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4 RÉPERCUSSIONS SUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE


La sécurité alimentaire est un objectif important pour tous les pays sélectionnés. Il est donc important d’examiner les effets de l’Accord sur l’agriculture sur la situation de la sécurité alimentaire des pays en développement. La mise en place de l’Accord a-t-elle renforcé la sécurité alimentaire dans les pays ou l’a-t-elle entravé? On observe le même problème méthodologique relevé pour les flux commerciaux: il est difficile d’isoler l’incidence de l’Accord des autres facteurs en jeu qui agissent sur la sécurité alimentaire, ce qui ne permet pas de tirer des conclusions définitives. En outre d’autres aspects du Cycle d’Uruguay, par exemple, l’Accord sur les textiles et les vêtements et la réduction globale de la protection des biens manufacturés, aura eu aussi une incidence sur la sécurité alimentaire, par le biais de leur incidence globale sur les recettes commerciales nettes, l’emploi et les conditions de vie.

L’un des aspects de la sécurité alimentaire se traduit par le pourcentage de la population sous-alimentée dans les pays sélectionnés (Figure 1). Au cours de la période 1997-1999 il était de 46 pour cent au Kenya mais atteignait juste 4 pour cent en Égypte. Dans douze des vingt-deux pays pour lesquels nous disposions de données (Fidji n’a pas été mentionnée), plus de 20 pour cent de la population était sous alimentée au cours de la deuxième moitié des années 90.

Figure 1. Incidence de la sous-alimentation dans les pays sélectionnés

Source: FAO, État de l’insécurité alimentaire dans le monde, 2001.

Toutefois, la situation s’est améliorée dans la plupart des pays. Dans dix-huit des vingt-deux pays, la proportion de la population sous-alimentée a reculé entre la période 1900-1992 et la période 1997-1999. Quatre pays (Botswana, Maroc, Sénégal et Ouganda) ont connu une augmentation de la part de la population sous-alimentée, bien que dans le cas du Maroc et du Sénégal, la progression n’ait été que d’un point. Un progrès a donc été enregistré dans la plupart des pays examinés, au cours de la période de mise en œuvre mais il n’est pas possible d’isoler l’incidence de l’Accord sur l’agriculture. En effet, compte tenu de ses effets limités sur les échanges (mentionnés à la section 3) l’Accord sur l’agriculture n’aura probablement pas été significatif au cours de la période examinée. La situation s’est donc améliorée dans la plupart des pays, même s’il n’est pas toujours possible d’isoler la part jouée par l’Accord sur l’agriculture.

Il est possible d’établir un lien plus direct entre l’Accord sur l’agriculture, les flux commerciaux et la sécurité alimentaire en examinant les tendances des disponibilités alimentaires dans les pays sélectionnés dans le temps. Alors que la prévalence de la sous-alimentation est influencée à la fois par la disponibilité alimentaire moyenne et par la distribution des denrées alimentaires disponibles, la disponibilité moyenne des produits alimentaires joue un rôle crucial. La figure 2 montre que 90 pour cent des différences entre les pays examinés pour ce qui est de la proportion de leur population sous alimentée, peut s’expliquer par les différences de l’apport calorique moyen par personne. La figure 3 illustre une opération plus complexe, la comparaison de l’amélioration de la prévalence de la sous-alimentation, et de l’amélioration de la moyenne des disponibilités énergétiques par habitant. Dans ce cas, 87 pour cent de la modification de la prévalence en pourcentage de la sous-alimentation peut s’expliquer par des modifications des disponibilités alimentaires par habitant. A partir des pays sélectionnés, examinés au cours des années 90, on note que pour chaque amélioration de 100 kcl de l’apport calorique par habitant, la prévalence de la sous-alimentation a chuté de 6,5 points en pourcentage.

Figure 2. Disponibilités alimentaires totales/ prévalence de la sous-alimentation, 1995-2000

Source: Élaboré à partir des données de FAOSTAT, et de l’Etat de l’insécurité alimentaire dans le monde (FAO, 2001)

Figure 3. Évolution des disponibilités alimentaires moyennes par rapport à l’évolution de la prévalence de la sous-alimentation (pays sélectionnés au cours des années 90)

Source: Données FAOSTAT, FAO, Situation de l’insécurité alimentaire dans le monde 2001.

Compte tenu du lien étroit qui existe entre la prévalence de la sous-alimentation et la disponibilité alimentaire par habitant, il n’est pas surprenant de relever que la tendance des disponibilités alimentaires par habitant est similaire à celle examinée ci-dessus pour la prévalence de la sous-alimentation (tableau 8). Sur les vingt-trois pays examinés, vingt ont enregistré une amélioration de la disponibilité de calories par habitant, entre la période immédiatement antérieure et immédiatement postérieure à l’Accord sur l’agriculture (le Botswana, le Sénégal et l’Ouganda étant les exceptions). Le Maroc est le seul pays où les disponibilités de produits alimentaires par habitant ont augmenté parallèlement à la sous-alimentation. Le tableau 8 montre aussi la tendance des disponibilités de céréales par habitant. Ce facteur pourrait être choisi comme indicateur de la situation de la sécurité alimentaire des groupes les plus démunis, puisque les aliments de base représentant probablement une part plus élevée de leur consommation alimentaire. Toutefois, dans certains pays, les racines et les tubercules peuvent contribuer considérablement à l’alimentation des pauvres, mais cette consommation n’est pas saisie dans cet indicateur. L’offre de céréales par habitant a augmenté dans tous les pays, entre la période antérieure à l’Accord sur l’agriculture et celle postérieure (sauf au Bangladesh, au Honduras et au Sénégal).

Tableau 8. Évolution des disponibilités alimentaires, par habitant

Pays

Apport énergétique total (kcal) par habitant (quotidien)

Disponibilités en céréales, par habitant

1985-89

1990-94

1995-2000

1985-89

1990-94

1995-2000

Bangladesh

2 041

2 053

2 072

187

188,3

187,4

Botswana

2 336

2 317

2 278

194

149,2

158,2

Brésil

2 731

2 801

2 925

285

296,2

314,7

Costa Rica

2 714

2 727

2 762

175,9

181,5

233,3

Côte d’Ivoire

2 570

2 429

2 575

135,5

126,7

151,5

Égypte

3 082

3 199

3 312

329,6

352,3

384,5

Fidji

2 597

2 690

2 794

148,5

165,6

168,3

Guyana

2 462

2 438

2 561

212,2

203,3

206,4

Honduras

2 226

2 324

2 387

161,6

174,5

169,0

Inde

2 266

2 355

2 444

177,6

181,7

183,7

Indonésie

2 507

2 742

2 897

199,8

216,7

237,9

Jamaïque

2 576

2 544

2 651

166,9

177,7

181,4

Kenya

2 056

1 875

1 960

141,0

124,6

134,1

Malawi

2 018

1 899

2 097

187,9

181

195,6

Maroc

2 985

2 978

3 000

339,4

311,9

313,7

Pakistan

2 227

2 331

2 453

165,2

176,9

181,7

Pérou

2 226

2 069

2 500

166,7

164,5

197,0

Philippines

2 211

2 249

2 348

205,2

203

207,7

Sénégal

2 259

2 296

2 264

222,0

198,7

189.4

Sri Lanka

2 312

2 210

2 310

156,8

152,1

158,9

Thaïlande

2 261

2 276

2 448

210,8

213,7

235,4

Ouganda

2 190

2 284

2 283

84,7

94,6

101,3

Zimbabwe

2 143

2 004

2 063

217,7

198,7

202,8

Source: FAOSTAT; État de l’insécurité alimentaire dans le monde, 2001

D’un point de vue de la sécurité alimentaire, il peut être intéressant de relever si l’accroissement des disponibilités alimentaires par habitant dépend de la production interne ou des importations. Une situation dans laquelle l’accroissement des disponibilités alimentaires par habitant est lié au renforcement de la production nationale interne et s’accompagne d’une baisse des importations (ou même d’un accroissement des importations) peut être interprété comme une amélioration de la sécurité alimentaire. Par contre, lorsque les disponibilités alimentaires par habitant diminuent, parallèlement au recul de la production nationale, ou même dans laquelle elles augmentent, mais seulement du fait de la hausse des importations alimentaires par habitant, on assiste à une situation non durable à long terme, du point de vue de la sécurité alimentaire, sans une hausse concomitante des recettes d’exportation.

Il est très difficile toutefois d’interpréter clairement les conséquences des modifications de la composition des disponibilités alimentaires (production nationale et importations destinées à la sécurité alimentaire) sans avoir davantage d’informations spécifiques sur le pays. Par exemple, la production nationale pourrait augmenter et modifier les importations, seulement du fait qu’un pays renforce la protection de son secteur agricole. Un pays qui connaît un recul de la production et une dépendance croissance vis-à-vis des importations alimentaires peut simplement s’appuyer sur d’autres ressources non agricoles, comme le tourisme ou la petite industrie, où la croissance et les possibilités d’emplois peuvent être plus intéressantes.

Pour ce qui est des céréales, du moins, il ressort des études de cas que certains pays semblent être devenus plus dépendants des échanges, au cours de la dernière partie de la décennie. Cela ressort aussi, si l’on examine la tendance des coefficients d’auto-approvisionnement pour les produits de base essentiels (tableau 9). Les coefficients d’auto-approvisionnement ont diminué entre les périodes 1990- 1994 et 1995-2000 dans douze des vingt-trois pays; le coefficient d’auto-approvisionnement des huiles végétales dans seize pays, celui du sucre dans treize pays, et celui de la viande juste dans sept pays. Les pays ne sont pas nécessairement devenus plus dépendants des importations pour leurs disponibilités alimentaires au cours de la période qui a suivi l’Accord sur l’agriculture, et il existe clairement une grande variété d’expériences spécifiques. Les études de cas explorent ces différences, de manière plus approfondie.

Il est beaucoup plus difficile de déterminer si les importations ont eu une incidence sur la production nationale. Il existe en effet une petite corrélation négative entre l’accroissement des importations et l’accroissement de la production nationale (R2 = 0,25), ce qui implique qu’avec l’accroissement des importations, la production nationale diminue. Il n’est pas possible toutefois, d’établir une relation causale sur la base de cette simple corrélation. Il est également plausible que la corrélation négative observée du fait de carences de la production nationale (dues aux mauvaises conditions météorologiques, par exemple) indique qu’un pays se tourne vers les importations pour avoir des approvisionnements suffisants. Dans ce cas, l’augmentation des importations indique que la sécurité alimentaire a été renforcée, non diminuée.

Une dépendance vis-à-vis des importations alimentaires peut se traduire par un problème de sécurité alimentaire, si le pays risque d’avoir des difficultés à payer ses importations. Un indicateur utile de la capacité d’importation des produits alimentaires est la part des dépenses d’importations alimentaires dans les exportations totales de biens et services. Comme pour nombre de pays en développement, une part des recettes en devises est consacrée au service de la dette et ne peut donc être affectée aux importations alimentaires, le rapport peut donc être exprimé comme étant la part des dépenses consacrées aux importations alimentaires, par rapport aux exportations totales de biens et services, déduction faite du service de la dette.

Les importations de produits alimentaires représentaient 12,4 pour cent des exportations totales de biens et services en 1985-1989 (11,5 pour cent en 1990-1994 et 11,6 pour cent en 1995-1999). La tendance est encore plus nette lorsque le service de la dette est pris en considération. La part des importations alimentaires, au cours des trois périodes est respectivement de 17,1 pour cent, 15,6 pour cent et 15 pour cent). La capacité de payer les importations alimentaires a donc augmenté dans les pays en développement au cours de la dernière décennie, malgré un durcissement progressif du prix des aliments que l’on trouve le plus souvent dans le panier des importations des pays en développement (tableau 10).

Tableau 9. Taux de couverture des besoins pour certains des principaux produits (calculés à partir des données de la FAO)

Pays

Viande

Sucre

Huiles végétales

Céréales

1985-
89

1990-
94

1995-
2000

1985-
89

1990-
94

1995-
2000

1985-
89

1990-
94

1995-
2000

1985-
89

1990-
94

1995-
2000

Bangladesh

1,01

1

1

0,90

0,94

0,78

0,29

0,38

0,30

0,89

0,87

0,91

Botswana

2,31

1,49

1,70

0

0

0,01

0,05

0,06

0,07

0,22

0,22

0,17

Brésil

1,07

1,08

1,09

1,32

1,34

1,84

1,42

1,29

1,37

0,93

0,82

0,82

Costa Rica

1,25

1,15

1,13

1,32

1,46

1,65

0,98

1,28

2,18

0,52

0,31

0,23

Côte d’Ivoire

0,82

0,81

0,94

1,01

1,08

0,94

2,23

2,44

1,64

0,60

0,62

0,63

Égypte

0,78

0,86

0,88

0,62

0,63

0,60

0,20

0,14

0,13

0,51

0,63

0,65

Fidji

0,70

0,61

0,64

17,92

27,69

20,99

1,07

0,77

0,59

0,19

0,14

0,09

Guyana

0,98

0,61

0,69

5,50

7,59

9,11

0,60

0,81

0,68

1,06

1,30

2,38

Honduras

1,17

1,19

0,97

1,41

1

1,16

1,30

1,16

1,07

0,76

0,75

0,66

Inde

1,02

1,02

1,04

0,93

1,02

1,06

0,79

0,92

0,75

1

1,02

1,03

Indonésie

1

1

0,99

0,92

0,93

0,64

1,51

1,83

2,21

0,96

0,93

0,88

Jamaïque

0,62

0,69

0,67

1,72

1,68

1,70

0,48

0,63

0,15

0,01

0,01

0,01

Kenya

1

1

1

0,87

0,91

0,85

0,21

0,17

0,16

1,03

0,93

0,73

Malawi

1

0,99

0,99

1,82

1,29

1,22

0,81

0,34

0,51

0,92

0,79

0,97

Maroc

0,98

0,99

1

0,60

0,57

0,47

0,32

0,38

0,35

0,84

0,76

0,53

Pakistan

1

1

1

0,89

1,01

1,01

0,33

0,31

0,28

1,07

1

1,03

Pérou

0,93

0,98

0,98

0,78

0,69

0,66

0,48

0,36

0,37

0,54

0,42

0,47

Philippines

0,99

0,98

0,94

1,12

1,14

0,89

3,74

3,02

2,93

0,88

0,86

0,78

Sénégal

0,96

0,99

0,99

0,95

0,74

0,62

1,78

0,98

0,78

0,65

0,59

0,53

Sri Lanka

1

0,99

0,98

0,13

0,16

0,13

1,29

0,62

0,41

0,64

0,64

0,60

Thaïlande

1,08

1,12

1,16

3,42

3,37

3,20

1,05

0,93

1,17

1,61

1,40

1,41

Ouganda

1

1

1

0,41

0,73

0,78

0,71

0,46

0,19

0,98

0,99

0,87

Zimbabwe

1,15

1,14

1,13

1,80

1,29

1,58

0,98

0,78

0,61

1,35

0,97

0,90

Tableau 10. Indicateurs relatifs à la capacité d’importation des produits alimentaires


Importations
alimentaires en
pourcentage des
exportations totales
de biens et de services

Importations
alimentaires en
pourcentage des
exportations totales de
biens et de services
(avec déduction des
paiements du service
de la dette)

Aide alimentaire en
céréales (tonnes)

1985-
89

1990-
94

1995-
99

1985-
89

1990-
94

1995-
99

1985-
89

1990-
94

1995-
99

Bangladesh

48,9

21,9

21,2

64,9

27

24

1 452 831

1 048 590

802 732

Botswana

7,7

10,3

13,8

8,1

10,7

14,4

44 213

5 137

208

Brésil

4,5

5,4

7

7,7

7,1

20,3

13 552

18 677

0

Costa Rica

5,1

5,5

6,1

7,1

6,8

6,7

110 301

26 684

81

Côte d’Ivoire

10,7

10,9

8,5

16,4

16,7

11,9

9 474

47 530

30 488

Egypte

42

18,6

20,2

54,7

22,5

22,7

1 668 003

784 043

94 413

Fidji

10

9,6

8,6

11,3

10,7

9,6

1 164

0

0

Guyana

7,6

8

6,8

10,6

9,7

8,3

38 497

41 187

37 327

Honduras

7,9

10,1

13,1

10,9

14,6

15,5

125 852

105 972

60 712

Inde

7,.6

3,4

4,9

10,7

4,7

6,4

292 747

272 339

297 102

Indonésie

3,6

3,4

5,6

5,7

5,1

8,5

171 198

42 510

366 231

Jamaïque

12,5

9,8

11,7

20,7

12,9

13,8

255 164

179 273

29 037

Kenya

6,2

10,9

12,9

10,1

16

16,6

113 007

177 240

84 537

Malawi

10,6

29,7

13,2

17,2

39,3

17,5

142 773

289 416

64 419

Maroc

10,8

9,9

12,3

15,9

14,7

16,6

311 961

155 545

8 695

Pakistan

18

12,9

15,2

24

17,3

22.0

532 027

229 812

134 522

Pérou

16,5

17

13,7

19,7

23

20,2

244 612

405 147

88 617

Philippines

5,5

6

5,9

8

7,9

6,8

241 777

61 416

36 880

Sénégal

21,2

24,1

26,3

29,4

28,7

33,5

94 005

47 842

17 223

Sri Lanka

20,3

13,8

12,3

25,4

15,6

13,3

307 072

314 764

74 031

Thaïlande

1,7

1,5

1,7

2,2

1,8

2

85 404

55 203

2 428

Ouganda

5,5

15,2

20,3

10,8

37,5

27

24 948

50 618

58 230

Zimbabwe

1,1

6,8

4,8

1,6

9,3

6,8

16 818

202 711

18 210

Source: FAOSTAT; Indicateurs de développement dans le monde, CD-ROM 2001.

Toutefois cette situation ne se vérifie pas forcément dans tous les pays sélectionnés. Dans quatorze des vingt-trois pays sélectionnés, le fardeau relatif au paiement des importations s’est encore alourdi au cours de la période 1995-1999 par rapport à la période 1990-1994 (tableau 11). Les pays dans lesquels la part des dépenses consacrées aux importations alimentaires par rapport aux recettes totales d’exportation (y compris le service de la dette) a toujours progressé, sont notamment le Botswana, le Brésil, le Honduras, l’Indonésie, le Kenya, le Sénégal, l’Ouganda et le Zimbabwe. Pour les pays à faibles revenus de ce groupe, les apports d’aide alimentaire peuvent être essentiels afin d’assurer des disponibilités accrues dans les pays. Dans les pays sélectionnés, cette aide est cependant en recul. Plusieurs études de cas ont indiqué que la Décision ministérielle de Marrakech relative aux mesures concernant les effets préjudiciables que le programme de réforme pourrait avoir sur les pays les moins avancés et les pays importateurs nets de produits alimentaires n’a pas été appliquée et ont demandé que des engagements plus contraignants figurent dans un prochain Accord.

Tableau 11. Prix mondiaux nominaux (dollars E.-U./tonne) de certains produits alimentaires

Produits

Moyenne annuelle des prix

1985-89

1990-94

1995-99

Blé

137

142

158

Riz

237

279

315

Maïs

99

106

119

Bœuf

2 344

2 575

1 838

Volailles

1 767

971

821

Produits laitiers

1 260

1 603

1 825

Sucre

176

232

228

Graisse, huiles et oléagineux

339

369

434

Source: Données de la FAO.

Les groupes qui bénéficieront le plus probablement de la réduction des obstacles commerciaux sur les marchés étrangers et de l’expansion des exportations, sont les producteurs de cultures commerciales. Les petits agriculteurs ne sont pas toujours capables de cultiver les produits agricoles destinés aux exportations et sont souvent confrontés à une concurrence plus forte pour l’accès aux ressources, notamment à la terre, ce qui marginalise encore plus leur position. Les politiques d’ouverture des échanges vont profiter à certains pays et en pénaliser d’autres. Il est à craindre que les pauvres soient le plus durement frappés. Par exemple, l’étude de cas consacrée au Pérou a relevé que les asperges, principal produit d’exportation des années 90 (fraîches ou transformées) sont surtout produites dans les grandes exploitations. Des possibilités accrues d’exportation peuvent aussi conduire à la réaffectation des terres et d’autres ressources à d’autres productions (et non aux produits alimentaires) ce qui pourrait avoir des conséquences négatives sur la sécurité alimentaire des ménages.

La détérioration de la situation des plus démunis du fait de l’adoption de politiques commerciales plus ouvertes, n’est pas seulement liée aux mesures prises dans le secteur agricole. Par exemple, la disponibilité d’emplois non agricoles dans les zones rurales, le fonctionnement des marchés ruraux de la main d’œuvre et l’incidence des politiques de production et des politiques commerciales sur les prix alimentaires détermineront aussi l’incidence sur la distribution des revenus, la pauvreté et partant sur la sécurité alimentaire. Le cas du Pérou est ici aussi exemplaire. L’incidence de la pauvreté a baissé dans les pays entre 1990 et 1994 mais a progressé à nouveau en l’an 2000, du fait de la récession économique. Toutefois, le nombre de personnes très pauvres, qui semble indiquer de manière plus pertinente la part de la population frappée d’insécurité alimentaire, a continué à chuter même au cours de la dernière période. L’étude de cas estime que tous les effets négatifs des tendances des échanges agricoles sur les pauvres ruraux ont été compensés par la création d’emplois non agricoles et par des interventions d’aide sociale. L’Agence nationale du programme alimentaire semble avoir joué au Pérou un rôle important dans l’amélioration des conditions des pauvres dans les villes comme dans les campagnes, au cours des années 90.

L’évolution de l’incidence de la pauvreté et du nombre des ménages pauvres est peut être le meilleur indicateur pour saisir l’ensemble des répercussions sur la sécurité alimentaire des ménages à faibles revenus. L’incidence de la pauvreté a reculé dans un certain nombre de pays étudiés et notamment en Inde, en Jamaïque et au Costa Rica. On note aussi une amélioration de la situation de la pauvreté au cours des années 90, au Honduras. Pendant la première moitié de la décennie, l’incidence positive a été plus forte dans les zones rurales que dans les zones urbaines, conformément à la théorie selon laquelle les réformes structurelles corrigeaient les effets négatifs pour l’agriculture des politiques macroéconomiques et sectorielles précédentes. Pendant la deuxième partie de la décennie, le recul de la pauvreté urbaine s’est poursuivi mais s’est arrêtée dans les zones rurales et le nombre de personnes très pauvres a augmenté. L’ouragan Mitch semble devoir être pour l’essentiel responsable de cette tendance. On note également que la proportion des ménages pauvres a augmenté au Sénégal et en Égypte au cours de la deuxième moitié des années 90. En Ouganda, la pauvreté a diminué, même si la répartition des revenus ne s’est guère améliorée et l’accroissement des revenus dans les zones rurales n’a touché qu’un nombre réduit de ménages. Aux Philippines les indices sont contradictoires (augmentation du dénombrement des effectifs au cours de la période 1997-2000 mais recul de l’indice familial au cours de la première période, 1985-1954). Pour mieux comprendre l’évolution des taux de pauvreté et les raisons des différences qui existent entre les pays, il faudrait une étude plus approfondie que celle effectuée dans ces études de cas.


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