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CÔTE D'IVOIRE[29]


1 INTRODUCTION

La Côte d'Ivoire, petit pays d'Afrique de l'Ouest, a une superficie de 322 416 kilomètres carrés. Sa population de 16,4 millions d'habitants, a progressé au rythme annuel de 3,8 pour cent en 1999. Le revenu par habitant a recule de 5 pour cent, passant de 720,1 dollars E.-U. en 1985 (BNETD,1996) à 685 dollars E.-U. en 1999 (FMI, 2000). Depuis le début des années 80, le pays connaît une forte récession, à la suite de chocs extérieurs négatifs et des politiques internes mal adaptées.

Le pays est divisé en trois zones agroécologiques: une zone de forêts denses et humides, dans le Sud, qui représente la moitié de la superficie totale du pays; une zone soudano-guinéenne, qui assure la transition entre la zone de forêts et celle de la savane, située au centre et couvrant 19 pour cent du territoire; et une zone au climat «soudanais», au nord, avec une savane humide, sur 31 pour cent de la superficie totale. La région des forêts, qui est celle dans laquelle les terres sont le mieux adaptées aux activités agricoles, est la plus peuplée, et attire des flux migratoires importants, aussi bien internes qu'externes. Les terres cultivables représentent 75 pour cent de la superficie totale, mais seulement 30 pour cent sont réellement cultivées.

Les activités agricoles sont presque toujours effectuées dans le cadre de petites exploitations dont la superficie est en moyenne de 4 ha et sur lesquelles travaillent 7,1 personnes, dont 4,9 membres de la famille (Minagra,1999). Les exploitations utilisent des techniques traditionnelles, les responsables étant pour la plupart illettrés (72 pour cent). Seulement 0,95 pour cent des exploitations utilisent des tracteurs (4,4 pour cent la traction animale) et 18 pour cent de ces exploitations sont dirigées par des femmes. Les terres irriguées représentent seulement 2 pour cent du total des terres cultivées (Minagra,1999). Le maïs et les ignames sont consommés et produits essentiellement dans le Nord, les ignames au Centre, le manioc et le plantain dans le Sud, quant au riz il a la faveur de toutes les régions, mais la moitié de la consommation nationale (de 600 000 tonnes) est importée.

Les cultures d'exportation, comme le cacao et le café, sont normalement cultivées dans des exploitations familiales alors que les grandes plantations sont la règle pour les bananes, le caoutchouc, l'huile de palme et l'ananas (mais elles n'occupent qu'une part relativement faible). Bien que la Côte d'Ivoire ne soit pas traditionnellement un pays d'élevage, 40 pour cent de ses exploitations sont mixtes (agriculture/élevage). L'élevage est concentré au Nord (85 pour cent de l'ensemble du troupeau).

Les cultures d'exportation comme le cacao et le café sont normalement cultivées dans des exploitations familiales alors que les grandes plantations sont la règle pour les bananes, le caoutchouc, l'huile de palme et l'ananas mais elles n'occupent qu'une part relativement faible. Bien que la Côte d'Ivoire n'ait pas la réputation d'être un pays d'élevage, 40 pour cent de ses exploitations sont mixtes (agriculture/élevage). L'élevage est concentré au Nord (85 pour cent de l'ensemble du troupeau).

1.1 Structure du secteur agricole et résultats obtenus

L'agriculture, qui est la principale activité économique de la côte d'Ivoire, est à l'origine de la prospérité du pays dans les années 60 et 70, mais aussi de son déclin à partir du milieu des années 80. Cela est dû à des politiques internes inadaptées et au net recul des cours des principales cultures d'exportation, notamment le café et le cacao.

Le PIB agricole a progressé un peu plus rapidement que le PIB total au cours de la période 1985-1994 (1 pour cent contre 0,6 pour cent en termes réels) et un peu moins au cours de la période 1995-1999 (4,5 pour cent contre 5,7 pour cent en termes réels). La part de l'agriculture dans le PIB est passée de 30 pour cent (1985-1994) à 27,4 pour cent (1995-1999). Malgré ce recul, la population active vit de ce secteur (67 pour cent en 1985 et 58,5 pour cent en 1998). Elle occupe une part substantielle dans l'ensemble des échanges, mais le volume et la valeur de ses exportations ont chuté respectivement de 37,5 pour cent et de 59,8 pour cent au cours de la période 1985-1994 à 28,9 et 57,6 pour cent au cours de la période 1995-1999. De 1985 à 1994, la part du volume et de la valeur des exportations a reculé du fait du net recul des prix. Le déclin des exportations peut aussi s'expliquer du fait de la perte de la compétitivité, avec une appréciation réelle de 29 pour cent du franc CFA au cours de la période 1985-1993, et la dépréciation réelle successive de 0,23 pour cent pour la période 1995-1999 a été, par comparaison, insignifiante. Les importations vivrières ont progressé rapidement. Elles ont représenté respectivement 21,3 pour cent et 19,4 pour cent de la valeur des importations totales en 1985-1994 et 1995-1999.

En 1999, la part relative des cultures vivrières, des cultures traditionnelles d'exportation (café et cacao) et des cultures d'exportation non traditionnelles ont représenté respectivement 60,8 pour cent, 30,9 pour cent et 8,3 pour cent du PIB agricole total. On a relevé une diversification, les cultures vivrières ayant cédé la place aux cultures d'exportation à partir de 1993 (les parts respectives étaient alors de 73,6 pour cent, 19,9 pour cent et 6,5 pour cent). Au cours de la période 1993-1999, le PIB réel des cultures vivrières a reculé chaque année de 2,7 pour cent, alors que les cultures d'exportation, tant traditionnelles que non traditionnelles ont progressé respectivement de 11 et de 6,7 pour cent.

Le café et le cacao dominent l'agriculture du pays. Le déclin de leur taux de croissance au cours de la période 1985-1994 explique les problèmes économiques et financiers du pays. Le taux de croissance annuel de production du café a reculé passant de 0,7 pour cent en 1985-1989 à - 7,8 pour cent en 1990-1994, alors que celui du cacao a baissé régulièrement de 11,4 pour cent à 3,5 pour cent au cours de la même période. Ces résultats médiocres s'expliquent du fait de l'évolution des cours mondiaux de ces produits.

L'indice des prix du café a chuté de 100 en 1985 à 57,8 en 1989 et à 35,3 en 1993, alors que celui du cacao est passé de 100 à 38,7 puis à 48,8 au cours de la même période. En 1994, l'indice des cours mondiaux a augmenté atteignant respectivement 116,5 et 120,7 pour le café et le cacao, en raison de la dévaluation du franc CFA et de l'amélioration des cours mondiaux. En 1995-1999, la production du café et du cacao a augmenté de 11,2 pour cent et de 5,7 pour cent respectivement par rapport à la période précédente. Des chocs extérieurs ont eu un rôle important dans les difficultés économiques et financières des années 80 et 90.

La même évolution est relevée pour le caoutchouc mais ne s'applique pas aux bananes ou à l'ananas. Le taux de croissance de la production de caoutchouc a reculé, passant de 11,4 pour cent en 1985-1989 à 5 pour cent en 1990-1994 du fait de la chute de l'indice des cours mondiaux de 100 en 1985 à 86,4 en 1989 et à 33,9 en 1993. Le taux de croissance est remonté à 7,5 pour cent en 1994-1999 avec l'amélioration des prix. Par contre, la production de bananes et d'ananas a progressé rapidement de 2,4 pour cent et - 13 pour cent, respectivement, en 1985-1989 à 3,9 pour cent et 3,8 pour cent, respectivement en 1990-1994 et à 8,3 pour cent et 7,5 pour cent respectivement en 1995-1999.

Les investissements publics octroyés à l'agriculture ont baissé du fait de la crise économique et financière qui a sévi dès le début des années 80 et sont passées de 114 milliards de francs CFA (1986-1990) à 64 milliards de CFA en 1994. Après la naissance soudaine des crédits alloués à l'agriculture en 1994 (28 pour cent des investissements totaux) le recul a été régulier jusqu'en 1999 où ils ont atteint 21 pour cent, soit le même niveau qu'en 1986-1990 (Banque mondiale,1994; FMI, 2000). Cette évolution ne correspond pas à la contribution du secteur au PIB total.

1.2 Changements d'orientation et programmes au cours des deux dernières décennies

Les politiques industrielles et commerciales sont marquées par plusieurs évènements importants: début et renforcement de la protection (1960-1984), libéralisation (1984-1988) retour à la protection (1988-1990), retour à la libéralisation (1990-1993), consolidation de la libéralisation (de 1994 à nos jours). Ces à coups correspondent aux changements des politiques publiques ainsi qu'aux difficultés de dialogue avec le FMI et la Banque mondiale (Berg et al., 1999).

Au cours de la période s'achevant en 1984, les taux effectifs et implicites de protection ont augmenté de manière significative. Les autorités ont pris part directement aux activités industrielles en créant des entreprises publiques industrielles. En 1984, le code des investissements et le système des droits de douane ont été modifiés, afin de réduire la protection et d'encourager les exportations industrielles; les exemptions ont été supprimées et les taux de protection réelle ont été limités et harmonisés à 40 pour cent; Les restrictions quantitatives ont aussi été éliminées. Les autorités ont aussi introduit un droit d'importation et une subvention aux exportations pour simuler une dévaluation réelle et améliorer la compétitivité, qui a subi les contrecoups de la surévaluation du franc CFA. Les difficultés financières des années 1987 et 1988 expliquent les difficultés du pays pour verser les subventions aux exportations prévues. Elles ont rendu nécessaire un accroissement des droits d'importation. L'échec de la fausse dévaluation est dû aussi à son manque de crédibilité, dans le secteur privé.

De 1988 à 1990, les taux de protection ont augmenté en raison des difficultés financières croissantes des autorités, liées à la chute des cours du café et du cacao, ainsi que de la suspension de l'aide financière accordée par les institutions de Bretton Woods, du fait du non respect des conditions requises. Ainsi les taux de protection et les restrictions quantitatives ont augmenté une fois encore. En 1989, la Banque mondiale a approuvé un prêt d'ajustement agricole ayant les objectifs suivants: 1) améliorer les conditions intérieures des échanges en faveur de l'agriculture, 2) réorienter le système des incitations vers les cultures bénéficiant d'un avantage comparatif élevé; 3) réduire les coûts de la production agro-industrielle afin d'améliorer la compétitivité intérieure et extérieure; 4) réduire la participation directe des entreprises publiques aux activités productives et à la fourniture de services à l'agriculture; 5) orienter les dépenses publiques vers les activités prioritaires du secteur rural; 6) développer les intermédiations financières dans les zones rurales et améliorer l'accès au crédit pour les producteurs ruraux; 7) améliorer la gestion des ressources naturelles par le biais de la promotion des systèmes de gestion durable des forêts. Une série ultérieure de programmes d'ajustement sectoriels a été mise en place entre 1991 et 1993 avec pour objectif d'améliorer le cadre juridique, réglementaire et institutionnel et de renforcer la compétitivité de l'économie. Certains droits ont été éliminés, et d'autres ont été réduits. Malgré ces réformes, les taux de croissance du secteur n'ont pas progressé, car les cours du cacao et du café ont chuté, et la surévaluation du franc CFA s'est maintenue.

Depuis le début des années 80, la dévaluation du franc CFA a été une pomme de discorde entre les autorités ivoirienne et françaises, d'une part, et les institutions de Bretton Woods, d'autre part. La dévaluation de 50 pour cent enregistrée le 12 janvier 1994 par rapport au franc français a été un événement important sur la voie de la libéralisation des échanges. Cela a amélioré de manière considérable le taux réel de protection de l'économie et à favorisé une réduction notable des droits d'importation et des taxes. À la suite de la dévaluation, la promotion du secteur des exportations et du secteur privé a acquis une nouvelle importance avec la création de l'APEXCI, un organisme privé chargé de l'organisation des activités de promotion des exportations. Le rôle des pouvoirs publics dans commercialisation du cacao et du café a été redéfini, et la participation du secteur privé a été élargie.

Au cours de cette période, les autorités ont encouragé les cultures industrielles et d'exportation au détriment des cultures vivrières, qui n'ont bénéficié d'aucun soutien public significatif, à l'exception du riz. Au cours des années, les autorités de Côte d'Ivoire ont soutenu la production de riz et la commercialisation de différentes façons. De 1983 à 1995, les politiques visant à l'autosuffisance, pour ce qui est du riz, ont été mises en œuvre par le biais de l'intervention d'entreprises publiques spécialisées, d'incitations spécifiques sur les prix, et de services de vulgarisation pour les producteurs individuels. De forts investissements publics ont été effectués dans les programmes d'irrigation, mais le riz pluvial s'appuie encore sur des méthodes traditionnelles. Les entreprises publiques ont été chargées de la commercialisation du riz. Malgré ces interventions publiques, l'objectif de l'autosuffisance n'a pas été atteint. Au contraire, la consommation a progressé plus rapidement que la production, du fait du taux élevé de la croissance démographique et de l'incapacité de la production locale de couvrir les besoins domestiques à des prix réduits. La consommation nationale a atteint 650 000 tonnes en 1995, et la moitié a été importée. Le secteur du riz a été libéralisé en 1995 et la Caisse de péréquation, l'office de commercialisation chargé des importations de riz, a été supprimée.

1.3 Participation aux efforts d'intégration régionale et internationale

La Côte d'Ivoire a participé de manière dynamique aux diverses tentatives d'intégration régionale qui ont démarré dés 1959 avec le Conseil de l'Entente rassemblant le Burkina Faso (alors Haute-Volta), le Bénin (alors Dahomey), la Côte d'Ivoire, le Niger et le Togo. Une union monétaire, l'Union monétaire ouest africaine, créée par un traité de 1962, modifié en 1994, qui a donné le jour à l'Union économique et monétaire ouest- africaine (UEMOA). Les pays membres sont au nombre de huit (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo) et son organe directeur, la Commission, a commencé ses travaux en 1995. L'UEMOA a pris le relais des objectifs et des activités de la Communauté économique d'Afrique de l'Ouest, une précédente tentative d'intégration économique. Ces efforts d'intégration ont été limité au départ aux pays francophones. Ils ont été par la suite étendus aux pays anglophones et lusophones d'Afrique de l'Ouest, avec la création en 1975 de la CEDEAO comprenant le Cap Vert, la Gambie, le Ghana, la Guinée (Conakry), le Nigeria, le Liberia, et la Sierra Leone, en plus de la participation des pays de l'UEMOA.

L'UEMOA a pour principal objectif d'encourager la création d'un marché commun. À cet effet, un régime d'échanges préférentiel de transition a été mis en place avec un programme spécifique pour la conception et la mise en application d'un TEC. Pour pouvoir bénéficier à la communauté, les demandes de droits préférentiels doivent être remplies par les autorités des pays membres où les entreprises requérantes sont situées. La décision de la Commission, après la consultation des experts des pays membres, est prise dans les trois mois.

L'UEMOA envisage notamment une politique agricole commune, dont les objectifs principaux sont les suivants: 1) sécurité alimentaire et auto-suffisance satisfaisante; 2) accroissement de la productivité agricole; 3) amélioration de la gestions des marchés intérieurs pour les produits agricoles; 4) création d'un marché commun pour les produits agricoles, et 5) intégration de l'agriculture régionale dans le marché mondial. L'adoption de la politique agricole commune a eu lieu, du point de vue juridique, en décembre 2001 (Acte additionnel n° 03/2001). Pour financer la phase de mise en œuvre de cette politique, un fonds régional pour le développement agricole devrait être créé en 2005.

La CEDEAO a envisagé l'intégration des États membres dans un marché commun assorti d'une union économique et monétaire. Les instruments suivants devraient permettre de parvenir à ces objectifs: élimination de droits de douane et des taxes pour une incidence équivalente; mise en place d'un TEC; harmonisation des politiques économiques et financières; la création d'une zone monétaire. Les résultats obtenus par la CEDEAO ont été en général décevant puisque l'on estime que les échanges inter régionaux ne devraient représenter que 11 pour cent de l'ensemble (www.ecowas.org, 2002). Le TEC, et l'harmonisation des politiques par le biais d'une surveillance macroéconomique multilatérale, doivent encore être mis en place. Malgré ces problèmes, les pays de la CEDEAO n'appartenant pas à l'UEMOA prévoient de créer une zone monétaire d'ici 2004. Il s'agit d'une décision très ambitieuse et d'une tâche très complexe, compte tenu de l'expérience précédente et des résultats obtenus.

La Côte d'Ivoire a signé le partenariat entre l’ACP et l'UE (ex Convention de Lomé) signée à Cotonou le 23 juin 2000. Ce nouveau partenariat passe des préférences tarifaires non réciproques accordées à la Côte d’Ivoire aux termes des précédentes conventions de Lomé à des rapports d'échanges réciproques, à partir du 1er janvier 2008. La période de transition sera suivie d'un régime total de libre-échange, au terme de douze années de libéralisation progressive des importations en provenance de l'Union européenne. Au cours de la phase de transition, le droit préférentiel unilatéral restera en vigueur (Courrier ACP-UE, 2000). La Côte d'Ivoire doit donc se préparer à faire face au libre échange très rapidement.

Depuis mars 2002, la Côte d'Ivoire a bénéficié de la loi sur la concurrence et les possibilités économiques en Afrique (AGOA). L'AGOA poursuit deux objectifs: 1)promouvoir les investissements américains en Afrique sub-saharienne; et (2) encourager les exportations de l'Afrique sub-saharienne vers les Etats-Unis. Pour les pays pouvant bénéficier du SGP, 4 600 articles sont disponibles. L'AGOA accorde en plus 1 835 articles y compris des chaussures, des bagages, des sacs et de la vaisselle. Au titre des dispositions de l'AGOA, l'Afrique sub-saharienne peut exporter les produits choisis aux États-Unis - sans droits et hors contingent. Il sera possible de bénéficier des avantages de l'AGOA jusqu'à septembre 2008.

La Côte d'Ivoire n'e s'est pas fait remarquer au cours des négociations du Cycle d'Uruguay, et elle pas pris part aux activités de l'OMC, depuis la signature de l'Accord de Marrakech de 1994. Un comité national a été établi en 1996 pour s'occuper des questions relatives à l'OMC et à celles concernant spécifiquement l'agriculture, mais nous ne disposons d'aucune information sur le dynamisme de ce comité.


[29] Étude réalisée pour la FAO par Jacques Hiey Péatiénan, Abidjan (Côte d’Ivoire).

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