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CHAPITRE 13 - Infestation du poisson par des crustacés: argules et copépodes

113

13.1

Infestation par des argules

 
ILLUSTRATIONS:Planche 21 
ESPECES AFFECTEES:Les représentants de nombreuses espèces de poissons, plus fréquemment les poissons à peau nue tels que les Clariidés et les carpes d'élevage, les Bagridés et Protopterus spp. A un moindre degré, les poissons écailleux comprenant les Cichlidés et Barbus spp. 
SIGNES APPARENTS:On trouve des argules de 3 à 8 mm de long, ronds, aplatis, transparents, blancs, verts ou bruns, attachés mollement à la peau, aux nageoires, aux parties molles des opercules ou de la bouche. Les points d'attache abandonnés apparaissent souvent sous la forme d'une dépression en forme de cratère, bordée de rouge, avec une lisière marginale de tissu soulevé. Les points d'attache peuvent être sanguinolents, voire ulcéreux. 
CAUSE:Crustacés parasites Branchiura Crustacea des genres Argulus, Dolops et Chonopeltis 
DIAGNOSE:On procède par examen stéréomicroscopiques de spécimens récoltés sur le poisson, vivants ou fixés, soit dans de l'alcool à 70 %, soit dans du formol à 4%, colorés au bleu-coton et clarifiés dans de l'acide lactique. Les Argules sont aplatis, couverts dorsalement par une carapace ronde ou en fer à cheval. Les appendices céphaliques positionnés ventralement sont conçus pour la fixation, tandis que chacun des segments thoraciques a une paire de pattes nageuses bifide. L'abdomen postérieur se compose d'un seul segment bilobé qui contient les testicules ou un réceptacle séminal arrondi. On différencie comme suit les membres des trois genres: 
 (a)Argulus: Les secondes maxilles sont modifiées en deux ventouses pédonculées en forme de coupe; la carapace, ordinairement grande, arrondie et plus large que la moitié de la longueur du corps; chez quelques espèces, elle est réduite en taille et en largeur (A. Brachypeltis). L'antenne première est développée en un organe de fixation subsidiaire. L'appareil alimentaire comprend une bouche tubulaire semblable à un proboscis, accompagné de glandes spéciales. Argulus est capable d'une nage active s'il quitte son hôte; 
 (b)Dolops: Une seule espèces en Afrique: D. ranarum. Diffère d'Argulus par la seconde maxille qui est armée de crochets alors que les ventouses en formè de coupe sont absentes; la carapace est grande et arrondie. Dolops est capable d'une nage active quand il quitte son hôte; 
 (c)Chonopeltis: Appendices céphaliques faibles et rudimentaires; la bouche tubulaire est absente mais les ventouses en forme de coupe de la seconde maxille sont distinctement développées. La carapace, réduite en taille et en largeur, est trilobée. Chonopeltis n'est pas capable de nager quand il abandonne son hôte. 
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL:Distincts des autres crustacés et trématodes monogènes parasites de la peau et de la muqueuse buccale. 
HISTORIQUE BIOLOGIE ET EPIZOOTOLOGIE:Les Argulidés, ou “poux du poisson”, sont parasites dès leur éclosion mais quittent l'hôte lors des mues et de la reproduction et changent d'hôte durant leur vie. Les mâles comme les femelles sont auto-suffisants à partir de l'âge de quinze jours. Seuls les membres du genre Chonopeltis demeurent constamment attachés à leur hôte, sauf pour la ponte. Les femelles quittent leur hôte et déposent les oeufs en masse sur des substrats aquatiques.114
Le nombre d'oeufs peut varier chez les différentes espèces: 100 à 400 chez A. japonicus; 421 (en quatre pontes de 201, 110, 67, 43 oeufs, respectivement) chez A. africanus; 131 chez Dolops ranarum et 20 à 300 chez quelques Argulidés américains. Chez Chonopeltis inermis, 136 oeufs ont été pondus en nombreuses pontes de deux oeufs chacune. Le développement de l'oeuf jusqu'à l'éclosion est dépendant de la température et il varie aussi d'espèce à espèce. Les données disponibles sur les espèces africaines sont les suivantes: A. africanus, 34 à 36 jours à 25°C, D. ranarum, 27 à 35 jours à 25°C et Chonopeltis inermis 22 à 25 jours à 25°C. Les oeufs de A. japonicus se développent en 12 jours à 30°C, 60 jours à 15°C et, suivant d'autres études, 10 à 12 jours à 25–27°C. Les oeufs ne semblent pas éclore simultanément chez D. ranarum, les oeufs éclosent en sept jours, ceux de la périphérie étant plus précoces que ceux du centre. Le même phénomène existe apparemment chez les autres espèces. Chez quelques-unes la lumière stimule l'éclosion. 
Les Argulidés nouveaux-nés ressemblent à des nauplius modifiés (chez A. japonicus) ou, plus communément, aux adultes (chez A. africanus et D. ranarum). Chez Chonopeltis, les stades larvaires diffèrent des adultes, leur structure étant unique parmi les crustacés; elle est l'intermédiaire entre le type nauplius et “l'adulte juvénile” se manifestant chez Argulus et Dolops. La préférence quant à l'hôte des stades larvaires de Chonopeltis est différente de celle des adultes. On n'observe pas de telles différences chez les autres Argulidés. 
A. japonicus atteint sa maturité à l'âge de 21 jours à 25–27°C; on a signalé 30 à 35 jours jusqu'à la maturité chez quelques espèces américaines (aux mêmes températures). Il n'y a pas de données disponibles pour les espèces africaines. 
La préférence du site sur l'hôte n'est pas très limitée. Quelques espèces (A. africanus, A. cunningtoni, D. ranarum) montrent une préférence pour les poissons à peau nue. S'ils infestent des poissons à écailles (cichlidés), ils choisissent leurs points d'attache sur les muqueuses buccale et operculaire. On a trouvé sur la peau des zones plus fortement infestées que d'autres. Chez Bagrus docmac, D. ranarum s'agglomèrent ordinairement autour de la zone operculaire ventrale. Seules quelques espèces d'Argulus sont spécifiques quant au site, alors que toutes les espèces de Chonopeltis sont strictement spécifiques vis-à-vis du site, chaque espèce ayant ses propres préférences. 
 Parmi les Argulidés africains, seules les espèces du genre Chonopeltis ont une étroite spécificité quant à l'hôte, chacune se bornant à une espèces de poisson. Les espèces d'Argulus et D. ranarum montrent une grande tolérance en ce qui concerne l'hôte et apparaissent sur des poissons de diverses familles; toutefois, quelques préférences existent même parmi les espèces les plus tolérantes. Sur les hôtes à peau nue (Protopterus, Clarias et Bagrus), D. ranarum sont plus nombreux qú'A. africanus, tandis que l'on trouve la situation inverse sur les cichlidés-hôtes. Toutefois, la distribution locale sur les hôtes semble aussi être influencée par l'environnement physique. D. ranarum tolère mieux les environnements les plus eutrophes avec des taux plus bas d'oxygène dissous que A. africanus. Il possède de l'hémoglobine, absente chez Argulus sp. et survivra dans de l'eau ayant moins de 50% de saturation en oxygène. A. japonicus est apparemment aussi tolérant aux environnements hypoxiques.115
A. africanus et D. ranarum non seulement montrent la distribution géographique la plus large, mais sont aussi les espèces d'argulidés africains les plus dominantes; elles infestent souvent le poisson en grand nombre. Dans le lac Victoria, 55 % des Tilapia esculenta, 29,5 % des T. variabilis et 41 % des Bagrus docmac ont été infestés par A. africanus avec des niveaux de plus de 34 parasites par poisson. Il y a eu 78 % de dominance de D. ranarum chez B. docmac, avec un niveau de plus de 30 parasites par poisson, tandis que chez T. esculenta il était de 17 % et chez T. variabilis de 18,3 % avec un nombre maximum de parasites récoltés de 26 sur B. docmac et 5 sur Tilapia spp. On a vu de fortes infestations avec A. cunningtoni, A. rhipidiophorus et D. ranarum sur Bagrus docmac, B. bayad et Lates albertianus dans le lac Albert. Dans ce lac, A. africanus est absent, étant écologiquement remplacé par les espèces mentionnées ci-dessus. Parmi les Argulidés, ces espèces ont le plus haut potentiel de parasitisme pathogène chez les poissons africains d'élevage. D'autres espèces peuvent être tout aussi bien prolifiques et pathogènes; un spécimen mort d'Auchenoglanis occidentalis a été trouvé dans le lac Tanganyika complètement recouvert par A. striatus et A. incisus. Une forte infestation de Labeo sp. par Argulus a été signalée également dans les barrages d'irrigation d'Afrique du Sud. 
PATHOLOGIE:Quelques espèces d'Argulus sont sérieusement pathogènes, causant des morbidités et des mortalités dans les élevages de carpes communes, de carpes chinoises et d'anguilles en Asie et en Europe. L'évolution pathologique est variable suivant les espèces de parasites et les espèces de poissons-hôtes. Elle peut être en relation avec le mode de prédation; quelques espèces se nourrissent de mucus et de cellules épithéliales (A. africanus), d'autres de sang (D. ranarum). Les changements pathologiques deviennent évidents avec les fortes infestations. De sérieux foyers de lésions peuvent cependant être occasionnés par un seul ou quelques individus de certaines espèces d'argulidés. Le point d'attache du parasite est marqué par une dépression circulaire rouge et par une lisière marginale d'épithélium soulevé, tandis que la zone périphérique devient hémorragique et enflammée. Le point d'attache peut devenir éventuellement une lésion ulcéreuse avec perte partielle ou complète de l'épithélium, voire du derme. Ces plaies ouvertes peuvent ensuite être contaminées par des bactéries et des champignons opportunistes (Saprolegnia). De telles lésions peuvent être focales (chez les poissons à écailles) ou généralisées (chez les poissons à peau nue) suivant les préférences des espèces de parasites concernées. 
L'évolution histopathologique due aux infestations par A. japonicus sur la carpe comprend une prolifération extrême de l'épithélium et des glandes muqueuses lors du premier stade de l'infestation et, éventuellement, une dégénérescence et une désintégration de l'épithélium au cours du dernier stade. Les changements inflammatoires, les hémorragies et l'infiltration de lymphocytes apparaissent dans le derme et l'hypoderme. 
Des changements similaires sont observés sur la peau de Bagrus docmac infesté par Dolops ranarum et A. africanus. Des changements inflammatoires chez ce poisson ont été accompagnés par une infiltration importante de granulocytes éosinophiles dans la couche épithéliale aussi bien que dans le derme. Dans l'épithélium, le nombre de cellules muqueuses diminua plutôt qu'il s'accrût. Cela se traduisit par des oedèmes intercellulaires (spongiose) et des foyers d'acantholyse (perte de cohésion entre des cellules adjacentes) dans l'épithélium ainsi que par une dégénérescence en taches avec une caryolyse marquée. La membrane et les feuillets de collagène intradermiques deviennent désorganisés. De grandes poches d'épithélium apparaissent dans le derme, apparemment dues à la prédation du parasite qui perce le tissu avec son tube buccal, poussant les segments épithéliaux à l'intérieur du derme. Les inflammations peuvent apparemment être causées par l'effet irritant et cytolytique de la glande du proboscis.120
TRAITEMENT ET CONTROLE:Les insecticides, les organochlorés, les organophosphorés, se montrent efficaces dans la lutte contre Argulus. Le lindane (Gammexane 666) a été employé dans la lutte contre A. japonicus sur les carpes en Israël. Il a été appliqué à des poissons confinés dans de grands réservoirs de transport à la dose de 0,014 ppm (AI) pendant 5 heures ou dans les étangs à raison de 0,02 ppm (AI). Ces concentrations sont bien tolérées par la carpe, avec un indice de sécurité de 20 (à 25–27°C, pH: 8+). 
Des applications répétées conduisent toutefois à un accroissement bien connu chez les insectes, de leur résistance au lindane (avec une résistance commune à l'endrine). Après six traitements répétés en étangs, le niveau de tolérance d'A. japonicus passe de 0,02 ppm pendant sept heures à 0,17 pendant le même temps; quelques Argulus ont survécu jusqu'à 0,26 ppm (AI). 
Le lindane, comme les autres organochlorés, est en outre un insecticide rémanent et par conséquent un polluant persistant dans l'environnement. Il n'est pas facilement biodégradable et s'accumule dans les poissons traités ainsi que dans l'habitat et dans ses différents composants biotiques. Ceci étant, le lindane a été avantageusement remplacé par des organophosphorés moins rémanents, biodégradables et facilement hydrolisés dans l'eau. Les produits chimiques couramment utilisés sont le Malathion, le Dipterex (Dylox), le Néguvon et les produits du commerce comme le Masoten et le DDVP. Il sont appliqués à la dose de 0,25 ppm (AI) en étangs avec un indice de sécurité de 12 ppm pour la carpe et Tilapia spp. et à une dose de 1 ppm en traitement court (3 à 6 h) en réservoirs. Le Bromex (Dibrom, Naled) peut aussi être employé à la dose de 0,12 ppm (AI) en traitements d'étangs avec un indice de sécurité de 32 pour la carpe et Tilapia spp. 
DISTRIBUTION GEOGRAPHIQUE CONNUE:Toutes les espèces d'Argulidés signalées jusqu'alors (29) à l'exception d'A. japonicus, sont endémiques en Afrique.A. japonicus a été signalé en Egypte et a été apparemment introduite avec la carpe. Cette espèce est un parasite commun de la carpe en élevage en Eurasie et en Amérique du Nord en eau froide, ainsi que des poissons d'étangs en eau chaude. 
Parmi les espèces africaines endémiques, seules A. africanus et D. ranarum sont largement distribuées dans tous les grands systèmes aquatiques d'Afrique, se manifestant dans la plupart des lacs d'Afrique orientale. A. rhipidiophorus est une autre espèce commune dans ces lacs. Toutes les autres ont une aire de distribution plus réduite, confinée à une seule collection d'eau ou à un lac. Le plus grand nombre a été signalé dans le bassin du Congo (21) et dans le lac Tanganyika (10). Peu d'espèces d'argulidés (2) ont été signalées jusqu'alors en Afrique de l'Ouest. On en a rarement trouvé dans le lac Volta et sur la côte du Ghana surveillées sur le plan parasitologique. 
REFERENCES:22, 33, 39, 55, 56, 59, 61, 67, 69, 79, 102, 138, 197, 221, 249, 272. 

PLANCHE 21A

PLANCHE 21A: ARGULES

  1. Dolops ranarum (9 mm de long)
  2. Chonopeltis brevis (8,5 mm de long), d'après Fryer
PLANCHE 21B

PLANCHE 21B: ARGULES

  1. Argulus monodi (5,9 mm de long)
  2. Argulus brachypeltis (9,9 mm de long), d'après Fryer

13.2

Infestations par Copépodes Ergasilidés

121
ILLUSTRATIONS:Planche 22 
ESPECES TOUCHEES:Espèces de poissons d'eau douce et saumâtre de nombreuses familles, mais plus fŕequentes chez les Cichlidés. 
SIGNES APPARENTS:Petits crustacés copépodes fermement fixés aux branchies, d'une taille généralement inférieure à 2 mm, blancs à bruns sombres. Certains portent deux sacs ovigères longs, blancs et distincts. Les filaments branchiaux peuvent ètre recouverts par des masses blanches de tissu hypertrophié. 
CAUSE:Crustacés parasites Copépoda, Cyclopoïda, des genres Ergasilus, Paraergasilus et Nipergasilus. 
DIAGNOSE:On doit entreprendre un examen stéréomicroscopique des branchies infestées et microscopique des parasites isolés vivants ou fixés dans du formol à 4%, colorés (au bleu-coton) et clarifiés dans de l'acide lactique. 
L'adulte femelle, le seul stade parasite des ergasilidés, est semblable à un cyclops (le corps est plus étroit postérieurement). La tête et le premier segment thoracique sont fusionnés en un cephalothorax qui est renflé dorsalement et possède un seul oeil médian vers l'extrémité antérieure. La tête a deux paires d'antennes segmentées dont la première est petite et garnie de soies tandis que la seconde est grande et en forme de crochet pour agripper les filaments branchiaux et constitue ainsi l'aspect diagnostique le plus significatif des ergasilidés. Dans le genre Ergasilus, l'antenne se termine par un simple crochet alors qu'elle en a trois chez Paraergasilus. Les quatre premiers des six segments thoraciques portent chacun une paire de pattes nageuses; les pattes du cinquième segment sont réduites et des sacs ovigères sont attachés au sixième. L'abdomen tri-segmenté se termine par la furca - une paire de lamelles anales portant de longues soies. 
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL:Les parasites attachés aux branchies doivent être différenciés des autres groupes de copépodes parasites ainsi que des trématodes monogènes. 
HISTORIQUE, BIOLOGIE ET EPIZOOTOLOGIE:Les oeufs sont produits dans deux sacs ovigères. Ils s'y développent jusqu'à l'éclosion. Chacun des sacs contient de 20 à 100 oeufs suivant l'espèce et la condition physiologique du parasite femelle. Après l'éclosion, de nouveaux sacs ovigères sont produits par la femelle en un ou deux jours. 
On n'a pas de données disponibles sur le biocycle des ergasilidés en Afrique; leur vie complète n'est connue qu'en ce qui concerne une espèce européenne (E. seiboldi). Une information additionnelle fragmentaire sur le stade parasite et sur les premiers stades larvaires est disponible pour quelques espèces nordaméricaines (E. confusus et E. labrachis). 
Le temps requis pour le développement des oeufs jusqu'à l'eclosion est dépendant de la température: 3 à 6 jours en température optimale. Les hautes températures de l'été subtropical (au-dessus de 30°C) associées à la déplétion de l'oxygène dissous (et en zone de lagunes avec l'accroissement de la salinité), peuvent être dommageables pour les oeufs aussi bien que pour les stades larvaires libres (signalés pour E. lizae et E. nanus). 
Les stades larvaires comprennent des nauplius libres, des métanauplius et plusieurs stades (5 signalés) de copépodites (cyclopides). Les métanauplius et les copépodites se nourrissent de nanoplancton. Les mâles adultes sont également libres et les femelles sont fécondées lors de leur phase libre avant leur fixation sur l'hôte.124
Les ergasilidés qui ont une vie larvaire prolongée et qui se nourrissent de plancton pendant les stades larvaires, sont plus dépendants que les autres crustacés parasites des conditions de milieu. Ils sont par conséquent plus restrictifs dans leur tolérance à l'habitat aquatique. Telles conditions piscicoles en étangs peuvent être défavorables à de nombreuses espèces d'ergasilidés, non seulement en raison de conditions physico-chimiques inadéquates, mais aussi en raison de l'absence de proies convenables. 
Jusqu'alors, une seule espèce d'Ergasilus a été signalée dans les étangs piscicoles en Afrique (Ergasilus sp. sur T. heudeloti au sud Ghana). On a signalé une forte infestation par E. lizae (plus de 150 parasites par poisson) et des mortalités conséquentes chez Mugil cephalus, Liza ramada et Tilapia spp. dans des étangs d'eau douce et saumâtre en Israël pendant les mois d'hiver. Ce parasite infeste également les anguilles (Anguilla anguilla) et la carpe. Une forte infestation par E. nanus (synonyme possible de E. lizae) a été signalée sur des Mugilidés dans les lacs saumâtres de l'intérieur, en Tunisie. Le pic de l'infestation s'établit au printemps, décline ensuite en été et en automne quand les températures et la salinité atteignent leurs valeurs maximales. 
Une forte infestation de plus de 1 000 parasites par poissons a été vue sur Clarias lazera piégés dans des mares stagnantes dans une rivière (un affluent de la Volta) pendant la saison sèche. Une forte infestation a également dominé sur Tilapia heudeloti dans les lagunes côtières du Ghana (avec E. Latus et Paraergasilus lagunaris) et sur Lates albertianus (avec E. kandti) dans le lac Albert (352 à 1 926 parasites par poisson). On a pensé qu'un fort parasitisme des branchies pouvait contribuer aux mortalités massives périodiques de L. albertianus observées dans le lac Albert. Il est intéressant de noter que E. kandti était absent sur L. albertianus introduit du lac Albert dans les lacs Victoria, Kyoga ainsi que dans le Nil victorien. 
PATHOLOGIE:On n'a jusqu'alors qu'une information limitée sur la pathologie de l'ergasilose sur les poissons africains. La surinfection par quelques espèces d'ergasilidés n'a pas été nécessairement accompagnée par des changements pathologiques marqués. E. megacheir (sur les cichlidés) cause une blessure marquée, par exemple, l'érosion de l'épithélium au point d'attache de ses antennes sur les branchies. 
L'infestation par E. kandti (sur L. albertianus), E. cunningtoni (sur des hôtes d'espèces variées) et E. lizae (sur Tilapia aurea) provoque une prolifération notable de l'épithélium des filaments branchiaux. La prolifération peut être si importante que les filaments peuvent devenir complètement enlisés et fondus dans l'amas de tissu épithélial en résultant. D'autres ergasilidés sur des poissons non africaíns (Sinergasilus major) causent des foyers nécrotiques (pourriture des branchies) sur les filaments infestés. Des mulets d'étangs hautement infestés par E. lizae ont maigri, se sont affaiblis et ont pu être récoltés à la main le long des berges; des mortalités ont causé plus de 50 % de pertes sur le poisson en élevage. Une perte de poids et un retard de croissance ont été signalés sur des poissons européens souffrant d'ergasilose (E. seiboldi). 
CONTROLE:On lutte efficacement contre les infestations de E. lizae en étangs par une application répétée deux fois par semaine de 0,125 à 0,150 ppm de Bromex pendant l'hiver, saison propice aux infestations. Une seule application en débarasse 92 % des poissons. Des organophosphorés en addition - Dipterex et Malathion - ont été testés en laboratoire et trouvés efficaces à des doses de 0,15 à 0,20 ppm sur des mulets exposés pendant six heures mais ils n'ont pas été essayés en étangs. Le traitement des mulets dans les étangs d'eau douce est problématique avec du Bromex, attendu que dans une eau de chlorinité inférieure à 400 ppm, la concentration létale pour le poisson approche celle qui est recommandée pour la lutte contre le parasite, par exemple, 0,3 ppm à 400 ppm de Cl et 0,1 ppm à 40 ppm de Cl. La tolérance de la carpe et du Tilapia spp. au Bromex ne change pas et a été maintenue au même niveau (indice de sécurité de 30) dans les eaux douces comme dans les eaux saumâtres. 
DISTRIBUTION GEOGRAPHIQUE CONNUE:Des 10 espèces signalées sur des poissons en Afrique, 9 sont endémiques et une, E. nanus, signalée sur des mulets dans les eaux saumâtres intérieures de la Tunisie, est une espèce marine atlantico-méditerranéenne: ce pourrait bien être une synonymie de E. lizae. Cette dernière est également une espèce marine à distribution apparemment cosmopolite; elle a été signalée en Israël sur des mulets, des cichlidés et d'autres poissons en étangs. Des 9 espèces endémiques en Afrique, 7 sont largement distribuées en Afrique tropicale dans plus d'un grand bassin fluvial. 
REFERENCES:29, 62, 67, 75, 81, 101, 115, 134, 200, 212, 220, 228, 235, 272, 304. 

13.3

Parasitisme par des Copépodes Lernéidés

 

13.3.1

Lernaea parasites et genres voisins

 
ILLUSTRATIONS:Planches 23, 24, 25. 
ESPECES TOUCHEES:Potentiellement toutes les espèces de poissons d'eau douce, plus fréquemment les Cichlidés et les Cyprinidés, y compris la carpe. 
SIGNES APPARENTS:Les parasites sont ancrés dans la peau ou dans la muqueuse buccale de l'hôte par une partie du corps extensible, en forme de tige, longue de 5 à 22 mm. Le point d'attache est ordinairement marqué par une lésion distincte, occasionnellement enflammée et hémorragique. Les stades larvaires sur les branchies sont des copépodes de forme ovale, blancs verdâtres. 
CAUSE:Crustacés parasites, Copépodes, Lernéidés des genres Lernaea, Lernaeogiraffa, Opistholernaea, Afrolernaea et Dysphorus. 
DIAGNOSE:La femelle mature, parasite, est composée d'une tête enfouie dans le tissu, armée de crochets symétriques ou de protubérances. Le “cou” est allongé et le tronc porte des pattes nageuses dégénérées; les sacs ovigères, contenant des oeufs nombreux, sont ordinairement attachés à l'extrémité postérieure. La partie antérieure extrémité armée de la femelle mature, est fermement enfouie dans le tissu de l'hôte. Les structures de détail de ces crochets sont importantes pour la détermination taxonomique. Pour cette raison, les femelles matures doivent être soigneusement disséquées et détachées du tissu de l'hôte. 
La forme des crochets de la femelle est le meilleur critère de différenciation générique aussi bien que spécifique. Toutefois, dans le genre Lernaea, particulièrement dans L. barnimiana et, à un moindre titre, dans L. cyprinacea, la forme des crochets peut être très variable et peut changer avec l'espèce de l'hôte aussi bien qu'avec la localisation du point d'attache (palais de la bouche, peau, flancs ou nageoires).126
Les stades larvaires parasites (les copépodites de 0,4 à 1 mm de long) sont ordinairement attachées aux branchies et rarement à la peau. Ils conservent l'organisation cyclopoïde, c'est-à-dire, une segmentation thoracique distincte et des pattes nageuses fonctionnelles. Les deux paires d'antennes portent des soies alors que les maxilles et les maxillipèdes portent des griffes et des crochets de fixation. On récupère facilement les copépodites sur les branchies fraîches en les immergeant dans du formol à 4 %: les copépodites détachées sont alors récupérées dans le sédiment. 
La différenciation générique des lernéidés africains est la suivante: 
(a)Lernaea: tête avec 2 ou 3 (rarement 4) cornes pointues ou renflées, le tronc peut s'épaissir graduellement jusqu'à son extrémité postérieure; 
(b)Lernaeogiraffa: cornes de la tête adoucies courtes et arrondies; “cou” allongé; partie postérieure du corps (tronc) brutalement épaissie et aplatie dorso-ventralement; 
(c)Opistholernaea: tête avec 4 cornes dont les deux postérieures dirigées symétriquement en arrière pour former un angle de 90°. Une excroissance latérale s'étend à partir de la région du cou; elle peut toutefois se situer à toute proximité de la tête pour devenir une partie fonctionnelle du système d'ancrage; 
(d)Afrolernaea: tête avec des protubérances dorsales antérieures, courtes; cou très long, tronc brutalement épaissi; 
(e)Dysphorus: tête avec des cornes dentelées, cou avec des appendices ramifiés. 
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL:Les femelles parasites sont très distinctes dans leur forme ainsi que lors des stades larvaires. Le stade cyclopoïde du mâle doit être différencié des autres cyclopoïdes en forme de copépodes ergasilidés (voir 13.2) ainsi que des larves et adultes Lamproglena (voir 13.3.2). 
HISTORIQUE ET BIOLOGIE:L. Barnimiana femelle, parasite de poissons du lac George, produit des sacs ovigères contenant 75 à 205 oeufs. Après deux jours à 21–25°C commence l'éclosion. Les nauplius éclos muent en un second stade nauplius dans les 19 héures et, à nouveau, en un troisième stade nauplius (métanauplius) dans les 42 heures après l'éclosion. 
Le stade de copépodite libre, stade parasite, apparaît 97 heures après l'éclosion; ce dernier survit jusqu'à quatre jours en l'absence de poisson-hôte. 
Quand des poissons sont exposés à l'infestation, les copépodites se fixent aux branchies et occasionnellement aussi aux parois de la cavité buccale et sur la peau. Les copépodites subissent quatre mues successives, leur taille s'accroissant d'une mue à l'autre de 0,33–0, 40 mm à 0,62–0,80 mm. Au cinquième stade, le dimorphisme sexuel des copépodites devient apparent, les femelles étant plus grandes que les mâles (0,82–0,95 et 0,70–0,85 mm). 
A ce stade, 13 à 16 jours après l'éclosion, les copépodites abandonnent leur situation sur l'hôte et, même, le quittent à la recherche d'un nouveau poisson-hôte de la même espèce ou d'une espèce différente, ou bien, ils se transportent eux-mêmes des branchies sur la peau du même hôte. Les copépodites attachés à la peau, aux nageoires ou à la cavité buccale, y subissent une nouvelle mue pour atteindre le dernier stade copépodite: le stade cyclopoïde. A ce stade, le dimorphisme sexuel et la différence de taille deviennent encore plus distincts (0,92–1,20 et 0,85–1,0 mm).127
La fertilisation se manifeste au cinquième stade copépodite ou au stade cyclopoïde. Le développement larvaire s'achève avec le stade cyclopoïde (15 à 18 jours après l'éclosion). Les mâles disparaissent graduellement et les femelles continuent leur transformation en femelles adultes parasites. Leur segmentation devient graduellement indistinctes, les pattes dégénèrent et le corps s'allonge. Finalement l'organe de fixation se développe autour de la bouche. 
Les femelles juvéniles précoces font leur première apparition 19 jours après l'éclosion. Le premier sac ovigère de la femelle mature a été observé 23 jours après l'éclosion. Les sacs ovigères sont produits à trois jours d'intervalle. Les femelles survivent environ 20 jours après la date de l'infestation par le cinquième stade copépodite, c'est-à-dire, neuf jours après l'apparition du premier sac ovigère ou encore 32 jours après l'éclosion. Durant cette période, la femelle produit par conséquent environ trois paires de sacs ovigères, soit une progéniture de 800 à 1 200 oeufs durant son temps de vie. 
Le développement larvaire de L. barnimiana a été identique à celui de L. cyprinacea décrit au Japon, en Israël, en Pologne et aux Etats-Unis. Le développement de L. cyprinacea étudié dans les mêmes conditions de température (20–25°C) en Israël a été légèrement plus rapide que celui de L. barnimiana. L'éclosion (à 25°C) apparaît au bout de 36 heures; les premiers copépodites se manifestent 3 à 5 jours après l'éclosion; les femelles précoces, 13 à 17 jours et les premiers sacs ovigères, 18 à 22 jours après l'éclosion. Le nombre d'oeufs par sac a varié de 60 à 200. Les femelles ont survécu environ 7 à 10 jours après l'apparition des premiers sacs. 
Chez L. cyprinacea on a démontré que le développement larvaire (planche 23) et que la durée de vie de la femelle adulte, mais non la production d'oeufs, étaient dépendants de la température. A 12–16°C les oeufs se développent en neuf jours; le premier copépodite apparaît 14 jours et les femelles adultes précoces 60 jours après l'éclosion; la durée de vie des femelles va jusqu'à 2 à 3 mois. A 27–30°C les oeufs se développent en 3 à 6 jours, le premier copépodite apparaît en 2 à 3 jours, les femelles précoces 9 à 12 jours après l'éclosion mais la survie des femelles adultes est la même à 30°C qu'à 20 et à 25°C. 
Bien que les femelles adultes de quelques espèces de Lernaea (telles que L. cyrpinacea, L. barnimiana et à un moindre titre L. hardingi) montrent un faible degré de spécificité envers l'hôte la plupart des espèces de Lernaea ainsi que des autres Lernéidés semblent se limiter à une famille ou, dans certains cas, à un genre d'hôtes-poissons, par exemple, L. bagri sur Bagrus, L. haplocephala sur Polytperus, L. tilapiae sur Tilapia et L. inflata sur Engraulicypris; Opistholernaea laterobranchialis sur Tilapia, O. longa sur Lates et Afrolernaea sp. sur les Mormyridés. En outre, le choix de L. palati se borne à deux des 16 espèces d'Haplochromis dans le lac Malawi. 
Les espèces de Lernéidés ayant un choix d'hôtes étroit semblent également plus sélectifs dans leur choix des sites de prédation: L. palati et L. tilapiae s'installent seulement dans la bouche; L. lophiara est presque exclusivement un parasite des nageoires; L. bagri et Opistholernaea laterobranchialis se fixent dans les téguments buccaux et branchiaux. Des espèces d'Afrolernaea se fixent aux arcs branchiaux. Chez les lernéidés ayant un large éventail d'hôtes, les femelles adultes se fixent presque n'importe ou sur le corps; toutefois, parmi ces espèces, le choix de l'hôte et la sélection du site de prédation peuvent différer avec l'habitat. L. cyprinacea, qui apparaissent en Eurasie sur un large éventail d'hôtes de diverses familles de poissons et même sur des têtards de grenouilles, ne sont connues en Afrique que sur Tilapia spp. du lac Victoria où ils sont attachés exclusivement à la bouche. L. barnimiana, espèce largement distribuée en Afrique, se manifeste dans le lac Edouard également sur Barbus altianalis  et sur les Cichlidés, dans le lac George surtout sur les Cichlidés et, dans le lac Victoria et dans le Nil victorien surtout sur B. altianalis. Dans le Nil victorien, l'environnement physique, par exemple un fort courant, restreint la colonisation du parasite au tégument buccal. Dans le lac Albert, Lates albertianus est fréquemment infesté alors que l'infestation des Cichlidés est sporadique. Lernaea barnimiana est absent de L. albertianus introduit dans le lac Kyoga et dans le Nil victorien.128
L. hardingi est largement distribué sur les Cichlidés dans les eaux africaines; dans les lacs Bangweulu et Mweru il apparaît surtout sur Chrysichthys mabusi (rarement sur Synodontis nigromaculatus) avec une zone de prédation réduite à l'anus. 
Le choix de l'hôte des copépodites larvaires peut différer de celui de la femelle adulte. Ce phénomène a été très bien démontré avec L. cyprinacea dans le lac Victoria et L. barnimiana dans les lacs George et Albert. Bagrus docmac dans les lacs Victoria et George et B. bayad dans le lac Albert sont les hôtes préférés de ces copépodites. Chez B. docmac, la dominance de l'infestation approche 100 % avec un nombre moyen de copépodites par poisson de 90 et de 500 dans les lacs Victoria et George respectivement, alors que sur trois B. bayad examinés, provenant du lac Albert, l'infestation se situait entre 74 et 143 copépodes par poisson. Mais les copépodites ne peuvent être trouvés que sporadiquement sur les Cichlidés, les Cyprinidés ou Lates albertianus qui hébergent les femelles matures. Ces observations laissent suggérer que Bagrus sp. pourrait servir d'hôte intermédiaire à ces deux espèces de Lernaea. 
L'indentité des copépodites sur Bagrus docmac du lac Victoria comme L. cyprinacea et sur B. docmac du lac George comme L. barnimiana, a été confirmée au cours d'infestations expérimentales en laboratoire. Au travers de ces expérimentations on a également démontré que les stades larvaires se développaient aisément sur T. zillii et Haplochromis spp. Il a été suggéré, pour cette raison, que les préférences des copépodes pour les hôtes sont en relation avec les facteurs de l'environnement et avec la convenance de l'hôte plutôt qu'avec une spécificité très développée. Cela étant, Bagrus spp. ne sont pas les hôtes obligatories des larves de Lernaea; ils peuvent être remplacés par d'autres espèces dans des circonstances environnementales différentes. Les données du terrain et les expé-riences en laboratorie montrent que chez quelques espèces de lernéidés telles que L. inflata, un hôte intermédiaire pour le stade copépodite est obligatoire. 
EPIZOOTOLOGIE:L'incidence de l'infestation des lernéidés adultes sur quelques populations de poissons dans leurs habitats naturels en Afrique, a été signalée comme étant de 93,8 % sur Mormyrus longirostris parasité par Afrolernaea longicollis, 56 % sur Bagrus meridionalis parasité par L. bagri dans le lac Malawi, 50 % sur Lates albertianus parasité par L. barnimiana dans le lac Albert, 28 % sur T. nilotica parasité par la même espèce dans le lac George et 12 % chez T. variabilis parasité par L. cyprinacea dans le lac Victoria. 
Une forte infestation par L. barnimiana (plus de 106 femelles par poisson) a dominé dans une population de Barbus altianalis près des chutes Owen dans le Nil victorien. Les infestations par des lernéidés ont été réparties ailleurs dans la population piscicole suivant un schéma très dispersé. Ce schéma a même prévalu dans des populations denses de carpes communes infestées par L. cyprinacea dans des étangs pisicoles israéliennes L'intensité du parasitisme a été occasionnellement très élevée chez quelques individus (plus de 66 L. cyprinacea dans la cavité buccale de T. variabilis et plus de 55 L. bagri chez B. meridionalis) mais, dans l'ensemble, le niveau moyen de l'infestation dans les populations de poissons a été inférieure à trois et plus souvent à un lernéidé femelle par poisson. Ces infestations relativement basses sont en contraste avec les infestations extrêmement élevées par les copépodites sur Bagrus spp. mentionnées ci-avant.129
Les infestations par L. hardingi ont été dominantes sur les T. nilotica, T. galilaea, T. zillii et T. heudeloti petits et grands, vivant dans des barrages réservoirs et dans des étangs piscicoles du Ghana. Le niveau d'incidence s'est situé de 0,5 à 28 % dans les différents sites et sur les différentes espèces de poissons mais le nombre moyen des parasites a été inférieur à un individu par poisson. Toutefois, au cours d'un dernier examen, on a observé une très forte infestation sur T. nilotica, T. galilaea et T. zillii dans quelques barrages réservoirs du sudest du Ghana. Une forte infestation par Lernaea sp. a été signalée sur Barbus aeneus dans des barrages réservoirs sudafricains. 
Les lernéoses ont une importance économique significative en pisciculture. Des mortalités massives se sont produites dans des étangs piscicoles en Asie, en Europe et en Amérique du Nord. On a signalé dans cette dernière région des mortalités de poissons résultant d'infestations massives par Lernaea dans les rivières et dans les lacs. Les espèces de Lernéidés prédominent dans les espèces de poissons africains d'élevage ou susceptibles d'être élevés; sur Tilapia spp.: L. barnimiana, L. cyprinacea, L. hardingi, L. tilapiae et O. Laterobranchialis; sur Lates spp.: L. barnimiana et O. longa; sur Bagrus spp.: L. bagri, et des copépodites de L. barnimiana et L. cyprinacea; sur Heterotis niloticus: Lernaeogiraffa heterotidicola et Dysphorus torquatus. 
En outre, au Proche Orient, L. cyprinacea, une espèce extrêmement tolérante à l'égard de l'hôte, infeste facilement les cichlidés en élevage ainsi que les autres espèces élevées telles que les carpes communes et chinoises. Elle infeste aussi Gambusia affinis. Pour cette raison, elle peut vraisemblablement s'établir en Afrique si des poissons sont introduits de cette région. 
PATHOLOGIE:Les lernéoses peuvent être très dommageables pour le poisson. Le point d'attache de la femelle adulte dans le tégument de l'hôte (peau, muqueuses buccale ou branchiale, ouïes) montre une réaction inflammatoire typique, hyperémique et enflée. Une capsule fibreuse se forme éventuellement autour de la tête et du cou enfouis dans le tissu. Par ailleurs, la périphérie du point d'attache peut s'ulcérer en foyer nécrotique, s'infecter avec des pertes d'écailles. Lors des infestations dans des populations ayant une faible spécificité prédatrice, le dommage sur l'hôte ne devient évident qu'en cas de surinfection (L. hardingi sur Tilapia spp.; L. cyprinacea sur des poissons d'élevage en Israël). Chez des lernéidés plus sélectifs dans leurs préférences quant à l'emplacement de la prédation, seul un petit nombre de femelles parasites peuvent s'agglomérer sur une zone restreinte et causer un dommage sévère à leur hôte. Ces agglomérations ont été observées sur le palais de la bouche (L. barnimiana sur Bagrus altianalis du Nil victorien et L. bagri sur B. meridionalis); dans la cavité buccale et sur les lèvres (L. cyprinacea, L. tilapiae sur les Cichlidés); sur les ouïes (Afrolernaea longicollis sur les Mormyridés) ou sur les nageoires (L. lophiara sur les Cichlidés). La totalité de la zone parasitée s'ulcère et subit une nécrose. La lésion qui en résulte peut être infectée secondairement par des bactéries, des champignons ou des protozoaires épizoïques. Ce triste état a été observé sur beaucoup de B. altianalis infestés du Nil victorien ainsi que sur des B. meridionalis du lac Malawi.134
On a pensé que l'infestation buccale des Cichlidés pratiquant l'incubation buccale pouvait interférer dans l'incubation. Chez T. macrochir, O. laterobranchialis se fixent au palais ou à la cavité branchiale mais les ancres atteignent éventuellement l'orbite de l'oeil et s'encapsulent en un cocon fibreux dur et épais. 
Chez le poisson juvénile (plus communément chez les Cichlidés) et chez les petites espèces (Engraulicypris), l'infestation par un seul parasite femelle peut causer un dommage sévère, éventuellement la mort. Chez de tels sujets on peut voir les parasites perforer la paroi abdominale, avec leur ancre enfouie dans le foie, les intestins et même pénétrant dans le cerveau. 
De fortes infestations par des copépodites de L. cyprinacea sur les branchies ont entraîné la mort de Gambusia affinis, de carpes juvéniles et de Tilapia spp. Les spécimens matures de Bagrus docmac ont toutefois semblé tolérer des infestations atteignant 1 000 copépodites par poisson. 
CONTROLE:De tous les agents chimiques en usage courant pour la lutte contre les ectoparasites du poisson, seul le permanganate de potassium (KMn04) a effectivement tué les adultes femelles de Lernaea cyprinacea à des concentrations supportables par les poissons (carpe) mais les parasites femelles juvéniles, enfouis dans le tissu, n'ont pas été affectés. 
Des concentrations effectivement appliquées de 20 à 25 ppm pendant 2 à 3 heures à des poissons stockés dans des bassins, ou de 8 ppm en étangs, sont limités pour la sauvegarde du poisson (indice de sécurité de 1,7 à 2,0) et l'application doit être faite avec d'extrêmes précautions pour éviter des mortalités. La solution doit être versée graduellement dans les bassins de stockage et l'eau de ces bassins doit être intensément aérée même avant l'application. Dans les bassins de stockage, le rapport poids des carpes/poids d'eau ne doit pas être inférieur à ½ afin qu'une production massive de mucus ne puisse neutraliser l'effet toxique du produit sur le poisson. Ce taux de charge n'est toutefois pas utilisable avec toutes les espèces de poissons. A l'issue du traitement, le transfert du poisson dans de l'eau propre a causé des mortalités; pour cette raison, les agents chimiques doivent être renouvelés par dilution graduelle. Les poissons pesant moins de 25 g ne supportent pas le traitement. 
Une autre méthode de lutte contre Lernaea (L. cyprinacea) consiste à éliminer les copépodites par des insecticides organo-phosphorés; Dipterex (dylox) ou Masoten (Neguvon), à la concentration de 0,5 ppm pendant 6 heures, tuent les copépodites; Bromex (Naled) à 0,12–0,20 ppm pendant 6 heures, tuent les copépodites ainsi que les nauplius, mais les adultes femelles ne sont pas touchées. Des applications répétées de Dipterex et de Bromex à 0,25 et 0,12 ppm respectivement, dans les étangs piscicoles, à des intervalles correspondant aux générations successives des copépodites réduisent la colonisation: la population de Lernaea est graduellement éliminée. Pour la carpe et Tilapia spp. l'indice de sécurité pour le Dipterex et Masoten à 0,25 ppm est de 12. Pour le Bromex à 0,12 ppm, il est de 32. Pour les autres espèces de poissons, il peut être un peu plus bas. 
Comme le développement des copépodites est dépendant de la température de l'eau, la fréquence de l'application doit être ajustée à cette température et les intervalles entre chaque application seront égaux à la durée de développement du copépodite du stade 1 au stade 6. Chez L. cyprinacea, ces intervalles sont de 12 jours à 20°C, 9 jours à 25°C, 7 jours à 30°C et 5 jours à 35°C.135
DISTRIBUTION GEOGRAPHIQUE CONNUE:Toutes les espèces de Lernaea se manifestent en Afrique (à l'exception de L. cyprinacea) et les genres Opistholernaea, Afrolernaea, Lernaeogiraffa et Dysphorus sont endémiques en Afrique. L. cyprinacea est connu dans tous les continents bien que la population du lac Victoria puisse être une race distincte. Parmi ces lernéidés, les espèces L. barnimiana, L. hardingi, L. haplocephala et O. longa, sont largement distribuées, apparaissant dans de nombreux systèmes aquatiques et lacs. D'autres espèces ont plutôt une distribution limitée à un ou deux bassins fluviaux ou lacs adjacents. 
REFERENCES:39, 55, 56, 60, 67, 69, 80, 99, 104, 134, 136, 200, 215, 228, 249, 271, 272, 302. 

PLANCHE 23

PLANCHE 23: DEVELOPPEMENT LARVAIRE DE LERNAEA CYPRINACEA (x 75)
1.Nauplius
2.Metanauplius
3. -6.Copépodite 1–4
7.Copépodite 5, mâle
8.Copépodite 5, femelle
9.Cyclopoïde, mâle
10.Cyclopoïde, femelle

PLANCHE 24: LERNAEA ET GENRES VOISINS - FEMELLES ADULTES PARASITES
1.Lernaea barnimiana (x 6), d'après Harding
2.Lernaea barnimiana, individu avec un ancrage ventral allongé, d'après Fryer
3.–4.Système d'ancrage de Lernaea cyprinacea sur la bouche de Tilapia spp. du lac Victoria, d'après Fryer
5.Lernaea hardingi (x 4,5), d'après Fryer
6.Opistholernaea laterobranchialis (x 4,5), d'après Fryer
7.Lernaea palati (x 8), d'après Fryer
8.Lernaea lophiara, ancre, d'après Harding
9.Lernaea barili, ancre, d'après Harding
10.Forte infestation de Lernaea cyprinacea sur une carpe commune d'élevage

PLANCHE 24

13.3.2

Lamproglena et Lamproglenoides parasites

 
ILLUSTRATIONS:Planche 25 
CAUSE ET ESPECES TOUCHEES:Les Lamproglénés sont des copépodes lernéidés spécialisés par leur fixation aux branchies. Jusqu'alors 11 espèces de Lamproglena et une espèce de Lamproglenoides ont été signalées sur des poissons en Afrique. 
Toutes les espèces sont très spécifiques envers l'hôte. Toutes sauf une sont associées à un hôte d'une seule famille de poissons comme, par exemple, L. monodi avec les Cichlidés, L. clariae avec les clariidés, L. hemprichii avec le Characidé du genre Hydrocynus, L. cleopatra avec Lates sp. et Lamproglenoides vermiformis avec Labeo sp. L. elongata apparaît sur les Citharinidés aussi bien que sur les Characidés. 
DIAGNOSE:Au contraire des autres lernéidés, les femelles parasites attachées  aux branchies conservent un habitus de copépode, reconnaissable avec une segmentation externe partiellement conservée. Les segments sont plus gros et allongés; les pattes thoraciques antérieures sont rudimentaires, les plus postérieures sont absentes. Les sacs ovigères sont allongés et les oeufs sont organisés en un cordon plutôt qu'en bloc comme chez Lernaea. Comme  chez tous les lernéidés, il existe un dimorphisme sexuel, les mâles conservant la forme cyclopoïde. 
Une clef des espèces africaines de Lamproglena a été préparée par Fryer (Ref. No 262). Les Lamproglena femelles se fixent ellesmêmes aux branchies de l'hôte par des épines situées sur les maxilles et les maxillipèdes. Les maxilles portent un seul denticule terminal. Les maxillipèdes ont ordinairement trois à cinq épines, rarement une seule. 
HISTORIQUE, BIOLOGIE ET EPIZOOTOLOGIE:Le biocycle n'a pas été complètement étudié, mais il est apparemment similaire à celui des autres lernéidés. On reconnaît au moins deux stades de copépodes sur les branchies des poissons. Le développement larvaire prend place sur le poisson-hôte où apparaît l'adulte femelle. Des données quantitatives des lacs Victoria Albert et Volta sont disponibles. Dans ces trois lacs on n'a trouvé de fortes infestations que sur les cichlidés du lac Victoria; ailleurs elles sont seulement sporadiques. Chez les cichlidés du genre Haplochromis (et aussi Hoplotilapia retrodens), la prévalence de l'infestation par L. monodi se range entre 50 et 95 % et le nombre moyen de parasites par poisson entre 2 et 9. Chez quelques poissons, on a signalé des infestations par 10 à 25 femelles. L. monodi apparaît sporadiquement sur Tilapia spp. dans quelques lacs. Un aspect commun des infestations par lamproglenoïdés (comprenant L. monodi) est leur type de distribution hautement contagieux, similaire à celui qui a été signalé avec les infestations par d'autres crustacés parasites.136
PATHOLOGIE:Chez quelques espèces, la fixation est facilitée par la prolifération du tissu branchial, qui enveloppe la région céphalique et est stimulée par l'irritation causée par le parasite. Cela semble invariablement le cas de L. clariae et de L. intercedens. Chez ce dernier, la prolifération enveloppe non seulement la tête mais aussi la partie antérieure du thorax, incluant les deux premières paires de pattes. Cette prolifération progressive du tissu branchial peut contrarier sérieusement la respiration, notamment si l'infestation est forte. 
L. monodi paraît causer peu de dommages bien qu'une prolifération du tissu branchial soit souvent apparente. L. monodi doit toutefois être considérée comme une espèce potentiellement pathogène envers les cichlidés si de fortes infestations se développent dans des élevages maintenus à fortes densités. Elle affectera leur alimentation et leur croissance. 
CONTROLE:Il n'y a pas de donnée disponible. Toutefois, les agents chimiques contrôlant les autres crustacés parasites (Bromex, Dipterex, Neguvon et composés similaires) peuvent se révéler efficaces contre les Lamproglénidés. 
DISTRIBUTION GEOGRAPHIQUE CONNUE:Le plus grand nombre des espèces a été trouvé dans le système du Nil, y compris le lac Victoria. Peu d'espèces ont été signalées dans les autres systèmes aquatiques tels que le Niger, le Congo, la Volta, et le Zambèze. Les espèces les plus largement répandues dans les eaux africaines sont L. monodi, L. hemprichii et L. clariae. 
REFERENCES:59, 61, 63, 67, 197, 200, 249, 271. 

13.4

Notes sur les autres Copépodes parasites signalés sur les poissons en Afrique.

 
 Trois espèces supplémentaires doivent être ajoutées à la liste des copépodes infestant les poissons en Afrique. Deux de ces espèces appartiennent à des familles marines de copépodes parasites; ce sont Sciaenophilus pharoensis (Caligidés) et Paeonodus lagunaris (Therodacasidés). La troisième, Achtheres micropteri (Lernaeopodidés) est une espèce d'eau douce nord-américaine, parasite des Centrarchidés et des Ictaluridés, introduits en Afrique (planche 26). 
Sciaenophilus pharoensis (primitivement décrite comme S. inopinus) a été signalée sur Lates niloticus et Labeo forskali dans le Nil en Egypte. Elle se fixe aux nageoires; la tête aplatie en forme de coupe est réduite alors que les segments thoraciques et particulièrement l'abdomen sont devenus plus gros et allongés. La même espèce a été signalée sur des poissons marins comprenant Sparus aurata, euryhalin. 137
Paeonodus lagunaris parasite la cavité buccale de Tilapia rendalli dans la lagune Sakumo, au Ghana. Le parasite femelle est un copépode allongé avec une petite tête portant des crochets à la place des antennes (antennules), un long cou et une extrémité postérieure elipsoïde et épaisse (la partie postérieure du thorax) portant des sacs ovigères. L'abdomen est rudimentaire. Les parasites sont profondément enfouis dans le tissu mou de l'intérieur de la bouche, plus ou moins encapsulés par le tissu conjonctif de l'hôte, avec seulement l'extrémité postérieure portant les sacs ovigères dépassant à l'extérieur. Des études écologiques montrent que la variation saisonnière de l'apparition du parasite sur T. rendalli est associée au régime de salinité dans cette lagune. On a observé un pic d'infection à 100 % et une moyenne de 5,3 parasites par poisson en août quand la salinité de l'eau est la plus basse (environ 20 ppt). L'infection décline ensuite graduellement quand la salinité s'accroît. Le niveau le plus bas de la dominance à 17 % et la moyenne d'un parasite par poisson apparaissent en décembre quand la salinité de l'eau atteint son maximum (46 ppt). 
Achtheres micropteri comme les autres copépodes lernéopodidés, sont attachés en permanence à leur hôte par des pattes spécialement modifiées. Chez Achtheres, le premier maxillipède est modifié à cet effet. La segmentation du corps et les pattes thoraciques disparairaissent à l'état mature du parasite. A. micropteri a été introduit d'Amérique du Nord en Afrique avec le black bass du genre Micropterus. Ce parasite est fixé aux branchiostèges et est considéré comme non pathogène. 
REFERENCES:67, 109, 110, 222. 

PLANCHE 25

PLANCHE 25: COPEPODES LERNEIDES - FEMELLES PARASITES ADULTES

  1. Afrolernaea longicollis (15 mm de long), d'après Fryer
  2. Afrolernaea longicollis, tête
  3. Lernaeogiraffa heterodicola (environ 18 mm)
  4. Dysphorus torquatus (environ 15 mm)
  5. Lamproglena monodi (longueur 3,4 mm), d'après Capart
  6. Lamproglena intercedens (longueur 5 mm), d'après Fryer
PLANCHE 26

PLANCHE 26: AUTRES COPEPODES PARASITES

  1. Sciaenophilus pharaonsis femelle (environ 12 mm de long), d'après Humes
  2. Paeonodus lagunaris femelle (4,6 à 6,8 mm de long), d'après van Banning
  3. Achtheres micropteri femelle (2 à 7 mm de long), d'après Hoffman

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