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Technologies de soutien nécessaires à la transformation au village


Certains dispositifs de soutien doivent être en place avant l'adoption d'une nouvelle technologie. Par exemple, la disponibilité d'une quantité suffisante de matériaux bruts à transformer est essentielle, et probablement la cause d'échec la plus fréquente des entreprises villageoises. La liste de ces dispositifs et technologies figure ci-dessous; chacun est traité par la suite individuellement:

Les bureaux de vente ou distributeurs de matériel

Beaucoup de sociétés de matériel agricole n'ont qu'un seul bureau dans un pays, et l'acheteur potentiel a parfois des difficultés à s'y rendre ou même à le trouver. Les acheteurs ne savent pas toujours exactement de quel genre de machines ils ont besoin. La société de matériel a pour rôle de commercialiser ses machines avec efficacité, d'organiser des démonstrations en public et des journées champêtres et d'installer des affiches publicitaires. C'est une vraie chance pour un acheteur d'avoir un bureau de vente locale car il peut accéder facilement à des conseils, à la formation et au soutien en matière d'entretien.

FIGURE 16 Fabrication de râpeuses à manioc dans un atelier rural au Nigeria.

Les ateliers de réparation des machines en milieu rural

La plupart des machines ont besoin d'une visite d'entretien à intervalles réguliers, facilement effectuée dans les ateliers de réparation locaux. Quand le distributeur qui a vendu la machine est à proximité, il peut lui-même en assurer l'entretien. Les pièces de rechange sont inévitablement nécessaires. Elles peuvent aller d'une simple soudure à un crible neuf pour un moulin à marteaux ou un disque pour un décortiqueur à riz. Beaucoup de ces pièces doivent être importées, comme les courroies, les coussinets, les chaînes et les pièces de moteur. Les propriétaires des machines peuvent faire les remplacements simples eux-mêmes, mais les commandes et les autres réparations sont du ressort des centres de réparation. Il est certes très utile, mais pas indispensable, d'avoir un atelier de réparation à proximité, car on n'en a probablement besoin qu'une seule fois par an. Ces ateliers tendent à s'implanter là où la demande existe.

La formation et l'acquisition des compétences

La formation est un élément fondamental de la réussite des entreprises villageoises. Un propriétaire ou un gérant doit posséder des connaissances de base en gestion d'entreprise et dans le domaine technique. Ces compétences ne sont pas innées et sont parfois difficiles à acquérir. Des conseils sur les questions telles que la tenue des livres de comptes, la planification et les délais de récupération sont nécessaires pour consolider la sécurité de l'entreprise et garantir son succès. Dans la plupart des pays, le service de vulgarisation est bien placé pour fournir ces types de services.

Les techniques et les compétences pratiques sont plus faciles à acquérir. Les bureaux de vente doivent être capables de fournir tous les conseils nécessaires. Il faut que les calendriers d'entretien, les coûts probables de fonctionnement et toute autre considération soient clairement expliqués. Des conseils sont aussi disponibles auprès des organismes d'aide, des missionnaires et des gouvernements.

Les bâtiments

Beaucoup de petites entreprises ont au moins besoin d'un toit, à défaut d'un local entièrement fermé. La plupart des machines, par exemple, sont conçues pour fonctionner à l'abri. Les orages tropicaux peuvent causés des dégâts, il est donc important de les monter solidement sur un socle en ciment de niveau. Le toit est fabriqué à l'aide de matériaux locaux et permet d'abriter l'opérateur et la machine. Le matériel à fonctionnement manuel est pratique car il peut être utilisé n'importe où; il suffit d'avoir un local pour l'entreposer. On installe souvent les séchoirs, les égreneuses, les réchauds et les rôtisseurs dans un endroit couvert mais sans murs pour que les fumées s'évacuent facilement et que les activités puissent se poursuivre même quand il pleut. Les décortiqueurs à riz, les moulins à marteaux et les extracteurs d'huile sont généralement entreposés dans des bâtiments fermés à clé où tout ce qui est précieux, comme les bacs, les sacs, les pièces de rechange, les matériaux bruts et les produits finis, se trouve en lieu sûr. Le bâtiment est construit avec les matériaux qui sont disponibles au village. Si les blocs en ciment existent, ils sont le meilleur choix; toutefois, dans certains villages, il se peut que la meilleure option soit de construire des structures en bois ou en boue séchée avec un toit en feuilles de bananier ou en branches de palmier. S'il n'y a pas de ciment, il serait bon que le socle de la machine soit en acier et qu'elle soit le mieux équilibrée possible.

FIGURE 17 Un local en acier galvanisé pour abriter un moulin à marteaux au Kenya.

L'eau

L'eau potable est utilisée dans de nombreux procédés de transformation, notamment ceux qui nécessitent le lavage des tubercules et des fruits couverts de terre. S'il y a un puits à proximité, le problème est vite résolu, et le lieu de la transformation st fonction de la situation du puits. L'eau de rivière n'est pas toujours aussi propre que celle du puits; quand l'eau, du puits ou de la rivière, est sale, il faut procéder à une forme de filtrage. Normalement, une couche de sable d'1 m d'épaisseur, et dont le grain a une taille de 0,3 à 0,8 mm, fournit un lit de filtrage satisfaisant, mais des calculs et analyses supplémentaires sont nécessaires pour évaluer si la quantité d'eau ainsi filtrée est suffisante. Par exemple, si une petite usine de lavage du manioc utilise un maximum de 4 m3 d'eau par jour, elle a besoin d'un lit de sable de 4 m2 avec 4 m3 de sable et du réservoir de rétention correspondant. Le taux de filtrage dépend des propriétés physiques du sable et de son taux de filtrage naturel. On a aussi besoin de réservoirs et de structures de soutien surélevées, généralement en acier galvanisé ou en ciment. Dans certains villages, il faut aussi installer des pompes à moteur pour assurent l'alimentation en eau en quantité suffisante car l'actionnement manuel est un travail relativement pénible.

FIGURE 18 Des paniers de fabrication locale pour emporter les produits au marché, en Thaïlande.

Les matériaux d'emballage

Les matériaux d'emballage varient selon les marchés. Sur les marchés locaux, on utilise des matériaux d'emballage traditionnels comme les sacs tissés, les paniers et les feuilles des végétaux. Par contre, sur les marchés plus importants, ou les marchés des petites et des grandes villes, on a besoin de cartons, de sacs ou de barquettes en plastique manufacturés. On peut aussi se servir de feuilles naturelles et de ficelle ou de papier manufacturé pour envelopper les produits. La taille des cartons manufacturés peut servir d'unité de mesure. L'homogénéité des prix par unité de poids met l'acheteur en confiance. Quand un produit est bien commercialisé, son emballage sert de protection et de conservation, et sa présentation permet de le vendre à un prix plus élevé. Certains clients préfèrent toujours le style de présentation du marché local, même dans les grandes villes, mais la croissance des magasins et des supermarchés rend la clientèle plus exigeante dans le monde entier et une bonne commercialisation porte généralement ses fruits.

Les produits agricoles peuvent être vendus par l'intermédiaire de ceux qui acheminent les marchandises vers les marchés avec leur propre véhicule et qui fournissent les sacs et les cartons. Ils sont bien placés pour récupérer les emballages dans les villes voisines et les réutiliser. Quand un agriculteur vend un produit dans son contenant, il lui est difficile de le récupérer ou celui-ci est non consigné. La qualité du contenant est liée à ce que l'agriculteur peut se permettre de perdre, et les prix sont majorés pour couvrir les emballages perdus. Les contenants qui ont déjà servis, comme les bouteilles d'huile, de jus et autres liquides, les sacs pour le riz et la farine, et les paniers et les boîtes pour les épices séchées sont tout à fait acceptables. Les principaux problèmes qui se posent concernant les contenants consignés sont:

Pour la vente au détail, la solution est simple: soit les acheteurs fournissent leurs propres contenants, soit ils organisent un système de consigne. La disponibilité des contenants, neufs ou d'occasion, peut poser un problème grave qu'il est nécessaire de résoudre dès le début.

FIGURE 19 Des caisses consignées utilisées pour emballer les produits à emporter au marché en Thaïlande.

La commercialisation

Toute entreprise est tributaire de ses marchés. A moins que la demande n'existe déjà, c'est par la persuasion qu'on crée un marché. Par exemple, si aucun marché n'existe pour le jus d'ananas, il faut persuader les clients des bienfaits de ce produit. L'approche la plus facile est de commencer par une petite entreprise dans laquelle chaque investissement dans du matériel nouveau est pleinement justifié par la demande. Il faut simplement que le producteur s'assure que le marché n'est pas saturé, sinon il doit trouver d'autres marchés, en élargissant son entreprise et en se déplaçant vers d'autres villes ou villages.

Une grande partie des produits frais est traditionnellement vendue au marché le plus proche. Les zones urbaines plus vastes attirent aussi les vendeurs de rue et ouvrent des débouchés au niveau des commerçants. Certes, la vente des produits transformés est plus lucrative quand le débouché est régulier. L'information circule vite par le bouche à oreille dans les pays en voie de développement; quand les produits sont satisfaisants, la commercialisation ne pose guère de problèmes. Dans une économie non monétaire, il est nécessaire d'organiser un système de commerce basé sur le troc; les marchandises sont échangées contre d'autres ou contre des services. Dans certains cas, les clients payent le service de la transformation de leurs produits bruts en marchandises, dont la quantité est proportionnelle à la quantité à transformer. Par exemple, le maïs ou le riz sont usinés en échange de 10 pour cent du poids d'origine du produit brut, et le produit usiné repart dans son emballage d'origine. Dans certains cas, le client repart avec ses produits; dans d'autres, il reçoit le poids convenu du produit usiné.

A plus grande échelle, la commercialisation prévoit généralement une stratégie concernant l'emballage. Les cartons ou les sacs indiquent l'origine, le poids et le type du produit. En principe, un bon emballage met les marchandises en valeur et assure une protection et une conservation meilleures. C'est une approche bien adaptée aux ventes dans les petites et les grandes villes, parce que le transformateur d'origine est susceptible de perdre le contact avec le client final. Si les transformateurs souhaitent fidéliser leur clientèle, il est indispensable que l'identité du produit soit clairement affichée.

La première règle pour réussir est de bien connaître le marché. Le meilleur produit du monde ne se vend pas si personne n'en a entendu parler. Il est toujours plus facile de démarrer une entreprise avec un produit pour lequel il y a de la demande. Une fois que ce produit réussit bien sur le marché, la réputation établie sert de tremplin au lancement de nouveaux produits. Un minimum d'expertise en matière de gestion est nécessaire pour réussir, même au niveau du village. A un certain stade, des connaissances en matière de méthodes administratives, de tenue des dossiers et des livres de compte, et de prévisions des ventes sont nécessaires si l'entreprise tend à s'élargir. D'autres répercussions liées au succès d'une entreprise doivent être envisagées. Par exemple, si l'introduction d'un nouveau moulin à marteaux de haute capacité provoque la faillite des autres petits propriétaires de matériel, c'est un échec pour le village. Il est important d'évaluer le potentiel des ventes immédiates au village mais aussi celui des ventes dans un rayon plus grand. On peut souvent remédier à cette situation avec l'aide des entrepreneurs qui achètent les produits locaux sans avoir l'intention de les transformer: ils n'en font que le transport vers un marché plus grand, pour la vente.

Au fur et à mesure qu'une entreprise s'étend, il y a toujours la possibilité d'élargir son champ publicitaire par le biais de la radio, de la télévision, des panneaux publicitaires en bordure des routes, des expositions itinérantes et des journées champêtres. Dans la plupart des pays, les services de vulgarisation organisent des cours de formation et assistent les agriculteurs dans tous ces domaines.

La mise en route et le développement de toute entreprise obligent à faire des investissements et à prendre des risques. Le succès n'est pas garanti; il importe d'envisager le pire des scénarios avant de se lancer. Dans les pays en développement, il existe certes des milliers de petites usines et entreprises de transformation prospères qui améliorent considérablement la qualité de la vie dans les villages. Mais il y a encore de la place pour en créer bien davantage.

Le transport

Plus les marchés s'agrandissent, plus les produits sont acheminés loin. Beaucoup d'agriculteurs prennent l'autobus pour apporter leurs produits au marché. Ils y restent jusqu'à ce que leurs produits soient vendus, ou y retournent le lendemain. Ce système pénalise davantage les produits périssables que les produits transformés, car ces derniers subissent moins de pertes que les fruits et légumes, dont l'emballage est insuffisant et dont les conditions de transport sont précaires. Les taxis, les transporteurs, les intermédiaires de toutes sortes jouent tous un rôle vital. Les marchés locaux sont en quelque sorte des points de convergence où les transporteurs réunissent les produits et les acheminent par camion vers les marchés plus importants. Ainsi, le transporteur couvre des distances de plus de 100 km, ce qui est difficilement envisageable pour un petit producteur.

FIGURE 20 Le cheval sert à transporter les produits agricoles au marché, aux Philippines.

Les agriculteurs qui peuvent justifier l'achat d'un véhicule, aussi rudimentaire soit-il, soit en tant que propriétaire unique, soit en coopérative, acquièrent une forme d'indépendance qui marque une nouvelle étape de leur développement. Elle s'appuie sur la disponibilité de routes praticables pendant une grande partie de l'année, bien que chacun sache qu'il existe des périodes d'impraticabilité. Le besoin de transport est une condition préalable au développement des routes. Comme les entreprises ont tendance à s'implanter le long des routes, la présence d'un réseau routier encourage davantage le développement; toutefois, le stimulus de départ est la disponibilité des produits agricoles dans une région productive.

Les bicyclettes sont d'usage courant dans beaucoup de pays. Les sacs pleins de fruits et de légumes sont attachés sur la bicyclette ou entassés dans sa remorque, et les distances couvertes sont équivalentes au triple de celles parcourues à pied en portant les produits à la main. Le marché s'élargit ainsi considérablement. Des ateliers pour la réparation des bicyclettes existent dans la plupart des pays; c'est donc une option intéressante, notamment pour les produits transformés de faible volume comme les épices.

Le transport par traction animale convient pour les articles bien préservés comme les épices, les fruits secs et peut être aussi les confitures ou les articles de valeur. Les ânes, les bœufs, les chameaux et les chevaux sont tous utilisés pour tirer des charrettes ou porter des sacoches de selle, selon la taille de la charge. Les charrettes sont équipées soit de roues à rayons pour les charges plus légères, ou de roues usagées de véhicules à moteur pour des charges allant jusqu'à 1 000 kg. Les animaux peuvent couvrir des distances allant jusqu'à 25 Km, et, dans certains cas, ils transportent une denrée de grande valeur pendant plusieurs jours.

L'élimination des déchets

Dans les pays en développement, l'élimination des déchets ne reçoit généralement pas la plus haute priorité, face aux préoccupations liées aux besoins en nourriture et en revenu. Cependant, les déchets doivent être traités comme un produit secondaire à chaque fois que cela est possible. Pratiquement tous les déchets agricoles peuvent être réutilisés: l'écorce, le trognon et les feuilles des fruits ou légumes utilisés pour obtenir le jus, la purée ou la pulpe peuvent être donnés aux animaux comme fourrage ou compostés pour servir d'engrais; de même, les déchets des céréales, comme la balle, le son ou le germe peuvent servir de fourrage aux animaux. L'enveloppe du riz est probablement le résidu le plus difficile à recycler bien qu'il arrive d'en nourrir les poules et les chèvres. De temps en temps, on trouve à certains déchets des utilisations spéciales, comme la vente du liquide contenu dans les coquilles des noix de cajou. Même les eaux usées peuvent être réutilisées après filtrage pour laver le sol ou pour alimenter les réseaux d'irrigation.

Dans les opérations de séchage, les déchets sont utiles en tant que combustible, mettant ainsi à contribution des matériaux destinés au rebut. L'excédent de biomasse peut aussi être utilisé comme combustible, comme le font couramment les grands producteurs de sucre, qui brûlent le résidu de canne appelé bagasse pour sécher le sucre après traitement à l'eau. De la même façon, les petits producteurs de sucre amassent des piles de cannes épuisées qu'ils font brûler pour sécher le sucre. L'enveloppe du riz peut être utilisée pour sécher le riz étuvé et peut aussi servir de combustible pour l'étuvage. Les résidus produits par les presses dans l'extraction de l'huile de palme peuvent être brûlés pour stériliser les piles suivantes; parfois, les restes de noix servent aussi à la stérilisation. Le bois provenant de l'élagage, de l'ébranchage et des vieux arbres des plantations peut servir de combustible dans les opérations de séchage. Dans les premières huileries à vapeur, tous ces résidus servaient à chauffer la chaudière de la machine à vapeur, produisant suffisamment d'énergie pour alimenter l'usine entière.

Il existe d'autres utilisations des résidus. Dans le processus de digestion anaérobie, la matière organique produit du méthane s'il y a suffisamment d'eau et que la température est supérieure à 22 °C. C'est un moyen très utile pour éliminer et réutiliser les déchets verts, dont le rendement peut atteindre 0.4 m? de gaz pour 1 kg de solides secs. Les déchets verts sont placés dans une cuve pleine d'eau et laissés à fermenter pendant un maximum de trois semaines. Le méthane ainsi produit peut servir à faire la cuisine ou même à alimenter un moteur diesel. Certes, la quantité nécessaire à l'alimentation d'un moteur est beaucoup trop importante pour une petite entreprise, mais il est possible d'en produire suffisamment pour faire la cuisine. Le matériel requis est minimal, il suffit d'une cuve munie d'un couvercle hermétique, et de quelques tuyaux. Les déchets de cuisine sont aussi recyclables de cette manière. L'Inde à elle seule possède des milliers de digesteurs à petite échelle.

Si la production de méthane est impossible, les déchets organiques sont simplement amassés dans un endroit spécial et retournés de temps en temps à l'aide d'une fourche ou d'un râteau. Ils se transforment en compost, utilisé comme additif et conditionneur des sols, qui permet de recycler les éléments nutritifs dans les champs. Le tas doit rester meuble et humide. Il convient d'éviter de créer des sites permanents de déchets verts parce qu'ils attirent les mouches, dégagent des odeurs et peuvent engendrer des maladies.


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