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CHAPITRE XII. LE FOIN AU NIVEAU DES PETITES FERMES DANS L'AVENIR


La technologie pour la fenaison dans les grandes fermes mécanisées se développe rapidement. La fenaison dans les petites fermes, comme il a été si bien illustré dans les études de cas, repose sur des méthodes anciennes, traditionnelles, en matériel et en plantes. Comment et où les améliorations peuvent-elles être faites dans le contexte des conditions socio-économiques des petites fermes? Le transfert direct de méthodologie développée dans d'autres contextes agricoles et économiques fonctionnent rarement, donc quelles améliorations peuvent-elles être prévues? La réalisation de la valeur des résidus de récolte comme fourrage pour le bétail se développe rapidement, et dans les régions où il était d'usage de les pâturer, ils sont souvent récoltés pour l'utilisation à la ferme ou pour la vente.

Foin

L'expansion de la fenaison à partir des parcours naturels dans les régions où elle est traditionnelle est probablement limitée par la disponibilité d'herbe adéquate. Les améliorations techniques, à partir du nettoyage des parcelles, du drainage et quelquefois de l'irrigation et de la fertilisation, sont possibles si les problèmes de droits de fauche et de pâturage à long terme sont résolus. Il reste à voir si la récolte des herbages tropicaux grossiers s'étendra, parce que leur qualité est toujours faible et que les conditions climatiques empêchent habituellement le séchage avant maturité. La possibilité d'améliorer la collecte des résidus de récolte devrait être étudiée avant d'encourager la récolte de foin de brousse. Cependant, il y a de grandes régions de parcours dégradés, surtout dans les climats à mousson qui pourraient être convertis en pâturage si les paysans s'y engageaient directement et, dans de tels climats, la conservation du fourrage pour une très longue saison sèche est essentielle.

Le foin à partir de fourrage semé est de bien meilleure qualité que celui de pâturage naturel, surtout le foin de légumineuse qui est le fondement principal de nombreux systèmes traditionnels. Des améliorations importantes sont possibles dans la production du foin par l'utilisation de bonne semence de cultivars localement testés, une culture soignée, une fertilisation minérale et une meilleure irrigation, le cas échéant. L'expansion du foin semé dans des systèmes de petites fermes tropicales est problématique, au moins dans les régions humides et subhumides: il n'y a aucune légumineuse pour remplacer la luzerne et les trèfles comme plante pour le foin. Beaucoup de foin est produit sous irrigation dans les régions semi-arides et arides; là, la disponibilité en terre irriguée est un facteur limitant à l'expansion, et la principale méthode pour accroître la production de foin paraît être l'accroissement de rendement par unité de surface.

Les graminées appropriées abondent, mais faire du foin de graminées de qualité en de telles conditions, sauf en quantités minuscules, exigerait la mécanisation afin que la fauche et la manipulation des andains puissent être effectuées assez rapidement. Les foins sous les tropiques, sont, jusqu'à présent, associés avec l'agriculture commerciale à grande échelle où le bétail est important.

Habituellement les cultivars disponibles ne sont pas une contrainte majeure pour l'amélioration de la production, bien que la disponibilité de semence et la qualité puissent être améliorées (voir ci-dessous). Dans les régions de fenaison traditionnelle, les petites fermes peuvent souvent obtenir de grandes augmentations par unité de surface en utilisant une bonne semence de cultivars déjà disponibles à travers les instituts de recherche locaux. Là où le foin est déjà cultivé, plus d'importance doit être attachée à l'examen des variétés locales et à la définition des problèmes avant de chercher des plantes à haut rendement. Rusticité et persistance, sont des caractéristiques essentielles dans des systèmes souvent à faibles intrants, qui sont communs. Il est, bien sûr, désirable de se tenir au courant des progrès sur la résistance aux maladies et aux insectes nuisibles. Les principales plantes pour le foin dans les petites fermes sont des légumineuses; les graminées semées sont peu utilisées. La luzerne se distingue comme culture principale dans un grand nombre de pays où la fenaison au niveau des petites fermes est traditionnelle; elle est aussi, évidemment de très grande importance dans l'agriculture à grande échelle. Le sainfoin, (Onobrychis sativa), est une culture traditionnelle à côté de la luzerne dans certaines parties d'Asie occidentale et semble adapté aux sols et aux conditions plus pauvres, mais son usage ne s'est pas étendu. Est-ce qu'il mérite une étude et des essais plus amples? Une autre culture très importante dans sa région traditionnelle mais qui ne s‘est pas répandue est le trèfle de Perse (T. resupinatum).

Les régions dans lequelles se manifestent des problèmes incluent celles avec des hivers très rigoureux. Certaines d'entre elles peuvent seulement utiliser leurs propres variétés, ainsi le croisement et la sélection doivent se faire au niveau local; c'est le cas des zones de très hautes altitudes; et des limites plus froides des régions subtropicales.

L'approvisionnement limité en semence et en matériel à planter de variétés adaptées est une contrainte majeure pour l'amélioration de la production de foin dans les pays en voie de développement. Tout programme pour accroître l'approvisionnement fourrager doit s'attaquer à cela dès le début. Les espèces fourragères et prairiales présentent de plus grands problèmes dans la multiplication de semence sur la ferme que les céréales et les protéagineux. Les céréales utilisées comme fourrages sont habituellement faciles en termes de production de semence, mais produire une bonne semence de graminées et de légumineuses spécialisées pour le fourrage (et le pâturage) exige des compétences et un équipement spéciaux. Cette semence est habituellement cultivée dans des conditions micro-écologiques spécialisées. Là où les propriétés sont très petites, les paysans préfèrent souvent acheter la semence plutôt qu'utiliser la terre précieuse (et l'irrigation) pour la produire. Il faudrait encourager la production par des paysans spécialistes, plutôt que chaque petit paysan cultive sa propre semence. Le commerce international se concentre sur des cultivars communément demandés dans les pays développés, et ceux-ci ne conviennent pas nécessairement aux autres régions.

Quelques-uns des fourrages majeurs des pays en voie de développement (par exemple, bersim, Trifolium alexandrinum) et la plupart des plantes de prairies sont peu cultivées dans les pays développés. Bien qu'il ait souvent été amplement démontré que l'usage de semence propre d'un cultivar adapté est la première condition préalable pour l'amélioration de la production fourragère, la multiplication et la commercialisation des fourrages localement adaptés restent loin derrière les cultures vivrières dans la plupart des pays en voie de développement. L'amélioration de l'approvisionnement en semence fourragère qui augmenterait le rendement par unité de surface dans les petites fermes où la terre est rare, est essentielle si l'on veut augmenter la production animale. L'absence d'une structure officielle de production de semence n'est pas un obstacle à la production fourragère là où une communauté rurale dynamique cultive traditionnellement les fourrages. La production afghane de la luzerne et du trèfle de Perse est vigoureuse et s'exporte en dépit de vingt années de guerre. Elle n'est pas non plus une barrière pour l'adoption d'une nouvelle plante, car le trèfle d'Alexandrie s'est répandu en quelques décennies au Pakistan et en Inde du Nord, grâce à la propre production de semence des paysans.

Les remarques à propos des semences sont souvent aussi applicables aux inocula des légumineuses, qui ont un problème de difficulté de conservation supplémentaire, spécialement en conditions de température ambiante élevée. Même quand des installations de production d'inoculant sont disponibles dans le pays, il y a des problèmes graves de distribution, surtout en climats chauds, et de formation des agents de vulgarisation et des paysans pour leur utilisation.

Le foin doit être fait rapidement et chaque activité achevée à temps; il s'agit d'un travail purement manuel, très exigeant en main-d'oeuvre et, par conséquent, ne permet de faire que de petites quantités. Des façons d'accélérer les opérations devraient être cherchées afin d'améliorer la réalisation du travail en temps opportun et augmenter la surface qui peut être traitée en un temps donné avec les travailleurs disponibles. Cependant, ce sont souvent les outils les plus rudimentaires qui sont utilisés, ainsi même une faucille bien affilée au lieu d'un outil dentelé pour les céréales accélèrerait le travail et couperait plus proprement. Une simple fourche ou un râteau pour retourner est une grande amélioration par rapport au retournement manuel, ces tâches sont encore souvent faites sans outils, peut être parce que ce sont les femmes et les enfants qui souvent les assument. Il y a une marge pour la formation et pour des démonstrations, car la technologie nécessaire est parfaitement à la portée des capacités du forgeron et du charpentier du village. L'équipement à traction animale est souvent difficile à obtenir, et les faucheuses fabriquées pour les chevaux ne conviennent pas aux bœufs. Cependant, dans de nombreuses régions, le fauchage par tracteur sous contrat, maintenant commun pour le blé dans certains endroits, pourra peut-être évincer le travail à traction animale.

Des améliorations simples dans les techniques de fenaison pourraient améliorer la qualité dans des régions où elles ne sont pas encore utilisées. Deux de ces améliorations sont: l'utilisation de trépieds et d'aides similaires à l'aération dans les zones humides où le bois n'est pas coûteux, et une meilleure manipulation des andains pour réduire la chute des feuilles dans les zones arides.

Résidus de récolte

Ceux-ci ont toujours été importants dans nombre d'endroits, et augmentent en importance car la disponibilité en pâturage «libre» diminue avec l'expansion des cultures. L'effort initial devrait porter sur une récolte plus précoce et soigneuse et sur le stockage. Une utilisation et une complémentation adéquates sont essentielles pour de tels aliments grossiers, et ceci devrait faire partie de toute formation. Les programmes d'amélioration des céréales prennent de plus en plus conscience de l'importance de la paille et des tiges dans les systèmes des petites fermes, mais l'impact de ceux-ci reste encore à se faire sentir au niveau du champ. Les résidus sont plus faciles à sécher que le foin, et sont utilisés sous tous les climats sauf dans les plus humides. La conservation de la paille de riz dans les climats et les endroits très humides présente des problèmes particuliers, et le traitement par le gaz ammoniac ou l'urée peut être utilisé comme un fongicide et un agent de conservation, aussi bien qu'un moyen d'améliorer l'appétibilité et la valeur alimentaire.

Le traitement à l'urée ou à l'ammoniac est maintenant une méthode bien comprise pour améliorer la valeur alimentaire des pailles et des tiges. Sa faisabilité doit toujours être étudiée dans toute région où ces dernières sont disponibles; les principaux facteurs gouvernant son utilisation sont économiques et varient beaucoup d'un endroit à l'autre.

Transfert de technologie et formation

Il y a beaucoup de plantes pour le foin, de façons de faire le foin et d'utiliser les résidus de récolte; certaines régions sont plus avancées que d'autres pour la culture et le séchage. Dans une région donnée, il devrait être possible de transférer une technologie adaptée avec peu de risque, de préférence à travers des visites de ferme. Le transfert entre régions voisines ayant des similitudes, précédé par quelques essais simples et des démonstrations, peut avoir d'excellents résultats, comme le montre l'étude de cas sur les démonstrations des Régions du Nord du Pakistan. Cependant, le transfert de technologie entre régions et systèmes ruraux dissemblables est une longue histoire d'échecs, surtout «les fermes de démonstration» d'une taille différente des petites fermes environnantes.

Figure 63. Le transfert de technologie doit être adapté au système agricole local; les «fermes modèles» montrant une technologie développée ailleurs ont rarement fonctionné. Transport de foin à Ambatondradama, Madagascar, avec une charrette mal adaptée et des ouvriers qui n’ont pas été formés pour la charger

La formation des paysans est une haute priorité; dans les pays où les fourrages semés et le foin sont traditionnels, des cultivars et une technologie appropriés et améliorés sont depuis plusieurs années disponibles au niveau des institutions de recherche, mais ne sont pas arrivés jusqu'aux paysans. Souvent les paysans n'en ont pas entendu parler ou n'ont pas eu accès à leurs semences. La recherche qui n'atteint pas le champ est perdue. Beaucoup pourrait être fait en informant d'abord les techniciens de ces résultats à travers une formation «en service» et, par la suite, les paysans. De telles démonstrations et formation doivent se faire à travers un travail à la ferme avec la participation et la collaboration des paysans pour s'assurer que les conditions sont bien celles du groupe cible. Les exposés et les aides audio-visuelles peuvent être utilisés, mais le plus grand impact est généralement obtenu à travers une série de démonstrations au champ et un échange d'information de fermier à fermier. De la même façon pour les paysans que pour les techniciens: le foin et le fourrage doivent être considérés dans le contexte de leurs systèmes agricoles, comme un composant de l'alimentation du bétail, et tous les aspects devraient être traités: depuis la préparation de la terre, à travers la culture et le séchage, jusqu'au stockage et à l'utilisation. Le ramassage, la conservation et le traitement des résidus de récolte, peuvent être considérés en même temps, car ils sont étroitement liés et seront presque certainement déjà pratiqués par les paysans.


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