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CHAPITRE 7.
Aliments, nutriments et régimes alimentaires


Le présent chapitre contient des informations sur les aliments, leur composition nutritionnelle, le rôle physiologique qu’ils jouent dans l’organisme, les besoins nutritionnels et les facteurs qui déterminent ces derniers. Il examine la composition des régimes alimentaires africains et les différents facteurs qui peuvent affecter la préparation des repas et les habitudes de consommation. Ce chapitre peut aider tous ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances en nutrition. Cela dit, certaines personnes s’intéressant à l’agriculture et aux problèmes alimentaires liés à la nutrition, par exemple les agronomes et les vulgarisateurs agricoles, n’ont peut-être pas besoin de toute cette information. De même, le grand public n’en a pas besoin pour préparer des repas sains et se maintenir en bon état de santé et de nutrition. Une approche pragmatique de l’alimentation saine consiste à privilégier la consommation d’ensembles comprenant un aliment de base, des produits énergétiques et protéiques et des assaisonnements riches en micronutriments essentiels.

Les groupes d’aliments

Les aliments, par exemple les plantes, se prêtent à plusieurs classifications. Les agronomes distinguent les cultures de plein champ, les cultures de plantation, les cultures de rapport, les cultures maraîchères, les cultures fourragères et les cultures herbagères. Ces groupes se chevauchent dans une certaine mesure: une même plante peut être incluse dans plus d’un groupe.

Les nutritionnistes ont essayé de regrouper les aliments de différentes manières: selon le nutriment principal (par exemple, aliments lipidiques, glucidiques, protéiques); selon le rôle nutritionnel (par exemple, aliments énergétiques, protecteurs, constructeurs); par nutriment (par exemple, glucides, lipides, vitamines, protéines); selon l’intérêt commercial (par exemple, céréales, racines et tubercules, noix et graines, fruits, légumes).

Les aliments d’origine végétale ou animale, quels qu’ils soient, contiennent un mélange de nutriments. Le sucre blanc raffiné, qui consiste à 100 pour cent de glucides (saccharose) fait exception. Bien qu’il soit possible de classer certains aliments selon le nutriment principal, il n’en reste pas moins que la plupart des aliments relèvent de plusieurs catégories (tableau 38).

Le caractère impératif de la diversification, qu’il s’agisse de production ou de consommation, a fait l’objet d’analyses aux chapitres 4 et 5, spécialement dans la perspective de la sécurité alimentaire des ménages. La sécurité alimentaire individuelle, qui s’exprime par un régime alimentaire équilibré et suffisant, dépend aussi de la diversité. En éducation nutritionnelle, la notion qui sous-tend les conseils donnés aux familles pour élaborer leurs menus est souvent celle-ci: «Choisissez au moins un aliment de chaque groupe». Néanmoins, d’autres facteurs tels que le coût et l’acceptabilité doivent être pris en considération (encadré 52).

TABLEAU 38

Les nutriments de divers types d’aliments

Aliment

Bonne source de:

Source moyenne de:

Céréales

Amidon, fibres

Protéines, vitamines du complexe B, nombreux minéraux

Racines amylacées et fruits vitamine C à l’état frais

Amidon, fibres si de couleur jaune ou orange,

Quelques minéraux, vitamine A

Haricots et pois

Protéines, amidon, quelques minéraux, fibres

Vitamine du complexe B

Graines oléagineuses

Graisses, protéines, fibres

Vitamine du complexe B, quelques minéraux

Graisses et huiles

Graisses

Vitamine A si de couleur orange ou rouge

Feuilles vertes (vert moyen à vert foncé)

Vitamines A et C, folate

Protéines, minéraux

Légumes orangés

Vitamines A et C

Fibres

Fruits orangés

Vitamines A et C

Fibres

Agrumes

Vitamine C

Fibres

Lait

Graisses, protéines, calcium, vitamines


Œufs

Protéines, vitamines

Graisses, minéraux (pas de fer)

Viande

Protéines, graisses, fer


Poisson

Protéines, fer


Foie

Protéines, fer, vitamines


Source: King et Burgess, 1993.

ENCADRÉ 52
POURQUOI L’ENSEIGNEMENT DES TROIS GROUPES D’ALIMENTS N’EST PAS RECOMMANDÉ

Il y a quelque temps, les agents de santé et de nutrition se servaient de l’idée des «trois groupes d’aliments» (énergétiques, constructeurs et protecteurs) pour enseigner aux mères comment élaborer leur menu. Actuellement, on estime que parler de ces groupes d’aliments n’est pas la meilleure façon d’aider les familles à améliorer leurs repas et à empêcher la malnutrition, pour les raisons suivantes.

Beaucoup d’aliments appartiennent à plus d’un groupe

La plupart des aliments sont composés de divers nutriments. Les céréales appartiennent au groupe des aliments énergétiques, mais elles constituent aussi d’importantes sources de protéines, de vitamines B et d’amidon. On place en général le lait dans le groupe des aliments constructeurs, alors qu’il contient autant de lipides que de protéines et qu’il a en outre du calcium et plusieurs vitamines. Les arachides sont également riches à la fois en énergie et en protéines.

Le corps humain a besoin d’amidon et de graisses

Les aliments amylacés et les aliments gras appartiennent au groupe des aliments énergétiques. Ainsi, on ne sait pas clairement si les gens ont besoin des deux.

Un repas comportant un aliment de chaque groupe peut ne pas être équilibré

Le concept des trois groupes d’aliments laisse penser qu’un repas équilibré pourrait se composer de margarine (aliment énergétique), de fromage (aliment constructeur) et d’une banane (aliment protecteur), ou de sucre, d’un oeuf et d’un citron. Ce serait là des repas bizarres, et plusieurs nutriments feraient défaut.

Plusieurs problèmes importants sont laissés de côté

Le concept des trois groupes d’aliments ne considère que les associations d’aliments, sans tenir compte des quantités nécessaires, du volume des aliments de sevrage, ou de la nécessité de repas fréquents chez l’enfant.

La plupart des femmes n’utilisent pas l’idée des trois groupes

Beaucoup de femmes connaissent bien les trois groupes d’aliments, mais la plupart d’entre elles admettent qu’elles n’y font pas attention car, bien souvent, elles n’ont pas les moyens d’acheter les aliments et elles ne planifient pas les repas en fonction de ces groupes.

Source: D’après King et Burgess, 1993.

Les principaux nutriments et leurs fonctions

Manger est un acte naturel et essentiel. Si le système alimentaire comporte des contraintes et si l’accès aux aliments est limité par des obstacles économiques, sociaux ou culturels, les besoins nutritionnels de base en énergie et en nutriments essentiels risquent de ne pas être satisfaits.

Pour comprendre la nutrition humaine, il faut nécessairement connaître les besoins nutritionnels et le rôle que jouent les aliments et les nutriments dans la promotion et le maintien de la croissance, de la santé, de l’activité et de la reproduction. Une bonne compréhension des fonctions des nutriments est particulièrement utile pour prévenir et contrôler les carences nutritionnelles spécifiques ainsi que la malnutrition protéino-énergétique (voir le chapitre 8).

La plupart des espèces animales ont besoin d’un certain nombre de facteurs alimentaires essentiels, que l’on peut grouper en catégories chimiques, comme les glucides, les protéines, les lipides, les vitamines, les minéraux. Les fibres alimentaires et l’eau sont parfois ajoutées à cette liste. Le tableau 39 donne une classification simple des constituants alimentaires. On peut décrire aussi les vitamines et les minéraux comme micronutriments. Une alimentation saine fournit tous ces nutriments en quantité suffisante, mais pas excessive. Les besoins individuels diffèrent selon le poids, l’âge, le sexe, l’état physiologique et le style de vie de chacun.

TABLEAU 39

Classification simple des différents constituants alimentaires

Constituant

Rôle

Eau

Renouvellement des liquides de l’organisme et participation à la régulation thermique

Glucides

Combustible donnant l’énergie nécessaire pour maintenir la température de l’organisme et pour travailler

Lipides

Source d’énergie et acides gras essentiels

Protéines

Croissance et entretien de l’organisme

Minéraux

Développement des tissus de l’organisme et processus métaboliques

Vitamines

Processus métaboliques

Parties non

Servent de véhicule aux autres

absorbables

nutriments, donnent plus de consistance,

des aliments,

fournissent un habitat à la flore bactérienne

fibres comprises

intestinale et facilitent l’élimination

Source: FAO, 1997b.

Les nutriments comme sources d’énergie

Certains besoins nutritionnels peuvent être indifféremment couverts par tel ou tel nutriment, selon la situation métabolique de l’organisme. Les glucides sont souvent divisés en amidons et sucres, classés l’un et l’autre parmi les «sources d’énergie». Les lipides sont également des sources d’énergie très concentrées, comme le sait tout éleveur qui incorpore des graines de tournesol, du tourteau d’arachide ou de la farine de soja dans les rations du bétail. Les protéines peuvent aussi se convertir en énergie si l’organisme est privé d’autre nourriture, mais c’est une utilisation particulièrement inefficace de ces nutriments. Normalement, les nutritionnistes ne classent que les amidons, les sucres et les lipides parmi les aliments énergétiques.

Les fibres, spécialement sous forme de cellulose, ne sont pas digérées de la même manière que les autres nutriments. Elles restent pour l’essentiel dans l’intestin, où elles facilitent les processus de digestion et d’excrétion, et finissent par être évacuées dans les fèces. Les fibres solubles, peu représentées, fermentent dans le gros intestin et produisent des acides gras et d’autres substances que l’organisme absorbe comme source d’énergie.

Les aliments de base amylacés

La plupart des populations africaines trouvent dans les glucides la plus grande part de l’énergie dont l’organisme a besoin. L’oxydation complète de ces nutriments fournit 4 kcal par gramme. Quand une plante verte synthétise un glucide, une importante proportion est stockée dans les cellules végétales, sous forme de cellulose, d’amidon ou de sucre. Les cultures vivrières et plus précisément les céréales, les racines, les tubercules et la banane plantain constituent donc les sources majeures d’énergie de la plupart des habitants de l’Afrique et donnent les plus hauts rendements d’énergie par unité de surface.

Etant donné que les tissus corporels exigent un apport constant de glucose comme carburant de la plupart des réactions métaboliques, le processus digestif convertit tous les glucides (sauf les constituants des fibres alimentaires) en l’une des trois molécules simples de sucre: glucose, fructose et galactose. Ces deux derniers sont à leur tour convertis en glucose. Les glucides jouent également un rôle essentiel dans la conversion effective et l’utilisation d’autres nutriments, par le biais de l’énergie qu’ils fournissent. Par exemple, l’utilisation des protéines ne saurait être optimale sans que des glucides ne soient fournis simultanément, c’est-à-dire au cours du même repas. De même, les glucides sont nécessaires au métabolisme lipidique normal. La structure traditionnelle des repas africains, à savoir un aliment de base glucidique complété par une sauce contenant divers autres produits alimentaires, peut donc constituer la base d’une alimentation efficace sur le plan nutritionnel.

Les aliments de base amylacés sont généralement consommés en plus grande quantité que toute autre composante des repas africains. Bien que ces aliments, tels que les céréales, les racines et les tubercules, soient surtout des sources d’énergie, ils contiennent aussi d’autres nutriments, dont une quantité importante de protéines, notamment dans le cas des céréales. Les grains de céréales contiennent environ 10 pour cent de protéines sur une base sèche, tandis que les racines et les tubercules en contiennent beaucoup moins, soit de 1 à 3 pour cent seulement (voir le tableau

22 au chapitre 5). Les légumineuses et les oléagineux fournissent également de l’énergie, provenant des glucides et de l’huile que contiennent leurs fèves et leurs graines; ces dernières contiennent de 20 à 30 pour cent de protéines. Les personnes qui disposent d’assez d’aliment de base pour couvrir leurs besoins énergétiques ont une forte probabilité de couvrir aussi leurs besoins protéiques. A l’inverse, la malnutrition protéique est généralement associée à une carence énergétique, résultant d’un apport de nourriture globalement insuffisant. Il est donc plutôt rare de rencontrer un état de carence protéique alimentaire pure, sauf chez les enfants sevrés avec un aliment de base non céréalier.

Les huiles et les graisses

Les huiles et les graisses sont des formes concentrées d’énergie. Le rendement énergétique de l’oxydation complète des acides gras est d’environ 9 kcal par gramme, contre à peu près 4 kcal par gramme pour les glucides et les protéines. En outre, les graisses se conservent pratiquement sous n’importe quelle forme anhydre. Les graisses animales ne contiennent qu’une petite proportion d’eau, et les huiles raffinées n’en ont quasiment pas. L’organisme humain stocke l’énergie sous forme de graisse pour l’utiliser ensuite. Certains végétaux, qui stockent l’énergie sous forme de glucides, renferment également de l’huile dans leurs noix, leurs graines, les germes de leurs semences et leurs fruits. En Afrique, une forte proportion du contenu lipidique des régimes alimentaires traditionnels provient des huiles végétales, comme l’huile de palme rouge, l’huile d’arachide, l’huile de coco et l’huile de sésame. Les grains entiers de céréales apportent aussi de l’huile au régime alimentaire, mais une part non négligeable de cette huile peut être perdue si les germes sont écartés avant la mouture. Par exemple, le contenu en huile du maïs, qui est de 4,5 pour cent dans le grain entier séché, tombe à 0,8 pour cent après mouture dans les brisures de maïs dégermées.

Les lipides - ou corps gras - présents dans les produits alimentaires sont principalement des triglycérides, qui sont des esters de glycérol et d’acides gras. Ces corps gras sont des mélanges de différents triglycérides. On ne trouve dans la nature aucun corps gras ne consistant qu’en un seul triglycéride. Dans l’organisme humain, chaque triglycéride est décomposé en glycérol et trois acides gras qui jouent tous un rôle majeur dans le métabolisme énergétique. Plus de 40 acides gras sont présents dans la nature. Les acides gras naturels sont classés en trois groupes: saturés, mono-insaturés (avec une double liaison) et poly-insaturés (avec deux doubles liaisons ou davantage). Le degré de saturation d’un corps gras affecte ses propriétés physiques et biologiques. Les corps gras qui contiennent surtout des acides gras saturés sont solides à la température ambiante, tandis que ceux qui contiennent une forte proportion d’acides gras insaturés sont liquides, c’est-à-dire que ce sont des huiles.

En période de travail léger ou modéré, les glucides suffisent d’ordinaire comme source d’énergie. Par contre, au cours de longues périodes de dépense énergétique, l’organisme doit utiliser les lipides comme source d’énergie après avoir épuisé les glucides. Il faut aussi que la part des lipides soit suffisamment élevée pour que le régime alimentaire ait une densité énergétique adéquate. Ainsi, il convient d’ajouter de petites quantités d’huile aux aliments de sevrage et au régime alimentaire des jeunes enfants pour augmenter la densité énergétique d’aliments aussi volumineux que les farines de céréales et les mets à base de racines et de tubercules.

D’autres raisons d’ordre nutritionnel justifient l’incorporation de lipides dans un régime alimentaire équilibré. Les lipides alimentaires sont porteurs d’acides aminés essentiels et des vitamines liposolubles A, D, E, K. Les lipides aident aussi à l’absorption de ces vitamines et les transportent, ainsi que leurs précurseurs, à travers l’organisme. Les lipides exaltent la saveur des aliments et leur digestion prend plus de temps que celle des glucides et des protéines. Ils prolongent la satisfaction d’un repas et retardent d’autant le retour de la faim. En plus de fournir de l’énergie, les lipides sont les éléments constitutifs des phospholipides et des glycolipides, qui sont des composantes essentielles des membranes cellulaires.

Dans les repas africains, les apports d’huiles et de graisses sont généralement faibles, car les sources de corps gras que constituent les huiles raffinées et les aliments d’origine animale coûtent cher. Une étude a montré que la consommation de lipides des femmes du Swaziland au cours d’une saison agricole complète ne dépassait pas 25 g par jour en moyenne, soit 14 pour cent de leur consommation totale d’énergie alimentaire (Huss-Ashmore et Curry, 1991). Selon les directives courantes, la plupart des adultes actifs devraient trouver de 15 à 35 pour cent de leur énergie alimentaire dans les huiles et les graisses; les graisses saturées d’origine animale ou d’origine végétale ne devraient pas fournir plus de 10 pour cent de cette énergie. Les femmes en âge de procréer devraient trouver au moins 20 pour cent de leur énergie alimentaire dans les corps gras, de sorte qu’elles arrivent à consommer assez d’acides gras essentiels. Au cours du sevrage et jusqu’à l’âge de 2 ans au moins, les enfants devraient tirer des lipides de 30 à 40 pour cent de leur énergie alimentaire; le régime alimentaire devrait leur fournir le même niveau d’acides gras essentiels que celui qu’ils trouvaient dans le lait maternel (FAO/ OMS, 1994). Les ménages qui ne consomment pas assez de corps gras suivront difficilement ces directives. Un vaste ensemble d’efforts sera nécessaire pour assurer une consommation lipidique suffisante parmi les groupes de population qui reçoivent moins de 15 pour cent de leur apport énergétique des huiles et des graisses. Les chiffres-indices nationaux d’apport lipidique alimentaire de l’Afrique subsaharienne sont donnés à l’annexe 5.

Les acides aminés essentiels et les protéines complémentaires

Les protéines jouent un rôle capital dans pratiquement tous les processus biologiques. Les protéines sont de très grandes molécules composées de nombreux acides aminés liés ensemble en plusieurs séquences. Parmi les très nombreux acides aminés, 20 sont communs dans les plantes et les animaux et jouent un rôle dans la nutrition humaine. Toutes les protéines présentes dans toutes les espèces - depuis les bactéries jusqu’à l’homme - sont composées de ces acides aminés selon diverses combinaisons. Neuf d’entre eux sont connus comme acides aminés essentiels, du fait que l’organisme humain est incapable de les synthétiser. Donc, les quantités nécessaires de ces acides aminés doivent provenir de la nourriture. Les 11 autres acides aminés sont nécessaires à l’organisme aussi, mais ils sont considérés comme non essentiels parce que l’organisme humain est capable d’en synthétiser des quantités suffisantes. Dans les aliments d’origine animale, par exemple la viande, le poisson, les oeufs et le lait, les proportions relatives des divers acides aminés essentiels sont très similaires à celles que l’on retrouve dans les protéines humaines. Par contre, dans les protéines végétales, ces proportions sont très différentes. Les protéines contiennent des centaines d’acides aminés liés ensemble, et chaque protéine est caractérisée par une séquence d’acides aminés génétiquement déterminée qui lui est propre.

Les protéines sont les composantes principales des muscles. Le collagène protéique est responsable de l’élasticité remarquable de la peau et de l’os. Le contrôle de la croissance et de la différenciation cellulaire est une autre fonction des protéines. Dans le système immunitaire, des protéines bien précises - les anticorps - reconnaissent et combattent les cellules étrangères telles que les bactéries et les virus. La réponse des cellules nerveuses aux différents stimuli est relayée par des récepteurs protéiques qui transmettent des impulsions aux jonctions entre les cellules nerveuses. Dans le sang, l’hémoglobine, qui est une molécule protéique, transporte l’oxygène et l’anhydride carbonique, tandis que la myoglobine, une protéine qui ressemble à la première, transporte l’oxygène dans les tissus musculaires. Les protéines comprennent aussi les enzymes ainsi que diverses composantes essentielles des sécrétions et des fluides de l’organisme, comme les hormones, le lait et le sperme. Les protéines du plasma sanguin, particulièrement l’albumine, sont importantes pour le maintien de l’équilibre osmotique normal entre les différents fluides de l’organisme.

Les protéines servent aussi de source secondaire d’énergie, si les quantités de glucides et de lipides du régime alimentaire ne suffisent pas à fournir assez d’énergie. Ainsi, un enfant recevant une alimentation équilibrée en protéines, mais qui ne consomme pas assez d’aliments pour satisfaire ses besoins énergétiques, ne tirera pas complètement profit des protéines pour sa croissance, car il les utilisera comme source d’énergie.

Au cours de la digestion, les protéines alimentaires sont décomposées en polypeptides et en peptides et enfin en acides aminés, qui sont à leur tour assemblés de nouveau pour composer les diverses protéines dont l’organisme a besoin. L’organisme utilise les acides aminés pour l’élaboration de tissu de croissance et la réparation des cellules épuisées et des tissus lésés. Le régime alimentaire doit donc fournir des quantités majeures de protéines au cours des périodes de croissance rapide, telles que la petite enfance, l’enfance et l’adolescence, ainsi que durant la grossesse, la lactation et la convalescence.

Les protéines de source animale contiennent à peu près les mêmes proportions d’acides aminés essentiels que les protéines humaines. C’est pourquoi la synthèse des protéines humaines à partir des protéines animales est relativement simple et directe. Cependant, les protéines n’ont pas toutes la même valeur pour assurer la croissance. Selon l’équilibre entre les acides aminés qui les composent, certaines protéines sont de meilleure qualité que d’autres. Les indices de qualité protéique, comme l’utilisation protéique nette ou le score acido-aminé (voir l’encadré 53 pour une définition de cette catégorie de termes), sont des estimations du pourcentage des protéines probablement utilisables pour la croissance et l’entretien du jeune animal ou du jeune enfant. L’efficacité de la protéine contenue dans les aliments d’origine animale, comme la viande, le poisson, les oeufs et le lait, est proche de 100 pour cent. De toute évidence, un aliment ou un régime alimentaire dont la qualité protéique s’élève à 70 pour cent aura plus d’acides aminés à utiliser comme élément de croissance que si sa qualité protéique ne dépasse pas 40 pour cent. Toutefois, les acides aminés qui ne sont pas utilisés pour le métabolisme protéique ne sont pas gaspillés pour autant; ils sont utilisés comme source d’énergie.

Les protéines des plantes contiennent souvent moins d’acides aminés essentiels que les protéines humaines et animales. Par exemple, la protéine du haricot sec contient moins de méthionine - et la protéine du maïs moins de lysine - que la protéine de l’oeuf ou du tissu humain. Cependant, si les haricots secs et le maïs sont consommés ensemble au cours d’un même repas, la qualité du mélange d’acides aminés fourni à l’organisme est améliorée (figure 27). Cet effet a servi de base pour la formulation de mélanges alimentaires de haute qualité protéique, composés de 70 pour cent de maïs et 30 pour cent de haricots secs.

Il est ainsi possible de maximiser la qualité nutritionnelle d’un repas en combinant, selon de justes proportions, des aliments protéiques différents mais complémentaires. Ce concept est déjà appliqué en nutrition animale, où les rations sont composées, en vue d’une croissance optimale du bétail au moindre coût, en mélangeant divers produits d’origine végétale. L’industrie des aliments du bétail dans les pays développés est basée sur la confection informatisée de mélanges de protéines complémentaires, combinées à des aliments énergétiques et additionnées de vitamines et de minéraux. Certains principes de la nutrition animale sont également applicables à la nutrition humaine, bien que les composantes du régime alimentaire des animaux et des humains puissent être différentes, du fait des différences de leurs systèmes enzymatiques et des bactéries de leurs systèmes digestifs respectifs. Dans chaque situation concrète, il faut vérifier si l’apport protéique et l’équilibre des acides aminés, c’est-à-dire la qualité protéique, sont suffisants pour satisfaire les besoins du consommateur pour la plupart des acides aminés limitants. Bien que la qualité protéique des céréales soit limitée par leur pauvreté relative en certains acides aminés, principalement la lysine, la thréonine et le tryptophane, les variétés traditionnelles de la plupart des céréales, consommées en quantité suffisante pour satisfaire les besoins en énergie et en protéines totales, contiennent suffisamment de ces acides aminés pour couvrir les besoins protéiques des enfants d’âge préscolaire. Cependant, les enfants ont des besoins énergétiques et protéiques très élevés et il leur est difficile de consommer assez de céréales pour les couvrir. Leurs régimes alimentaires doivent donc être complétés par des aliments énergétiques et des aliments riches en protéines, comme la viande, les produits laitiers et les légumineuses.

ENCADRÉ 53
DÉFINITION DES TERMES EMPLOYÉS DANS L’ÉVALUATION DE LA QUALITÉ PROTÉIQUE

Score acido-aminé

Si l’on connaissait la composition d’une protéine «idéale», il serait possible de calculer la valeur nutritive d’une protéine ou d’un mélange de protéines, en établissant le déficit de chaque acide aminé essentiel par rapport à la quantité contenue dans la protéine «idéale». Cette méthode est à la base de la détermination de la valeur en acides aminés, qui permet de voir dans quelle mesure une protéine ou un mélange de protéines données satisfont les besoins en acides aminés essentiels du consommateur. Un score acido-aminé peut donc être calculé sur la base de la valeur de l’acide aminé limitant.

Acide aminé limitant

L’acide aminé limitant est l’acide aminé qui présente le plus grand déficit pour le groupe d’âge dont on calcule les besoins protéiques. Seuls quatre acides aminés essentiels sont susceptibles de limiter la qualité protéique des régimes alimentaires mixtes des êtres humains: la lysine, les acides aminés soufrés (méthionine + cystine), la thréonine et le tryptophane.

Digestibilité des protéines

Une consommation importante de fibres alimentaires augmente l’excrétion de l’azote par voie fécale et réduit d’environ 10 pour cent la digestibilité apparente des protéines.

Taux d’efficacité protéique

La méthode la plus simple pour calculer la valeur nutritive est de mesurer le taux de croissance de jeunes animaux soumis à un régime alimentaire normalisé. Le gain de poids est alors comparé à la quantité de protéines ingérées. L’indice obtenu est appelé taux d’efficacité protéique (TEP). Ce taux varie avec le niveau protéique du régime.

Valeur biologique

La valeur biologique (VB) d’une protéine est la proportion de l’azote ingéré qui est retenue par l’organisme pour l’entretien et/ou la croissance. C’est le rapport entre l’apport azoté du régime et la quantité d’azote urinaire et fécal.

Utilisation protéique nette

L’utilisation protéique nette (UPN) d’une protéine est le produit de la valeur biologique d’une protéine par sa digestibilité, c’est-à-dire la proportion de l’azote ingéré qui est retenue par l’organisme dans certaines conditions.

Source: OMS, 1985.


FIGURE 27
Coefficient d’efficacité protéique de diverses combinaisons de maïs commun ou opaque-2 et de haricots noirs

Source: FAO, 1993a (reproduit de Bressani, 1988).

Au chapitre 5, le concept de la complémentarité entre protéines a été évoqué à propos des cultures associées qui sont pratiquées dans les systèmes mixtes de production. Les ménages qui produisent des céréales et des légumineuses pour leur consommation peuvent incorporer au régime alimentaire de leurs membres un mélange de protéines complémentaires efficace sur le plan nutritionnel, surtout si ces ensembles de céréales et de légumineuses sont complétés par les produits du jardin potager ou par des feuilles vertes récoltées dans la nature (FAO, 1993a).

Il est possible de comparer le contenu protéique des différents aliments en consultant les tables de composition des aliments comme celles qui sont données au tableau 40 et à l’annexe 4. Ces tables n’indiquent pas le score acido-aminé de la protéine ou la proportion de protéine effectivement utilisée par l’organisme, c’est-à-dire la qualité protéique. Néanmoins, elles sont utiles pour estimer la valeur nutritionnelle des aliments et des régimes alimentaires.

TABLEAU 40
Composition approximative de quelques aliments cuitsa

Aliment cuitb

Eau

Energie

Protéines

Fer

Vitamine Ac

Vitamine Cc

(g)

(kcal)

(g)

(mg)

(ER)

(mg)

Maïs, porridge épais

75

100

2,3

0,3

0

0

Maïs, porridge clair

87

50

1,4

0,2

0

0

Riz, poli, cuit à l’eau

70

123

2,8

0,3

0

0

Riz, étuvé, cuit à l’eau

65

134

2,8

0,7

0

0

Pâtes, cuites à l’eau

66

134

4,7

1,2

0

0

Manioc, frais, cuit à l’eau

60

140

1,2

1,5

-

0

Gari (manioc fermenté, séché et pilé), cuit à l’eau

70

121

0,3

?

0

0

Banane plantain, bouillie

70

111

0,8

0,9

110

12

Pomme de terre, bouillie

78

75

1,7

1,7

-

16

Pomme de terre, frites/chips

47

250-562d

3,8

0,9

0

15

Patate douce, bouillie

69

121

1,6

2,9

440

28

Haricots/pois, bouillis

65

128

8,8

3,3

-

0

Arachides, bouillies

49

314

13,8

2,1

-

0

Arachides, grillées

4

585

25,6

?

0

0

Soja, bouilli

51

223

20,9

3,4

-

0

Feuilles vertes, bouillies et égouttées

48

160

11,5

?

1 000

58

Chou, bouilli

93

23

1,6

?

40

40

Viande de poulet, bouillie (% PC = 67)

61

203

26,0

1,5

110

0

Poisson, cuit à l’eau ou à la vapeur (% PC = 52)

74

118

20,0

1,8

-

0

a Calcul établi à partir des valeurs des aliments crus, suivant les différents taux d’humidité; il est tenu compte des pertes de vitamines au cours de la cuisson.

b Pourcentage de partie comestible (% PC) = 100, sauf avis contraire.

c La teneur varie selon le mode de cuisson. ER = équivalent rétinol.

d Varie en fonction du mode de préparation des frites.

Source: King et Burgess, 1993.

Calcul de la qualité protéique et de l’utilisation biologique des protéines Les nutritionnistes se sont traditionnellement servis des animaux de laboratoire, notamment des rats, pour évaluer le taux d’efficacité protéique et l’utilisation protéique nette des différentes protéines alimentaires. Cependant, les tests analytiques sont habituellement effectués à des niveaux d’apport protéique inférieurs à l’optimum nécessaire pour une croissance maximale. La valeur biologique de la protéine de l’oeuf (figure 28) est au maximum - proche de 100 pour cent - pour un apport de 0,2 g par kilogramme et par jour. Si cet apport est doublé, soit 0,4 g par kilogramme et par jour, la valeur biologique tombe aux environs de 60 pour cent. L’étude montre que l’utilisation de la protéine dépend du niveau de l’alimentation. Dès que l’on dépasse le niveau d’alimentation qui correspond à l’utilisation maximale de la protéine, l’excédent se perd inutilement.

FIGURE 28
Valeur biologique de la protéine de l’oeuf à différents niveaux d’apport protéique chez des hommes jeunes

Source: Pellet et Young, 1980.

Un autre facteur affectant l’utilisation des protéines par l’organisme humain est la quantité des autres nutriments présents dans le régime alimentaire. Si ce régime ne contient pas assez de glucides ou de lipides pour satisfaire les besoins

énergétiques, son contenu protéique sera converti en énergie pour couvrir le déficit, soit un véritable gaspillage d’un nutriment précieux. Les fibres d’un repas peuvent aussi diminuer la digestibilité des protéines et, par voie de conséquence, abaisser leur disponibilité biologique.

Pour encourager la consommation de bonnes quantités de protéines complémentaires et l’addition d’aliments riches en énergie aux plats de base, il pourra se révéler utile de rappeler la leçon fondamentale citée au début de ce chapitre: «mangez des aliments variés!»


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