adoption et le début de sa ratification en 1982 représente la pierre angulaire du régime juridique actuel de la haute mer et réaffirme vigoureusement dans son Article 87 le principe de la «liberté de la haute mer». Parmi les libertés énumérées dans cet article figure la «liberté de pêche». Il faut souligner que cette liberté est ni illimitée, ni sans condition, puisqu’elle est assujettie aux conditions définies aux articles de la Section 2 [de la partie VII], qui définissent un certain nombre d’obligations que les États opérant en haute mer doivent respecter. De plus, tel qu’indiqué à l’Article 87(2), «tous les États exercent ces libertés en tenant dûment compte de l’intérêt que présente l’exercice de la liberté de la haute mer pour les autres États»1.

Il importe de souligner que ces dispositions s’appliquent à tous les pays, aux Parties à la Convention, mais aussi aux États non parties, en ce qui concerne les exigences qui procèdent du droit coutumier international en vigueur. Par conséquent, les États opérant en haute mer ont des droits à ce titre, sous réserve: (a) de leurs obligations conventionnelles (Art. 116 [a]); (b) de l’obligation de prendre des mesures pour assurer la conservation des ressources biologiques (Art. 117); (c) de l’obligation de coopérer avec les autres États à la conservation et à la gestion des ressources biologiques en haute mer (Art. 118); et (d) de l’obligation de prendre des mesures pour maintenir ou rétablir les stocks des espèces exploitées à des niveaux assurant la prise maximale équilibrée (Art. 119 [a]).

On pourrait s’attendre à ce que les dispositions de la Convention fournissent un cadre suffisamment complet et rigoureux pour permettre une gestion efficace des ressources halieutiques de la haute mer, où se déroulent nombre de pêches en eau profonde, et en particulier pour éviter les problèmes qui auraient pu résulter d’un régime de liberté sans réserve. Dans la pratique toutefois, l’instauration de cet ensemble d’obligations n’a pas été suivie d’une phase d’explicitation et de mise en application, de telle sorte que la liberté de pêche en haute mer, associée dans la plupart des cas à un libre-accès de facto aux ressources halieutiques, explique la gravité et le caractère problématique d’une situation marquée en particulier par l’absence d’incitations pour encourager les individus à limiter l’effort de pêche et à observer les mesures de conservation.

La façon d’obtenir, via les organisations régionales de gestion des pêches, l’adoption et l’application effectives des mesures de conservation et de gestion, en particulier des contingents de capture, continue à poser un problème. De plus, les questions de conservation et de gestion sont souvent éclipsées par la recherche de l’optimisation des avantages tirés des ressources halieutiques et des solutions aux problèmes de répartition communément rencontrés dans le cadre des accords de gestion. Pour ceux qui font déjà partie d’une organisation régionale de gestion des pêches, la ressource est généralement censée bénéficier d’une gestion véritable en vertu d’un accord de propriété commune, autrement dit, la récolte de la ressource est partagée entre ceux qui ont accepté les règles de l’organisation régionale ou de l’Accord de gestion. Toutefois, lorsqu’ils deviennent membres d’une organisation de ce type, les nouveaux entrants s’attendent à participer à la récolte des captures admissibles. Faute d’adopter des dispositions pour réglementer la situation et contrôler l’accès à la ressource ou pour limiter l’effort de pêche total, en particulier lorsque les conditions d’adhésion à l’organisation régionale sont souples, alors il n’y a concrètement aucune différence par rapport au libre-accès total.

Au cours des années 90, les problèmes de gestion des stocks de haute mer ont pris une acuité particulière. Afin de résoudre les questions de pêche hauturière évoquées dans la Convention sur le droit de la mer, une série d’instruments internationaux ont été négociés et adoptés, notamment le chapitre 17 d’Action 21 de 1992, l’Accord de conformité de la FAO de 1993, l’Accord de Nations Unies sur les stocks de poisson, le Code de la FAO de conduite pour une pêche responsable de 19952, et plusieurs plans d’action internationaux notamment le Plan d’action international visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée3. Tandis que l’Accord de conformité de la FAO et l’Accord sur les stocks de poissons des Nations Unies sont des traités qui lient les États qui leurs sont Parties, le Code de conduite et ses Plans d’action internationaux sont librement adoptés. Néanmoins, bien qu’ils diffèrent par leur champ d’application, leur nature et leur contenu, ces différents instruments juridiques plus ou moins contraignants ont été pour la plupart négociés au cours de la même période et représentent des étapes significatives dans l’élaboration des principes et des normes applicables en matière de conservation et de gestion des pêches de haute mer.

Au-delà de la nécessité de garantir la plus large acceptation possible de ces instruments et leur mise en œuvre effective, la question demeure de l’applicabilité aux États non parties des régimes internationaux ainsi adoptés. La gouvernance véritable des ressources halieutiques de la haute mer exige nécessairement l’application de mesures appropriées de conservation et de gestion par tous les États dont les ressortissants exploitent lesdites ressources, indépendamment de leur appartenance à l’organisation régionale de gestion des pêches compétente. Ces dernières années, un certain nombre d’organisations régionales de gestion des pêches ont précisé leur pratique en la matière, de façon à garantir l’observation par les non-membres (notamment par l’instauration généralisée d’une catégorie dénommée «pays coopérants non parties»). De plus, outre les dispositions pertinentes de l’Accord de conformité de la FAO, il est intéressant de noter que l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons a tenté d’aller au-delà de la traditionnelle responsabilité exclusive de l’État du pavillon par plusieurs de ses dispositions en matière de conformité et d’application, bien que les efforts déployés dans ce sens aient suscité les plus vives réserves d’un certain nombre de pays.

1 Le texte intégral de la Convention est disponible à http://www.un.org/Depts/los/convention_agreements/texts/unclos/closindx.htm; adresse valable en septembre 2004.
2 Op. cit., voir notes 11 p. 28, 13 et 14, p. 37; pour Action 21, voir encadré 5, note 4, p. 66.
3 Le texte du Plan d’action est diponible à http://www.fao.org/DOCREP/003/y1224e/y1224e00.HTM; adresse valable en septembre 2004.

 

Les régimes de conservation et de gestion des pêches en haute mer en vertu de la Convention se limitent aux stocks transfrontières, aux mammifères marins et à l’utilisation de filets dérivants. Par ailleurs, un autre problème continue à se poser: comment réussir à appliquer véritablement, par l’intermédiaire des organisations régionales de gestion des pêches, les mesures de conservation et de gestion qu’elles ont définies, en particulier les quotas de capture. Cela est analysé de manière plus approfondie dans l’encadré 9.

En dépit de l’extension des régimes de conservation et de gestion des pêches en haute mer grâce à ce type d’instruments juridiques plus ou moins contraignants, leur efficacité reste à démontrer en termes de développement et de contribution à la gestion et à la conservation des ressources halieutiques de la haute mer. La gouvernance effective des pêches hauturières doit s’appuyer sur l’application de mesures appropriées de conservation et de gestion, indépendamment de l’appartenance d’un État à une organisation régionale de gestion des pêches. À cet égard, l’Accord de conformité de la FAO et, davantage encore, les dispositions pertinentes de l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poisson s’appuient sur les dispositions de la Convention et les complètent.

1 La présente section a été établie à partir de FAO. 2004. Capture-based aquaculture, par F. Ottolenghi, C. Silvestri, P. Giordano, A. Lovatelli et M.B. New. 2004. Rome; et de plusieurs autres sources (Anonyme, 2004. Burris tuna diet «extends shelf life».
Fish Farming International
, 31(4): 42; FAO, 2003, FAO Yearbook of Fishery statistics 2001: Aquaculture Production. Volume 92/3. Rome; C.W. aidley et R.J. Shields. 2004. Amberjack culture progresses at Oceanic Institute. Global Aquaculture Advocate, 7(1): 42-43; M. Rimmer, S-Y. Sim, K. Seguma et M. Phillips. 2004. Alternatives for reef fishing: can aquaculture replace unsustainable fisheries? Global Aquaculture Advocate, 7(1): 44-45; V. Scholey, D. Margulies, J. Wexler, et S. Hunt. 2004. Larval tuna research mimics ocean conditions in lab. Global Aquaculture Advocate, 7(1): 38; I.Q. Tan. 2003. Success with formulated feeds for groupers. Asian Aquaculture Magazine, septembre/octobre 2003: 16-18; T. Wray. 2004. The rise and rise of tuna. Fish Farming International, 31(4): 11.
2
Par exemple, Naylor, R.L., Goldburg, R.J., Primavera, J., Kautsky, N., Beveridge, M.C.M., Clay, J., Folke, C., Lubchenco, J., Mooney, H. et Troell, M. 2000. Effect of aquaculture on world fish supplies, Nature, 405: 1017-1024.
3 FAO. 2001. Report of the Nineteenth Session of the Coordinating Working Party on Fishery Statistics. Rapport FAO sur les pêches no 656. Rome.
4
Par exemple, ce sujet fait partie des délibérations du Groupe de travail ad hoc de la Commission générale des pêches pour la Méditerranée/CICTA sur les pratiques durables d’élevage du thon en Méditerranée.
5 Anonyme. 2003. Dana Feed Research Project: Reproduction of European eel is almost within reach. EUROFISH 2/2003: 36.
6 FAO. 2002. Use of fishmeal and fish oil in aquafeeds: further thoughts on the fishmeal trap, par M.B. New et U.N. Wijkström. FAO, Circulaire sur les pêches no 975. Rome.
7 Les textes des Recommandations et Conventions de l’OIT sont disponibles sur le site Web de l’OIT à http://www.ilo.org.
8 Voir note 27, p. 69.
9 NMFS 2001. Rapport du groupe de travail NMFS sur les critères CITES. Avant-projet préliminaire 16 mai 2001. Wood Hole,
États-Unis, National Marine Fisheries Service. Musik, J.A. 1999. Criteria to define extinction risk in marine fishes, Fisheries 24(12):6–13. Holling, C.S. 1973. Resilience and stability of ecological systems, Annual Rev. ecol. Systematics 4:1-23.
10
Les détails des recommandations sont disponibles dans FAO. 2001. Rapport de la deuxième Consultation technique de la FAO sur l’applicabilité des critères d’inscription sur les listes de la CITES aux espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales. Windhoek (Namibie), 22-25 octobre 2001. Rapport FAO sur les pêches n° 667.
11 CODEX STAN 94 – 1981 REV.1-1995 (disponible à http://www.codexalimentarius.net/web/standard_list.do?lang=en; adresse valable en septembre 2004).
12 Dans la Section 11.2, «Commerce international responsable»; voir note 14, p. 37.
13 Programme d’identification et de données sur les espèces (SIDP) de la FAO (disponible à http://www.fao.org/fi/sidp; adresse valable en septembre 2004).
14 Disponible à http://www.fishbase.org; adresse valable en septembre 2004.
15 S.M. Garcia et J. Boncoeur. 2004. Allocation and conservation of ocean fishery resources: connecting rights and responsibilities. Document présenté au 4e Congrès mondial des pêches, Vancouver (Canada), mai 2004, en tant qu’ouverture de la session sur l’Allocation et la conservation.
16
G. Hardin. 1968. la tragédie des biens communs. Science, 162: 1243-1248.
17 Comme le prévoit le Magnusson-Stevens Fishery Conservation and Management Act du Congrès des États-Unis.
18 L’expérience prouve que les fluctuations des conditions environnementales peuvent retarder ou accélérer la reconstitution des stocks et les changements de régimes climatiques produisent des effets comparables à ceux de la pêche et des interactions prédateur-proie. Voir, par exemple, J. Jurado-Molina et P. Livingston, 2002. Climate-forcing effects on trophically linked groundfish populations: implications for fisheries management. Can. J. Fish. Aquat. Sci., 59: 1941-1951.
19 Voir par exemple, E. Kenchington. 2001. The effects of fishing on species and genetic diversity. Document présenté à la Reykjavik Conference on Responsible Fisheries in the Marine Ecosystem. Reykjavik, 1-4 octobre 2001; R. Law. 2000. Fishing, selection, and phenotypic evolution. ICES J. Mar. Sci., 57: 659–890. A. Longhurst. 2002. Murphy’s Law revisited: longevity as a factor in recruitment to fish populations. Fish. Res., 56: 125-131.
20
Pour les poissons tropicaux à faible durée de vie et pour les petits pélagiques, les délais de reconstitution des stocks seront en principe plus courts que pour les ressources démersales à cycle vital important des latitudes élevées, pour lesquelles des délais pouvant atteindre 15 ans sont probables, sous réserve des fluctuations climatiques mentionnées plus haut. Ainsi, un demi-siècle peut être nécessaire pour reconstituer des ressources halieutiques à cycle vital très long, telles que les esturgeons, les perches de mer, et l’hoplostète orange.
21
Au Canada, aux termes du moratoire sur les pêches de morue dont l’application n’a pas encore abouti, un système de cogestion fondé sur des droits a été mis au point pour faciliter la reconstitution des stocks, tandis que le secteur participe activement à la surveillance des zones de pêche fermées et des secteurs précédemment productifs, de façon à limiter les conflits entre les gestionnaires et les parties prenantes.
22
L’effondrement du stock de morue canadienne de l’Atlantique a entraîné une dépense annuelle de 50 millions de dollars canadiens consacrés à l’aide aux particuliers et aux communautés s’ajoutant aux dépenses précédentes des pouvoirs publics en rapport avec le moratoire. Voir Fisheries and Oceans Canada. 2003. Closure of the cod fisheries and action plan to assist affected individuals and communities. In focus – Archive, 24 avrill (disponible à http://www.dfo-mpo.gc.ca/media/infocus/2003/20030424_e.htm; adresse valable en septembre 2004).
23 Fisheries and Oceans Canada. 2003. Current state of the Atlantic fishery and Oceans Canada. 2003. Backgrounder – Archive, 24 avril (disponible à http://www.dfo-mpo.gc.ca/media/backgrou/2003/cod-1_e.htm; adresse valable en septembre 2004).
24 J.F. Caddy et D. Agnew. 2003. Recovery plans for depleted fish stocks: an overview of global experience. International Council for Exploration of the Sea Doc CM 2003/Invited lecture 2 (disponible à http://www.ices.dk/products/CMdocs/2003/INVITED/INV2PAP.PDF; adresse valable en septembre 2004).
25
J.A. Hutchings. 2000. Collapse and recovery of marine fishes. Nature, 406: 882-885.
26 Les documents présentés à la Conférence Deep Sea 2003 sont disponibles sur le site http://www.deepsea.govt.nz; adresse valable en septembre 2004.
27 Le fait que nombre de données historiques de captures ne distinguent pas les différentes formes de produits, par exemple, filets entiers, poissons étêtés et éviscérés ou filets, constitue un problème majeur.

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