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6. Accords d'accès: Organisme des pêches du Forum du Pacifique Sud

par

Mme Josie Tamate[20]

Introduction

Le présent document décrit l'expérience des membres de l'Organisme des pêches du Forum du Pacifique Sud concernant les accords d'accès à la pêche des 20 dernières années, et les différents mécanismes qu'ils ont adoptés pour gérer leur ressources en thon. Il contient aussi une brève description des plans nationaux de gestion et développement de la pêche au thon et de la Convention sur le thon du Pacifique centre et ouest qui a été adoptée à la fin de l'an 2000.

L'Organisme des pêches du Forum

L'Organisme des pêches du Forum (OPF) a été institué en juillet 1979 au titre de la Convention sur l'Organisme des pêches du Forum du Pacifique Sud. Son institution répondait aux défis auxquels faisaient face les pays insulaires du Pacifique pour promouvoir la coopération et la coordination régionales en matière de politiques halieutiques, à la suite de l'adoption de la Convention sur le droit de la mer. D'une manière générale, les pays exprimaient leur intérêt partagé pour la conservation et l'utilisation optimales des ressources marines vivantes de la région du Pacifique Sud, notamment les grands migrateurs (thon), et souhaitaient accroître au maximum les avantages en découlant en faveur de leurs populations et de l'ensemble de la région.

L'Organisme consiste en un Comité des pêches du Forum[21] (CPF) et un Secrétariat. Ce dernier se situe à Honiara, Iles Salomon, avec un personnel maximal de 52 personnes. L'adhésion à l'Organisme est ouverte à tous les membres du Forum du Pacifique et à d'autres Etats et territoires de la région, sur la recommandation du comité et avec l'approbation du Forum. A l'heure actuelle, l'OPF se compose de 17 membres[22], 16 Etats indépendants et un territoire (voir Figure 1).

Le Secrétariat est financé par les contributions de ses membres et reçoit l'assistance financière d'organisations de donateurs. Toutes les décisions sont prises par consensus. Dans le cas où on ne parviendrait pas à un consensus, la décision des deux tiers des membres présents et votant serait adoptée. Ces décisions concernent normalement les opérations du Secrétariat, notamment les politiques et les directives administratives, et les questions d'intérêt commun pour les membres. Au titre de la Convention, l'OPF est chargé de «promouvoir la coordination et la coopération intrarégionale» dans les domaines suivants:

(i) Harmonisation des politiques relatives à la gestion de la pêche;

(ii) Coopération dans les relations avec les pays pratiquant la pêche hauturière;

(iii) Coopération en matière de surveillance et mise en vigueur;

(iv) Coopération en matière de traitement à terre du poisson;

(v) Coopération pour la commercialisation;

(vi) Coopération en matière d'accès à la zone de 200 milles d'autres Parties.

Actuellement, aucune mesure disciplinaire n'est appliquée à l'encontre de membres qui ne respectent pas les décisions régionales convenues. Cependant, une disposition prévoit leur retrait et peut être appliquée par notification écrite au dépositaire. Le retrait entre en vigueur un an après sa réception.

Figure 1: Carte des membres de l'OPF et de leurs zones économiques exclusives (ZEE)

Aperçu de la pêche au thon dans le Pacifique centre et ouest

La pêche au thon dans le Pacifique centre et ouest (PCO) est la plus importante et l'une des plus productives du monde, les prises annuelles de thon s'étant élevées à quelque 1,8 million de tonnes au cours de la période 1996-2000, soit une valeur monétaire d'environ 2 milliards de dollars EU. La majorité des prises est débarquée par les bateaux senneurs des quatre principales flottilles de pêche étrangères comprenant le Japon, Taïwan, la Corée et les Etats-Unis d'Amérique. Une flottille nationale et des bateaux senneurs basés localement ont aussi apporté une grosse contribution ces dernières années, entraînant une augmentation des prises qui sont passées de moins de 100 000 tonnes à plus de 200 000 tonnes par an. A mesure que s'accroît la flottille, on prévoit que les prises pourraient rivaliser avec celles des principales flottilles de pêche étrangères.

D'après les estimations préliminaires de la pêche au thon en 2002, les prises comprenaient environ 1 982 001 tonnes d'albacore (Thunnus albacares), de germon (Thunnus allalunga), de thon obèse (Thunnus obesus) et de bonite à ventre rayé (Katsuwonus pelamis)[23]. Il s'agit de la deuxième prise annuelle la plus élevée enregistrée depuis celle de 1998 qui s'élevait à 2 037 644 tonnes.

L'importance exceptionnelle pour les pays insulaires du Pacifique de l'océan en général, et des ressources en thon en particulier, est très claire. Le thon représente un tiers de toutes les exportations du PCO et fournit des emplois à environ 20-40 000 habitants des îles du Pacifique[24]. Pour de nombreux pays insulaires du Pacifique, la pêche au thon est la seule vraie source de revenu et la base du développement économique futur.

Les zones économiques exclusives de plus de 50 pour cent des membres de l'OPF se situent dans les eaux hautement productives de la zone équatoriale (10°N-10°S), où la moyenne des captures de thon par unité d'effort est relativement élevée[25]. Au cours de la dernière décennie, cette zone a représenté 90 pour cent environ de la totalité des prises de thon du PCO, dont 70 pour cent approximativement ont été pêchés dans les ZEE des membres de l'OPF et d'autres Etats côtiers.[26]

Les pays dotés de ces zones plus productives (en termes de thon) ont formé le Groupe PAN (Parties à l'accord de Nauru)[27], un sous-groupe de l'OPF. Cette dotation en ressources assure au groupe PAN une influence considérable dans les négociations concernant l'accès et la gestion des ressources en thon. L'accès aux ZEE des pays du PAN est essentiel pour que les opérations des flottilles des pays pêchant en haute mer soient viables, notamment la pêche à la senne coulissante. De ce fait, la majorité des accords d'accès avec les pays pratiquant la pêche hauturière dans la région de l'OPF sont conclus avec des pays du PAN (voir note de bas de page[28]).

Les pays situés plus au sud et à l'est du PCO (Iles Cook, Fidji, Nioué, Samoa, Tonga et Vanuatu) tendent à avoir des pêcheries moins productives et de vastes zones de haute mer adjacentes au sud. C'est pourquoi ils ont moins d'influence auprès des flottilles de pêche hauturière exploitant leurs eaux et les zones de haute mer environnantes.[29]

La région a connu un niveau croissant d'activités de pêche au cours des trois dernières décennies, et a lancé des initiatives de gestion apparentées. Jusqu'à tout récemment, la gestion de la pêche au thon dans le PCO s'est centrée sur les initiatives des membres de l'OPF dans leurs ZEE, qui ont été mises en œuvre aux niveaux national, sous-régional et régional. Bien que l'OPF soit un chef de file mondial reconnu aux plans de l'unité et de la coopération régionale en matière de politiques halieutiques, ses membres se sont depuis longtemps aperçus de la nécessité d'intensifier la coopération avec les pays pratiquant la pêche hauturière et les autres Etats et territoires côtiers, en vue d'établir des accords visant la gestion efficace des ressources en thon dans leurs eaux.

L'expérience de l'OPF en matière d'accords d'accès

Grâce à la Convention sur le droit de la mer mise en vigueur au milieu des années 1970, les membres de l'OPF ont été autorisés à exiger des droits d'accès aux pays étrangers exploitant leurs ZEE. A cette époque lointaine, les membres de l'OPF recevaient au moins 4 pour cent de la valeur de la prise. Ce revenu s'est depuis lors accru, s'élevant à 5-6 pour cent au cours de la décennie écoulée, et les membres de l'OPF continuent à s'efforcer d'augmenter la part des avantages monétaires découlant de leurs ressources en thon.

A l'heure actuelle, cinq grands pays[30] pratiquent la pêche hauturière dans la région de l'OPF et ils ont signé une série d'accords d'accès aux pêcheries de thon avec la plupart des membres de l'OPF. D'une manière générale, le droit d'accès des bateaux de pêche étrangers aux ZEE des membres de l'OPF a été conféré par le biais d'arrangements bilatéraux entre les gouvernements des membres de l'OPF et ceux des pays pêchant en haute mer[31] ou des associations de pêcheurs, ou encore des entreprises individuelles de ces pays.

Il n'existe qu'un seul arrangement multilatéral, à savoir entre le gouvernement des Etats-Unis et les gouvernements de certains pays insulaires du Pacifique[32], et il est largement connu sous le nom de Traité des Etats-Unis. L'arrangement a été conclu en juin 1988 pour la durée de cinq ans et prévoit des droits de 18 millions de dollars EU par an pour 50 bateaux. A la fin des cinq ans, l'arrangement a été prolongé pour encore cinq ans. Un prolongement ultérieur de 10 ans est entré en vigueur en juin 2003 imposant le versement de 21 millions de dollars EU de droits par an pour 40 bateaux, à la suite de négociations qui ont duré deux ans. Les tentatives d'établir des arrangements similaires avec le Japon, la Corée, Taiwan dans les années 1990, et avec l'Union européenne récemment, se sont soldées par un échec.

La flottille japonaise a été la première flottille de pêche hauturière à signer un accord d'accès bilatéral dans la région de l'OPF. En outre, le Japon est le seul pays pratiquant ce type de pêche qui ait signé un accord principal avec un membre de l'OPF, alors qu'un accord subsidiaire a été conclu avec les Associations japonaises des pêches. La majorité des accords subsidiaires sont renouvelés à la fin de chaque période, à la suite de consultations annuelles entre les deux parties. Pendant les consultations, l'état des stocks de poisson, l'établissement de rapports et les droits d'accès sont les principaux thèmes abordés.

A l'exception des accords japonais, la majorité des accords d'accès dans la région de l'OPF s'établissent entre les entreprises de pêche commerciale étrangères et les armateurs, d'une part, et le gouvernement membre de l'OPC, de l'autre. Ces accords sont généralement reconnus comme accords d'accès bilatéraux entre les gouvernements membres de l'OPC et l'industrie de la pêche étrangère. D'une manière générale, ils sont à court terme, une année étant la durée normale de tout accord. A la fin de la période convenue, les partenaires bilatéraux négocient à nouveau les termes et conditions. Comme pour les consultations bilatérales japonaises, les principaux thèmes faisant l'objet des débats pendant ces sessions de renouvellement de l'accord comprennent la performance de la flottille pendant l'année, l'état des rapports sur les prises et les conditions, et les droits d'accès pour la période suivante.

Avant la négociation des accords d'accès, les pays membres individuels de l'OPF demandent normalement au Secrétariat de leur fournir des notes d'information. En cas de besoin, ils peuvent demander aussi l'aide du Secrétariat du Programme de pêche océanique de la Communauté du Pacifique concernant l'état des stocks de thon et d'autres informations scientifiques pertinentes. Ces notes indiquent les activités de la flottille de pêche (y compris les questions relatives au contrôle et à la surveillance), et la situation du marché, et fournissent une analyse des droits d'accès potentiels.

Un certain nombre de facteurs sont évalués dans le cadre du processus de prise de décisions avant la négociation des accords d'accès à la région:

Données sur les prises et l'effort de pêche antérieurs: Elles sont fournies normalement par les opérateurs de bateaux et sont ajustées, le cas échéant, pour tenir compte de l'absence de rapports ou de rapports incorrects. Des données sont aussi fournies par le Programme de pêche océanique du Secrétariat de la Communauté du Pacifique.[33]

Prix du marché des espèces ciblées (espèces de thon): Les données sur les prix sont tirées de sources indépendantes, comme INFOFISH et/ou d'autres sources publiées. Elles servent à analyser la situation du marché et sont utilisées pour le calcul de droits d'accès potentiels.

Taux de rentabilité minimum de la valeur totale des prises débarquées: C'est le montant cible que les membres de l'OPC rechercheront en pourcentage de la valeur des prises débarquées à partir de laquelle se calcule le droit d'accès. Le taux de rentabilité minimum est normalement fixé par une politique du gouvernement.

Termes et conditions minimum d'accès: Ils énoncent les besoins de surveillance et de contrôle, ainsi que d'établissement de rapports, qui font partie des accords. Les membres de l'OPF sont convenus d'une norme minimale pour ces besoins qui sont inclus dans tous les accords.

Législation et réglementation nationales relatives à la pêche: Tous les accords sont régis par la législation sur la pêche en vigueur dans chaque pays octroyant des licences. Ces accords doivent aussi tenir compte de tous les traités régionaux auxquels ce pays adhère en matière d'octroi de licences aux bateaux de pêche étrangers et, partant, ces traités doivent aussi figurer dans l'accord.

Respect des normes convenues: Une évaluation du respect des normes convenues par une flottille de pêche donnée est fournie. Elle comprend l'échange d'informations pertinentes à cet égard avec les autres membres de l'OPC. C'est ainsi que le pays A demandera au pays B des informations sur l'opération d'une flottille de pêche donnée pour déterminer si elle respecte les termes et conditions pour l'octroi des licences établis par le pays B.

Une question importante et souvent complexe, qui est examinée pendant la négociation d'un accord d'accès, est la valeur du droit d'accès. Dans la plupart des cas, la conclusion de l'accord dépend entièrement de cette valeur. Dans la région de l'OPC, les droits d'accès sont largement déterminés sur la base des données sur les prises de l'année précédente fournies par le pays pratiquant la pêche hauturière, le prix marchand du thon et le pourcentage du taux de rentabilité établi. La formule utilisée pour le calcul du droit d'accès type est la suivante:

Accès = prix moyen du thon × moyenne des prises par bateau × taux de rentabilité minimum

Pour de nombreux membres de l'OPF, les droits d'accès dégagés de l'octroi de licences aux bateaux pratiquant la pêche hauturière pour le privilège d'exploiter le thon dans la région représentent d'importantes contributions financières au revenu du gouvernement, notamment dans les petits pays dotés de faibles ressources naturelles. Aux Iles Marshall, par exemple, les droits d'accès s'élèvent à environ 25 pour cent du revenu du gouvernement, alors qu'en Kiribati et dans les Etats fédérés de Micronésie, le revenu représente 45 pour cent et près de 25 pour cent respectivement. Ce revenu permet au gouvernement de financer des projets de développement. A ce jour, il est estimé que les droits d'accès obtenus par les pays membres de l'OPC pour les activités des bateaux étrangers se sont élevés à environ 60 millions de dollars EU par an (voir note de bas de page 4). Outre les droits d'accès, certains accords prévoient une taxe de formation payable par le partenaire pratiquant la pêche hauturière, des droits pour les observateurs et une assurance pour les bateaux.

Malgré une longue histoire d'octroi de licences aux bateaux de pêche au thon étrangers, lors des négociations sur l'accès avec les pays pêchant en haute mer l'équilibre du pouvoir n'a guère favorisé jusqu'ici les membres de l'OPC. Les pays reconnaissent depuis un certain temps la disparité entre les droits qu'ils négociaient et la valeur déclarée de la pêche, mais de nombreuses contraintes ont entravé les efforts qu'ils ont déployés pour redresser la situation. Ces contraintes empêchent les membres de l'OPF, notamment les membres insulaires, de tirer plus d'avantages de leurs accords d'accès; telles sont les faiblesses institutionnelles, le pouvoir économique et politique des pays pêchant en haute mer, la concurrence pour l'accès entre pays insulaires du Pacifique, et les lacunes dans les données et la surveillance.

Pour calculer et négocier les droits d'accès, on a utilisé une série d'approches visant normalement le recouvrement d'environ 5-6 pour cent de la valeur de la prise, approches souvent associées à l'aide sous diverses formes. La capacité réduite des membres de l'OPF, en particulier les pays insulaires, de vérifier les prises déclarées par des mécanismes de surveillance, ou par l'analyse comparative des prises débarquées avec les fiches de bord, fait que le calcul actuel des droits est complexe et difficile à surveiller. Cependant, les membres de l'OPF ont pris plusieurs mesures pour renforcer leur position vis-à-vis des bateaux de pêche étrangers, la plus marquante étant peut-être les Termes et conditions minimaux harmonisés pour l'accès.

Les membres de l'OPF ont su, dans une large mesure, maintenir la cohésion et l'unité régionales dans les arrangements prévoyant des avantages collectifs clairement définis comme le Traité des Etats Unis et un certain nombre d'accords de gestion sous-régionale de la pêche. Néanmoins, les négociations et accords bilatéraux dénotent une certaine opacité, notamment en ce qui concerne les droits d'accès. Pour éviter que les pays pratiquant la pêche hauturière négocient avec les membres de l'OPF des droits d'accès inéquitables, il est impératif de promouvoir la transparence dans l'octroi des licences dans la région. Tout en encourageant la bonne gouvernance, la transparence servira aussi à réduire ou éliminer la tentation de recourir à la corruption lors des négociations.

Droits d'accès et accords avec les membres de l'OPF

Les droits d'accès aux eaux des membres de l'OPF sont normalement payés en un seul versement au début de la période de validité de la licence. La seule exception est l'accord avec le Japon, qui se fonde sur les expéditions de pêche, et le droit d'accès est équivalent à 5 pour cent de la prise. Les droits dépendent du volume de la prise pour une flottille donnée pêchant dans la ZEE d'un membre de l'OPF, du prix du thon de la période antérieure et du taux de rentabilité. Ce taux est normalement de 5 pour cent bien que certains membres de l'OPF aient pu obtenir 6 pour cent.

Normalement, pour les bateaux senneurs soumis à des accords bilatéraux, les droits d'accès payés aux membres de l'OPF par les exploitants pêchant en haute mer, notamment les pays du PAN, varient entre 10 000 et 100 000 dollars EU par an. Des droits inférieurs sont versés par les pays où les prises sont relativement faibles et des taux élevés traduisent l'abondance du thon et les bons taux de capture. Des frais additionnels sont payés directement aux membres de l'OPF lorsque les bateaux effectuent des transbordements dans des ports désignés[34]. Ces frais comprennent les dépenses au port, les droits à verser pour les observateurs et les autres coûts liés aux activités de transbordement.

Ces dernières années, des changements sont survenus: un droit minimum a été imposé pour l'accès, et un droit additionnel a été exigé à la fin de la période de licence sur la base du pourcentage convenu de la valeur de la prise. Cette mesure a été également été appliquée aux flottilles entrant pour la première fois dans une ZEE donnée où il était impossible de déterminer à partir des captures précédentes le droit à payer. Pour rendre cette mesure efficace, il importe de surveiller plus étroitement les bateaux de pêche, afin de réduire au minimum les risques de rapports absents ou incorrects.

Pour les palangriers, les droits varient entre 5 000 et 20 000 dollars EU par bateau et par an, en fonction de la pêche en jeu. Autrement dit, ceux qui visent le marché des produits congelés paient des droits inférieurs à ceux dont l'objectif est le marché du frais (normalement le marché sashimi japonais).

Les bateaux basés dans les pays membres de l'OPF paient en général des droits de licence (accès) inférieurs aux bateaux pratiquant la pêche hauturière, bien qu'ils pourraient être soumis à des taxes sur l'exportation et d'autres frais apparentés comme les dépenses pendant les escales, les impôts sur le revenu et les patentes. Les taxes sur l'exportation sont généralement de 5 pour cent. Pour certains pays, le carburant est fourni à un prix exempt de droits de douane, bien que cette mesure ne s'applique qu'aux bateaux qui ont les caractéristiques des bateaux nationaux.

Les membres de l'OPF continuent a rechercher d'autres moyens d'extraire des rentes de leurs ressources en thon. Ils se sont concentrés sur les flottilles des pays pêchant en haute mer, mais l'augmentation des flottilles locales a incité les membres à se tourner aussi vers ces dernières. Un autre projet qui vise à accroître les revenus dégagés de la pêche au thon dans la région de l'OPF sera bientôt mis au point, et il est prévu qu'il démarrera en décembre 2003. Ce projet prévoit une révision des accords d'octroi de licences en vigueur et des solutions de rechange comme l'enchère, les quotas, les droits sur la gestion et d'autres seront approfondies. Les résultats de ce projet devraient être disponibles mi-2004 et approuvés pour exécution fin 2004.

Il convient de noter que l'approche adoptée par les membres de l'OPF n'est pas directement liée à la rente halieutique. En effet, le calcul est d'autant plus complexe que la majorité des bateaux obtenant des licences pratiquent la pêche hauturière. Cependant, un projet régional intitulé «Maximiser les avantages économiques pour les nations insulaires du Pacifique par la gestion des stocks de thon migrateurs» est en cours, et la rente halieutique sera calculée. Ce projet prévoit la mise en place d'un modèle bioéconomique pour le thon relatif à l'océan Pacifique centre et ouest pour aider les membres de l'OPF à augmenter de manière durable la rente tirée des ressources en thon. Le modèle tient compte des informations biologiques et économiques en présence de différents scénarios et détermine la rente halieutique potentielle. Le projet devrait s'achever en 2005.

Mécanismes appliqués par les membres de l'OPF pour mettre en œuvre et surveiller les accords d'accès

La négociation d'accords bilatéraux d'accès avec les pays pratiquant la pêche hauturière est facilitée par un certain nombre d'initiatives et d'accords régionaux actuellement en vigueur dans la région. Ils comprennent l'Arrangement de Palaos pour la gestion de la pêche à la senne coulissante dans le Pacifique ouest (Arrangement de Palaos) et les Termes et conditions minimaux harmonisés. Les difficultés majeures pour les négociations sont donc le niveau des droits et la durée de l'accord. Bien que les résultats des négociations diffèrent suivant les pays, la cohérence générale est maintenue grâce à la coordination entre les membres et le secrétariat de l'OPF.

Etant donné les faibles ressources disponibles pour surveiller les activités des pays pratiquant la pêche hauturière, et l'étendue de la région du PCO, les membres de l'OPF ont aussi établi des arrangements comme le Traité de Nioué sur la coopération dans la surveillance de la pêche et l'application des lois dans la région du Pacifique Sud, le Système de surveillance des bateaux des membres de l'OPF et le Programme régional de surveillance aérienne des forces de défense françaises, australiennes et néo-zélandaises pour contribuer au contrôle de leurs ZEE. Parce que les droits d'accès de la plupart des accords dépendent des informations sur les prises de chaque flottille, ces arrangements servent aussi à réduire au minimum les activités de pêche illégales, et les rapports incorrects ou absents sur les captures.

L'Arrangement de Palaos

L'Arrangement de Palaos a été adopté en 1992 et mis en vigueur en 1995 suite aux préoccupations concernant la situation des stocks d'albacore. Tous les membres de l'OPF peuvent adhérer à l'arrangement bien que le groupe PAN, où prédomine la pêche à la senne coulissante, soit le membre principal.

L'objectif de l'arrangement est de gérer la pêche à la senne coulissante en réduisant progressivement les flottilles opérant au titre d'arrangements bilatéraux et de privilégier les flottilles nationales ou celles basées localement. Autrement dit, la diminution du nombre de bateaux dans chaque flottille des pays pêchant en haute mer entraînerait une augmentation des droits d'accès versés aux membres de l'OPF. Simultanément, cette mesure encouragerait les bateaux étrangers, notamment les bateaux déplacés, à établir leur base localement dans des pays membres de l'OPF, accroissant par là les avantages économiques.

Ces dernières années, l'Arrangement de Palaos a subi des pressions dues à l'augmentation du nombre de bateaux cherchant à obtenir des licences des participants existants, et la participation de nouveaux entrants,[35] comme la Chine et la Commission européenne. De ce fait, l'arrangement est actuellement sous révision et les Parties à l'Arrangement[36] cherchent à instaurer un régime de jours d'ouverture de la pêche pour répartir l'effort. Lorsque ce régime sera appliqué, les Parties seront à même de décider comment répartir leur allocation entre les flottilles de pêche opérant dans leur zone. Le régime proposé déterminerait une hausse potentielle des droits d'accès et, peut-être, un arrangement plus efficace en résulterait, où l'effort de pêche serait conforme aux limites établies. Le régime proposé renforce le pouvoir de négociation des Parties à l'arrangement et, partant, aboutit à des droits d'accès accrus et plus équitables. Il devrait entrer en vigueur en 2004.

Termes et conditions minimaux harmonisés pour l'accès

Il est estimé que les Termes et conditions minimaux harmonisés représentent l'arrangement le plus important de la région. Mis au point, approuvés et observés par les membres de l'OPF, ils devraient être inclus dans leurs accords bilatéraux respectifs d'accès.

Les termes et conditions le plus souvent utilisés prévoient que le bateau de pêche étranger soit enregistré et «en règle» dans le registre régional des bateaux avant l'octroi d'une licence par un membre de l'OPF; en outre le système impose l'interdiction de transbordement en mer, des normes sur l'établissement de rapports, et une bonne cote dans le registre du système de surveillance des bateaux des pays membres de l'OPF. A sa 53e session annuelle début mai 2003, le Comité des pêches du Forum est convenu que tous les bateaux cherchant à obtenir des licences dans la région de l'OPF[37] doivent, avant l'octroi, être en règle à la fois dans le registre régional des bateaux et dans le registre du Système de surveillance de l'OPF.

La majorité des Termes et conditions minimaux ont été introduits dans la législation de la pêche des membres de l'OPF et font partie des conditions d'octroi de licences à des bateaux de pêche étrangers ayant conclu des arrangements bilatéraux. Leur inclusion dans la législation nationale de la pêche élimine la nécessité de les négocier au cours de la mise au point d'un accord d'accès entre les deux parties. Le Secrétariat de l'OPF a aidé les membres à mettre à jour leur législation afin d'assurer que les Termes et conditions minimaux y seraient reflétés.

Système de surveillance des bateaux de l'OPF

Le système de surveillance permet aux membres de l'OPF de repérer les bateaux opérant dans leurs ZEE respectives. Il comporte l'installation dans le bateau muni d'une licence d'un dispositif approuvé permettant son repérage par satellite. Les informations sur la position du bateau sont transmises à une station terrestre et puis à un site installé au siège de l'OPF. A partir de ce site, l'information est envoyée aux différents membres de l'OPF. Une fois l'information téléchargée, les membres de l'OPF sont à même de surveiller les activités du bateau dans leurs propres ZEE. Bien que ce dispositif ne puisse identifier toutes les activités illégales de pêche réalisées par des bateaux donnés, il permet aux membres de l'OPF de recourir à d'autres systèmes de surveillance, comme des patrouilleurs, pour surveiller les bateaux soupçonnés de pêche illégale.

Traité de Nioué

Le Traité de Nioué donne aux membres de l'OPF, dépourvus de moyens de surveillance ou de patrouilleurs, la possibilité d'utiliser ceux d'autres pays. C'est un arrangement collectif par le biais duquel les pays voisins signent un accord subsidiaire de partage de leurs moyens de surveillance pour contrôler leurs eaux réciproques.

Plans nationaux de gestion et de développement du thon

Ces dernières années, certains membres de l'OPF ont mis au point des plans nationaux de gestion et de développement de la pêche au thon où sont établies des directives et politiques concernant l'accès de bateaux de pêche étrangers et la participation de la population locale, ainsi que des procédures de contrôle et de surveillance pour garantir la durabilité de la pêche au thon. Les directives pour le développement de l'industrie nationale sont aussi esquissées, y compris la nécessité d'appuyer les aspirations au développement du membre respectif.

Le plan national de gestion et de développement de la pêche au thon est considéré comme un puissant outil pour les membres de l'OPF, car les règles et procédures y sont établies clairement et en mesure d'orienter le développement et la gestion de la pêche au thon. Du fait que toutes les parties prenantes nationales sont consultées pendant la formulation du plan, il représente tous les points de vue et les préoccupations du public et constitue, dès lors, un instrument holistique et complet qui devrait répondre à tous les besoins des intéressés.

L'un des principaux aspects mis en évidence dans le plan concerne le système d'octroi de licences aux flottilles de pêche étrangères et à la flottille nationale. Il a pour objectif de minimiser l'éventuelle interaction négative entre les deux flottilles dans la ZEE. Il donne la préférence à la flottille nationale, ce qui est conforme à la politique de «nationalisation» de l'industrie de la pêche. Une fois approuvé, le régime des licences sera reflété dans les règlements et/ou la législation de la pêche.

Convention sur le thon du Pacifique centre et ouest

L'adoption de la Convention sur le thon du Pacifique centre et ouest en septembre 2000 introduit un nouvel élément dans la pêche au thon avec la perspective de programmes renforcés pour la conservation du thon, y compris les limites réelles des allocations de pêche et de capture réparties entre les Parties à la Convention. Ces nouvelles mesures paraissent offrir de nouvelles occasions aux pays insulaires du Pacifique de tirer des avantages accrus de leurs ressources en thon car les limites augmenteront sans doute la valeur de l'accès.

La Convention a été négociée sur une période de six ans entre les principaux pays pratiquant la pêche hauturière et les Etats côtiers de la région. Il y avait environ 26 participants pendant la négociation où a été formulé le texte de la convention, les membres de l'OPF représentant plus de la moitié des participants. Cette convention prévoit l'établissement conjoint par les pays pêchant en haute mer et les Etats côtiers d'un régime de gestion de la pêche, afin d'assurer l'exploitation rationnelle de tous les stocks de thon du Pacifique centre et ouest.

En fonction de la force, de l'unité et de la continuité de la coopération des membres de l'OPF dans la négociation des termes et conditions, la Convention pourrait conférer des pouvoirs et agir comme menace pour les membres insulaires de l'OPF au plan de la gestion de la pêche[38]. Elle pourrait conférer des pouvoirs «en raison des nouvelles occasions qu'elle devrait créer pour les Etats insulaires du Pacifique de tirer des avantages accrus des ressources en thon» et en même temps être une menace «en raison des possibilités qu'elle pourrait déterminer pour certains grands Etats pêcheurs d'enlever aux Etats insulaires du Pacifique une part du contrôle qu'ils exercent actuellement sur les ressources en thon».[39] C'est pourquoi l'OPF devra garantir que tous les efforts seront déployés pour protéger et promouvoir les intérêts de ses membres au niveau de la Commission, et que les mécanismes mis en place n'enlèvent pas la force dont ils jouissent aujourd'hui mais, au contraire, créent une plate-forme montrant comment appliquer certaines mesures comme l'allocation et les limites de capture.

Il est prévu que la Convention entrera en vigueur pendant la deuxième moitié de 2004. Un certain nombre de conférences préparatoires ont été tenues, afin de permettre à la Commission du thon de la Convention sur le thon du Pacifique centre et ouest[40] d'opérer efficacement et en fonction des besoins de ses membres.

Conclusion

Au fil des ans, il y a eu une amélioration générale dans tous les domaines concernant les accords d'accès à la pêche entre les membres de l'OPF et les pays pratiquant la pêche hauturière. Les membres de l'OPF sont maintenant plus conscients et mieux informés quant aux questions relatives à leurs pêcheries que durant la période précédant la déclaration des zones économiques exclusives de 200 milles nautiques au titre de la Convention sur le droit de la mer.

Les accords d'accès consistent en mesures de gestion, comme les Termes et conditions minimaux harmonisés, qui visent à garantir la durabilité de la pêche au thon dans le Pacifique centre et ouest. En outre, ces mesures garantissent un flux de revenus durables aux membres de l'OPF.

Les avantages financiers découlant des accords d'accès représentent une contribution marquée à l'économie de la plupart des membres de l'OPF. Toutefois, dans l'ensemble, ils n'ont guère contribué au développement de l'industrie nationale.

Les relations entre les pays pratiquant la pêche hauturière et les membres de l'OPF se sont améliorées au cours de la décennie écoulée et il est prévu qu'elles s'amélioreront encore, notamment en ce qui concerne la gestion de la pêche au thon dans le Pacifique centre et ouest et à mesure que la Convention met en place de nouveaux mécanismes pour gérer les stocks de thon sur toute l'aire de leur répartition.

Toutes les parties ont intérêt à ce que cette ressource soit gérée efficacement. En ce qui concerne les membres de l'OPF, ils continueront à recevoir les droits d'accès et les autres avantages dérivés des accords. Cependant, pour maximiser leurs efforts visant à tirer des revenus plus équitables et élevés de leurs ressources en thon, et restreindre ceux des pays pêchant en haute mer cherchant à réduire leurs coûts, davantage de transparence est nécessaire entre les membres de l'Office quant aux accords d'accès. C'est là le principal défi qu'ils devront relever car les intérêts nationaux passent toujours avant les autres et ils devront résoudre le problème s'ils veulent sauvegarder la coopération et l'unité régionales.


[20] Economiste de projet, Organisme des pêches du Forum, Honiara, Iles Salomon
[21] Organe directeur de l'OPF.
[22] Australie, Iles Cook, Etats fédérés de Micronésie, Fidji, Kiribati, Iles Marshall, Nauru, Nouvelle-Zélande, Nioué, Palaos, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Samoa, Iles Salomon, Tokélaou, Tonga, Tuvalu et Vanuatu.
[23] Williams, P. (2003). Overview of the Western and Central Pacific Ocean Tuna Fisheries 2002, SCTB16, Mooloolaba, Queensland, Australie.
[24] Gillett, R.; McCoy, M.; Rodwell, L. et Tamate, J. (2001). Tuna: A Key Economic Resource in the Pacific, Pacific Studies Series, Banque asiatique de développement.
[25] Tamate, J.; Richards, A.; Cartwright, I. et Aqorau, T. (2000). Recent Developments in the Western and Central Pacific Region: A paper prepared for the InfoFish Tuna 2000 Bangkok Conference, FFA Report #00/16, FFA, Honiara, Iles Salomon.
[26] Statistiques fournies par le Secrétariat de la Communauté du Pacifique.
[27] Le Groupe PNA se compose de huit pays membres: Etats fédérés de Micronésie, Kiribati, Iles Marshall, Nauru, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Iles Salomon et Tuvalu.
[28] Gillett, R.; McCoy, M.; Rodwell, L. et Tamate, J. (2001). Tuna: A Key Economic Resource in the Pacific, Pacific Studies Series, Banque asiatique de développement.
[29] Op. cit.
[30] Japon, EU, Taïwan, Corée et Philippines. La Chine est aussi un important Etat pêcheur exploitant la région notamment à l'aide de ses palangriers, mais la majorité de ces bateaux sont basés localement dans les eaux des membres de l'OPF. La Chine est l'un des nouveaux exploitants se servant de la senne coulissante et possède quatre bateaux dans sa flottille.
[31] Japon et EU seulement.
[32] Membres de l'OPF.
[33] Une organisation régionale siégeant à Nouméa.
[34] Le transbordement en mer est interdit et les bateaux sont obligés de transborder dans des ports désignés. Cette interdiction a été mise en vigueur en juin 1993 et est reflétée dans les Termes et conditions minimaux harmonisés.
[35] L'Arrangement actuel ne prévoit pas de nouveaux entrants. Des pressions ont donc été exercées pour que les Parties étudient le moyen de permettre l'entrée de nouveaux bateaux dans la pêcherie.
[36] Etats fédérés de Micronésie, Iles Marshall, Nauru, Palaos et Papouasie-Nouvelle-Guinée.
[37] Organe directeur de l'Office des pêches du Forum.
[38] Clark, L. (2000). The Convention and National Fisheries Management: A paper prepared for the workshop on the implementation of the Convention of the Conservation and Management of Highly Migratory Fish Stocks in the Western and Central Pacific Ocean, Office des pêches du Forum.
[39] Op. cit.
[40] Océan Pacifique centre et ouest

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