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CHAPITRE 19 - Pisciculture et santé publique

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 Les risques de santé associés à la pisciculture peuvent être classés, grosso modo, en deux groupes: (i) ceux qui résultent de la consommation des poissons et (ii) ceux qui résultent du milieu aquatique lui-même. 
 Les poissons et les mollusques sont capables de transmetttre à l'homme des infections microbiennes et parasitaires. Les subtances toxiques, métaux, insecticides ainsi que les bactéries entériques et les virus, peuvent s'accumuler dans les poissons des eaux polluées à des niveaux qui constituent un risque sanitaire pour les consommateurs. 
 Les problèmes suivants découlent de la nature périssable des poissons. Une manipulation, un conditionnement et un stockage inadéquats accroissent la dégradation à la fois microbienne et enzymatique et, par voie de conséquence, accroît le risque d'empoisonnement par la nourriture. Le milieu aquatique, en Afrique, constitue un milieu d'élection pour de nombreux vecteurs de maladies humaines: les moustiques, porteurs de malaria, filariose et infections virales; les simulies (planche 28), porteurs d'onchocercose qui rend aveugle; les taons, vecteurs de la loasis (ver des yeux) et les mollusques, vecteurs de schistosomiase (bilharziose). 

19.1

Problèmes de santé publique associés à la consommation du poisson

 
 On ne peut compiler une information détaillée que sur l'helminthiase humaine, causée par Heterophyes heterophyes. D'autres aspects de l'importance potentielle pour la santé publique peuvent être catalogués et mentionnés; les données existantes sont toutefois trop limitées (quand elles sont utilisables) pour une discussion intelligible. Des infections par un autre parasite, Paragonimus westermani, ont été signalées sur l'homme au Nigéria et au Zaïre. Les porteurs de ce trématode sont des écrevisses et des crabes. 
 Des bactéries entériques - espèces de Salmonella et de Shigella - ainsi que le virus de l'hépatite, s'accumulent dans le poisson vivant dans les eaux polluées par les déjections humaines, dans les régions populeuses où les standards d'hygiène sont bas, ou encore dans des étangs alimentés avec de l'eau de rivières contaminées. 
 Les symptômes abdominaux sont aussi causés par l'ingestion de poissons insuffisamment cuits, infectés par Vibrio parahemolyticus. Les insecticides organo-halogénés rémanents (DDT, Gamhexane et Endrine) sont largement utilisés en Afrique pour le contrôle de l'agriculture et celui des insectes vecteurs de maladies humaines. Pour la lutte contre les larves de Simulium, ces insecticides sont appliqués continuellement dans les bassins fluviaux. Ils s'accumulent facilement dans le poisson, absorbés directement ou par le biais de la chaîne alimentaire. 
 Les polluants industriels tels que les métaux n'ont que peu d'impact actuellement sur la santé en Afrique, mais peuvent devenir un problème avec l'accroissement de l'industrialisation. La pollution des eaux par l'arsenic est un problème local aux environs des mines d'or de l'ouest du Ghana. 
 La détérioration du poisson de consommation est particulièrement aiguë en Afrique, aggravée par le climat chaud et aussi, en de nombreuses régions, par le manque de conscience et de connaissance aussi bien que de facilités pour une manipulation, un entreposage et une distribution adéquats des produits piscicoles. 
 L'intoxication peut résulter également de l'accumulation d'enzymes de dégradation microbienne ou de l'autolyse en sous-produits (histamine, amines secondaires et lipides rances) ou de toxines produites par des bactéries (tels que l'intoxication par staphylocoques et le botulisme causé par Clostridium botulinum et le type plus bénin, non neuro-toxique, causé par Clostridium perfrigens).158
 Hétérophyase: une helminthiase humaine 
 Les Hétérophyidés constituent un problème de santé publique partout où les gens consomment du poisson cru, salé ou autrement, improprement préparé. Heterophyes heterophyes a été fréquemment signalé dans les infections humaines en Egypte. Dans un village particulier près du lac Manzala, plus de 90 % des enfants scolarisés et 22 % des adultes étaient infestés. Pareillement, une majorité de chiens et de chats à cet endroit hébergeaient H. heterophyes en plus d'autres hétérophyidés qui n'infestent pas l'homme. Dans la population égyptienne, les symptômes de l'infection par H. heterophyes comprennent des malaises abdominaux, des nausées, des maux de tête, vomissements, diarrhées et, dans de nombreux cas, de la dysenterie. En Extrême Orient, l'hétérophyase est une des plus sérieuses maladies; elle peut être fatale en raison des lésions dans le coeur, le foie, les poumons et le système nerveux central. 
 Pirenella conica, le mollusque-hôte d'H. heterophyes, croît vigoureusement dans les lagunes peu profondes dans un biotope extrême. La salinité de l'eau peut varier de 5 à 20 ppt ou de 40 à 100 ppt et la température de 5°C en hiver à 40°C en été. On trouve ce mollusque en grand nombre dans les lacs du delta du Nil et dans les biotopes lagunaires le long de la Méditerranée et des côtes africaines de la mer Rouge. Les lagunes méditerranéennes sont d'importantes nourriceries et des pacages pour les mulets et les autres poissons euryhalins. Dans les lagunes du delta du Nil, Tilapia nilotica et T. zillii sont également communs. 
 Dans les mulets de taille commerciale des lagunes d'Egypte et du Sinaï où presque tous les sujets sont infestés par des hétérophyidés (surtout H. heterophyes), la charge de métacercaires excède une moyenne de 1 000 par gramme de muscle. La prévalence de l'infection chez Tilapia est approximativement de 70 %. Dans ces habitats, la prévalence de l'infection dans les mollusques-hôtes est également très élevée: 50 à 98 %. Dans de telles circonstances, le risque d'infection des consommateurs de poissons est très grand particulièrement dans les communautés où le poisson constitue une part importante du menu, telles que les communautés de pêcheurs du delta du Nil. Là, la cuisson traditionnelle est sans effet sur les métacercaires enkystés dans la partie interne du poisson. Les métacercaires survivent également dans le poisson salé depuis moins de sept jours. Seule une cuisson prolongée, quand toutes les parties du poisson sont soumises à une température de plus de 70°C pendant plusieurs mínutes, détruira efficacement tous les métacercaires. Les métacercaires du poisson conservé sous glace survivent pendant 13 jours La surgélation pendant 48 heures à - 18°C tue tous les métacercaires. 
 Les infestations par hétérophyidés s'installent aisément dans les étangs d'eau de mer et d'eau saumâtre chargés de mulets et de Tilapia. Ces étangs, en Israël, sont abondamment peuplés de Pirenella conica dans les deux premiers jours suivant leur construction. Ces étangs peuvent être facilement contaminés en hétérophyidés par les chiens, les mammifères sauvages et les oiseaux aquatiques infestés. 
 On n'a jusqu'alors aucune expérience d'élimination de P. conica des étangs piscicoles. Les concentrations efficaces de molluscides utilisables pour les escargots d'eau douce sont inconnues pour les mollusques d'eau salée, si efficacité il y a. Le poisson malacophage Sparus aurata est une espèce qui promet beaucoup pour le contrôle efficace des mollusques. Ce poisson, d'une valeur commerciale élevée, peut supporter une large plage de salinités allant de 5 à plus de 60 ppt. C'est également un poisson très prometteur pour l'élevage dans de tels étangs.159

19.2

Moustiques vecteurs aquatiques de maladies humaines

 
 Les étangs piscicoles, leurs canaux d'alimentation et de vidange, ainsi que les réservoirs de barrage, constituent des sites potentiels d'élevage pour les moustiques des genres Anopheles, Culex, Aedes et Mansonia. Les membres du premier genre sont vecteurs de la malaria, tandis que ceux de tous les genres peuvent intervenir dans la transmission de maladies virales (Arborvirus et autres) ainsi que la filariose. 

19.2.1

Identification des oeufs, larves et pupes de moustiques (planche 28)

 
 L'identification facile des oeufs, larves et pupes peut être établie comme suit: 

 CulicinésAnophélinés
oeufs:pondus en groupes (Culex)
pondus un par un (Aedes)
pondus détachés, naviculés, avec des sacs d'air
Larve:a toujours un siphon bien développé par lequel s'ouvre le spiracle; repose ordinairement obliquement ou verticalement par rapport à la surface quand elle respire (Culex et Aedes)

Valves du siphon modifiées pour percer les tiges des plantes aquatiques (Mansonia)
Siphon absent: repose parallèlement à la surface quand elle respire ou se nourrit
Pupe:trompe respiratoire longue et tubulaire (Culex) courte et tronquée (Aedes)trompe respiratoire courte et large au bord

19.2.2

Ecologie des moustiques

 
 Les différentes espèces de moustiques varient dans leur choix d'habitats pour le développement larvaire. Anopheles gambiae, par exemple, préfère des mares ouvertes et ensoleillées comme frayère, mais A. funestus préfère plutôt des marécages emplis de végétation et des rives végétales. C'est pourquoi A. gambiae prédomine dans les étangs récemment construits, libres d'herbiers et de surplombs végétaux, ses frayères principales se trouvant dans des mares résiduelles, le long des rives et dans les emprieintes du bétail. Dans les vieux étangs, encombrés d'herbiers et de végétation riveraine, A. funestus devient prédominant.162
Dans les zones arides, les moustiques anophélinés évitent les eaux eu trophes très stagnantes; dans ces milieux les espèces de Culex sont abondantes. C. fatigans est tolérant aux eaux d'égout; Aedes caspicus et C. pusilus se reproduisent dans les eaux salées et hypersalées. Mansonia insère son siphon dans les parties submergées des plantes aquatiques dressées et, par conséquent, peut se reproduire dans des marais eutrophes et anaérobies, y compris dans les marais à papyrus. 
Les moustiques adultes diffèrent dans leurs préférences agressives; les uns préfèrent piquer les humains (antropophiles) et les autres les non humains (zoophiles). Ces derniers sont les moins significatifs comme vecteurs de maladies humaines, particulièrement en ce qui concerne la malaria. Quand une population de moustiques est plutôt faite d'espèces zoophiles, la transmission ne peut être maintenue que par des populations de moustiques beaucoup plus élevées. 
On a trouvé douze espèces d'anophélinés larvaires vivant dans des étangs et barrages piscicoles à Chilanga en Zambie. Parmi cellesci, A. gambiae, A. funestus et A. pharoensis, toutes vecteurs importants de la malaria. Les deux premières espèces sont également communes dans des étangs piscicoles à Nyanza au Kenya. Les larves d'anophélinés comprenant les importantes espèces vectrices mentionnées ci-avant ont aussi été signalées dans des étangs piscicoles du centre du Zaïre et dans l'ouest de l'Ouganda. Les larves de moustiques ont prédominé dans des étangs et réservoirs petits et peu profonds, encombrés de végétation sumbergée et d'herbes le long des berges (A. funestus, prédominantes) ou dans des étangs ayant des bordures peu profondes et boueuses, frangées de mares résiduelles ou d'empreintes de bétail (A. gambiae, prédominantes). 
La plupart des poissons, notamment les juvéniles, mangent volontiers les larves de moustiques. En outre, les étangs sont souvent chargés d'actifs poissons larvivores tels que Gambusia affinis et Lebistes reticulatus. Les étangs peuvent cependant offrir des emplacements de ponte abrités, hors d'atteinte des poissons. Les bons emplacements sont rares, par exemples dans les réservoirs et les étangs les plus grands et les plus profonds, avec des berges raides et nues, spécialement si elles sont garnies de graviers. Dans ces eaux, le vent provoque un ressac contre les berges, les érodant et supprimant la croissance de la végétation dressée et de la végétation submergée et les larves de moustiques sont exposées à une active prédation par les poissons. Les moustiques se reproduiront dans les canaux d'alimentation et de drainage, surtout s'ils sont encombrés de débris, de boue et de végétation. Des frayères favorables sont également constituées par les fossées de drainage et les mares, en bas des déversoirs de barrage. 

19.3

Mollusques, vecteurs aquatiques de la schistosomiase

 
 Les étangs piscicoles ainsi que leur réseau de canaux d'alimentation et de drainage et les réservoirs sont des habitats potentiels pour les mollusques dont certains peuvent être vecteurs de la schistosomiase. Par exemple, Bulinus sp. peut héberger Schistosoma haematobium et transmettre la schistosomiase vésiculaire, alors que Biomphalaria sp. peut porter Schistosoma mansoni et transmettre la schistosomiase intestinale. 

19.3.1

Identification des mollusques vecteurs (planche 29)

 
 (a)genre Bulinus: Opercule absent; coquille en forme ovée et spiralée. Les spires peuvent être hautes et distinctes ou basses et indistinctes. Les sutures sont généralement distinctes; l'apex est ordinairement émoussé. La coquille s'enroule senestrement, les tentacules sont effilés et filiformes. Différencié des Prosobranches (Bellamya, Pila, Lanites, Gabbia, Cleopatra, Bithinia et Melanoides) par la présence de l'opercule; de Physa avec une coquille à hautes spires et à apex pointu, des sutures in-distinctes; de Lymnaea avec un enroulement dextre de la coquille, des tentacules larges et triangulaires. 
 (b)genre Biomphalaria: coquille en forme discoïde avec des bords arrondis, en 4 à 6,5 volutes de 3 mm de haut ou plus. Les volutes s'accroissent en taille en allant vers l'ouverture qui est ronde ou presque ronde. L'opercule est absent. Peut atteindre 20 mm de diamètre. Différent de Anisus, Gyraulus, Lentorbis et Segmentorbis, tous ayant de petites coquilles de moins de 5 mm de diamètre et de moins de 2 mm de hauteur; coquille plate ou concave sur les deux faces ou en forme de lentille, convexe au-dessus et concave en dessous; de Planorbis Planorbis (espèce nord-africaine) qui a plus de 5 mm de diamètre mais a une coquille plate de moins de 2,5 mm de haut; de Helisoma (espèce introduite) grand mollusque aux bords hauts, arrondis ou angulaires, le nombre de volutes étant inférieur à quatre. La volute externe et l'ouverture sont exagérément plus grandes que les volutes supérieures. 

19.3.2

Ecologie des mollusques vecteurs de la schistosomiase

 
 Les différentes espèces de Bulinus et de Biomphalaria varient dans leur tolérance au milieu et leur préférence quant à l'habitat. Les uns préfèreront un milieu relativement stable de grands plans d'eau pérennes: rivages de lagunes ou de grands lacs. Les autres coloniseront des milieux très fluctuants: emprises dans de petites rivières, mares saisonnières, mares résiduelles dans des fleuves, rivières saisonnières et petits réservoirs. Certaines espèces telles que Bulinus (Physopsis) globosus (forêt tropicale et savane) et Bulinus truncatus truncatus (Afrique du Nord et Moyen Orient) peuvent coloniser des habitats extrêmement petits, tels que de petits trous d'eau, des fosses ou des fossés résultant d'un vide dans une canalisation d'eau ou d'une vanne endommagée. Néanmoins, les paramètres de l'environnement qui déterminent le succès de la colonisation des escargots dans un habitat aquatique ne sont compris que partiellement jusqu'alors, même en ce qui concerne les espèces les plus communes.  
Les mollusques montrent cependant une tolérance adaptive plutôt grande aux conditions prévalant dans leur habitat naturel. Bulinus senegalensis, qui prospère dans les mares des sols latéritiques acides, montre sa tolérance aux eaux contenant un peu de chaux. Bulinus truncatus truncatus du delta du Nil et des habitats aquatiques du Proche Orient et de l'Afrique du Nord arides, se montre plus tolérant aux plus hautes salinités (au-delà de 1 000 mg Cl/l) que les mollusques de l'Afrique tropicale. Les étangs piscicoles, leurs canaux d'alimentation et de drainage ainsi que les réservoirs sont ordinairement colonisés par des espèces d'escargots dominant dans leur habitat naturel voisin ou par des espèces qui étaient présentes dans la zone, dans leur habitat naturel, avant qu'il soit converti et transformé en fermes piscicoles. 
Au Ghana, les étangs piscicoles des savanes côtières ont été colonisés par B. (P.) globosus, un mollusque abondant dans les rivières et mares des zones de forêts et de savanes. Dans la région de la Volta, des étangs ont été colonisés par B. truncatus rohlfsi, un mollusque des eaux lagunaires en relation avec le fleuve Volta.166
Les mollusques sont absents des étangs et réservoirs nouvellement construits. La colonisation de ces habitats commence quand ils vieillissent et accumulent des matières organiques et quand se développent des végétations submergées et dressées. Comme pour les moustiques, les plans d'eau grands et profonds offrent des conditions moins favorables à la reproduction des mollusques. Le vent cause du ressac contre les berges et le mouvement de l'eau perturbe leur activité; il supprime également la croissance des végétaux dressés et immergés qui offrent refuge et substrat aux mollusques. Si on trouve des mollusques dans ces milieux, ils sont toujours en petit nombre et confinés dans des zones peu profondes, dans des amas de branches ou de pierres ou dans les quelques herbiers existants. 
Les mollusques évitent les étangs eutrophes où des accumulations de végétaux morts ou d'autres débris organiques produisent des fonds épais anaérobies. Ils évitent également des étangs ayant une eau très acide (pH au-dessous de 6,5), envahis par la végétation et particulièrement par les papyrus, ou des étangs utilisés pendant de nombreuses années en pisciculture intensive, avec des fonds saturés en matière organique (résidus d'aliments et excréments de poissons), anaérobies et saturés en sulfures. les étangs mésotrophes ou faiblement eutrophes, avec un couvert partiel de végétaux le long des berges et/ou partiellement garnis de végétation submergée constituent les milieux les plus adéquats pour la colonisation des mollusques.  
Lorsque les piscicultures sont bien suivies, on s'aperçoit toutefois que la population de mollusques peut se limiter à un ou à quelques-uns des étangs qui paraissent les plus favorables à leur colonisation. D'autres facteurs tels que la charge en poissons, le type de poissons, la fréquence des pêches au filet et d'autres pratiques de gestion comprenant la fertilisation, l'aspersion d'herbicides, l'utilisation d'agents chimiques pour la lutte contre les maladies des poissons, ont un impact sur la population des mollusques dans l'étang. 
En dehors des poissons malacophages dont il a été question, de nombreux poissons d'élevage peuvent exercer une action prédatrice. On trouve souvent des mollusques dans les contenus stomacaux des carpes et des poissons chats. Bagrus et Clarias en consomment volontiers. Les oeufs de mollusques fixés aux plantes et aux autres substrats font même davantage l'objet d'une prédation de la part d'herbivores et de détritivores commes les cichlidés. Le petit cichlidé Hemichromis bimaculatus, commun dans de nombreuses régions d'Afrique, s'installe fréquemment lui-même dans des étangs et dans des réservoirs et peuple aussi des canaux d'alimentation et de drainage. Ces poissons mangent volontiers des mollusques et sont recommandés pour leur action de contrôle biologique. Le crapaud, Xenopus laevis, commun dans certains étangs piscicoles est connu aussi comme prédateur de mollusques mais il est également redoutable comme prédateur d'alevins de poissons, notamment de carpes.  
Les canaux d'alimentation et de drainage constituent des sites favorables à la reproduction des mollusques en raison de leur courant constant et modéré qui prévient la stagnation et l'accumulation des sédiments. Les débordements et les assecs intermittents et fréquents de ces canaux sont dommageables aux populations de mollusques; seules des populations sporadiques peuvent se maintenir par ellesmêmes dans les canaux à courant rapide. Un autre site favorable à l'agglomération des mollusques sont les vannes d'étangs et en particulier les “moines”. 
Les rapports sur la reproduction des mollusques dans les piscicultures et les réservoirs à poissons sont limités. En plus des données du Ghana mentionnées ci-avant, B. (B.) globosus a également été trouvé dans des réservoirs du nord et du sud du Ghana; Biomphalaria et Physopsis ont été signalés dans des étangs piscicoles au Zaïre (province de Shaba), Biomphalaria camerunensis a été signalé dans des étangs piscicoles au Cameroun et B. sudanica (et peut-être aussi B. pfeifferi) dans les étangs et canaux de la ferme de Kajansi en Ouganda. Bulinus truncatus truncatus est fréquent dans les étangs piscicoles d'Israël, souvent en populations extrêmement denses. La présence de mollusques dans des étangs a également été signalée au Kenya et au Zimbabwe.167

19.4

Considérations épidémiologiques sur les maladies humaines d'origine aquatique

 
 Le risque d'explosions épidémiques de maladies transmises par des vecteurs aquatiques, consécutif à la construction de piscicultures est particulièrement significatif dans des régions où cette transmission est faible en raison des facteurs climatiques, biotiques ou démographiques. Dans des régions où la malaria, la schistosomiase ou la cécité sont hyper-endémiques, le risque d'infestation de la population est a priori extrêmement élevé en raison de l'abondance des sites de reproduction des vecteurs et la prévalence hautement conséquente de l'infestation sur la population humaine. Dans ces régions, la contribution d'habitats aquatiques supplémentaires résultant de la création des piscicultures est d'importance mineure. 

19.4.1

Epidémiologie de la malaria

 
 Dans les aires où la malaria est hyper-endémique ou holo-endémique, en Afrique tropicale et dans la vallée du Nil, la transmission de la maladie est continuelle au cours de l'année ou seulement interrompue pendant une période limitée de la saison sèche ou durant le pic de la saison des pluies correspondant aux inondations. En zone méditerranéenne elle est également interrompue pendant les mois d'hiver. Les sites de reproduction sont abondants. La transmission est le fait de vecteurs anthropophiles comme A. gambiae et A. funestus en Afrique tropicale et A. pharoensis dans la vallée du Nil. Dans ces conditions, le risque d'infestation est très élevé. Les niveaux d'infection approchent déjà 100 % sur les enfants au cours de leur première année de vie, qui accroissent leur immunité pour la suite de l'enfance et la vie adulte. En regard de la haute prévalence de l'infection sur la population humaine, la densité d'anophèles requise pour maintenir la transmission est très basse et ces moustiques sont en abondance n'importe où. L'infestation humaine est par conséquent à son niveau de saturation et la contribution des étangs piscicoles comme sites de reproduction sera insignifiante. 
Dans les aires méso- et hypo-endémiques où la malaria n'est que sporadique, une notable partie de la population échappe à la maladie au cours de l'enfance et demeure par conséquent plus sensible. Dans ces zones, ou bien la transmission n'est pas continuelle, étant interrompue par les saisons défavorables à la reproduction (saisons sèches prolongées et peŕiodes de basse température), ou bien le risque d'infection est bas en raison des facteurs biotiques et démographiques locaux. La rareté des sites favorables à la reproduction et la basse densité de population humaine (dans les régions arides ou montagneuses) maintiendront une densité basse de la population de moustiques et réduiront les chances de morsures. Un faible risque d'infestation existe également dans les régions où les populations d'anophèles sont dominées par les espèces zoophiles. Une transmission active ne peut être maintenue dans ces circonstances que si la population de moustiques est très importante. Dans ces région, les fluctutations de l'incidence de la malaria sont très marquées et peuvent prendre la forme d'épidémies saisonnières ou occasionnelles suivant un accroissement brutal de l'activité reproductrice des anophèles ou un accroissement de l'incidence des piqûres par les moustiques.168
Un changement de milieu, tel que la construction de piscicultures, peut accroître les opportunités et prolonger la saison de reproduction des mostiques. Dans les aires dominées par les espèces zoophiles, il peut même incliner la balance en faveur de moustiques antropophiles. Les étangs piscicoles sont fréquemment intégrés à un projet de développement agricole plus vaste. Ces projets entraînent souvent des changements démographiques, la concentration de travailleurs et d'habitats humains nouveaux sur les lieux du projet. L'accroissement de la population humaine accélèrera la fréquence des contacts entre le moustique et l'homme. Dans ces régions méso- et hypo-endémiques, l'impact des changements cidessus sur une population humaine, qui manque d'une immunité acquise envers la malaria, peut être très dramatique. Au cours des toutes premières années de l'opération, il peut entraîner des épidémies sévères avant qu'un nouvel équilibre immunologique ait pu être établi entre la population humaine locale et la maladie. A Kigezi, à l'ouest de l'Ouganda, la construction d'étangs piscicoles a été suivie par une période de malaria épidémique dans la population locale. 

19.4.2

Epidémiologie de la schistosomiase

 
 En ce qui concerne la schistosomiase, on doit considérer deux types de situations endémiques: (a) des zones de schistosomiase endémique en région forestière et de savane humide où l'infestation est distribuée en foyers; elle apparaît surtout chez les enfants et elle est rare où absente chez les adultes; (b) des zones de transmission “riveraines” ou “lagunaires” où la maladie est une maladie de l'enfance. C'est également une maladie professionnelle chez les pêcheurs (deltas du Niger et de la Volta) et fermiers (en Egypte et au Soudan). Le réseau de canaux d'irrigation devient le principal site de reproduction des mollusques et par conséquent la source majeure de transmission de la maladie. Dans cette dernière zone, comme dans celle de la malaria hyper-endémique, l'infestation est ordinairement à son point de saturation, avec une prédominance supérieure à 50 % dans une population de tous âges. Les risques complémentaires créés par la présence d'étangs piscicoles seront de moindre importance dans ces zones. 
Dans les régions endémiques de forêt et de savane, la transmission est limitée aux commautés installées autour des habitats convenant à la reproduction massive des mollusques vecteurs tels que les rivières, les mares de suintements, les petits barrages et même les mares pluviales saisonnières. Il en résulte que la distribution de l'infection sur une base régionale est très localisée. L'addition de nouveaux habitats favorables aux vecteurs produira alors de nouveaux foyers de transmission. En outre, la schistosomiase, plutôt que limitée aux enfants et aux jeunes gens, deviendra facilement une maladie professionnelle affectant les personnes employées dans les piscicultures. 

19.4.3

Epidémiologie des Arborviroses

169
 Les fièvres et les maladies causées par les Arborvirus se manifestent chez l'homme d'une façon épidémique ou sporadique. La majorité peut être classée comme zoonoses introduites dans les communautés humaines à partir de réservoirs tels que les oiseaux et mammifères sauvages grâce aux piqûres de moustiques. Le bétail et les chèvres sont également porteurs. 
Les vecteurs potentiels des arborvirus sont des moustiques des genres Aedes, Mansonia, Culex ainsi que Anopheles, mais la liste des espèces et des genres vecteurs peuvent varier pour chaque type particulier d'infection virale. 
L'accélération de la reproduction des moustiques due à la construction de piscicultures peut avoir un impact potentiel sur l'épidémiologie de l'arborvirose, similaire à l'impact des étangs piscicoles sur la transmission de la malaria dans une région hypoendémique et avec des conséquences identiques sur la population, sans protection immunologique. Ici, toutefois, le facteur chef dans l'épidémiologie de ces maladies virales est la présence de réservoirs d'infection virale dans la région. Les récentes études faites en Afrique du Sud sur le rôle des pique-boeufs (aigrettes) et des ibis sacrés comme réservoirs de virus (virus de Sinbis et du Nil occidental) sont d'un intérêt particulier dans ce contexte. Au Japon, les hérons et les aigrettes, leurs petits en particulier, sont les réservoirs de l'encéphalite japonaise. 

19.4.4

Epidémiologie de la filariose

 
 Les zones hyper-endémiques de l'onchocercose (cécité des rivières) sont ordinairement limitées aux communautés installées dans le voisinage des fleuves à courant vif ou des rapides. Pour cette raison, la construction de réservoirs, où les déversoirs vont servir à la reproduction des simulies, contribuera à étendre les foyers de transmission à des populations auparavant non exposées ou seulement exposées sporadiquement au risque de l'infection. 
Les filarioses, telles que celles causées par Wuchereria bancrofti et transmis par des moustiques de genres divers et les infections par Loa loa, transmises par des tabanidés du genre Chrysops, ne sont nulle part largement distribuées. Elles ne se manifestent pas d'une façon hyper-endémique. 
A l'évidence, la construction de piscicultures accroît les possibilités de reproduction des vecteurs de ces maladies et le risque d'infestation. Toutefois, il semble que d'autres paramètres, écologiques par exemple, interviennent et, pour cette raison, l'abondance du seul vecteur n'est pas le principal facteur épidémiologique dans l'apparition de ces maladies. 

19.4.5

Considérations épidémiologiques en relation avec l'installation d'étangs piscicoles en zones arides et désertiques

 
 Les étangs piscicoles et les réservoirs créés en zones arides et désertiques constituent un risque épidémiologique particulier. Dans ces régions, la disponibilité d'habitats aquatiques est le principal facteur limitant la reproduction des vecteurs aquactiques. les eaux pérennes sont limitées et lointaines et la reproduction dans des habitats éphémères est interrompue par une longue saison sèche. Les plans d'eau artificiels pérennes sont donc propres à devenir des lieux de reproduction prolifique pour des espèces ou des populations de moustiques et de mollusques déjà conditionnés pour une reproduction explosive afin de survivre dans des eaux éphémères. Ce développement est en outre indubitablement associé à l'évolution démographique, à l'établissement de populations nomades et à l'accroissement de la densité de la population en des lieux peuplés auparavant d'une façon éparse. Dans ces régions où la malaria est sporadique ou hypo-endémique et la schistosomiase rare, les changements dans la prévalence des vecteurs, couplés à l'accroissement de la densité de la population humaine, augmentent le risque de transmission et d'explosion épidémique de ces maladies d'origine aquatique.170
Les vecteurs potentiels de la malaria dans le Sahara oriental sont Anopheles sergenti, A. pharoensis et A. multicolor. Ce dernier se reproduit également en eau salée. Dans la même région, Bulinus truncatus a été signalé dans les sources et mares pérennes des oasis ainsi que dans les mares et trous d'eau temporaires. On a aussi trouvé B. forskali et Biomphalaria pfeifferi dans quelques eaux éphémères. 

19.5

Contrôle des vecteurs aquatiques des maladies humaines

 
 Quand on envisage un contrôle, plusieurs stratégies peuvent être adoptées: 
(a)transformation du milieu pour rendre les conditions biotiques et physiques défavorables au vecteur ou pour exposer ce dernier à une plus forte prédation (contrôle du milieu); 
(b)introduction de prédateurs (contrôle biologique); 
(c)application de pesticides (contrôle chimique); 
ainsi que la combinaison de ces méthodes; 
Les méthodes de contrôle doivent être choisies en fonction étroite des situations prédominant: structure et situation de l'étang, couvert végétal, type de poisson élevé et charges, alimentation et vidange, la destination des eaux piscicoles usées. Il est d'importance majeure d'évaluer le risque potentiel de reproduction des vecteurs au cours de la phase d'étude, avant que les étangs ou réservoirs soient construits. Les risques sanitaires doivent être pesés d'après les données épidémiologiques ordinairement disponibles pour les endroits où le projet est envisagé, en prenant en compte les niveaux d'endémie des maladies habituellement véhiculées. 

19.5.1

Contrôle du milieu

 
 Les piscicultures conçues de façon à atténuer les risques de reproduction des vecteurs constituent la meilleure solution, attendu qu'aucune des méthodes de contrôle faisable n'offre une élimination radicale des populations de vecteurs. Elles ne peuvent être supprimées que par des campagnes répétées d'éradication, qui sont coûteuses et détournent les efforts des opérations piscicoles du moment. 
Il n'y a pas de formule unique pour concevoir correctement des étangs répondant à toutes les situations géographiques hydrographique et biotique. D'une manière générale, la préférence doit être donnée aux étangs et réservoirs (où cela est faisable) d'une taille d'une profondeur et d'une configuration qui permettent au vent de créer un ressac contre les berges et qui évitent la création de berges courbes, peu profondes, facilitant l'installation d'une végétation verticale. Les berges rectilignes à sol dur ou à graviers sont convenables à cet égard. Un courant rapide doit être maintenu de préférence dans les canaux d'amenée. Les canaux de vidange doivent être tracés avec une pente permettant une évacuation rapide de l'eau ou un courant continue et rapide. L'eau de sortie doit être évacuée au loin, sans formation de mares résiduelles.171
Une fois que les étangs et réservoirs sont fonctionnels, qu'ils aient été conçus en conformité avec les recommandations ci-dessus ou non, un contrôle méthodique de la végétation des berges ainsi que des plantes submergées réduira efficacement la reproduction des mollusques et des moustiques. L'éradication de la végétation a un double effet sur les populations de moustiques et d'escargots à la fois: 
(a)elle élimine les niches favorables, protégées de l'action des vagues, en ôtant les substrats favorables à l'établissement, à la ponte et à la reproduction des escargots; elle expose également l'eau à l'action solaire qui est défavorable aux activités reproductrices de certains anophélinés, notamment A. funestus; 
(b)elle expose les larves de moustiques et les pontes de mollusques à la prédation des poissons de l'étang; cette prédation est particulièrement efficace avec la présence de poissons larvivores comme Gambusia affinis et Lebistes reticulatus et malacophages comme Hemichromis bimaculatus. 
Le contrôle de la végétation est moins efficace dans les étangs infestés par Bulinus truncatus truncatus et peut être aussi avec d'autres sous-espèces de Bulinus truncatus et des espèces lacustres. Ces mollusques prospèrent bien sur le fond des étangs libres de végétation. Le contrôle de la végétation demeure donc inefficace dans la lutte contre ces mollusques. Il peut même favoriser la reproduction d'Anopheles gambiae qui préfère les petites mares exposées au soleil avec des berges boueuses peu profondes. 
Le contrôle de la végétation peut être effectué mécaniquement mais il est moins efficace, spécialement pour la végétation des berges, en laissant certaines parties du fond intactes. En outre, les herbes coupées sont souvent abandonnées dans l'eau, ce qui procure de nouveaux sites favorables à la reproduction des vecteurs. De nombreux herbicides sont recommandés pour contrôler la végétation dans les réservoirs peuplés de poissons. Ces herbicides ne sont pas toxiques pour les poissons aux doses recommandées pour la lutte végétale. On conseille au lecteur de consulter la littérature spécialisée sur ce sujet. 
Pour les herbiers submergés, on recommande le Diquat et le Paraquat (à la dose de 0,25 à 1,0 ppm), l'arséniate de sodium (4 à 6 ppm, en notant que 0,5 ppm est considéré comme toxique pour la boisson) et le Silvex (1 à 3,5 ppm). Pour les herbiers flottants, on recommande le Diquat et le Paraquat aux mêmes doses, le Silvex (2,3 à 4,6 hg/ha) et le 2–4-D (Dichlorophénoxyacétate), amines ou esters (2,3 à 4,6 kg/ha). La végétation des berges doit être aspergée avec du Dalapon (5,7 à 11,4 kg/ha), du Silvex ou du 2–4-D (volatil: plus de 9,2 kg/ha; granulaire: 34,2 kg/ha). 

19.5.2

Contrôle biologique

 
 Les espèces de poissons larvivores, d'abord Gambusia affinis et, plus récemment, Lebistes reticulatus, ont été introduites dans les eaux africaines, y compris dans les étangs piscicoles et dans les réservoirs pour lutter contre les moustiques. Les étangs piscicoles ont été peuplés en poissons malacophages comme Sargochromis codringtoni au Zaïre (Shaba), Astatorheochromis alluadi au Kenya et au Cameroun et Hemichromis bimaculatus au Cameroun et au Ghana dans un essai de lutte contre les escargots. Aucun des rapports disponibles ne donne toutefois de données quantitatives permettant d'évaluer le rôle potentiel du poisson dans le contrôle biologique des vecteurs aquatiques. 
La liste des poissons malacophages est plutôt longue en Afrique. Elle comprend des espèces d'Haplochromis du lac Victoria et des poissons chats des genres Synodontis et Clarias. Aucune n'a été soumise à une étude critique en tant qu'espèce potentielle pour le contrôle biologique. 
On a recommandé de nombreuses espèces de poissons malacophages non africaines comme espèces potentielles pouvant contrôler les escargots dans les étangs piscicoles: la perche soleil (Lepomis microlophus) du sud des Etats-Unis, le poisson chat asiatique (Pangasius pangasius) et la carpe noire asiatique (Mylopharyngodon piceus). On a aussi pensé que l'utilisation des espèces introduites à cette fin est écologiquement avantageuse pour l'utilisation des espèces autochtones. 
Néanmoins il est douteux que le poisson puisse seul combattre efficacement les mollusques et les moustiques dans les étangs et réservoirs. Une stratégie combinant la manipulation de l'environnement (faucardarge) et l'emploi des poissons comme prédateurs peut toutefois être efficace pour réduire les populations vectrices de maladies en dessous des densités qui peuvent maintenir la transmission. Cette stratégie doit, cependant, être examinée de façon critique. 

19.5.3

Contrôle chimique

 
 (a)Application de pesticides: la plupart des larvicides et molluscides en usage courant ne peuvent pas être recommandés dans les eaux peuplées de poissons. A leurs concentrations larvicides et molluscides efficaces, ils sont toxiques pour le poisson. En outre, même ceux qui sont signalés comme non toxiques aux doses d'emploi ont un indice de sécurité très bas (c'est-à-dire le rapport entre la dose minimum létale pour le poisson et la concentration appliquée pour la lutte contre les vecteurs). Différentes espèces de poissons, même des mêmes genres, de différents âges, varient dans leur tolérance aux pesticides. Les concentrations létales doivent par conséquent être soigneusement déterminées avant leur application pour chaque espèce d'individu ou même pour chaque populalation de poissons et pour différents groupes de tailles de poissons. La toxicité des pesticides employés peut également changer en différentes conditions du pH, de la température, de la salinité, de la turbidité et de la charge organique de l'eau. 
(b)Lutte contre les larves de moustiques: pour éradiquer les larves de moustiques, on a signalé qu'une forte aspersion d'huile (H.S. (B)) contenant 0,5 % de B.H.C. (Gamhexane) éliminait 84 % des larves à dose de 2,2 1/1 000 m2 d'étang piscicole. L'utilisation des huiles dispersantes avec ou sans insecticide (Malariol = Kérosène) doit être évitée dans les petits étangs où l'eau n'est pas agitée par l'action du vent au moins une fois par jour, en particulier dans les étangs très eutrophes pendant la saison chaude quand le risque de déplétion en oxygène est élevé. Une pulvérisation d'émulsion de pyrèthre suivant la formule de New Jersey est également non toxique pour le poisson. Une solution de base de 12 % de fleurs dans du kérosène est diluée à raison de 2/1 dans de l'eau contenant un émulsifiant (1,5 % de sulfate de soude ou 3 à 5 % de savon). Elle est pulvérisée diluée au 1/10 dans de l'eau, à raison de 60 1/ha.173
De nombreux insecticides (Gamhexane, Dipterex, Bromex, Malathion et DDVP) sont couramment utilisés dans les étangs piscicoles pour lutter ocntre les ectoparasites du poisson. Aux doses d'application, l'index de sécurité de ces insecticides se range entre 12 et 32. Contre les ectoparasites, ces doses sont plus basses que celles recommandées contre les insectes. Toutefois, il serait intéressant de tester si la répétition de l'application de doses plus basses, inoffensives pour le poisson, serait efficace pour l'élimination des larves de moustiques. Le Gamhexane, toléré par la carpe et les cichlidés de 0,25 à 0,4 ppm, tue les larves de moustiques à 0,1 ppm. 
(c)Lutte contre les mollusques: le sulfate de cuivre (CuS04 - 5H20) est un molluscide efficace largement utilisé également comme algicide dans les étangs piscicoles. A ce titre, il est employé à raison de 3,5 ppm. Le poisson (carpe, Tilapia spp. et mulets gris) tolèrent des concentrations supérieures à 10 ppm. Il est utilisable dans des eaux dures (plus de 50 mg Ca+/l) où le pH est supérieur à 7. Dans ces conditions, le sulfate de cuivre précipite rapidement en composés insolubles. Au contraire, dans des eaux douces ayant un pH inférieur à 7, sa toxicité envers le poisson s'accroît, puisqu'il reste en solution plus longtemps. Dans les eaux acides ayant une dureté inférieure à 12 mg de Ca+/1, des concentrations de sulfate de cuivre aussi faibles que 3 ppm peuvent être toxiques pour le poisson. 
Les niveaux de toxicité du sulfate de cuivre pour les mollusques s'établissent entre 6 et 24 ppm après une heure d'exposition. Des charges élevées de matières organiques dans l'eau (algues et végétation) réduisent son activité. Pour cette raison, même les concentrations indiquées ci-avant sont inefficaces pour l'élimination des mollusques dans une eau riche en matières organiques. Quelques rapports laissent toutefois penser qu'une lutte efficace contre les mollusques peut être réalisée au moyen d'une application en continu de basses concentrations de sulfate de cuivre comme 1 ppm dans les eaux dures et 0,125 à 0,3 ppm dans les eaux très douces (2,5 mg Ca+/l). 
Comme alternative, on recommande comme molluscides peu agressifs pour le poisson des formules solubles, faibles, de carbonate de cuivre (CuCO3, Cu(OH)2) et d'oxyde de cuivre (Cu2O). Ces formules ont un effet résiduel long sur le milieu, ce qui est avantageux pour supprimer la reproduction des mollusques mais peut aussi supprimer la productivité naturelle de l'étang. La dose d'emploi du carbonate de cuivre est de 30 g/m2. L'oxyde de cuivre n'a été essayé jusqu'alors qu'en laboratoire. Les doses toxiques pour les mollusques (5 à 10 ppm) ont été sans dommage pour les T. nilotica adultes et fingerlings utilisés comme animaux d'expérience. 
Les carbamates Rhodiacid et Sevin font partie des molluscides inoffensifs pour le poisson, à raison de 20 g/m2 et 0,10 à 0,15 g/m2 respectivement, la toxicité en laboratoire étant de 60 à 120 ppm/h et 20 à 100 ppm/h, respectivement. L'indice de sécurité du Sevin pour les poissons est de 10 à 200. Toutefois les données d'emploi pratique de ces agents chimiques dans les étangs piscicoles ne sont pas encore disponibles. Des formules solubles faibles ont été suggérées pour réduire les risques de toxicité envers le poisson. 
D'autres formulations potentiellement convenables, soit 5 % de Baylucide sous forme de granulés comme toxique stomacal, soit le même molluscide incorporé à un appât polymère acrilique, sont employées avec succès. La première formule et, à un moindre titre, également la seconde, peuvent être toxiques pour les poissons benthiques et doivent être préalablement expérimentées avec soin. Une gomme biocide peut également être utilisée; elle se compose d'organotine avec des molluscides conventionnels incorporés dans des formulations de gomme. Quand on la place dans les étangs, le molluscide diffuse lentement à partir de la masse de caoutchouc.174
(d)Lutte contre les simulies ou “mouches noires” - Simulium damnosum et d'autres espèces peuvent pondre dans les déversoirs de barrages. Comme il n'y a pas de risque d'affecter le poisson à cet endroit, n'importe quelle formulation utilisée ordinairement peut être employée pour la lutte contre les simulies. 
REFERENCES:16, 26, 32, 34, 35, 70, 76, 82, 85, 86, 88, 97, 108, 111, 124, 125, 133, 147, 149, 151, 153, 161, 162, 180, 226, 253, 255, 256, 266, 267, 282, 283, 287, 294, 295, 296. 

PLANCHE 28

PLANCHE 28: STADES DE DEVELOPPEMENT DES MOUSTIQUES ET DES SIMULIES

Moustiques Anophélinés

  1. Oeufs
  2. Larve
  3. Pupe

Moustiques Culicinés

  1. Oeufs d'Aedes
  2. Oeufs de Culex
  3. Larve de Culex
  4. Pupe de Culex

Simulies (Simulium damnosum)

  1. Larve (x 5,4)
  2. Pupe (x 5,4)
  3. Pupes attachées à la végétation

PLANCHE 29: COQUILLES DE MOLLUSQUES

  1. Biomphalaria pfeifferi (15 mm de large)
  2. Helisoma sp. (12 mm de large)
  3. Lymnaea natalensis (15 mm de haut)
  4. Bulinus (Physopsis) globosus (16 mm de haut)
  5. Bulinus truncatus trigonus (9 mm de haut)
  6. Bulinus forskalii (14 mm de haut)
  7. Gyraulus sp. (4,5 mm de large)
  8. Lentorbis sp. (5 mm de large)
  9. Anisus sp. (5 mm de large)
  10. Planorbis planorbis (9 mm de large)
  11. Melanoides tuberculata (28 mm de haut)
  12. Pirenella conica (20 mm de haut)
  13. Physa borbonica (12 mm de haut)
  14. Bithinia sp. (6 mm de haut)

Toutes les figures, sauf 2, 10, 11, 12, 14, sont d'après Mandahl-Barth

PLANCHE 29

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