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Synthèse, Conclusion et Recommandations de l’Atelier


Du 15 au 19 décembre 2003, s’est tenu à l’Hôtel Nord-Sud de Bamako (Mali), l’Atelier Sous-Régional sur la Biodiversité Agricole en Afrique de l’Ouest. L’atelier a été organisé par le Ministère de l’Environnement du Mali en collaboration avec la GTZ, la FAO, le CRDI et le CTA. Ont pris part à cet atelier les représentants du Bénin, du Burkina Faso, de la Guinée Bissau, de la Guinée (Conakry), du Mali, de la Mauritanie, du Niger, du Sénégal, du Tchad et du Togo, ainsi que les partenaires au développement que sont la GTZ, la FAO, le CDRI, l’IPGRI, le CIRAD et Helvetas.

L’atelier avait pour but de contribuer au développement des politiques nationales en zone soudano-sahélienne pour l’utilisation durable et la conservation de la biodiversité agricole afin de mettre en accord les besoins locaux et les instruments juridiques régionaux et internationaux.

Les communications ont mis l’accent sur les obstacles qui empêchent la valorisation des ressources génétiques, le développement des stratégies nationales de conservation avec une priorité pour la conservation in situ et l’élaboration des mécanismes de coordination régionale. Les participants ont reçu également des explications plus détaillées sur le fonctionnement des instruments internationaux que sont: la CDB, le Traité International, le processus de développement d’une stratégie mondiale de gestion des RGA, le Plan d’Action Mondial sur les Ressources Phytogénétiques, la CCD et la Loi Modèle de l’Union Africaine. Ces exposés ont montré qu’il y avait une certaine synergie et une complémentarité entre tous ces instruments juridiques internationaux.

Il a aussi été signalé une carence au niveau national en ce qui concerne la mise en œuvre cohérente de tous les instruments internationaux et en particulier la CCD et la CDB qui sont deux outils importants pour les zones arides et semi-arides. Les participants ont noté aussi la nécessité de mieux prendre en compte les RGA dans l’élaboration des politiques agricoles et leur financement, et dans la mesure du possible, de concilier la gestion et la conservation des RGA et RGV. La plupart de ces instruments demandent un rapport périodique d’évaluation au niveau national. Les pays membres sont conviés à prendre des dispositions pour respecter leurs obligations.

Les participants ont observé un besoin de formation aussi bien des fonctionnaires que de la société civile sur les instruments juridiques internationaux tels que la CDB et le Traité International. Ils ont également souligné la nécessité du renforcement des capacités opérationnelles de Points Focaux Nationaux et Régionaux des différentes conventions. Les participants ont été informés que les quarante premiers pays qui ratifieraient le Traité International, deviendraient membres de l’Organe Directeur.

Les présentations plus techniques ont souligné les incidences négatives des changements d’occupation des terres sur la diversité biologique. Au cours des discussions, les participants ont suggéré de prendre en compte les problèmes juridiques et institutionnels en même temps que les aspects biophysiques et socio-économiques. L’utilisation des instruments de suivi cartographique montrant les changements a été recommandée ainsi que le développement de mécanismes juridiques et institutionnels appropriés.

Les discussions sur les rôles des acteurs de développement dans l’utilisation durable et la conservation de la biodiversité agricole ont fait ressortir la nécessité d’une meilleure valorisation du savoir-faire local. Il a été noté que le potentiel des variétés traditionnelles est sous-exploité et qu’il est important de bien évaluer cette diversité génétique pour qu’elle soit mieux prise en compte dans les schémas de sélection. L’expérience sur le coton biologique présentée par Helvetas est perçue comme une option incitative à l’utilisation de l’agro-biodiversité. Cependant, la durabilité du système reste à être prouvée.

Le travail qui a été fait sur les ressources génétiques animales dans les pays de la SADC a été présenté aux participants qui ont suggéré que cela serve d’exemple pour un processus de valorisation des mêmes ressources en Afrique de l’Ouest.

Le Bénin, le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal ont fait le point de l’état des ressources génétiques animales et végétales dans leurs pays respectifs. Il faut souligner avec satisfaction que ces rapports ont été préparés et présentés pour la première fois par les Points Focaux nationaux de CDB, CCD, RGA et RGV. Il en ressort les points saillants suivants:

Les RG sont conservées la plupart du temps par les agriculteurs et éleveurs. Cependant il existe un certain nombre de pressions qui ont conduit à une perte de diversité de certaines espèces/variétés/races locales;

Ces menaces ont pour origine les aléas climatiques, les mauvaises pratiques de gestion des ressources et les politiques inappropriées ou absentes;

La valorisation insuffisante de la diversité biologique locale dans le processus de sécurité alimentaire;

L’insuffisance des ressources (humaines et financières) au niveau des collectivités décentralisées;

L’insécurité foncière comme facteur limitant pour l’utilisation durable de la biodiversité;

Le manque de coordination au niveau des différents acteurs.

Sur la base des rapports nationaux, les participants se sont répartis en cinq groupes de travail qui avaient pour objectif de développer à partir des succès et des contraintes, des stratégies pour la conservation et l’utilisation durable des ressources génétiques animales et végétales. Les cinq groupes ont été constitués autour des thèmes suivants:

Renforcement des capacités des éleveurs et des agriculteurs (Groupe 1);

Accès aux ressources génétiques, aux technologies et à la recherche (Groupe 2);

Politiques, législation et cadre institutionnel (Groupe 3);

Marchés, infrastructures et commercialisation/éducation et conscience publique (Groupe 4);

Aspects transnationaux et régionaux (Groupe 5).

Les résultats des travaux des différents groupes ont servi de support à l’élaboration des plans d’action nationaux et à l’ébauche d’une synthèse régionale. Ces plans d’action serviront à l’élaboration d’un projet régional sur l’appui à la gestion durable des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture avec le soutien des partenaires au développement tels que la FAO et la GTZ.

Les recommandations de l’atelier de Bamako

Vu l’impact des processus de dégradation des ressources naturelles, de l’urbanisation et de la spécialisation agricole destinée aux marchés extérieurs sur la biodiversité agricole et sur la productivité durable des écosystèmes agricoles;

Vu la nécessité d’une approche écosystème (voir les 12 principes adoptés par la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) pour sauvegarder et améliorer les produits multiples et les services fournis par la biodiversité agricole (au niveau de l’écosystème, des espèces et des gènes);

Vu la nécessité de concilier la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité agricole avec les priorités des agriculteurs et des gouvernements pour augmenter la production agricole et la sécurité alimentaire ainsi que le bien-être des ménages;

Vu l’importance d’un processus cohérent entre la CDB et la Convention pour la Lutte Contre la Désertification (CCD);

Les participants à l’atelier de Bamako ont développé les recommandations suivantes:

A. Renforcement des capacités à la base

Impliquer fortement les acteurs à la base dans l’élaboration et la mise en œuvre des mécanismes pour renforcer la gestion des ressources naturelles et de la biodiversité agricole.

Soutenir les stratégies dont les succès ont été prouvés ainsi que les savoir-faire traditionnels favorisant l’utilisation et la conservation de l’agro-biodiversité et promouvoir leur vulgarisation à travers:

des foires agricoles sur les ressources génétiques végétales et animales (RGV/RGA) et l’inventaire et la capitalisation des connaissances et savoir-faire locaux de gestion des RG;

la promotion de l’écotourisme;

l’utilisation des aliments à base de produits locaux pour la nourriture des animaux d’élevage;

la promotion de l’utilisation des espèces traditionnelles et des recettes élaborées à partir des produits locaux;

l’exploration des marchés d’exportation des produits spéciaux;

la promotion des organisations de producteurs pour la transformation des produits locaux ainsi que la promotion des initiatives privées.

Stimuler la mise en place des stratégies de sécurisation foncière pour encourager une vision de l’utilisation à long terme des ressources naturelles et de la biodiversité agricole.

Identifier au préalable les pesanteurs socioculturelles qui peuvent entraver le succès de la mise en œuvre des stratégies pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité agricole.

Eviter la déperdition des connaissances traditionnelles du aux manques dans le domaine de la législation rurale sur les droits de propriété intellectuelle (DPI).

B. Communication, éducation et conscience publique

Favoriser l’accès à l’information sur l’agro-biodiversité (gènes, espèces, écosystèmes) et la mise en place d’un système d’alerte précoce à travers des systèmes d’information géographique (SIG) et:

la création de bulletins et rapports périodiques sur l’état des RG;

la création de bases de données accessibles (centres de documentation, site Web);

le développement de programmes radio et télevisés à l’intention du grand public. Création et diffusion d’émissions radio et télévisées sur l’importance des variétés/ races locales et de la diversité biologique (au niveau écosystème, espèces et gènes).

Intégrer le thème de la biodiversité agricole dans les programmes d’alphabétisation fonctionnelle et dans les écoles primaires et promouvoir l’information sur les qualités nutritionnelles des variétés locales. Accentuer la recherche participative et la vulgarisation sur les qualités culinaires.

Veiller à une meilleure intégration de la société civile au niveau des fora et programmes sur la biodiversité agricole.

C. Accès aux gènes et technologies et recherche

Développer un cadre législatif/ réglementaire qui s’inspire de la loi modèle de l’Union Africaine, y compris des textes sur la biosécurité, l’accès et l’utilisation des ressources génétiques animales et végétales et la gestion des ressources naturelles.

Veiller à ce que les efforts de recherche et développement dans le domaine de la conservation et de l’utilisation durable des RG soient intégrés dans une approche écosystème (interactions des fonctions de l’écosystème entre les différentes espèces et entre l’homme et son environnement).

Promouvoir les produits locaux, les connaissances et savoir-faire traditionnels par la recherche-action.

Accentuer la recherche sur les souches (variétés et races) locales les plus adaptées, et les plus résistantes aux maladies et aux conditions agro-climatiques (surtout pour les RGV dans le cadre de la culture biologique).

Accentuer la recherche sur les bénéfices multiples des systèmes agricoles diversifiés et des pratiques «d’agriculture de conservation» (zéro labour, cultures de couverture, assolements).

Multiplier la réflexion/recherche sur d’autres domaines non encore exploités des productions dites non conventionnelles.

D. Politique, législation et institutions

(i) Financement

Mettre à disposition un financement approprié pour la mise en œuvre des cadres stratégiques et politiques et pour le renforcement des capacités des institutions impliquées dans l’élaboration et l’adaptation de la législation/ réglementation dans le domaine de la biodiversité agricole. Inscrire le financement de la recherche sur l’agro-biodiversité dans les plans et programmes de développement (financement bilatéral et multilatéral).

Mettre en place un système de financement adéquat et durable pour les RG à travers une meilleure accessibilité au crédit à des conditions adaptées aux RG, la création d’un fonds pour les RG, le «lobbying» auprès des fondations et l’inscription des ressources génétiques dans la loi des finances.

(ii) Législation/ réglementation

Encourager la mise en place d’un cadre juridique pour l’utilisation durable, l’accès et le partage des avantages liés à l’agro-biodiversité pour le bonheur des populations à la base.

Harmoniser et adapter suivant les objectifs de l’agro-biodiversité les textes législatifs à l’intérieur des pays.

Encourager les pays à signer et ratifier le Traité International sur les Ressources Phytogénétiques sur l’Agriculture et l’Alimentation et à y adhérer.

S’assurer que le développement des lois et des textes d’application est basé sur les actions de terrain et associe les paysans à la prise de décision concernant leur mise en œuvre. Contrôler et renforcer la mise en application des engagements adoptés (conventions etc.) à travers des textes législatifs et réglementaires au plan national sur la gestion des ressources naturelles et l’agro-biodiversité.

Créer un système «sui generis» pour les variétés et semences améliorées et considérer une telle approche pour les RGA.

Améliorer le suivi-contrôle sanitaire du bétail en vue de favoriser l’exportation des produits d’élevage de la région Ouest-africaine.

(iii) Cadre institutionnel

Améliorer la concertation/coordination au niveau national sur la biodiversité agricole et favoriser la concertation/coordination des cadres de concertation impliqués dans l’élaboration des textes d’application.

Améliorer la synergie entre les structures agro-environnementales de tous les pays (CDB, RGA, RGV, CCD) et leur coordination à travers la planification et le développement décentralisé. Fournir un appui institutionnel aux structures en charge du contrôle du respect de la biodiversité agricole.

E. Marché, infrastructures et commercialisation

Encourager la vulgarisation de connaissances traditionnelles reconnues efficaces dans la gestion des ressources génétiques et des écosystèmes agricoles associés.

Créer un label pour ouvrir de nouveaux créneaux/marchés et augmenter la valeur ajoutée des produits locaux finis (meilleure finition du produit et de sa présentation).

F. Coopération transfrontalière/ inter-pays

Encourager la coopération sous-régionale en matière d’élaboration et de mise en œuvre de projets/programmes sur l’agro-biodiversité.

Faire en sorte que les autorités gouvernementales des pays participant à l’atelier de Bamako sur la biodiversité agricole mettent tout en œuvre pour ratifier à temps le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, afin de pouvoir compter parmi les quarante membres de l’Organe directeur dudit traité.

Faire en sorte que les participants au présent atelier œuvrent dans leurs pays respectifs pour inciter leurs gouvernements à ce qu’une part substantielle des ressources à dégager au titre du NEPAD contribue effectivement à faciliter la mobilisation des fonds pour l’exécution des présents projets.


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