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CHAPITRE 1:
Introduction


Le présent ouvrage de référence sur l’agriculture, la sécurité alimentaire et la nutrition est destiné aux professeurs d’agriculture en Afrique. Il suit la filière du «système alimentaire»,depuis le producteur jusqu’au consommateur, en analysant le rôle joué par l’agriculture dans le développement humain de l’Afrique. Il met en lumière l’importance des rapports entre agriculture et nutrition et souligne la nécessité pour l’Afrique subsaharienne de promouvoir ses meilleurs atouts, c’est-à-dire les capacités productives de son sol et de son peuple.

En Afrique subsaharienne, l’agriculture fournit les moyens d’existence à 69 pour cent de la population économiquement active (FAO, 1995f). Le rendement potentiel des ressources naturelles dépend des capacités de production de la population. Dans les communautés rurales, producteurs et consommateurs vivent sous le même toit et sont souvent les mêmes personnes. Le fonctionnement des ménages ruraux, leurs processus de décision et leur vision de l’avenir sont autant de données reconnues depuis longtemps comme nécessaires à l’information des planificateurs et des décideurs du secteur agricole. Ce que les responsables de l’agriculture n’ont pas encore tous bien vu, ce sont les répercussions des structures et des niveaux de consommation alimentaire, de même que les effets des décisions agricoles, sur la sécurité alimentaire des ménages et sur l’état nutritionnel des producteurs et des consommateurs des zones rurales et urbaines.

Ces conséquences peuvent intéresser toute la filière alimentaire ou ne concerner que certains chaînons. Les décisions agricoles peuvent entraîner directement des changements du régime alimentaire ou de la quantité, de la qualité, de la variété et de l’innocuité des aliments disponibles dans une communauté donnée. L’effet consiste souvent, pour tel ou tel secteur de la société ou de la communauté, en un changement dans l’accès à la nourriture à la suite de fluctuations du prix des denrées ou du revenu familial. Tous ces changements affectent la consommation alimentaire, la santé et la productivité du consommateur. Les pauvres sont particulièrement touchés par ces modifications, car ils ne disposent pas des ressources ou des réserves nécessaires pour supporter une crise et garantir de manière durable la sécurité alimentaire de leur ménage.

La rupture soudaine de la sécurité alimentaire du ménage ou l’absence prolongée d’aliments nécessaires à la consommation familiale entraînent la détérioration de l’état nutritionnel et se traduisent par la malnutrition. Dans cet ouvrage, la «malnutrition» est comprise comme «dénutrition», c’est-à-dire un manque d’énergie alimentaire, de protéines et de micronutriments, dont la quantité insuffisante ne permet pas de couvrir les besoins essentiels de l’organisme pour son entretien, sa croissance et son développement. Depuis quelque temps, il est admis que la malnutrition n’est pas seulement un problème alimentaire. D’autres facteurs interviennent, tels qu’un accès insuffisant aux services de santé et d’assainissement, au savoir, à l’éducation et aux différents soins.

La malnutrition entraîne des conséquences de grande portée sur le bien-être de l’individu, le progrès social et le développement économique. Chez le nourrisson et l’enfant en bas âge, la dénutrition et le retard de croissance sont associés à la réduction de l’activité physique, à la diminution de la résistance aux infections, à la détérioration du développement mental, au ralentissement de la capacité d’apprentissage, ainsi qu’à l’augmentation de la morbidité et de la mortalité. Chez l’adulte, la dénutrition peut affaiblir la santé et réduire la productivité en diminuant la performance physique, freinant ainsi le développement communautaire et national. L’amélioration de la condition nutritionnelle des pauvres et des malnourris est un investissement qui peut contribuer à améliorer la capacité productive des générations présentes et à venir (FAO/OMS, 1992g).

Les tableaux comparatifs 1, 2 et 3 montrent l’étendue du problème de la malnutrition en Afrique et dans l’ensemble des pays en développement. Alors que, dans l’ensemble des pays en développement, la proportion de la population classée comme dénutrie a baissé considérablement (passant de 35 à 21 pour cent) entre 1969-1971 et 1990-1992, le progrès n’a pas été égal sur tous les continents. En Afrique subsaharienne, par exemple, la proportion de population privée d’accès suffisant à la nourriture s’est accrue au cours de cette période, passant de 38 à 43 pour cent. De plus, les problèmes relatifs aux carences en micronutriments sont fréquents et méritent beaucoup d’attention.

La Conférence internationale sur la nutrition (CIN) a été organisée conjointement par la FAO et l’OMS à Rome, en décembre 1992, pour favoriser une prise de conscience mondiale des causes de la malnutrition et pour encourager la communauté à promouvoir et protéger activement le bien-être nutritionnel des populations vulnérables. La Déclaration mondiale sur la nutrition de la Conférence et le Plan d’action pour la nutrition, que les délégués de 159 pays ont adoptés à l’unanimité, soulignent que l’amélioration de la qualité de vie en général, et notamment du bien-être nutritionnel, doit se trouver au centre des ambitions du développement économique et social. Les textes adoptés invitent à prendre des initiatives concertées en vue de fournir aux plus démunis les ressources nécessaires pour augmenter leurs capacités productives, améliorer leurs opportunités sociales et renforcer durablement leur accès à la nourriture. Ces textes insistent aussi sur la nécessité de protéger le bien-être nutritionnel des groupes vulnérables par la mise en œuvre à court terme d’un choix de programmes de nutrition spécifiques, en même temps que par un effort sans relâche en faveur de solutions à long terme.

TABLEAU 1

Malnutrition chroniquea en Afrique subsaharienne
et dans les pays en développement, tous âges confondus

Pays

Pourcentage de personnes touchées

Nombre
(millions)

1969-1971

1990-1992

1969-1971

1990-1992

Total, pays en développement

35

21

917

839

Afrique subsaharienne

38

43

103

215

a Population ayant un apport énergétique (kcal/personne/jour) en moyenne au-dessous de 1,54 fois le métabolisme basal (MB) sur un an. Les estimations sont des moyennes pour l’Afrique subsaharienne.

Source: FAO, 1996b.

TABLEAU 2

Enfants présentant un déficit pondérala en Afrique
et dans les pays en développement

Pays

Pourcentage de personnes touchées

Nombre
(millions)

1975

1990

1995

1975

1990

1995

Total, pays en développement

42,6

35,8

34,6

195,6

193,4

199,8

Afrique subsaharienne

30,4

27,3

27,0

22,9

31,6

34,8

a Enfants de 0 à 60 mois ayant un rapport poids pour l’âge inférieur à deux écarts types de la valeur de référence médiane du Centre national de statistiques sanitaires (NCHS) des Etats-Unis (pour l’Afrique continentale et l’Afrique subsaharienne).

Source: OMS, 1995b; Base OMS de données globales sur la croissance de l’enfant,

TABLEAU 3

Carences en micronutriments en Afrique
et dans les pays en développement, années 90

Forme de malnutrition

Personnes à risque
(millions)

Personnes touchées
(millions)

Carence en fer ou anémie

-

206

Troubles dus à une carence en iode (TCI)

181

86

Carence en vitamine A
(enfants de moins de cinq ans)

52

1,04

Source: OMS, 1994; OMS/UNICEF/ICCIDD, 1993; OMS/UNICEF, 1995.

Le Sommet mondial de l’alimentation, qui a eu lieu à Rome en novembre 1996, a réaffirmé le droit de toute personne d’être libérée de la faim, en reconnaissant que la solution définitive aux problèmes de pauvreté, d’insécurité alimentaire et de malnutrition réside dans une croissance économique durable et équitablement répartie dans la société toute entière. En Afrique subsaharienne, l’agriculture est la clé de la croissance économique équitable, et c’est donc du développement de cette agriculture que vont dépendre la santé et la nutrition des populations africaines.

Cet ouvrage de référence n’est pas publié dans le simple but d’introduire la nutrition dans la formation agricole. Il vise également à faciliter la réalisation des objectifs tracés par la Conférence internationale sur la nutrition et par le Sommet mondial de l’alimentation. Il tient compte du fait qu’en Afrique la réponse aux problèmes actuels de pauvreté et de malnutrition passe par la promotion des communautés rurales, qui pourra se concrétiser si on aide ces dernières à identifier et surmonter les obstacles à leur participation plus complète au processus du développement.


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