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4 ÉVOLUTION DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE


4.1 Évolution des apports alimentaires et caloriques

La présente section repose principalement sur les statistiques du site web de la base de données statistiques de la FAO (FAOSTAT), qui fournit les disponibilités alimentaires par habitant pour les produits suivants: céréales, racines amylacées, fruits, viande, poisson, oléagineux, huiles végétales et légumes. Les informations relatives à la consommation alimentaire pour l'ensemble de ces produits n'était pas disponible. Pour ce qui est des dépenses alimentaires en francs CFA courants, on a procédé à une estimation à partir des dépenses totales brutes en appliquant la part des aliments (48 pour cent) utilisée dans le calcul de l'indice des prix à la consommation par l'Institut national de statistique (INS) et le Ministère de l'économie et des finances (DCPE, 2000). Le résultat a ensuite été converti en total constant et en dépenses alimentaires par habitant, pour donner une approximation de la consommation alimentaire totale.

La production interne est le premier élément pris en considération pour les disponibilités alimentaires. Les taux annuels moyens de croissance pour les produits alimentaires, sont en général bien inférieurs à 4 pour cent, taux de croissance démographique appliqué au cours de la plus grande partie de la période examinée. En outre, pour presque tous les produits, le taux de croissance de la production a ralenti, de 1985 à 1994 et de 1995 à 1999.

Les importations nettes sont le deuxième élément dont il faut tenir compte pour l'offre interne des produits alimentaires. Le rapport importations nettes / disponibilités a évolué de la manière suivante: 1) les importations nettes sont négatives pour les fruits, les oléagineux et les huiles végétales; 2) le pays est autosuffisant en racines amylacées; le pays est fortement tributaire des importations pour les céréales et le poisson.

La dépendance des importations, pour les disponibilités en poisson a augmenté, passant de 54 pour cent de 1985 à 1994 à 60,1 pour cent de 1995 à 1999. Pour les céréales (principalement le riz et le blé), la viande et les légumes, le rapport a reculé respectivement de 38,2 pour cent à 36,2 pour cent, de 14 pour cent à 2,2 pour cent et de 10,2 pour cent à 7,2 pour cent entre les deux périodes). Les importations alimentaires ont augmenté rapidement de 1995 à 1999, mais les importations nettes ont baissé, ce qui implique que la Côte d'Ivoire réexporte en grande partie les aliments importés.

Les apports énergétiques quotidiens peuvent être estimés à partir de la production agricole et de la production vivrière par habitant. Les taux de croissance de ces indicateurs, de 1990 à 1992 et de 1997 à 1999 sont respectivement de 1,2 pour cent, 0,8 pour cent et 0,7 pour cent pour la Côte d'Ivoire (FAO, SOFI, 2002). Il semblerait que pour la plupart des produits, à l'exception du poisson et de la viande, les disponibilités alimentaires par habitant aient diminué au cours de la période 1985-1994. Un recul a été également enregistré pour la plupart des produits alimentaires à l'exception des huiles végétales et surtout des céréales de 1995 à 1999 (tableau 8).

Tableau 8. Moyenne annuelle des importations nettes de produits alimentaires et disponibilités alimentaires, par habitant


Importations nettes (millions de dollars E.-U.)

Importations nettes/of (%)

Taux de croissance annuel des vivres disponibles par habitant

1985-89

1990-94

1995-99

1985-89

1990-94

1995-99

1985-89

1990-94

1995-99

Céréales

629,2

600,2

775,6

40,8

35,6

36,2

-2,7

0,36

6,8

Tubercules

9,6

6,8

4,2

0,22

0,15

0,08

-2,7

0,09

-1,15

Fruits

-268,2

-267,2

-375

-21,5

-18,2

-23,9

-1,4

-0,82

-1,8

Viande

25,8

14,6

3,2

17,8

9,9

2,2

1,05

4,04

-1,2

Poisson

116,8

102,8

104,2

53

54,6

60,1

4,05

-9,9

-1,8

Oléagineux

-52,8

-69,8

-84,2

-9,1

-14,3

-21,6

-2,1

-0,62

0,8

Huiles végétales

-149,8

-225,2

-149,4

-109,9

-145,4

-76,8

-1,3

2,2

1,8

Légumes

52,8

47

41,6

11,3

9

7,2

-1,8

-0,48

-1,2

Source: Calculs de l'auteur à partir des statistiques FAOSTAT

Le volume des dépenses alimentaires a diminué de 1 pour cent par an en moyenne, de 1985 à 1994 mais a repris 5,2 pour cent au cours de la période 1995-1999. Ces mouvements sont imputables à la détérioration et puis à l'amélioration de la situation économique. Les dépenses alimentaires par habitant (figure 8) ont diminué de 4,2 pour cent de 1985 à 1994. Cette baisse s'est accélérée, passant de 2,7 pour cent (1985-1989) à 5,5 pour cent (1990-1994) avant d'atteindre 3 pour cent par an (1995-1999) pour les raisons qui ont déjà été mentionnées. En général, la situation alimentaire s'est détériorée entre les deux périodes.

Figure 8. Dépenses alimentaires réelles par habitant (francs CFA)

4.2 Évolution de la pauvreté et de la sous-alimentation

Selon des études relatives à la pauvreté, la part de la population, au-dessous du seuil de pauvreté, a augmenté, passant de 10 pour cent en 1985 à 37,6 pour cent en 1995 avant de reculer à 33,6 pour cent en 1998. On estime que, depuis 1998, la situation de la pauvreté s'est détériorée, en raison du déclin de 5 pour cent du PIB, au cours de la période 1998-2000 (INS,2002). Du point de vue géographique, la pauvreté est répartie de manière inégale. Elle est ressentie davantage dans les zones rurales (42 pour cent en 1993, 46 pour cent en 1995 et 42,5 pour cent en 1998) que dans les zones urbaines (19,3 pour cent en 1993, 24 pour cent en 1995 et 23 pour cent en 1998). Mais le taux de croissance dans les zones urbaines a augmenté, surtout à Abidjan (5,1 pour cent en 1993, 20,2 pour cent en 1995 et 11,1 pour cent en 1998). En 1998, la pauvreté extrême touchait 10 pour cent de la population, les zones rurales étant encore plus touchées que précédemment (savanes rurales, 21,6 pour cent; région forestière de l'Est, 15,1 pour cent). Les groupes socio-économiques les plus touchés par la pauvreté sont les agriculteurs pratiquant l'agriculture vivrière (50 pour cent); les agriculteurs qui se consacrent aux cultures d'exportation (45 pour cent); les ouvriers agricoles (un tiers d'entre eux); les travailleurs du secteur informel (un quart d'entre eux). Parmi les pauvres, cinquante pour cent sont des femmes (INS, 2002).

Comme la nourriture est le poste principal du budget des ménages, et que leurs revenus ont diminué au cours de la période, les ménages pauvres ont probablement souffert davantage de la baisse des disponibilités alimentaires (INS, 2002). En effet, malgré la richesse agricole de la Côte d'Ivoire, une part importante de la population est sous-alimentée (2,5 millions de personnes de 1990 à 1992 et 2,4 millions de 1997 à 1999) soit respectivement 19 pour cent et 16 pour cent de la population totale (FAOSTAT SOFI, 2002). Comme une alimentation carencée est un des indices clés de la pauvreté, les populations sous-alimentées peuvent être classées parmi les couches les plus défavorisées (FAO SOFI, 2002).

Pour étonnant que cela puisse paraître, la Côte d'ivoire a bénéficié, pendant des années de l'aide alimentaire (figure 9) fournie principalement par les Etats-Unis, au titre du programme PL 480. Les livraisons alimentaires ont augmenté, passant de 15 509,3 tonnes (1985-1989) à 47 530, 2 (1990-1994) et ont reculé à 30 487,6 (1995-1999). Leur taux annuel de croissance a progressivement baissé de 36,7 pour cent (1985-1989) à 2,5 pour cent (1990-1994) et puis à -10,8 pour cent en (1995-1999). (FAOSTAT, 2002).

Figure 9. Aide alimentaire (tonnes)

En résumé, la sécurité alimentaire est une question fondamentale mais qui a été négligée. D'une part la Côte d'Ivoire est tributaire des importations pour le riz et le poisson, deux denrées de base pour des couches importantes de la population; d'autre part, la croissance de la production agricole par habitant, la production alimentaire et l'apport énergétique quotidien est très faible. Ainsi d'importantes couches de la population sont sous-alimentées et de ce fait extrêmement pauvres, malgré la richesse agricole du pays. Les flux d'aide alimentaire sont encore importants, mais ils s'amenuisent.


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