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6. ÉVALUATION DES RISQUES DUS À LA PRÉSENCE D'AGENTS BIOLOGIQUES DANS LES ALIMENTS

6.1 Introduction

Les aliments présentent toujours un certain degré de risque biologique et il incombe à l'industrie alimentaire de maintenir ce risque au niveau le plus bas qu'il est pratiquement et techniquement possible d'atteindre. Le rôle des organismes officiels est d'utiliser l'analyse des risques pour déterminer des niveaux de risque réalistes et réalisables et de fonder les politiques visant à assurer la salubrité des aliments sur l'application pratique des résultats de ces analyses.

Les agents biologiques (dangers) qui peuvent poser des problèmes de santé publique sont notamment les bactéries pathogènes, les virus, les helminthes, les protozoaires, les algues et les toxines produites par certains de ces agents. Les problèmes les plus importants au niveau international sont dus actuellement à la présence de bactéries pathogènes dans les aliments. L'analyse des risques associés aux bactéries pathogènes présente des caractéristiques particulières du point de vue de l'évaluation des risques. Il faut faire en sorte que ces dangers soient éliminés ou réduits à un niveau acceptable. La CAC et ses organes subsidiaires ont élaboré une multitude de normes et de codes d'usages contenant des méthodes à cet effet. Toutefois, le Codex a reconnu qu'il fallait adopter une approche plus formelle pour maîtriser les dangers d'origine biologique. En adoptant le texte du Codex sur le système HACCP (analyse des risques – points critiques pour leur maîtrise), la CAC a reconnu que ce système était celui qui présentait le meilleur rapport coût/efficacité pour maîtriser les dangers d'origine alimentaire.

Le HACCP est un système qui identifie des dangers spécifiques et les mesures préventives à prendre pour leur maîtrise. Les sept principes du HACCP, adoptés par le Codex, forment le cadre à partir duquel il est possible d'établir des plans HACCP spécifiques pour chaque combinaison denrée alimentaire/chaîne de production. Lors de l'élaboration d'un plan HACCP particulier, il faut identifier tous les dangers potentiels dont la nature est telle que leur élimination ou leur réduction à un niveau acceptable est essentielle à la production d'un aliment sans danger. Toutefois, la détermination des dangers potentiels qu'il est "essentiel" de maîtriser suppose une évaluation de ces dangers fondée sur la notion de risque. L'évaluation des dangers conduira à établir une liste de dangers significatifs qui devront être pris en compte dans le plan HACCP.

6.2 Evaluation des risques dus à des dangers biologiques

L'évaluation des risques consiste à estimer scientifiquement les effets néfastes connus ou potentiels sur la santé résultant de l'exposition à des dangers d'origine alimentaire. On obtient ainsi une estimation de la gravité et de la probabilité des dommages résultant de cette exposition. Lorsqu'on considère les risques pour la santé publique dus à la présence d'agents chimiques ou biologiques dangereux dans un aliment, l'objectif de l'évaluation quantitative des risques est d'exprimer mathématiquement le risque de conséquences néfastes pour la santé en se fondant sur la probabilité de certains événements. L'évaluation des risques posés par les pathogènes présents dans les aliments peut se faire par l'une des méthodes suivantes : analyse de scénarios, analyse des arbres de défaillances, analyse des arbres d'événements et application du modèle d'évaluation quantitative des risques proposé pour les substances chimiques.

Les dangers de nature biologique peuvent provoquer une maladie chez l'homme par deux mécanismes différents. Le premier est la production de toxines dont les effets peuvent aller d'une indisposition légère de courte durée à une intoxication grave pouvant avoir des conséquences à long terme ou même mettre la vie en danger. Le deuxième est une réaction pathologique résultant de l'ingestion d'organismes viables capables d'infecter l'hôte. Le seuil à partir duquel il y a lieu de s'inquiéter est plus facile à quantifier dans le premier cas. Pour les produits qui agissent ainsi, de même que pour certains autres agents biologiques, une évaluation quantitative du risque est parfois possible. Par contre, pour les bactéries pathogènes, il faut souvent se contenter d'une évaluation qualitative de la probabilité et de la gravité des effets néfastes associés à leur présence dans un aliment. Mais que l'on utilise une méthode quantitative ou qualitative, son efficacité dépendra du type et de la qualité des informations recueilles lors de l'évaluation des risques.

Même si les étapes de base sont les mêmes, leur application sera différente lors d'une évaluation qualitative, car l'analyste ne disposera pas des informations nécessaires pour formuler une estimation mathématique de la probabilité et/ou de la gravité d'une conséquence défavorable. Lors de l'évaluation des risques de certains agents biologiques, on dispose parfois de données suffisantes pour effectuer une analyse quantitative. Toutefois, l'analyste constatera dans la plupart des cas que les circonstances dans lesquelles s'exprime le potentiel pathogène d'un organisme comportent de nombreuses incertitudes qui rendent une évaluation quantitative pratiquement impossible. Les recherches devront se poursuivre à l'avenir pour améliorer la précision des évaluations.

En l'absence de données quantitatives pour évaluer l'exposition, la mesure des niveaux de danger à certaines étapes de la chaîne de production peut donner une indication qualitative des risques probables pour le consommateur. A cet égard, des études comparatives sur les niveaux de danger de nature biologique et une estimation qualitative des effets probables sur la santé des différences observées peuvent être utiles.

6.3 Evaluation des risques dus à des dangers bactériologiques

L'analyse des risques associés aux bactéries pathogènes pose des problèmes bien particuliers. Quelle que soit la méthode utilisée, l'évaluation des risques dus à la présence de bactéries dans un aliment sera compliquée par des facteurs qui dépendent des méthodes de culture, de transformation, de conservation et de préparation utilisées pour produire l'aliment en question. Ces facteurs peuvent varier énormément selon le contexte culturel et géographique. Ils conditionnent le scénario applicable à un aliment déterminé et constituent un élément essentiel de l'évaluation des risques de nature bactérienne.

Comme cela a déjà été dit, les données disponibles sont souvent insuffisantes pour procéder à une évaluation quantitative des risques associés à la présence de bactéries pathogènes dans les aliments. On trouvera ci-après une indication du type de problèmes qui rendent difficile cette évaluation.

6.3.1 Identification des dangers

Les agents bactériens connus pour provoquer des maladies d'origine alimentaire ont été identifiés grâce à des études épidémiologiques et d'autres données reliant le micro-organisme et sa source à la maladie. Toutefois, le nombre de manifestations pathologiques faisant l'objet d'enquêtes approfondies étant limité, il est probable que toutes les bactéries pathogènes susceptibles d'être présentes dans des aliments n'ont pas encore été identifiées.

L'identification des dangers se heurte à des limites qui sont : i) le coût et la difficulté des enquêtes en cas d'épidémie; ii) l'absence de données épidémiologiques fiables ou complètes; iii) l'incapacité d'isoler et de caractériser de nouveaux pathogènes.

6.3.2 Caractérisation des dangers

Cette étape a pour objet de fournir une estimation qualitative ou quantitative de la gravité et de la durée des conséquences néfastes de la présence d'un agent pathogène dans un aliment. Des données sur la relation dose-réponse sont utiles lorsqu'on a affaire à des bactéries toxigènes.

Toutefois, ces informations sont souvent de peu d'utilité pour caractériser les dangers associés à des souches invasives de bactéries pathogènes. Pour beaucoup de bactéries pathogènes rencontrées dans les aliments, les données sur la relation dose-réponse sont limitées ou inexistantes. En effet, les informations permettant d'établir cette relation sont difficiles à obtenir et risquent d'être inexactes, notamment pour les raisons suivantes :

  1. la sensibilité de l'hôte aux bactéries pathogènes est extrêmement variable;
  2. le taux d'attaque d'un pathogène déterminé peut varier dans de fortes proportions;
  3. la virulence d'une espèce pathogène est très variable;
  4. la pathogénicité est sujette à des variations génétiques résultant de mutations fréquentes;
  5. la présence d'autres bactéries dans les aliments ou dans le tube digestif peut avoir un effet antagoniste qui influe sur la pathogénicité;
  6. la nature des aliments peut modifier l'aptitude des bactéries à infecter l'hôte ou à agir sur lui.

6.3.3 Evaluation de l'exposition

L'évaluation de l'exposition revient à estimer soit le nombre de bactéries pathogènes, soit la quantité de toxines bactériennes consommée avec un aliment. Alors que la concentration des substances chimiques est souvent relativement peu modifiée lors des traitements subis par une denrée alimentaire, les populations de bactéries pathogènes dans les aliments sont dynamiques et peuvent augmenter ou diminuer de façon spectaculaire. Ces changements résultent d'interactions complexes entre différents facteurs, notamment :

  1. l'écologie du micro-organisme en cause;
  2. les opérations de transformation, de conditionnement et de stockage du produit alimentaire;
  3. les étapes de préparation, comme la cuisson, qui peuvent inactiver les agents bactériens;
  4. les facteurs culturels caractérisant les consommateurs.

6.3.4 Caractérisation des risques

La caractérisation du risque associé à un agent biologique pathogène dépend des circonstances décrites dans les sections relatives à l'identification des dangers, à leur caractérisation et à l'évaluation de l'exposition, ainsi que des informations recueillies à chacune de ces étapes. Elle se traduira par une estimation qualitative ou quantitative des effets néfastes potentiels d'un agent bactérien particulier sur une population donnée.

Il n'a pas encore été établi avec certitude si une approche quantitative est possible et appropriée pour la caractérisation des risques associés à la présence de bactéries pathogènes dans les aliments. Il se peut donc que la seule méthode actuellement utilisable soit la méthode qualitative.

L'évaluation qualitative du risque s'appuie sur l'expérience acquise avec l'aliment en cause, sur la connaissance de l'écologie des bactéries pathogènes, sur des données épidémiologiques et sur l'opinion des spécialistes concernant les dangers qui résultent de la façon dont cet aliment est produit, transformé, conservé et préparé avant d'être consommé.

6.4 Evaluation des risques dus à d'autres dangers biologiques

Les étapes à suivre, par exemple pour la mise en oeuvre d'un plan HACCP, lors de l'évaluation des risques dus à des dangers biologiques autres que les bactéries sont identiques à celles décrites ci-dessus. Il peut y avoir des différences à l'intérieur même des étapes si les propriétés de l'agent biologique en cause compliquent ou simplifient l'établissement de données quantitatives, et donc l'évaluation. Les facteurs qui compliquent l'évaluation des risques dus à des dangers biologiques (autres que les bactéries) dans les aliments varient, mais les difficultés sont moins grandes, car les agents responsables ne se multiplient généralement pas dans l'aliment.

6.5 Rôle de la CAC dans l'évaluation des risques dus aux dangers biologiques

La CAC et ses organes subsidiaires élaborent des normes, des lignes directrices et des recommandations portant sur les questions de sécurité relatives à la présence de dangers biologiques, chimiques et physiques dans les aliments. L'évaluation des risques est une étape essentielle de l'élaboration de ces normes.

Pour les dangers chimiques, les normes sont généralement exprimées sous la forme de valeurs numériques fondées sur des doses journalières admissibles déterminées scientifiquement. Dans le cas des dangers biologiques, le Codex a élaboré des normes, lignes directrices et recommandations qui décrivent des procédés et des modes opératoires dont l'application doit en principe éliminer les dangers ou les réduire à un niveau acceptable. Dans bien des cas, il existe peu de données quantitatives ou d'autres preuves scientifiques établissant un lien entre un procédé particulier et un danger biologique potentiel, ou une conséquence particulière sur la santé. Pourtant, de tels liens sont nécessaires pour permettre la validation des modes opératoires et procédés qui figurent dans les normes ou dans les codes appelés à être invoqués devant l'OMC pour régler les litiges relatifs aux questions de salubrité des aliments. En outre, ces liens sont nécessaires pour évaluer ou valider des procédés et des modes opératoires présentés comme équivalents. L'absence de critères pour juger de l'équivalence nuit au commerce international car elle réduit le choix des moyens disponibles pour atteindre un résultat déterminé.

Les modes opératoires et procédés qui figurent actuellement dans les normes, lignes directrices et recommandations du Codex ne permettent pas une comparaison du risque relatif dû à l'existence de différents dangers dans un aliment. Il n'existe aucun moyen reconnu de comparer les dangers chimiques aux dangers biologiques, ou les dangers biologiques entre eux. Cela peut se traduire par le choix de solutions qui entraînent une augmentation du risque global pour la santé. Par exemple, une chloration excessive de l'eau pour réduire les dangers d'origine bactérienne crée un danger chimique en raison de la formation de chloramines. Etant donné que le système HACCP est fondé sur la détermination de l'importance des dangers, il faudrait disposer d'une méthodologie pour comparer les risques.


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