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5. RECAPITULATION: INDICATIONS POUR UTILISER LES MESURES DE VALEUR EN PRATIQUE


Ce qui suit est la simple présentation de quelques idées qui se sont avérées utiles en pratique pour de nombreux gestionnaires, responsables et autres décideurs, cherchant à déterminer des valeurs économiques aux fins de la prise de décision. Ce sont des indications et non pas des “règles” à suivre dans tous les cas.

Tout bien considéré, les mesures de la valeur économique ne sont qu'un seul élément d'information, souvent peu important, entrant dans les décisions concernant l'utilisation de la forêt. De plus, il existe de nombreuses manières de calculer et d'utiliser ces valeurs. Ainsi qu'il a été souligné tout au long de cette analyse, il n'y a pas de règle unique. Cela dépend dans une large mesure du contexte défini pour la prise de décision. En conséquence, le premier groupe d'indications a trait à la définition du contexte et à la mise au point d'une série de critères de compromis pour étudier les propositions de changement concernant l'utilisation de la forêt.

Définir le contexte de décision de manière réaliste

Quand il prend des décisions au sujet des changements d'utilisation de la forêt, le gestionnaire ou l'administrateur doit examiner les compromis relatifs aux valeurs liées au changement proposé, ce qui revient à comparer les coûts et les avantages avec et sans le changement proposé, c'est-à-dire comparer ce dernier au status quo. Quand le gestionnaire doit envisager toute une série de changements, il faut également les comparer entre eux.

A ce stade, il est essentiel de définir le type général de décision qui est prise et de parvenir à un consensus sur les critères de compromis qui seront appliqués pour la décision. Les indications qui suivent découlent de l'analyse présentée dans ce document:

Définir le contexte politique aussi clairement que possible

Quand on définit à la fois le type de décision et les critères de compromis à appliquer, il est essentiel de se pencher auparavant sur la définition du contexte politique dans lequel les décisions seront prises (voir chapitre 2).

Les efforts qui doivent être déployés pour l'évaluation économique peuvent être limités du fait des politiques en vigueur. Le cas le plus extrême est celui où une politique nationale impose de prendre des décisions suivant des critères autres qu'économiques. En pareil cas, il n'est pratiquement pas nécessaire d'effectuer une évaluation économique des coûts et avantages liés au(x) changement(s) proposé(s).

Définir le contexte administratif en fonction des critères de décision acceptables

En second lieu, il est nécessaire de définir le contexte ou l'environnement administratif dans lequel les décisions seront prises, car il influera sur les méthodes d'évaluation qui devraient être appliquées (voir chapitre 2). N'oublions pas que, même si les valeurs économiques ne sont pas nécessaires pour prendre les décisions, les administrations ont besoin de données financières (basées strictement sur les prix du marché et les montants effectifs en dollars qui entrent et sortent de l'institution) aux fins d'établissement de budget.

Limiter le nombre des différents groupes intéressés pris en considération

Généralement, les contextes politiques et administratifs dans lesquels une décision sera prise déterminent les groupes intéressés à prendre en considération, ainsi que le poids qui doit leur être attribué dans les décisions. Le secteur public se place souvent dans une optique de comptabilité nationale, selon laquelle les coûts et avantages se rapportant à tous les groupes intéressés, évalués en fonction de la disposition à payer, sont regroupés pour obtenir un bénéfice net. En pareil cas, les membres de tous les groupes intéressés importants (importants dans le sens des coûts et des avantages les concernant) sont théoriquement pris en considération, même si aucune distinction n'est faite entre leurs perspectives sur les valeurs.

Le fait est que les gestionnaires et les administrateurs ont rarement le temps ou les compétences techniques nécessaires pour se pencher sur des cadres d'évaluation et de décision très complexes. En conséquence, l'indication générale donnée ici est de prendre tout d'abord le temps de comprendre les différents groupes ou partenaires intéressés, et de retenir ensuite pour le contexte de décision ceux qui seront le plus touchés par le changement proposé (voir chapitre 3), en ajoutant d'autres groupes à l'évaluation à mesure que le temps et les ressources le permettent.

Veiller à définir un contexte de décision assez large pour inclure les principaux effets externes en jeu.

Si les prix du marché ne donnent pas toujours la véritable mesure de la valeur économique pour les services écologiques ou les atteintes à l'environnement, c'est en grande partie parce qu'il existe des “effets externes” négatifs ou positifs. Comme il a été dit précédemment, il s'agit d'effets se produisant hors du cadre de décision qui établit les valeurs utilisées. Ainsi, le plus souvent, le prix de l'engrais ne tient pas compte des effets négatifs de la pollution hors site et la valeur d'une production agricole provoquant une forte érosion sur les hautes terres ne prend généralement pas en considération les coûts qu'entraîne en aval l'aggravation de l'érosion. De même, la valeur de la production agricole obtenue avec des plantes fixant l'azote internalise rarement les avantages tirés de la fixation d'azote.

C'est en grande partie pour faire la part des effets externes qu'il est important d'établir des prix virtuels, ou d'adapter les prix du marché pour tenir compte de la véritable disposition à payer. En envisageant au début un contexte de décisions plus large, il est plus facile ensuite de définir les effets externes et d'en tenir compte dans le processus d'évaluation.

Définir des critères de compromis économiques et parvenir à un accord à cet égard le plus tôt possible dans la prise de décisions.

Même si l'évaluation est tout à fait distincte de la prise de décisions, il est important de parvenir à un consensus sur les critères de compromis à un stade suffisamment précoce pour qu'ils puissent être pris en considération dans le processus d'évaluation. Pour prendre un exemple extrême examiné plus haut (voir encadré 2.2), quand on étudie deux options possibles - transformer une forêt en une réserve pour l'exploitation ou bien autoriser la poursuite de la culture sur coupe et brûlis - il est important de déterminer dans quelle mesure les compromis entre les productions seront établis par unité de forêt, par unité de main-d'oeuvre, par unité de capital investi, etc. Ces trois critères pourraient donner des résultats tout à fait différents.

De même, les critères de compromis pourraient être en partie exprimés en termes physiques, par exemple en tonnes de sol dont la perte peut être évitée grâce à l'un des changements proposés pour l'aménagement de la forêt. Parfois, ces critères de compromis physiques sont tout à fait utiles, étant donné que l'attribution de valeurs économiques devient un jeu futile et que l'information en découlant est si incertaine que les décideurs feraient mieux de se concentrer uniquement sur les données physiques/biologiques disponibles pour les différentes options.

Enfin, les critères de compromis entrant en ligne de compte sont souvent essentiellement politiques ou sociaux. En pareil cas, les critères de compromis économiques risquent d'être sans intérêt.

Appliquer le principe “avec et sans”

Ainsi qu'il a été signalé au chapitre 1, les valeurs sont déterminées à la fois par l'offre et par la demande, avec et sans l'activité ou le projet examiné. L'exemple du projet d'aménagement de bassin versant, qui a évité l'accumulation de sédiments dans un réservoir (encadré 1.3), a indiqué les erreurs qui peuvent être commises si la demande et l'offre ne sont pas toutes les deux prises en considération, avec et sans le(s) changement(s) proposé(s). Il ne faut pas oublier non plus que la condition “avec et sans” n'est pas la même que la condition “avant et après”. L'exemple du projet de lutte contre l'érosion a illustré ce point (encadré 1.2).

Ne pas essayer de tout évaluer en termes économiques

Il a été souvent signalé que de graves erreurs peuvent être commises si l'on essaie d'appliquer des valeurs économiques à des biens et en particulier à des services pour lesquels il n'existe guère de base permettant ce calcul. En pareil cas, il vaut mieux s'en tenir à des mesures de changements physiques-biologiques plutôt que d'appliquer des mesures de valeur erronées. En outre, certaines situations ne peuvent pas être convenablement traitées en termes économiques, notamment celles qui présentent un caractère d'“irréversibilité”.

De même, les valeurs économiques sont souvent présentées comme une mesure d'ensemble de la valeur d'une forêt alors qu'en fait, elles ne prennent pas en considération de nombreux avantages appréciables qui pourraient accroître sensiblement la valeur globale de la forêt. Ceux-ci n'ont pas été pris en compte parce que le gestionnaire ne savait pas comment leur attribuer des valeurs. Cependant, il pourrait être prêt à le faire dans un autre cas. Il est évident que les deux situations ne seraient pas comparables sur le plan économique. Il est nécessaire de parvenir, dans le cadre d'un organe de décision donné (ou de l'instance où seront comparées les diverses options), à un accord bien défini sur ce qui sera examiné ou non dans une optique économique.

Il faut également signaler ici que la production d'informations quantitatives sur les valeurs comporte généralement des frais. Nous ne voulons supporter ce coût que si nous estimons qu'il est justifié au regard des avantages que présente cette information. Nous risquerions parfois de consacrer beaucoup de temps, d'énergie et d'argent à produire des données qui n'auraient guère d'incidence sur une décision. Nous souhaitons évidemment éviter cela.

Evaluer les biens et les services, une fois le contexte défini

Nous pouvons donner ici plusieurs indications pratiques basées sur l'expérience. Les suggestions ci-dessous résument en un certain sens des points exposés dans les chapitres précédents.

Commencer par mesurer et estimer les avantages importants les plus faciles à évaluer

Etant donné que, dans une optique opérationnelle, les valeurs ne sont utiles que pour aider à prendre des décisions, nous devons seulement produire la quantité nécessaire d'informations à cet effet. Supposons par exemple que nous connaissions les coûts d'un changement proposé. Nous pouvons commencer par calculer les valeurs des avantages les plus faciles à mesurer. Si elles sont suffisamment importantes par rapport aux coûts pour justifier le changement, quel que soit le critère employé par le décideur, nous n'aurons pas besoin de mesurer d'autres avantages, plus compliqués.

Si les avantages les plus faciles à mesurer n'atteignent pas un niveau suffisant pour remplir les critères nécessaires pour le changement, nous devons en évaluer d'autres, de plus en plus difficiles à mesurer, jusqu'à ce que nous ayons fait le tour des avantages que nous avons définis et pouvons évaluer, ou bien que les avantages cumulés atteignent un niveau suffisant pour remplir les critères d'approbation du changement proposé. Ce qui est intéressant avec cette méthode, c'est qu'elle permet d'éviter de perdre beaucoup de temps et de ressources à essayer d'évaluer les avantages, si les plus faciles à mesurer suffisent à justifier le changement proposé.

Quand les avantages sont variables, le même conseil n'est pas valable pour l'élément coûts de l'équation, car le même type de règle de décision ne s'applique pas. Il faudrait chercher à estimer convenablement les valeurs de tous les coûts non négligeables car ils sont cumulatifs et doivent en fin de compte être justifiés dans leur ensemble dans une analyse économique.

Utiliser les prix du marché là où ils existent (voir exceptions)

En règle générale, il convient d'utiliser les prix du marché là où ils existent. Il faut cependant appeler l'attention sur le fait que, dans certains cas limites, les prix du marché peuvent ne pas rendre compte de la disposition à payer et qu'un travail supplémentaire est nécessaire, notamment si:

Utiliser des prix politiques qui rendent compte du contexte politique en place actuellement et, selon toute probabilité, dans les années à venir

Une règle empirique pratique consiste à utiliser des prix politiques (voir encadré 1.4), à moins qu'il n'existe une raison explicite, primordiale, de ne pas le faire.

Nous avons signalé au chapitre 2 que le contexte politique détermine dans une certaine mesure les limites dont il faut tenir compte pour attribuer des valeurs aux produits et aux apports. Si une loi nationale désigne une forêt comme une terre qui ne sera utilisée que pour la forêt, nous estimerons, en utilisant les prix politiques, que le coût d'opportunité de la terre est égal à la meilleure autre utilisation forestière. Si nous faisions abstraction des règles d'établissement des prix politiques, nous pourrions alors prendre en considération n'importe quelle utilisation de la terre en calculant une mesure du coût d'opportunité. Compte tenu de la politique en vigueur, la décision pourrait être erronée.

Tenir compte des changements de valeur en capital ainsi que des valeurs de flux

Cette indication va dans le sens de l'intérêt suscité récemment par l'utilisation des valeurs comptables des ressources naturelles dans les évaluations globales de l'utilisation de la forêt (voir chapitre 4).

L'utilisation actuelle de la forêt pour les grumes, les ressources minérales et autres produits s'oppose directement à son utilisation pour ses caractéristiques naturelles ou esthétiques, mais elle peut être complémentaire d'un aménagement en vue d'une production future de flore et faune sauvages. Les divers types de corrélations ou d'interactions sont bien connus et sont généralement examinés dans les analyses des valeurs forestières. Il existe aussi des interactions plus complexes et souvent subtiles. En conséquence, l'utilisation actuelle de la forêt pour des produits liés à la faune et la flore sauvages porte atteinte à notre capacité de l'utiliser à cette fin à l'avenir.

Ce concept se rapporte à ce que nous appelons stock, patrimoine, ou actifs et flux. Si elle est convenablement gérée, une forêt (en tant que stock ou patrimoine) peut donner des flux de produits (biens et services) au cours des années. Ainsi, la valeur totale de la forêt aujourd'hui ne dépend pas seulement des utilisations que nous choisissons, mais aussi de leur répartition dans le temps. Une bonne gestion forestière consiste essentiellement à comprendre les différentes associations potentielles des flux dans le temps, qui peuvent découler des multiples utilisations des forêts, en tant que patrimoine. Il faut également bien comprendre les concepts de valeur en fonction du temps et d'actualisation.

Prendre en compte la valeur en fonction du temps

Toutes choses égales par ailleurs, si un habitant de la forêt ayant tout juste de quoi vivre devait choisir entre (1) abattre un arbre pour avoir le bois de feu nécessaire pour se chauffer aujourd'hui, et (2) mourir de froid maintenant et abattre un arbre de la même taille dans deux ans pour avoir chaud, il choisirait probablement d'abattre l'arbre aujourd'hui. Il s'agit là du concept économique courant de la “valeur en fonction du temps”. Nous ne devons pas perdre de vue ce principe généralement applicable: plus tard adviendra une utilisation donnée de la forêt, moindre sera la valeur de cette utilisation quand on la compare à la même utilisation en la rapportant au temps présent. En économie, on résout le problème que pose ce principe en appliquant un taux d'intérêt afin d'“actualiser” les valeurs futures au moment présent, ou de calculer en faisant appel à des probabilités composées les valeurs actuelles projetées dans le futur. Des valeurs intervenant à divers moments dans le temps peuvent alors être comparées sur une base égale. Le document qui va de pair avec celui-ci (Gregersen et Contreras 1992) peut donner un aperçu du concept et de l'application pratique de l'actualisation et du calcul des intérêts composés à ceux qui les connaîtraient mal.

Parce que les forêts mettent longtemps à pousser et à évoluer naturellement, et parce que certaines utilisations d'aujourd'hui ont une répercussion sur les possibilités d'autres utilisations à l'avenir, une dimension temporelle doit être attachée à toutes les mesures de la valeur forestière. Pour prendre de bonnes décisions, il faut comprendre les préférences de la société qui choisit de consommer aujourd'hui plutôt qu'à une date ultérieure, c'est-à-dire comprendre le taux d'actualisation ou la valeur en fonction du temps que la société applique à la consommation future par rapport à celle d'aujourd'hui.

Chercher à pallier les incertitudes entourant les valeurs

L'incertitude entourant les diverses estimations disponibles de la valeur est un problème pour les décideurs du secteur forestier. Deux points rentrent en particulier dans le cadre de cette analyse. Le premier concerne l'insuffisance des connaissances relatives aux informations physiques sur les apports - produits liées aux changements subis par la forêt; le second concerne l'incertitude entourant les valeurs futures.

Tenir compte de l'insuffisance de l'information sur les apports-produits

L'évaluation est gênée par l'incertitude entourant les liens fondamentaux entre apports et produits et les rendements pour les forêts tropicales. L'information relative à ces liens est un ingrédient essentiel des processus d'évaluation et de prise de décision. L'information sur la productivité, la dynamique et les autres caractéristiques de base des systèmes forestiers tropicaux est insuffisante pour la plupart des zones forestières. On sait très peu de chose sur la configuration spatiale de la production forestière, et encore moins sur l'incidence de cette production sur l'équilibre écologique des espèces et des écosystèmes en jeu. De plus, en raison de l'hétérogénéité de la composition de la plupart des forêts, les études sur la composition et les valeurs d'un site particulier sont très spécifiques et leurs résultats peuvent rarement être extrapolés utilement à des zones plus vastes afin d'obtenir des valeurs totales pour une forêt.

Les répercussions des changements survenant dans la forêt sur les changements climatiques sont un exemple concret d'incertitude. Le brûlis de vastes zones de forêt défrichée dégage d'importantes quantités de gaz carbonique dans l'atmosphère. Mais, la part de ce CO2 supplémentaire absorbée par la nouvelle végétation poussant sur la terre précédemment brûlée n'est pas bien définie. De même, les effets probables de l'augmentation des niveaux de gaz carbonique sur différentes régions du monde ne sont pas encore parfaitement bien compris. Par ailleurs, il est bien connu que la transpiration des forêts tropicales contribue dans une large mesure au recyclage de l'humidité dans l'atmosphère; mais les preuves concrètes concernant l'incidence de l'interruption de ce flux, à cause de l'élimination de la forêt, sont limitées et peu convaincantes.

Pour faire face à des situations où il y a pénurie de données et où les informations et les données disponibles sont peu sûres, le décideur peut prendre certaines mesures, notamment:

De plus, il y a moyen d'améliorer la situation au cours des années. Il faut notamment faire connaître clairement aux chercheurs les besoins en données et en informations et mettre au point de nouvelles méthodes de production de données pouvant être appliquées sur plusieurs années pour améliorer la situation et réduire l'incertitude entourant les estimations.

Tenir compte de l'incertitude entourant les valeurs futures

L'incertitude entourant les valeurs futures est un problème qui concerne toutes les approches d'évaluation, mais de différentes façons. En conséquence, c'est une question contextuelle importante qu'il faut prendre en considération avant de choisir des méthodes d'évaluation. Par exemple, la dynamique d'utilisation, et donc la valeur des produits des forêts tropicales, sont très mal définies. Le ramassage et la vente des produits forestiers ne sont habituellement, pour ceux qui s'y consacrent, que l'une des diverses options possibles de formation de revenu. Les marges de profit et la rémunération de la main-d'oeuvre sont généralement très faibles, si bien que les économies reposant sur ces activités peuvent être tout à fait précaires. L'apparition ou le déclin d'autres options, l'évolution de la disponibilité de la main-d'oeuvre et les fluctuations des prix des produits forestiers (ou agricoles), figurent parmi les facteurs qui peuvent déclencher des renversements de tendance rapides en faveur ou aux dépens des activités forestières. En conséquence, les valeurs actuelles et l'importance de la participation au secteur forestier ne donnent que des indications limitées sur les valeurs futures des produits forestiers.

L'histoire de l'agriculture, et des industries reposant sur des produits agricoles, donne à penser que les grands produits forestiers nouveaux, importants sur le plan commercial, suivront le chemin du caoutchouc, du palmier à huile, du café et des nombreuses autres espèces forestières sauvages à l'origine, qui sont domestiquées et cultivées dans des plantations (ou sur de petites exploitations) hors de la forêt. L'accroissement de la demande commerciale d'un produit forestier pourrait donc faire reculer plutôt qu'augmenter la valeur de la production tirée de la ressource forestière naturelle, à mesure que les produits synthétiques ou cultivés dans des plantations prennent la relève. Un tel passage porterait évidemment atteinte aux valeurs associées aux produits de la forêt naturelle.

Des études récentes ont signalé que même les approvisionnements de subsistance tendent en pratique à provenir de sources à demi-aménagées ou domestiquées, plutôt que de la forêt non contrôlée. Dans les zones de la région forestière d'Afrique de l'Ouest qui ont été étudiées, la plupart des aliments forestiers et des produits vendables étaient ramassés ou chassés dans des formations boisées secondaires, comme des jachères de brousse et des terres boisées agricoles, quelques produits seulement venant de la forêt même (Davies et Richards 1991, Falconer 1991). Ceci s'explique dans une certaine mesure par des raisons de proximité et de commodité, mais on peut y voir, en grande partie, la manipulation de la composition de la forêt au cours des années en faveur d'espèces et de produits ne se trouvant pas dans la forêt naturelle ou bien pouvant être produits de manière plus intensive dans le cadre d'une jachère ou d'un système aménagé. A mesure que la pression exercée sur la terre réduit la superficie portant un couvert forestier secondaire, les paysans se mettent généralement à planter des espèces particulières présentant une certaine valeur pour eux. La distinction entre la production provenant de la forêt et celle des sources domestiquées n'est donc pas toujours clairement définie, ce qui complique encore la tâche si l'on veut évaluer quelle part des valeurs attachées aux produits des arbres est réellement attribuable à la pérennité de la forêt naturelle.

Pour faire face aux conséquences de l'incertitude entourant les valeurs forestières futures, il existe certains moyens éprouvés, consistant notamment à:

En dernier lieu, il n'empêche que nous ne pouvons pas nous soustraire à l'obligation de formuler des hypothèses et des conjectures au sujet de l'avenir.

Commentaires finals

Les indications données ci-dessus ne sont pas présentées comme des règles à suivre, mais plutôt comme des suggestions visant à rendre le travail du gestionnaire plus facile et les résultats plus fiables. En dernier ressort, si une opération d'évaluation économique relativement sophistiquée est nécessaire, le gestionnaire devra faire intervenir des spécialistes d'économie. Une évaluation économique efficace - en particulier celle des avantages totaux pouvant être tirés des forêts - est un travail dificile et complexe. Si elle est bien faite, elle peut apporter des informations très utiles à la prise de décision. Si elle est mal faite, ceci peut nuire davantage à la prise de décision que de ne pas en faire du tout.


[5] Dans une analyse de sensibilité, nous faisons varier les valeurs des facteurs et des corrélations clés pour voir quel impact auraient ces variations sur les mesures des avantages économiques, c'est-à-dire que nous observons la sensibilité de ces mesures aux changements des valeurs.

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