Page précédente Table des matières Page suivante


5 PROPOSITIONS FORMULÉES DANS LE CADRE DES NÉGOCI-ATIONS ET PERSPECTIVES


5.1 Questions diverses et enjeux dans le cadre de nouvelles négociations sur l’agriculture

Si l’on évalue les propositions actuelles de négociations et leurs effets sur les échanges agricoles et la sécurité alimentaire, du point de vue du Sénégal, il convient de se poser deux questions (1) Existe-t-il des questions, des plans ou des concepts prévus à l’ordre du jour, qui pourraient avoir des conséquences bénéfiques pour le Sénégal ou qui seraient susceptibles d’entraver ses intérêts, en matière de développement, s’ils étaient adoptés par les membres de l’OMC ? (2) Est-ce que le pays est prêt à profiter à plein des éventuels débouchés commerciaux ou à surmonter de nouvelles formes d’obstacles aux échanges?

Accès aux marchés

Dans l’ensemble, le groupe des pays en développement et les PMA en particulier, n’ont pas amélioré leur accès aux marchés des pays développés. L’économie du Sénégal est pourtant l’une des plus ouverte comme l’indiquent les chiffres des échanges. Le pays est fortement tributaire des flux commerciaux établis avec un nombre limité de pays industriels, y compris l’Union européenne (essentiellement la France), les États-Unis et le Japon. Le Sénégal dépend aussi d’un nombre limité de matières premières, à savoir les arachides, le coton, les fruits et légumes, les cuirs et peaux, et le poisson, pour lequel il est encore confronté aux obstacles tarifaires, lorsqu’il les exporte, comme matière première ou sous forme de produits transformés.

Les pouvoirs publics ont pour ambition légitime de développer la capacité de production du secteur primaire afin de pouvoir mieux pénétrer dans les marchés des principaux partenaires et parvenir ainsi à une diversification des sources et des destinations des échanges, ainsi que de la base productive. Dans ce contexte, le Sénégal s’est intéressé principalement:

(1) Au maintien, dans les conditions actuelles, des accords préférentiels UE/ACP pendant encore cinq ou six ans, en tenant compte d’une dérogations aux principes NPF; à tirer parti de cette période de transition pour renforcer la compétitivité, pour diversifier ses marchés d’exportation surtout en développant les échanges régionaux, pour diversifier sa base de production tout en améliorant la qualité de ses produits, pour s’assurer des moyens appropriés de financer ses programmes de développement grâce à l’aide nationale ou à l’aide étrangère; et à s’assurer que ces programmes sont abordés conformément aux dispositions relatives au traitement spécial et différencié.

(2) À tenter de supprimer les crêtes tarifaires et la progressivité des droits pour la production, qui découlera des efforts de diversification à venir.

(3) À insister sur la possibilité pour les PMA, comme le Sénégal, d’utiliser de manière efficace la clause anti-dumping, qui vise surtout les produits agricoles

(4) À consolider le réglementation interne et sanitaire pour protéger ses consommateurs contre les denrées de mauvaise qualité.

(5) En renforcer l’efficacité des instruments disponibles, à la frontière de l’UEMOA, en tenant compte des niveaux consolidés de droits convenus dans les listes tarifaires de l’OMC (180 pour cent pour le Sénégal)

Le Sénégal a aussi accueilli favorablement la possibilité exprimée dans diverses propositions de réduire à des niveaux acceptables, les nouvelles formes d’obstacles commerciaux en vigueur, surtout dans les pays développés, comme indiqué ci-après.

Maintien du niveaux élevé de protection sur les marchés des pays développés

Le processus de tarification et de réduction des droits adopté jusqu’à présent n’a pas forcément rendu ces marchés accessibles à tous les pays membres de l’OMC. En moyenne, les droits agricoles sont plus élevés que les droits industriels, parce que la tarification a entraîné une protection tarifaire plus élevée et une dispersion des droits accrue, ainsi qu’une utilisation plus fréquente des taux spécifiques et des autres taux non ad valorem, qui sont tous devenus complexes, pour de nombreuses petites économies, comme celle du Sénégal (Messerlin et al., 2001).

Complexité des obstacles non tarifaires

Plusieurs obstacles non tarifaires ont limité le potentiel d’exportation des PMA comme le Sénégal, pour les principaux marchés de consommateurs. Il s’agit notamment, des règles d’origine très strictes, et des mesures de sécurité sanitaires et phytosanitaires rigides qui constituent des obstacles réels pour plusieurs produits d’origine sénégalaise, comme les arachides, les fruits et légumes et les produits de la pêche.

Progressivité des droits de douane affectant les produits agricoles transformés des PMA

Le Sénégal est également préoccupé par la fréquence des crêtes tarifaires et de l’escalade des droits qui le concernent, pour les exportations de produits agricoles transformés qui ajoutent de la valeur aux principales matières premières (arachides, coton, mangues, etc.) Le développement industriel de nombreux PMA comme le Sénégal, ne pourra se produire que si des mesures sont prises contre ces pratiques déloyales. Le Sénégal place tous ses espoirs sur les engagements qui viennent d’être réitérés par les membres de l’OMC, en vue de réduire de manière efficace, les niveaux de la progressivité des droits, pour les produits transformés des PMA.

Soutien interne

Plusieurs pays développés, comme les États-Unis et l’Union européenne ont à l’ordre du jour de réduire les incitations à la production agricole, dont l’effet serait de réduire le développement de leurs secteurs agricoles. Par contre le premier but de la réforme au Sénégal a été l’élimination des distorsions frappant l’agriculture, pour augmenter la productivité agricole et les niveaux de la production alimentaire interne et de diversifier la production agricole et les exportations en encourageant de nouvelles cultures et en transformant les produits primaires. Il est clair que de tels objectifs sont en net conflit avec le but implicite de l’Accord sur l’agriculture qui est de réduire la production agricole excédentaire et les exportations, en éliminant les distorsions politiques qui entraînent ces excédents.

Le Sénégal a manifesté l’intérêt: 1) d’étendre la période de mise en oeuvre des mesures relatives au TSD; 2) de tirer partir de cette éventuelle période de transition pour utiliser de manière appropriée les ressources rendues disponibles à cet effet, et 3) de chercher les moyens de fournir un soutien approprié à son agriculture de subsistance, pour assurer la sécurité alimentaire tout en préservant l’emploi en zone rurale (GOS,2001).

Concurrence à l’exportation

Les instruments de soutien actuels, qui sous-tendent les politiques agricoles des pays développés, augmentent les disponibilités sur le marché mondial et font baisser les cours mondiaux de plusieurs produits agricoles présentant un intérêt pour les PMA. Par exemple, il est possible de mentionner l’incidence négative de la politique agricole des États-Unis sur les marchés agricoles mondiaux, notamment sur les secteurs de l’arachide et du coton, qui sont fortement protégés aux États-Unis et dont l’importance est cruciale pour le Sénégal.

Pour d’autres produits, la même politique n’a pas eu d’effets pernicieux sur les pays à faible revenu et à déficit vivrier, comme le Sénégal, qui souhaitent, par exemple, que les cours mondiaux du riz chutent à des niveaux plus abordables, afin de réduire leurs dépenses d’importations de produits alimentaires, et notamment le coût de la nourriture destinée aux couches les plus pauvres de la population.

Lorsque le niveau des cours mondiaux est faible, il est en général beaucoup plus difficile pour les petits exploitants agricoles de nombreux pays en développement et de PMA comme le Sénégal, d’être compétitifs sur le marché international et même sur leurs propres marchés internes. La situation mondiale du secteur du coton et des pommes de terre est exemplaire: les prix reçus par les producteurs sont si faibles, que nombre de producteurs nationaux demandent une protection. Paradoxalement, les producteurs d’arachides ont, au Sénégal souvent profité des niveaux relativement faibles des cours, sur les marchés mondiaux des huiles végétales du fait d’un mécanisme qui prévoit des droits d’importations pour l’introduction d’huiles végétales subventionnées dans le pays et assure la redistribution des sommes perçues aux producteurs.

Mise en oeuvre de mesures concernant les PMA

Le statut de PMA a été octroyé à plus de 40 pays vulnérables appartenant pour la plupart au groupe des pays de l’Afrique sub-saharienne mais n’a entraîné jusqu’à présent que de rares avantages concrets.

Le Plan d’action adopté lors de la deuxième Conférence des Nations Unies sur les PMA, qui s’est tenue en septembre 1990, contenait des mesures spécifiques en faveur des PMA qui n’ont pas encore été appliquées.

La Décision ministérielle du 15 décembre 1993, sur les mesures en faveur des PMA (à la fin du Cycle d’Uruguay) dispose que les concessions NPF relatives aux mesures tarifaires et non-tarifaires des exportations, pour les PMA, seraient traitées de manière autonome, à l’avance et sans rééchelonnement. Il a été également convenu que le Système généralisé des préférences, qui concerne les produits présentant un intérêt pour les PMA devrait être amélioré, en augmentant le choix du nombre de produits remplissant les conditions voulues, en relevant les concessions tarifaires et en assouplissant les règles d’origine. Les PMA, comme le Sénégal, auraient pu bénéficier de ces propositions si elles avaient été mise en place.

Le pays aurait pu aussi bénéficier de la mise en place effective des accords pris lors de la création de l’OMC. Les pays développés, membres de l’OMC, ont convenu à Marrakech d’ouvrir leurs marchés à plus de 70 pour cent des produits présentant un intérêt pour les PMA, en franchise de droits, dans le cadre de divers accords spéciaux préférentiels conçus tout spécialement pour aider les PMA (GOS, 2001). En plus du traitement spécial et différentiel, lié au statut de pays ACP avec l’UE, le Sénégal aurait pu en outre tirer parti au mieux des avantages non réciproques offerts par d’autres pays pour améliorer sa balance commerciale et sa structure des échanges. Beaucoup de temps sera encore nécessaire pour que des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires, comme le Sénégal, puissent bénéficier des conditions favorables, à court terme, découlant des aspects opérationnels de l’initiative «Tout sauf les armes» de l’UE, annoncée récemment.

Le pays, et notamment son industrie textile naissante, auraient pu bénéficier de diverses mesures de soutien proposes dans le Plan d’action de l’OMC pour les PMA comme convenu par tous les membres lors de la première conférence ministérielle de l’OMC, à Singapour (décembre 1996). Les mêmes types d’engagement ont été renouvelés à l’occasion de diverses consultations et discussions commerciales de haut niveau, postérieures mais sans octroyer les ressources tangibles suffisantes pour couvrir les besoins spéciaux des plus démunis.

5.2 Position du Sénégal

Du point de vue du Sénégal, l’Accord sur l’agriculture ne tient pas suffisamment compte des questions non commerciales, concernant les plus démunis. Un comité spécial en vue d’assurer le suivi des discussions de l’OMC a maintenant été mis en place au Sénégal. Cette structure offre le meilleur cadre possible aux débats nationaux sur les questions abordées par les discussions en cours à l’OMC. Il permet de mieux parvenir à un consensus sur les questions à inclure dans la «catégorie développement» ainsi que dans la «catégorie sécurité alimentaire» en cours d ‘élaboration. Le Comité a rédigé quelques déclarations de principe, qui sont reprises dans la présente étude de cas, et énoncé les positions que défend le pays dans les forums commerciaux. La position la plus importante, est peut être la requête du Sénégal de permettre à des PMA, comme le Sénégal, d’avoir la flexibilité d’octroyer un soutien interne aux secteurs agricoles, en vue d’accroître de manière significative, la productivité agricole et la capacité locale de production à des niveaux susceptibles d’assurer la sécurité alimentaire à l’ensemble de la population, ainsi que d’augmenter les revenus pour réduire la pauvreté rurale, à des limites acceptables.

Malgré toutes les bonnes intentions en vue de fournir une aide technique et financière aux plus démunis, des comités, comme le Comité national des négociations commerciales internationales (Sénégal) continuent à manquer de ressources humaines et financières. Tout serait différent si un groupe de soutien consultatif pouvait disposer de l’appui technique et financier nécessaire pour mener à bien ses missions respectives. Il n’est pas surprenant que nombre de propositions faites dans le cadre des négociations de Doha, y compris celles du Sénégal, insistent pour que les aspects opérationnels de la décision ministérielle de Marrakech soient mis en œuvre.

Pour résumer, le Sénégal souhaite vivement participer de manière active aux diverses discussions régionales et multilatérales afin d’encourager l’adoption d’une «catégorie de développement» et d’une «catégorie de sécurité alimentaire». On espère que cette plate-forme puisse fournir le moyen de mettre en commun les préoccupations réelles des divers groupes de négociations auquel participe le pays: les intérêts des pays en développement (trop vastes), ceux du groupe des PMA (trop étroits) ainsi que ceux des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires (groupe très hétérogène).

5.3 Rôle des politiques

Pour atténuer les graves contraintes pesant sur les ressources publiques

Le Sénégal devrait mettre davantage l’accent sur les aspects opérationnels de la Décision de Marrakech, l’initiative d’aide aux pays pauvres très endettés et ceux des autres programmes concernant les PMA, visant à faciliter les échanges. De nouvelles ressources devraient être rendues disponibles, du fait des engagements renouvelés de la Décision de Marrakech, qui, si elle est mise en place, devrait favoriser les PMA comme le Sénégal. Le fait que le Sénégal réunisse les conditions nécessaires au statut de PMA, devrait aussi lui ouvrir l’accès à des ressources financiers et techniques dans le cadre de diverses autres initiatives comme l’initiative d’allègement de la dette des pays pauvres très endettés et l’initiative d’aide aux PMA soutenue par l’OMC.

Pour sauvegarder l’agriculture de subsistance et protéger l’industrie agroalimentaire naissante

Le pays ne devrait pas perdre de vue le développement de sa production agricole nationale et de son secteur agroalimentaire, à long terme. Le développement de la production agricole devrait faire l’objet d’une attention spéciale, afin de soutenir les secteurs vivriers qui ont la capacité de contribuer de manière significative à sa sécurité alimentaire et aux objectifs de réduction de la pauvreté. L’expérience a révélé que ces potentiels et ces possibilités existent et qu’elles n’ont pas été totalement exploitées, dans certaines zones de l’économie.

Pour augmenter la productivité agricole tout en assurant sa diversification

Le développement de la production des céréales locales comme le mil, le riz et le sorgho, négligée depuis l’introduction des dernières politiques agricoles dans le pays (Broutin and Sokana, 1999) devrait être prioritaire. Cela pourrait aider le pays à accroître la production céréalière, à augmenter la production des unités pertinentes manufacturières, élaborer des produits plus transformés et affectés d’une forte valeur ajoutée, destinés aux marchés nationaux et régionaux (UEMOA) avec la possibilité de créer des emplois et des revenus dans les zones les plus défavorisées (économies rurales) et pour les couches les plus pauvres, notamment les femmes. Les pouvoirs publics devraient tenir compte de plans similaires pour le développement du secteur des fruits et légumes (haricots verts, pommes de terre, oignons) ainsi que pour le secteur local de production de lait. L’amélioration des infrastructures commerciales, dans ces secteurs, pourrait contribuer de manière significative à la sécurité alimentaire.

Pour améliorer les soutiens logistiques

Pour ce qui est des subventions à l’exportation, le Sénégal n’a pas la possibilité de fournir des subventions aux exportations non exemptées, mais en tant que PMA, il pourrait octroyer des subventions pour réduire les coûts de commercialisation dans le pays et du fret international. Cela pourrait être très utile du fait des coûts de transport et de commercialisation élevés dans le pays, notamment pour les fruits et légumes, secteur pour lequel le maintien de cette exemption serait particulièrement important. Les secteurs du pays orientés vers l’exportation, n’ont actuellement aucun contrôle sur les conditions des coûts du fret et des expéditions de leurs produits respectifs vers des marchés tells que l’Union européenne et l’Asie. Ils ont été gravement entravés par la détérioration du secteur des transports et par les pratiques déloyales concernant les prix, appliquées par la plupart des transporteurs aériens comme Air France et DHL.

Pour renforcer l’innovation au Sénégal

Les pouvoirs publics devraient réunir dans un même lieu, les organismes supposés contribuer à l’innovation stratégique dans le pays. Cette stratégie pourrait commencer avec la consolidation et l’intégration des ressources humaines et financières actuellement disponibles à l’ISRA (et ITA) en vue d’avoir une recherche de haut niveau, des produits éducationnels et technologiques conçus spécifiquement pour répondre aux besoins des clients locaux et étrangers dans divers domaines stratégiques d’intérêt pour la base agricole et industrielle du pays. Le pays peut utiliser un tel complexe technologique agricole pour diverses missions 1) effectuer une planche de semis et la livraison de variétés de semences à rendement élevé, nécessaires pour augmenter la productivité dans divers secteurs agricoles: arachides, coton, cuirs et peaux, riz, lait, millet, maïs; 2) travailler en étroite collaboration avec l’Association sénégalaise de normalisation pour engager les actions nécessaires à l’amélioration du niveau des capacités du pays dans les nouveaux domaines relatifs aux divers accords du Cycle d’Uruguay; 3) servir d’interface dans les contrats, pour le transfert de technologies spécifiques dans le Nord et pour celles de valeur stratégique pour augmenter la productivité agricole, et 4) fournir l’aide technique nécessaire pou rendre la chaîne alimentaire nationale plus efficace, en contribuant ainsi à la compétitivité des secteurs tels que le coton, les arachides, les fruits et légumes et les produits d’origine animale et marine.


Page précédente Début de page Page suivante