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Irrigation et contrôle de l’eau

Typologie de l’irrigation et du contrôle de l’eau

Initialement, l’irrigation en Afrique a été associée aux plaines d’irrigation des grands fleuves pérennes, tels que le Niger, le fleuve Sénégal, le Nil, la Volta, le Zambèze, etc. où ont été aménagés par les gouvernements les premiers grands périmètres d’irrigation. Depuis la fin des années 1980, le secteur irrigué a connu d’importants changements, tels que la libéralisation des filières, le transfert de la gestion des aménagements aux exploitants et l’émergence des préoccupations environnementales. De plus, les bailleurs de fonds se sont désintéressés de ce secteur pour des raisons diverses, telles que la baisse des prix mondiaux des aliments, le coût d’aménagement par hectare qui est maintenant plus important car les secteurs faciles à irriguer le sont déjà, les investissements nécessaires à la réhabilitation et les normes environnementales qui découragent par exemple la construction des barrages. On tend à promouvoir la petite irrigation parfois privée et la participation des usagers sur la base des meilleurs résultats obtenus. En même temps, se répand l’utilisation des ressources souterraines avec l’usage généralisé des pompes (à énergie animale, humaine ou à combustion). Une nouvelle problématique environnementale apparaît alors: la surexploitation des aquifères et ses nombreuses conséquences (intrusion marine, durabilité, etc.).

Selon les régions, l’irrigation est vue comme une technique indispensable sans laquelle la production agricole serait pratiquement impossible dans les pays arides, ou comme un moyen d’augmenter la productivité et l’intensité culturale, et de favoriser la diversité des cultures dans les pays les plus arrosés. D’où la grande diversité des techniques mises en place pour le contrôle de l’eau.

Le tableau 11 présente la répartition régionale de la superficie en contrôle de l’eau, faisant la distinction entre les superficies en irrigation (la somme de celles en maîtrise totale/partielle, de l’épandage des crues et des zones basses équipées) et les autres zones basses cultivées mais non équipées (marais et bas-fonds et cultures de décrue). Le total des superficies où l’eau (hors pluies directes) est utilisée à des fins de production agricole a été appelé «superficie en contrôle de l’eau». Le terme «irrigation» se réfère aux superficies équipées pour fournir de l’eau aux cultures (tableaux 27 et 28). La distinction entre irrigation et contrôle de l’eau est parfois difficile; en particulier la limite entre superficies équipées ou non équipées est souvent incertaine, étant donné que l’équipement en Afrique est souvent constitué de petits aménagements visant à retenir l’eau, mais ne permettant pas toujours un contrôle total de l’eau.

Les superficies avec contrôle de l’eau s’étendent sur 15.4 millions d’hectares en Afrique, mais leur distribution géographique est très inégale d’une région et d’un pays à l’autre (figure 13): au Nord se concentrent plus de 40 pour cent des superficies avec contrôle de l’eau en Afrique, et ce pourcentage s’accroît encore lorsqu’il s’agit uniquement des superficies en irrigation. L’Égypte représente à elle seule 54 pour cent de l’irrigation de la région du Nord. La région Soudano-sahélienne suit à la traîne avec 19 pour cent des superficies en contrôle de l’eau et 20 pour cent des superficies irriguées; cependant ces chiffres reflètent directement les superficies irriguées du Soudan (71 pour cent des superficies irriguées de la région et 63 pour cent des superficies en contrôle de l’eau). Enfin, immédiatement après, le Sud renferme 15 pour cent de superficies en irrigation et en contrôle de l’eau du continent. L’Afrique du Sud influence fortement cette région puisqu’elle absorbe 73 pour cent de son irrigation.

TABLEAU 11
Distribution régionale des superficies en contrôle de l’eau

Région

Irrigation

Marais et bas-fonds
cultivés non équipés

Cultures de décrue
non équipées

Total contrôle de l’eau


ha

% du
total

ha

% du
total

ha

% du
total

ha

% de
l’Afrique

Nord

6 339 756

100

-

-

-

-

6 339 756

41

Soudano-sahélienne

2 619 950

89

67 356

2

257 984

9

2 945 290

19

Golfe de Guinée

565 257

39

196 606

14

681 914

47

1 443 777

9

Centre

132 439

29

322 500

71

1 000

0

455 939

3

Est

616 143

73

233 195

27

-

-

849 338

6

Sud

2 063 427

91

181 900

8

8 510

1

2 253 837

15

Îles de l'océan Indien

1 107 903

99

-

-

9 750

1

1 117 653

7

TOTAL

13 444 875

87

1 001 557

7

959 158

6

15 405 590

100

L’épandage de crues est specifique des pays arides. Il se réalise principalement en Afrique du Nord (Tunisie, Maroc et Algérie) et dans la région Soudano-sahélienne (Somalie et Soudan, principalement, mais moins en Érythrée) (tableau 12). Seul le Cameroun, dans le Centre, le pratique sur une petite superficie (tableau 27). En revanche, les zones basses équipées sont fréquentes dans les pays disposant de ressources en eau plus importantes, c’est-à-dire dans toutes les régions hormis le Nord et les Îles, de même que les marais et bas-fonds cultivés non équipés. Finalement, l’utilisation des eaux lors de la décrue est pratiquée principalement dans la région du golfe de Guinée, en mesure moindre dans celle Soudano-sahélienne, et de manière négligeable dans les Îles, le Sud et le Centre (tableau 28).

L’irrigation, qui intéresse 13.4 millions d’hectares, est de loin le type de contrôle de l’eau le plus répandu à l’échelle du continent (figures 14, 15, 16). Elle constitue 87 pour cent des superficies en contrôle de l’eau, dont près de la moitié se concentre en Afrique du Nord. De plus, 9.3 millions, soit près de 70 pour cent, concernent cinq pays (Afrique du Sud, Égypte, Madagascar, Maroc et Soudan). L’épandage de crues (3 pour cent) et les zones basses équipées (4 pour cent) sont largement dominés par les superficies en maîtrise partielle/totale, représentant 93 pour cent des superficies en irrigation (tableau 12). Au niveau régional et national, la part de l’irrigation dans les superficies en contrôle de l’eau est très variable: de 100 pour cent en Afrique du Nord, elle ne représente qu’à peine 30 pour cent dans la région du Centre. Cette même région comprend, il est vrai, plus de 70 pour cent des marais et bas-fonds cultivés non équipés du continent (tableau 11). Son climat plus humide implique en effet la présence de nombreuses zones basses humides (République démocratique du Congo, Angola, Congo, Guinée équatoriale, Cameroun, République centrafricaine, etc.).

L’irrigation représente 6 pour cent des superficies cultivées à l’échelle du continent (tableaux 12 et 27). Ce pourcentage est bien plus faible que dans les autres continents: 38 pour cent en Asie, 27 pour cent aux Caraïbes, et 12 pour cent en Amérique Latine. Cependant, cette proportion, liée directement à la hauteur des précipitations, est pratiquement nulle en République centrafricaine mais atteint 100 pour cent en Égypte, où les cultures seraient impossibles sans irrigation (tableau 27).

TABLEAU 12
Distribution régionale des superficies en irrigation

Région

Maîtrise
totale/partielle

Épandage de
crues

Zones basses
équipées

Total irrigation

Superficie

% de
l’Afrique

% de la superficie
cultivée


(ha)

(ha)

(ha)

(ha)

(%)

(%)

Nord

6 230 706

109 050

-

6 339 756

47

22.6

Soudano-sahélienne

2 098 238

299 520

222 192

2 619 950

20

6.8

Golfe de Guinée

360 088

-

205 169

565 257

4

1.0

Centre

125 652

2 800

3 987

132 439

1

0.6

Est

593 103

-

23 040

616 143

5

2.0

Sud

1 962 902

-

100 525

2 063 427

15

6.3

Îles de l'océan
Indien

1 107 903

-

-

1 107 903

8

29.2

TOTAL

12 478 592

411 370

554 913

13 444 875

100

6.4

%

93

3

4

100



Techniques d’irrigation en maîtrise totale/partielle

Le tableau 13 présente la distribution régionale des techniques d’irrigation utilisées pour les superficies en maîtrise totale/partielle. Pour les pays où les techniques étaient décrites dans la publication précédente et où aucune nouvelle donnée n’est disponible, cette analyse utilise les anciennes valeurs (tableau 29). Les régions Soudano-sahélienne et du Centre sont celles dont les données sont le plus déficitaires. En effet, on ne dispose de données sur le type de technique employée que pour le huitième et le quart respectivement des superficies en maîtrise totale/partielle. D’après les connaissances de terrain de l’équipe d’AQUASTAT, les pays où les données manquent pratiquent principalement l’irrigation de surface; c’est pourquoi, la totalité de leur superficie en maîtrise totale/partielle est incluse dans la technique «Irrigation de surface» de l’analyse régionale (cette estimation n’est pas mentionnée dans les monographies par pays). L’irrigation de surface domine très largement les techniques sous pression (aspersion et localisée).

Les techniques sous pression se concentrent principalement dans les régions du Nord et du Sud. En pourcentage, l’aspersion est la technique la plus répandue dans la région du Sud. La région du Nord la pratique également sur des superficies équivalentes, mais en proportion moindre car l’irrigation de surface prédomine sur une superficie près de cinq fois plus grande. Dans les régions du golfe de Guinée, de l’Est et du Centre, on la retrouve sur des superficies beaucoup plus réduites. Les régions Soudano-sahélienne et Îles n’ont qu’une très faible pourcentage de leurs superficies en maîtrise totale irriguées par aspersion. Enfin, l’irrigation localisée ne s’est véritablement développée (en dehors d’essais et expérimentations) que dans les régions du Nord et du Sud qui sont arides, mais où se situent aussi les pays les plus développés du continent.

Origine de l’eau en maîtrise totale/partielle

Le tableau 14 présente les données disponibles concernant l’origine de l’eau d’irrigation dans les périmètres en maîtrise totale/partielle: eau de surface, eau souterraine ou autres (mélange d’eau souterraine et de surface, ou eaux non conventionnelles). Il faut souligner que les données sont disponibles pour tous les pays de la région du Nord, la gestion des ressources en eau en climat aride étant un élément primordial pour la durabilité des systèmes d’irrigation. Inversement, elle semble peu connue dans les pays de l’Est, de la région Soudano-sahélienne, et du Centre.

Pour les pays qui n’ont pas fourni de nouvelles données, celles de la précédente enquête d’AQUASTAT sont utilisées dans l’analyse (tableau 30). La plupart des pays pour lesquels aucune donnée récente ou ancienne n’est disponible prélèvent principalement de l’eau de surface pour alimenter leurs systèmes d’irrigation. Une estimation (100 pour cent eau de surface, 50 pour cent-50 pour cent, ou 100 pour cent eau souterraine) est faite pour ces pays afin d’obtenir une analyse plus complète. Enfin pour les anciennes données, les pourcentages de chacune des sources ont été conservés et appliqués aux superficies en maîtrise totale actuelles. Il ne faut pas oublier que ces valeurs sont des ordres de grandeur et ne reflètent pas exactement la réalité, tout comme celles du tableau précédent concernant les techniques d’irrigation. Il semblait toutefois intéressant de compléter les données sur la base des connaissances de terrain de l’équipe d’AQUASTAT, afin d’avoir une idée plus précise de l’origine de l’eau utilisée pour l’irrigation en Afrique.

TABLEAU 13
Distribution régionale des techniques d’irrigation des superficies en maîtrise totale/partielle

Région

Irrigation de surface

Irrigation par aspersion

Irrigation localisée

Total
(ha)


(ha)

(%)

(ha)

(%)

(ha)

(%)

Nord

4 925 733

79.1

923 583

14.8

381 390

6.1

6 230 706

Soudano-sahélienne

2 090 384

99.6

7 654

0.4

200

0.0

2 098 238

Golfe de Guinée

311 348

86.5

47 220

13.1

1 520

0.4

360 088

Centre

120 221

95.7

5 430

4.3

1

0.0

125 652

Est

522 520

88.1

68 571

11.6

2 012

0.3

593 103

Sud

732 710

37.3

1 022 358

52.1

207 834

10.6

1 962 902

Îles de l'océan Indien

1 086 413

98.1

19 468

1.8

2 022

0.2

1 107 903

TOTAL

9 789 329

78.4

2 094 284

16.8

594 979

4.8

12 478 592

TABLEAU 14
Distribution régionale de l’origine de l’eau utilisée pour l’irrigation sur les superficies en maîtrise totale/partielle

Pays

Eau de surface

Eau souterraine

Autres sources

Superficie
totale


Superficie

% du
total

Superficie

% du
total

Mélange eaux de
surface et souterraine

Eaux usées
traitées


(ha)

(%)

(ha)

(%)

(ha)

(%)

(ha)

(%)

(ha)

Nord

4 138 685

66.4

1 839 494

29.5

25 000

0.4

227 527

3.7

6 230 706

Soudano-sahélienne

1 986 450

94.7

111 788

5.3

0

0.0

0

0.0

2 098 238

Golfe de Guinée

230 432

64.0

122 285

34.0

7 371

2.0

0

0.0

360 088

Centre

125 652

100.0

0

0.0

0

0.0

0

0.0

125 652

Est

446 920

75.4

146 183

24.6

0

0.0

0

0.0

593 103

Sud

1 715 995

87.4

246 849

12.6

58

0.0

0

0.0

1 962 902

Îles de l'océan Indien

1 102 528

99.5

5 375

0.5

0

0.0

0

0.0

1 107 903

TOTAL

9 746 662

78.1

2 471 974

19.8

32 429

0.3

227 527

1.8

12 478 592

En ce qui concerne les «autres sources», l’Algérie, la Guinée-Bissau et le Botswana utilisent un mélange d’eaux de surface et souterraine, alors que l’Égypte, la Jamahiriya arabe libyenne, la Tunisie ont, quant à elles, commencé à réutiliser les eaux usées traitées pour augmenter leurs ressources en eau (tableaux 14 et 30).

L’eau de surface est la principale source d’approvisionnement en eau des systèmes d’irrigation à l’échelle du continent (78 pour cent). Seules l’Algérie, l’Érythrée, la Jamahiriya arabe libyenne et la Tunisie, quatre pays au climat aride (région du Nord et Soudano-sahélienne), alimentent leur système d’irrigation principalement avec de l’eau souterraine. Hormis en Erythrée, les superficies sous irrigation dans les trois autres pays approchent le potentiel d’irrigation calculé sur la base des eaux renouvelables, ou le dépassent (de 70 à 1175 pour cent du potentiel). L’Algérie et la Jamahiriya arabe libyenne prélèvent notamment l’eau souterraine fossile non renouvelable pour compléter leurs besoins en eau agricole.

Taille des périmètres

La définition des grands périmètres varie d’un pays à l’autre. Alors que certains pays considèrent un périmètre de 25 hectares déjà comme un grand périmètre, de nombreux pays utilisent une étendue minimale de 500 hectares. Les périmètres de plus de 1 000 hectares existent dans les deux tiers environ des 53 pays. Ceux de plus de 10 000 hectares existent dans près du quart des pays, représentant presque la moitié de la superficie totale sous irrigation. Le seul vrai grand périmètre d’Afrique est celui de Gezira-Managil au Soudan avec une superficie d’environ 870 000 hectares, qui est irrigué avec les eaux provenant du Nil Bleu grâce au barrage de Sennar. Plusieurs périmètres de plus de 100 000 hectares existent en Égypte, au Maroc et au Soudan. Ceux de plus de 50 000 hectares se rencontrent dans les trois pays précédents, ainsi qu’en Algérie, au Mali, et en Tunisie. D’une manière générale, les périmètres sont plus petits qu’en Asie.

Plus que par sa taille, le périmètre est souvent décrit par son type de gestion: petite exploitation privée, exploitation commerciale, périmètre communal ou périmètre public. On parle aussi souvent de «petite et moyenne hydraulique» en l’opposant à la «grande hydraulique» mise en place par les gouvernements à plus grande échelle.

Seuls cinq pays (Afrique du Sud, Égypte, Madagascar, Maroc et Soudan) possèdent un total de superficie en contrôle de l’eau supérieur à un million d’hectares, contre 20 pays en Asie.

Cultures irriguées en maîtrise totale/partielle

Le tableau 15 montre la répartition régionale des cultures irriguées pour les pays ayant fourni des informations. Les superficies équipées accueillant plusieurs cycles de culture par an sont comptabilisées plusieurs fois, ce qui explique pourquoi le total est supérieur aux superficies équipées indiquées au tableau 12. Ceci donne de plus une idée de l’intensité culturale sous irrigation (voir la section suivante). Enfin, les valeurs de la précédente enquête d’AQUASTAT ont été utilisées pour les pays n’ayant pas de nouvelles données, afin d’obtenir une image plus complète des cultures irriguées en Afrique. Seuls six pays ne disposent d’aucune valeur. Les régions du Nord et du Sud sont les seules pour lesquelles tous les pays disposent de données et les valeurs présentées sont donc certainement plus proches de la réalité. Cependant, dans toutes les régions, les données par pays ne sont pas nécessairement complètes et, dès lors, manquent de précision. Il faudra donc utiliser l’analyse qui suit avec prudence.

Les céréales (riz inclus) représentent près de 45 pour cent des superficies récoltées en cultures irriguées. Les cultures industrielles suivent avec 15 pour cent dont la canne à sucre constitue le quart. Le fourrage irrigué est la troisième culture la plus étendue, représentant 14 pour cent. Le maraîchage, culture à plus haute valeur ajoutée, suit avec 12 pour cent. L’arboriculture ne représente que 4 pour cent, et les racines et tubercules absorbent 3 pour cent. Les céréales sont les cultures prédominantes dans toutes les régions, hormis le golfe de Guinée où le maraîchage couvrant 31 pour cent des superficies des cultures irriguées arrive en tête des spéculations.

Il est intéressant de noter la répartition spatiale du fourrage irrigué. Cultivé principalement dans le Nord et plus précisément en Égypte (qui détient près des deux tiers des fourrages irrigués d’Afrique, notamment le trèfle d’Alexandrie ou bersim), on le retrouve aussi dans le Sud en proportion beaucoup plus faible et dans la région Soudano-sahélienne concentré en totalité au Soudan, dont la partie septentrionale pourrait être assimilée à la région du Nord en raison de ses caractéristiques géographiques et climatiques (tableau 31). Madagascar, à lui seul, cultive la moitié des superficies en riz du continent et la région du Nord près du tiers, mais cette culture existe dans toutes les régions. Les racines et tubercules (pommes de terre, patates douces, et betteraves à sucre principalement) sont présentes notamment dans la région du Nord, encore que les régions du Sud, de l’Est et Soudano-sahélienne en cultivent aussi. Les cultures industrielles sont représentées par le coton, principale culture industrielle (superficies supérieures à celles de la canne à sucre et principalement concentrées dans quelques pays: Égypte au Nord, Soudan dans la région Soudano-sahélienne, Afrique du Sud et Zimbabwe dans le Sud, Éthiopie dans l’Est), l’olive (principalement dans le Nord au Maroc), l’arachide (Nord, région Soudano-sahélienne et Sud), le tournesol, la banane, le tabac, le thé, le café, le soja, etc. Les arbres fruitiers, dominés par les agrumes (61 pour cent), se retrouvent en grande majorité au Nord alors qu’au Sud ils sont en nombres beaucoup plus réduits; les autres régions ne les cultivent pas (Îles de l'océan Indien et golfe de Guinée) ou les cultivent peu (Centre et Est). Enfin, le maraîchage avec 12 pour cent des cultures s’est fortement développé ces dernières années. On peut dire que l’augmentation des superficies irriguées est presque entièrement consacrée à cette spéculation.

La région du Nord totalise 60 pour cent environ des superficies en cultures irriguées, pour 47 pour cent des superficies d’irrigation, ce qui implique une intensité culturale plus élevée que pour l’ensemble de l’Afrique. Bien plus loin en arrière, le Sud avec 14 pour cent des superficies en cultures irriguées est la deuxième région productrice. Accueillant une proportion identique des superficies irriguées du continent (15 pour cent), son intensité culturale est donc moins importante. Les données incomplètes pour les autres régions ne permettent pas de parvenir à une conclusion quant à leur intensité culturale. Le tableau 17 dans la section suivante donne l’intensité culturale pour les pays où les informations étaient disponibles.

TABLEAU 15
Distribution régionale des cultures irriguées sur les superficies sous irrigation en maîtrise totale/partielle

Région

Riz

Autres
céréales

Maraîchage

Racines et
tubercules

Fourrages

Canne à
sucre

Autres
cultures
industrielles

Arbres
fruitiers

Autres
cultures
annuelles

Autres
cultures
permanentes

Total


(1 000 ha)

Nord

658.23

2 821.58

1 073.27

305.87

1 471.40

159.21

873.65

457.02

292.40

513.67

8 626.30


(8%)

(33%)

(12%)

(4%)

(17%)

(2%)

(10%)

(5%)

(3%)

(6%)

(100%)

Soudano-sahélienne

242.19

720.94

138.76

41.77

141.90

103.45

293.42

4.80

5.08

0.06

1 692.37


(14%)

(43%)

(8%)

(2.5%)

(8%)

(6%)

(17.5%)

(0.5%)

(0.5%)

(0%)

(100%)

Golfe de Guinée

27.50

38.00

68.64

4.21

-

39.05

10.96

-

24.50

7.37

220.23


(12.5%)

(17%)

(31%)

(2%)


(18%)

(5%)


(11%)

(3.5%)

(100%)

Centre

27.14

7.55

10.22

-

-

23.70

31.73

3.50

1.38

-

105.22


(26%)

(7%)

(10%)



(23%)

(30%)

(3%)

(1%)


(100%)

Est

108.09

193.08

117.17

52.23

-

29.10

93.94

5.85

81.00

3.88

684.34


(16%)

(28%)

(17%)

(7.5%)


(4%)

(14%)

(1%)

(12%)

(0.5%)

(100%)

Sud

20.56

460.00

293.39

51.07

417.90

229.18

280.87

77.16

2.23

234.23

2 066.59


(1%)

(22%)

(14%)

(2.5%)

(20%)

(11%)

(14%)

(4%)

(0%)

(11.5%)

(100%)

Îles de l’océan Indien

1 062.40

0.04

0.97

-

-

36.54

1.85

0.04

-

-

1 101.84


(96.4%)

(0.01%)

(0.08%)



(3.3%)

(0.2%)

(0.01%)



(100%)

TOTAL

2 146.11

4 241.19

1 702.42

455.15

2 031.20

620.23

1 586.42

548.37

406.59

759.21

14 496.89


(15%)

(29%)

(12%)

(3%)

(14%)

(4%)

(11%)

(4%)

(3%)

(5%)

(100%)

Taux d’utilisation des superficies équipées

Il est difficile de chiffrer à l’échelle du continent les superficies actuellement irriguées parmi les superficies équipées car les informations manquent pour une dizaine de pays dans chacune des deux enquêtes d’AQUASTAT. Quand un pays ne disposait pas de nouvelles données, celles de la précédente enquête ont été utilisées. Enfin, on adopte une estimation de 80 pour cent de la superficie équipée dans cette analyse pour les pays sans aucune donnée, afin d’obtenir une image plus complète. Ce chiffre correspond au pourcentage moyen d’utilisation pour l’ensemble de l’Afrique lorsque seules les données disponibles (récentes et anciennes) sont comptabilisées.

Les taux sont très variables pour les pays qui les ont fournis: de 2.5 pour cent pour le Lesotho (seuls 67 des 2 637 hectares équipés étaient en effet irrigués en 1999, les superficies restantes correspondent à des périmètres où l’équipement pour l’irrigation par aspersion reçu pendant la période de l’apartheid n’a jamais vraiment fonctionné) à 100 pour cent pour l’Égypte, la Guinée, la Guinée-Bissau, l’Afrique du Sud et la Zambie, alors que Madagascar, le Maroc, Maurice et la Tunisie ont également des taux dépassant les 98 pour cent. Huit pays (Angola, Bénin, Congo, Djibouti, Lesotho, Mozambique, Somalie, et Soudan) ont des taux d’utilisation inférieurs à 50 pour cent (tableau 27). Dans de nombreux cas, les faibles taux s’expliquent par une détérioration des infrastructures due à l’absence d’entretien (par manque d’expérience ou à cause de techniques inadaptées) ou au contexte politique et économique. Cependant, on cite également comme cause de ces abandons: la non-maîtrise des itinéraires techniques de production sous irrigation, l’appauvrissement des sols, l’instabilité et l’insécurité locales ou la réduction des fonds publics affectés à l’irrigation.

Par région, les Îles de l’océan Indien, influencées surtout par Madagascar, utilisent pratiquement toutes leurs superficies équipées pour l’irrigation (tableau 16). Le Nord et le Sud, avec plus de 90 pour cent de leurs superficies équipées effectivement utilisées, profitent aussi de leur équipement. La région Soudano-sahélienne, en revanche, connaît un faible taux d’utilisation du principalement au Soudan; en effet, les superficies équipées non effectivement irriguées de ce dernier représentent 41 pour cent des superficies d’irrigation de la région. Les pays responsables du faible taux d’utilisation de la région du Centre sont l’Angola principalement, suivi de la République centrafricaine et du Congo, leurs superficies effectivement irriguées ne constituant que 44 pour cent, 51 pour cent et 11 pour cent respectivement de leur superficie équipée (tableau 27).

L’intensité culturale, autre indicateur de l’utilisation des superficies équipées, n’a pu être calculée que pour 19 pays faute de données (tableau 17).

Le calcul de l’intensité culturale est aisé dans les pays secs puisque l’irrigation est indispensable pour les cultures quelle que soit la saison. Son calcul s’avère cependant plus problématique dans les pays ayant une ou plus d’une saison humide. Sur deux cycles culturaux par an, un seul est irrigué (lors de la saison sèche), le second utilise l’humidité du sol due aux précipitations. L’intensité culturale (cultures irriguées, seulement) est donc de 100 pour cent sur la superficie considérée, alors que la superficie récoltée est double.

TABLEAU 16
Distribution régionale des superficies effectivement irriguées

Région

Superficies équipées

Effectivement irriguées



Superficie

% des sup. équipées


(ha)

(ha)

(%)

Nord

6 339 756

6 032 510

95

Soudano-sahélienne

2 619 950

1 266 546

48

Golfe de Guinée

565 257

465 348

82

Centre

132 439

74 429

56

Est

616 143

506 135

82

Sud

2 063 427

1 925 625

93

Îles de l’océan Indien

1 107 903

1 102 085

99

TOTAL

13 444 875

11 372 678

85

TABLEAU 17
Intensité culturale dans quelques pays

Pays

Superficie équipée
en maîtrise
totale/partielle

Superficies
effectivement
irriguées en maîtrise
totale/partielle

Superficie des
cultures
irriguées

Intensité
culturale


(ha)

(ha)

(ha)

(%)


(1)

(2)

(3)

= 100 * (3)/(2)

Afrique du Sud

1 498 000

1 498 000

1 664 300

111

Égypte

3 422 178

3 422 178

6 027 115

176

Éthiopie

289 530

289 530

410 557

142

Guinée

20 386

20 386

20 386

100

Guinée-Bissau

8 562

8 562

8 562

100

Jamahiriya arabe libyenne

470 000

316 000

441 000

140

Madagascar

1 086 291

1 080 691

1 080 691

100

Mali

97 499

97 499

171 581

176

Mauritanie

45 012

22 840

22 840

100

Maurice

21 222

20 800

20 919

101

Maroc

1 458 160

1 406 560

1 520 200

108

République-Unie de Tanzanie

184 330

184 330

227 000

123

Sao Tomé-et-Principe

9 700

9 700

9 700

100

Sénégal

102 180

69 000

74 239

108

Swaziland

49 843

44 840

45 482

101

Togo

2 300

1 247

1 247

100

Tunisie

367 000

367 000

367 000

100

Zambie

55 387

55 387

55 387

100

Zimbabwe

173 513

123 900

202 430

163

Évolution sur les dix dernières années

En 1994, la population africaine comptait 689 millions de personnes, soit à peine plus de 12 pour cent de la population mondiale, contre 868 millions en 2004, soit environ 14 pour cent la population mondiale. Près de 66 pour cent de la population africaine vivaient en milieu rural contre 61 pour cent en 2004 (tableaux 1 et 23), ce qui indique que l’exode rural qui pousse les ruraux vers les villes ne s’est pas arrêté mais, au contraire, se poursuit. Le taux de croissance sur la période 1994-2004 (2.6 pour cent par an) a nettement diminué par rapport à la décennie précédente (3.1 pour cent pour 1984- 1994). Enfin, la densité de 1994 pour l’ensemble du continent était de 23 habitants/km2 contre 29 habitants/km2 en 2004, elle a donc augmenté de 6 habitants/km2 sur la période 1994-2004, soit autant que sur la période 1984-1994.

FIGURE 3
Évolution des prélèvements en eau

Prélèvements en eau

La proportion de chacun des usages n’a presque pas changé et l’agriculture reste la principale consommatrice d’eau (figure 3). La croissance des prélèvements totaux est nette (+43 pour cent). Les prélèvements par habitant augmentent eux aussi de 35 m3 entre les deux enquêtes. Cette croissance, qui est bien supérieure en Afrique subsaharienne qu’au Nord, reflète à la fois l’accroissement de la population, et une augmentation de la consommation de chacun des habitants. Enfin, le Nord qui concentrait, à lui seul, lors de la précédente enquête d’AQUASTAT, plus de la moitié des prélèvements africains (51 pour cent), voit sa part des prélèvements se réduire au profit de l’Afrique subsaharienne dont les prélèvements totaux représentent actuellement 56 pour cent de ceux du continent (tableau 18).

TABLEAU 18
Évolution des prélèvements en eau

Prélèvements annuels par secteur

Région

Année

Agriculture

Domestique

Industrie

Total

km³

% du
total

km³

% du
total

km³

% du
total

km³

% de
l’Afrique

m³ par
habitant

% des ressources
renouvelables
internes

Nord

1994

65.0

85

5.5

7

5.8

8

76.3

51

590

163


2004

79.7

85

8.8

9

5.4

6

93.9

44

616

200

Afrique subsaharienne

1994
2004

62.9
104.7

86
87

7.5
12.6

10
10

3.2
3.6

4
3

73.6
120.9

49
56

127
169

2
3

TOTAL

1994

127.9

85

13.0

9

9.0

6

149.9

100

212

3.8


2004

184.4

86

21.4

10

9.0

4

214.8

100

247

5.5

Les pays disposant de données concernant les ressources non conventionnelles sont pratiquement les mêmes que lors de la précédente publication. Le volume d’eaux usées produites s’est accru de près de 60 pour cent, alors que les volumes d’eaux usées traitées ont été multipliés par plus de sept et les eaux usées traitées réutilisées par neuf. Cependant les données disponibles indiquent que le volume d’eau dessalée est resté pratiquement inchangé. Il faut cependant signaler que ce résultat pourrait être dû non seulement à de réelles augmentations mais aussi à un réajustement des données. Il permet tout de même de conclure que la recherche de nouvelles ressources en eau sous toutes ces formes est très active pour une quinzaine de pays, notamment dans les régions plus arides du Nord, Soudano-sahélienne et du Sud.

Irrigation et contrôle de l’eau

Le tableau 19 présente l’évolution de ces superficies depuis le précédent rapport d’AQUASTAT en Afrique, datant de 1995.

Les superficies en contrôle de l’eau d’Afrique ont gagné 1.18 million d’hectares sur les dix dernières années, soit une augmentation de 8 pour cent, reflétant principalement un accroissement des superficies équipées (10 pour cent) au détriment des superficies non équipées (marais et bas-fonds non équipés et cultures de décrue) (figure 4). Ces dernières connaissent en effet un recul annuel de 4.5 pour cent sur cette période. L’évolution la plus marquée revient aux superficies équipées en zones basses; cet essor s’explique par la promotion de la petite irrigation qui utilise des techniques ne permettant pas un contrôle total de l’eau, mais qui sont moins coûteuses. Il est aussi probable que certains des marais et bas-fonds non équipés et des superficies auparavant cultivées en décrue aient été aménagés, et s’ajoutent alors à la catégorie «zones basses équipées» ou «maîtrise partielle/totale», traduisant ainsi une tendance vers un taux d’équipement croissant.

TABLEAU 19
Distribution régionale de l’évolution des superficies en irrigation et en contrôle de l’eau

Région

Année

Irrigation (ha)

Marais et bas-
fonds cultivés
non équipés

Cultures de
décrue non
équipées

Total contrôle
de l’eau



Maîtrise
partielle/totale

Épandage
de crues

Zones
basses
équipées

Total
irrigation



(1)

(2)

(3)

(4)=(1)+(2)+(3)

(5)

(6)

(7)=(4)+(5)+(6)

Nord

1994

5 609 700

305 000

-

5 914 700

-

-

5 914 700


2004

6 230 706

109 050

-

6 339 756

-

-

6 339 756

Soudano- sahélienne

1994

2 258 579

211 830

8 900

2 479 309

96 796

296 023

2 872 128


2004

2 098 238

299 520

222 192

2 619 950

67 356

257 984

2 945 290

Golfe de Guinée

1994

307 290

-

163 354

470 644

192 560

729 982

1 393 186


2004

360 088

-

205 169

565 257

196 606

681 914

1 443 777

Centre

1994

124 172

-

1 800

125 972

322 500

2 783

451 255


2004

125 652

2 800

3 987

132 439

322 500

1 000

455 939

Est

1994

428 116

-

5 570

433 686

222 415

-

656 101


2004

593 103

-

23 040

616 143

233 195

-

849 338

Sud

1994

1 645 332

-

-

1 645 332

181 900

8 500

1 835 732


2004

1 962 902

-

100 525

2 063 427

181 900

8 510

2 253 837

Îles de l'ocean

1994

1 104 630

-

-

1 104 630

-

-

1 104 630

Indien

2004

1 107 903

-

-

1 107 903

-

9 750

1 117 653

TOTAL

1994

11 477 819

516 830

179 624

12 174 273

1 016 171

1 037 288

14 227 732


2004

12 478 592

411 370

554 913

13 444 875

1 001 557

959 158

15 405 590

ÉVOLUTION


+ 1 000 773

- 105 460

+ 375 289

+1 270 602

- 14 614

- 78 130

+1 177 858


FIGURE 4
Évolution des superficies en contrôle de l’eau

Pour l’ensemble du continent, l’accroissement des superficies équipées atteint 10 pour cent, soit un taux annuel de 0.88 pour cent sur la période 1992-2000 en années pondérées (tableau 20). L’année pondérée est calculée en affectant à l’année de chaque pays un facteur proportionnel à sa superficie équipée pour l’irrigation ou en contrôle de l’eau, donnant ainsi plus d’importance aux pays ayant les plus grandes superficies équipées pour l’irrigation ou en contrôle de l’eau. À l’échelle nationale, l’expansion des superficies équipées n’est le fait que de quelques pays: quatre pays totalisent ensemble près 60 pour cent de l’augmentation totale: l’Afrique du Sud, le Maroc, l’Égypte, et la Zambie (par ordre décroissant). Mais, même si leurs gains en superficies équipées ne sont pas aussi importants, d’autres pays connaissent des taux d’accroissement considérables (tableau 27). Il faut cependant préciser que le taux d’accroissement annuel du Ghana, le plus important d’Afrique (30 pour cent), est faussé par l’irrigation informelle qui, bien que probablement déjà existante, n’était pas incluse dans les données de la précédente enquête. De même en Éthiopie l’irrigation traditionnelle était sous-estimée. L’accroissement des superficies irriguées du Mali (20.1 pour cent) s’explique par le reclassement de superficies auparavant indiquées comme non équipées, qui ont été cette fois comptabilisées dans les superficies équipées en raison de la meilleure connaissance de la situation sur le terrain. L’accroissement des superficies équipées de la Zambie (12.9 pour cent) est dû à l’équipement de superficies non équipées en 1992 lors de la première enquête; en effet, les superficies en contrôle de l’eau s’y sont accrues de façon moins sensible (5.7 pour cent). Il en est de même pour le Rwanda (11.4 pour cent), bien que ses superficies totales en contrôle de l’eau aient régressé entre 1993 et2000; ou encore pour le Sénégal (6.7 pour cent et 0.7 pour cent respectivement). Le taux d’accroissement annuel des superficies en contrôle de l’eau s’élève donc à 0.73 pour cent, soit légèrement inférieur à celui des superficies équipées (0.88 pour cent). Quant à la Guinée-Bissau, un inventaire plus détaillé a permis, entre 1994 et 1996, une meilleure connaissance des superficies irriguées, mais on ne peut parler de réel accroissement. Enfin, le Soudan a accusé un recul de ses superficies équipées pour l’irrigation dû à une dégradation tellement importante de certains de ses équipements qu’elle ne permet plus ni leur utilisation ni même leur réhabilitation.

TABLEAU 20
Taux d’accroissement annuel des superficies en irrigation et en contrôle de l’eau sur la période 1992-2000 (années pondérées)

Région

Taux d’accroissement annuel


superficies en irrigation

superficies en contrôle de l’eau


(%)

Nord

0.67

0.67

Afrique subsaharienne

1.17

0.80

AFRIQUE

0.88

0.73

Techniques d’irrigation

Les informations disponibles sur les techniques d’irrigation ne couvraient en 1995 que la moitié à peine des superficies en maîtrise partielle/totale alors que, dans la présente actualisation, elles portent sur 77 pour cent de ces superficies. Il est donc difficile d’analyser l’évolution des diverses techniques d’irrigation. Une estimation prudente montrerait que la part de l’irrigation de surface a diminué au profit des techniques moins exigeantes en eau, comme l’aspersion et en particulier l’irrigation localisée pour laquelle les superficies ont été multipliées pratiquement par six. La superficie où se pratique l’aspersion a plus que doublé. L’extension des superficies irriguées par aspersion est presque entièrement le fait de la région du Sud, alors que l’irrigation localisée est très développée à la fois au Nord et au Sud. Ces régions regroupent, en effet, les pays les plus arides du continent, mais aussi les plus développés, deux facteurs favorisant l’adoption de ces techniques.

Cultures irriguées

La principale évolution sur les dix dernières années consiste en une diminution des superficies en riziculture et de leur part dans l’ensemble des superficies en maîtrise totale/partielle. Cette réduction s’est réalisée principalement au profit du maraîchage. L’accroissement de ce dernier est particulièrement sensible dans la région du Sud. Les superficies des cultures industrielles se sont accrues elles aussi au cours de la même période, indiquant qu’un pourcentage plus élevé des superficies irriguées est consacré à ces spéculations, alors que la part concernant uniquement la canne à sucre est restée inchangée. La tendance pour les racines et tubercules est aussi à la hausse, en particulier dans le Nord. Les superficies affectées à l’arboriculture et aux fourrages ont augmenté, mais leur part respective dans les superficies irriguées reste identique sur la période étudiée. Enfin, il faut signaler que la baisse des superficies de cultures irriguées dans le golfe de Guinée et, partant, de la riziculture en général, reflète le retrait des «fadamas» nigérians des cultures irriguées récoltées de cette nouvelle enquête, ne comprennant que les superficies en maîtrise partielle/totale.

Taux d’utilisation des superficies équipées

Parmi les pays pour lesquels les informations sont disponibles, quatre ont vu leur taux d’utilisation des superficies équipées s’améliorer sur les dix dernières années. Les superficies effectivement irriguées en Algérie se sont accrues, passant de 66 pour cent des superficies équipées en 1992 à 80 pour cent en 2001, alors qu’une légère croissance caractérise les superficies équipées. Il en est de même pour la Jamahiriya arabe libyenne (de 51 pour cent en 1990 à 67 pour cent en 2000 pour des superficies équipées identiques), pour Madagascar (de 82 pour cent à 99.5 pour cent entre 1992 et 2000 pour des superficies équipées pratiquement équivalentes) et pour la Tunisie entre 1991 et 2000 (de 84 pour cent à 99.7 pour cent pour des superficies équipées en augmentation). Inversement, trois pays ont connu une dégradation de l’utilisation de leur équipement. Au Lesotho les superficies effectivement irriguées ont diminué sur la même période, passant de 7 pour cent à 3 pour cent des superficies équipées entre 1994 et 1999 pour une superficie équipée équivalente, ainsi qu’au Mozambique (de 42 pour cent à 34 pour cent entre 1995 et 2001 pour des superficies équipées légèrement accrues). Si l’utilisation plus intensive des superficies équipées dans les premiers pays peut s’expliquer par la réhabilitation de périmètres dégradés, c’est souvent la dégradation des équipements qui justifie l’abandon de superficies équipées dans les derniers. Enfin, il faut noter que, parmi les pays ayant un taux d’utilisation actuel inférieur à 50 pour cent, le Soudan a subi une importante dégradation: la superficie réellement irriguée a diminuée de 63 pour cent en 1995 à 43 pour cent en 2000.

Gestion de l’eau

La gestion de l’eau dans les pays africains se base généralement sur un Code de l’eau. Trente-sept pays disposent de ce type de texte qui régit d’une manière globale la gestion des ressources hydriques présentes sur leur territoire. Cependant, il faut ajouter à ceux-ci, trois autres pays (Gabon, Seychelles, Soudan) qui, même s’ils n’ont pas de loi spécifique pour l’eau, l’ont incluse dans des législations sur l’environnement ou les ressources naturelles. Dans six autres pays aussi (Jamahiriya arabe libyenne, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe et Swaziland) certains aspects de la gestion des eaux tels que la pollution, les forages ou les droits d’eau sont réglementés, mais ces dispositions ponctuelles ne sont pas regroupées dans un code de l’eau. Cinq pays (Gambie, Ghana, Libéria, Sierra Leone, et Somalie) ont aussi désigné les institutions chargées de l’approvisionnement en eau ou de la gestion de l’eau, mais sans préciser la direction que devrait prendre cette gestion. Enfin, on ne disposait pas d’informations pour deux pays humides, les Comores et la Guinée équatoriale, qui n’ont vraisemblablement pas statué sur ce thème. Il faut cependant mentionner que le Somaliland, dans le nord de la Somalie, a formulé sa propre politique de l’eau et travaille à la constitution d’un code de l’eau. Parmi les 37 pays ayant un outil législatif complet, 25 l’ont rédigé, amendé ou mis en application depuis 1995, ce qui témoigne de l’actualité du thème. Cependant l’Érythrée n’a toujours pas approuvé son projet de loi sur l’eau rédigé en 1996. Enfin, des textes traitant plus spécifiquement de la gestion de l’irrigation sont rares: seuls Maurice, le Kenya et le Malawi se sont dotés d’une loi sur l’irrigation en 1979, 1996 et 2001 respectivement. La FAO a aussi en cours quelques projets dont le but est d’aider les gouvernements à mettre en place une stratégie pour le secteur de l’irrigation et à formuler une politique de l’irrigation dans les pays suivants: Botswana, Érythrée, Ghana, Nigéria, République-Unie de Tanzanie, Swaziland, et Zambie.

Les institutions chargées de la gestion et de la planification de l’irrigation à l’échelle nationale sont, pour la grande majorité des pays africains (41 sur 53), des départements ou divisions de ministères de l’agriculture (37) ou de ministères de l’agriculture et de l’irrigation ou de l’hydraulique (4). Cependant la gestion et la conservation de la ressource relèvent, la plupart du temps, d’un autre ministère (de l’environnement, des ressources naturelles, de l’énergie ou de l’hydraulique), et la coordination entre les différentes institutions est quasiment inexistante: parmi eux, seuls le Burundi, la Guinée-Bissau, le Mozambique, et le Sénégal ont créé des conseils interministériels pour des actions à entreprendre en synergie. En outre, six autres pays n’ont confié qu’une part seulement de l’irrigation au ministère de l’agriculture, répartissant ainsi la gestion du secteur entre plusieurs ministères (Bénin, Jamahiriya arabe libyenne, Maroc, Mauritanie, Soudan, Zimbabwe). Finalement, seuls quatre États disposent d’un ministère des ressources en eau qui inclut la gestion de l’irrigation: l’Algérie, l’Égypte, le Kenya et le Nigéria qui détiennent 43 pour cent des superficies en contrôle de l’eau d’Afrique. En revanche, au Congo et en Guinée, l’irrigation relève d’un ministère des ressources hydriques, minérales et de l’énergie.

La gestion des systèmes d’irrigation est généralement assurée conjointement par l’État en ce qui concerne les infrastructures primaires ou les systèmes publics, et par des associations d’usagers pour les infrastructures secondaires et tertiaires ou les systèmes privés. Le désengagement de l’État du secteur de l’irrigation depuis les années 1980 principalement, et la création consécutive d’associations d’usagers déjà réalisée ou envisagée (Afrique du Sud, Burundi, Côte d’Ivoire, Ghana, Madagascar, Mali, Maroc, Maurice, Niger, Nigéria, Sénégal, Soudan, Swaziland, Tunisie et Zimbabwe), ainsi que la promotion d’approches participatives plus récemment (Burkina Faso, Mauritanie, Tchad) intéressent une vingtaine de pays africains. L’exemple du Kenya illustre bien le choix du transfert de la gestion; en effet tous les nouveaux périmètres créés entre 1992 et 2003 sont privés, alors que certains anciens périmètres publics sont encore partiellement gérés par l’État. En Égypte, plutôt qu’un transfert aux usagers, le gouvernement a choisi de promouvoir leur participation remplaçant sa gestion jadis très centralisée par une forme de gestion conjointe.

Il convient de noter l’importance croissante de l’irrigation informelle, notamment dans les zones urbaines et périurbaines des grandes villes africaines. Cette irrigation n’est généralement pas comprise dans les statistiques officielles (et ne figure probablement pas non plus, ou seulement partiellement, dans les statistiques d’AQUASTAT pour la plupart des pays à cause de la difficulté d’obtenir des données) ni dans la gestion intégrée des ressources hydriques. Son essor s’explique principalement par le désengagement de l’État du secteur de l’irrigation et le développement de l’irrigation privée. Elle est généralement réalisée à petite échelle, mais représente pour chacun des exploitants une valeur ajoutée non négligeable en termes de revenus. Il est difficile d’évaluer ce type d’irrigation à l’échelle du continent.

La tarification de l’eau n’est connue que pour 27 pays, dont 23 ont prévu des redevances, principalement basées sur la superficie irriguée. Toutefois, dans neuf pays, il est admis que les redevances de l’eau soient fortement subventionnées (Tchad, Namibie), appliquées uniquement dans les grands périmètres (Maroc), appliquées encore rarement malgré la loi (Togo, Côte d’Ivoire), ou ne couvrant que les coûts d’opération et de maintenance (Madagascar). Dans quatre pays l’eau et les services d’irrigation sont gratuits, à savoir le Botswana, l’Éthiopie, la Jamahiriya arabe libyenne et la Somalie.

Environnement et santé

Sur les 29 pays pour lesquels les information concernant la qualité des eaux sont disponibles, 12 (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Congo, Ghana, Guinée, Jamahiriya arabe libyenne, Malawi, Mozambique, Sénégal, Tchad, Zimbabwe) affirment que leurs eaux sont de qualité relativement adaptée à l’irrigation et que les pollutions sont ponctuelles et liées principalement aux concentrations humaines sans structures d’assainissement (milieu urbain) et à l’agriculture où elles sont dues notamment aux concentrations animales. Pour les 17 pays restants, l’agriculture est mentionnée comme la principale source de pollution: Algérie, Mali dans la zone de l’Office du Niger, Maurice (en raison de la canne à sucre principalement), Soudan, Swaziland (du fait des animaux qui contaminent les sources), Togo (où la pollution agricole ne touche que l’eau superficielle) et Tunisie. Parmi les autres sources de pollution, figure la combinaison de l’agriculture, de l’industrie et des déchets domestiques (République démocratique du Congo, Sao Tomé-et-Principe, Somalie, Afrique du Sud) et, dans une moindre mesure, l’industrie minière (pétrole au Nigéria dans le delta du Niger, ou diamants au Lesotho et au Botswana). Aux Comores, en Érythrée et au Rwanda, ce sont les concentrations humaines et les déchets domestiques qui dégradent la qualité des eaux.

La surexploitation des aquifères (à savoir les prélèvements supérieurs à la recharge) et l’abaissement consécutif de leur niveau représentent un problème dans sept pays: Algérie, Cap-Vert, Djibouti, Maroc, le Nigéria, le Sénégal et Tunisie, problème qui s’applique aussi aux aquifères côtiers des Comores et de la Jamahiriya arabe libyenne. Cette surexploitation est à l’origine d’intrusions marines en Algérie et au Cap-Vert. Mais l’Érythrée et Maurice (au Nord et à l’Est) sont aussi touchés. Enfin, l’utilisation des eaux fossiles, c’est-à-dire les eaux provenant d’aquifères dont le taux de renouvellement est très faible et qui sont donc considérés comme non renouvelables, notamment en Jamahiriya arabe libyenne et dans une moindre mesure en Algérie, provoquera à long terme leur tarissement.

TABLEAU 21
Salinisation dans quelques pays

Pays

Salinisation


Année

ha

% des superficies équipées

Égypte

2005

250 000

7

Jamahiriya arabe libyenne

1998

190 000

40

Kenya

1999

30 000

29

Maroc

2000

150 000

10

Mozambique

1993

2 000

2

Namibie

1992

1 300

17

Niger

2000

350

0.5

Nigéria

1999

100 000

34

République-Unie de Tanzanie

1999

50 000

27

Soudan

1999

500 000

27

Tunisie

2000

86 000

22

La salinisation des sols est un problème beaucoup plus fréquent, puisque 14 pays y sont confrontés. Si la situation est particulièrement préoccupante au Maroc, au Nigéria et au Soudan, où les superficies salinisées par l’irrigation dépassent 100 000 hectares, elle l’est moins au Kenya, en République-Unie de Tanzanie et en Tunisie (tableau 21). La question de la salinisation doit aussi être surveillée à Djibouti, en Gambie et au Mozambique lorsque les sols sont salés naturellement, en Namibie, au Niger où 350 hectares sont abandonnés et d’autres risquent de l’être très prochainement, et en Somalie et au Zimbabwe. Enfin l’Égypte a maîtrisé désormais la salinisation, depuis les années 1970, sur une grande partie de ses périmètres irrigués grâce à la mise en place de systèmes de drainage (encadré 1).

On peut citer comme autres problèmes environnementaux liés à l’irrigation en Afrique: (i) l’érosion et ses conséquences et l’ensablement ou la sédimentation des plans d’eau, barrages et canaux dans dix pays; (ii) la prolifération de la végétation aquatique (six pays); (iii) l’assèchement ou les risques d’assèchement des marais (quatre pays). L’encadré 2 donne l’exemple du tarissement du lac Tchad dû à la variabilité climatique et ses conséquences pour l’environnement.

Selon les estimations, de 70 à 90 pour cent des cas mondiaux de paludisme se manifestent en Afrique. En tout état de cause, l’Afrique reste de loin le continent le plus touché avec 365 millions de cas de paludisme en 2002. Le rapport de 2003 de l’OMS sur le paludisme en Afrique indique qu’au moins un décès sur cinq d’enfants en bas âge a pour cause le paludisme. Plus de 80 pour cent des décès dus à cette pathologie se produisent en Afrique où l’on estime qu’elle menace 66 pour cent de la population. Selon l’OMS, les seuls pays africains où la maladie n’est pas endémique sont le Lesotho, la Jamahiriya arabe libyenne, les Seychelles et la Tunisie.

Perspectives pour la gestion de l’eau en afrique

La gestion de l’eau et de l’irrigation en Afrique est considérée par de nombreux pays comme un facteur clé pour améliorer leur sécurité alimentaire et assurer l’accès à eau potable de la population.

Bien qu’ils existent déjà, les transferts d’eau sont encore rares, tant au sein d’un même pays comme au Maroc (pour un volume de 2.7 km3 entre bassins versants) et en Jamahiriya arabe libyenne (transfert de ressources souterraines fossiles entre le sud et le nord au sein du «Great Manmade River Project») qu’entre les pays: le seul exemple connu actuellement est celui du transfert d’un volume de 2.2 km3/an de la rivière Malibamatso au Lesotho vers la rivière Vaal en Afrique du Sud (tous deux dans le bassin de l’Orange) dans le cadre du «Lesotho Highlands Water Project». Le premier pays reçoit en contrepartie une assistance pour la production de sa propre électricité) (tableau 25). De nombreux projets sont cependant à l’étude pour développer ces transferts: en Algérie (du sud vers le nord), au Kenya (du Lac Victoria vers des zones plus sèches comme le Kerio dans la vallée du Rift, ou vers le plateau Vembere: projet datant de la période de colonisation allemande), au Botswana (entre les rivières Shashe et Notwane, toutes deux dans le bassin du Limpopo), et vers le lac Tchad pour compenser la diminution de son niveau (depuis le bassin du Niger au Nigéria, ou depuis le bassin du Congo) (encadré 2).

ENCADRÉ 1
Salinisation et drainage dans le delta du Nil

Le delta du Nil se situe en Égypte au Nord du Caire, où le Nil se divise en deux branches: celle de Damiette et celle de Rosette. Il est limité par le désert oriental et le canal de Suez à l’est, et par le désert occidental à l’ouest. Des lacs sont adjacents à la mer Méditerranée (Mariut, Idku, Burullus et Manzala). Le delta a une longueur de 160 km environ et une largeur de 250 km sur sa partie la plus large. Près de deux millions d’hectares sont irrigués dans le delta, qui est une zone densément peuplée. La production agricole est intensive, les principales cultures étant le riz, le coton et le maïs en été, et le trèfle d’Alexandrie et le blé en hiver. Les lacs sont le lieu d’importantes activités de pêche.

Le climat se caractérise par son aridité, en effet les précipitations annuelles moyennes (d’octobre à mai) varient de 190 mm sur la côte méditerranéenne à 20-50 mm dans le sud, et l’évapotranspiration qui est de 1 400 mm par an dans les zones côtières augmente en allant vers le sud.

Un des problèmes du delta du Nil était la salinité qui affectait ses sols alluviaux argileux. Cependant, après la mise en place de systèmes de drainage souterrain sur 90 pour cent des terres irriguées pour contrôler le niveau de l’eau souterraine, la plupart des sols du delta ne sont plus salins. Toutefois, à proximité des côtes et des lacs, la salinité du sol augmente à cause de la faible profondeur des eaux souterraines infiltrées par des eaux saumâtres depuis la mer et les lacs à travers des sols perméables.

Actuellement, le problème dans le delta du Nil réside dans la disponibilité de ressources en eau en terme de la quantité et de la qualité. De l’eau superficielle de bonne qualité est fournie par le Nil et l’eau souterraine peu profonde ou profonde est aussi disponible.

L’expansion de l’irrigation dans la vallée du Nil et les zones de désert adjacentes a limité les ressources en eau conventionnelles aptes à couvrir la demande en eau dans le delta. Puisque l’irrigation exige des quantités importantes d’eau, il est nécessaire d’en augmenter l’efficience. C’est l’un des objectifs du Projet d’amélioration de l’irrigation du Ministère des ressources en eau et de l’irrigation (MWRI).

La réutilisation des eaux de drainage est une autre solution considérée par le MWRI au titre du Projet d’irrigation à partir des eaux de drainage qui a démarré en 1998. La réutilisation planifiée s’effectue en pompant l’eau des principaux drains vers les principaux canaux d’irrigation. En 1996-1997, la quantité d’eau pompée aux stations de pompage s’élevait à 4, 4 milliards de m3 avec une salinité moyenne de 1.8 dS/m. Le volume d’eau de drainage réutilisé pour l’irrigation devrait augmenté pour atteindre 8 milliards de m3 par an dans un proche avenir. La réutilisation des eaux de drainage n’a généralement pas causé d’augmentation de la salinité des sols, car la salinité de l’eau de drainage réutilisée est réduite grâce à son mélange avec de l’eau douce. Cependant, la pollution des eaux de drainage par la décharge d’eaux usées non traitées dans les systèmes de drainage agricoles a détérioré la qualité de l’eau dans les drains principaux, et pose une grave menace pour leur réutilisation. Les agriculteurs utilisent aussi directement les eaux de drainage en les pompant à partir de drains proches de leurs parcelles.

Puisque dans les drains principaux la salinité de l’eau augmente du sud vers le nord, direction générale du courant, et que la pollution de l’eau s’accroît aussi, une option actuellement considérée est l’interception de l’eau de drainage ayant une salinité favorable et son pompage dans les canaux à leur intersection avec les drains, alors que l’eau de drainage à forte salinité serait déversée dans les lacs côtiers pour maintenir les niveaux de salinité nécessaires pour l’aquaculture.

La stratégie de réutilisation des eaux de drainage expérimentée a donné des résultats raisonnables en termes de salinité des sols et de rendements agricoles. Cependant, comme les niveaux de salinité des sols peuvent être localement élevés, notamment en aval des canaux, où l’eau d’irrigation est inadéquate et la salinité des eaux souterraines forte, il est nécessaire de surveiller la salinité des sols et de l’eau. La question est de savoir quelle part de la quantité annuelle d’eaux de drainage déchargées dans la Méditerranée et les lacs côtiers peut être réutilisée?


ENCADRÉ 2
Lac Tchad: réduction de sa superficie de plus de 90 pour cent en 40 ans

Le lac Tchad était jadis le plus grand lac d’eau douce d’Afrique mais, au cours des dernières décennies, sa superficie a diminué, passant de 25 000 km2 en 1964 à 1 900 km2 en 2003, avec des variations de niveau de plus de 8 m et de volume de 100 à 20 km3. Le fleuve Chari-Logone contribue pour environ 95 pour cent au débit total entrant dans le lac (38.5 km3/an). L’approvisionnement du lac s’est lui aussi considérablement réduit, tombant de 54 km3/an (1955/56) à 7 km3/an (1984/85).

Cette dégradation progressive a pour origine la variabilité climatique de la région et les changements environnementaux induits, intensifiés par les exigences humaines en ressources naturelles (principalement terres et eaux) dans le bassin. Ce dernier (presque 2.4 millions de km2) héberge en effet environ 42.5 millions d’habitants. Pour la zone proche du lac lui-même, la baisse du niveau du lac et la réduction de sa superficie ont résulté en un déclin de la pêche, une réduction de la zone où est pratiquée l’agriculture de décrue, et des mouvements accrus de migration des populations locales qui tentent de s’adapter aux variations climatiques. Un important périmètre d’irrigation au Nigéria, le projet d’irrigation du sud du lac Tchad, voit son approvisionnement en eau compromis par le retrait de la berge du lac.

Les superficies sous irrigation dans le bassin sont limitées, avec un prélèvement de 1.5 km3 seulement, soit 4 pour cent de la recharge annuelle du lac. La productivité agricole de la région adjacente au lac a baissé avec l’augmentation de la pression humaine qui a également provoqué le déboisement et encouragé la culture sur brûlis et l’adoption de techniques agricoles peu adaptées. Un des résultats a été l’institution du cercle vicieux entre la pauvreté et la dégradation environnementale qui caractérise la région, particulièrement dans les zones sahéliennes les plus arides situées au nord du bassin. Ailleurs dans le bassin, les impacts de la guerre civile en République centrafricaine et au Soudan, conjugués à une compétition intense pour les ressources naturelles dans le sous bassin de Komadugu-Yobé au Nigéria, se sont unis aux impacts d’une sécheresse régionale prolongée due à la migration vers le sud des isohyètes moyens annuels. De plus amples impacts environnementaux sont aussi attendus, notamment la pollution des sources due aux activités croissantes de prospection et d’exploitation pétrolière et minière et à l’utilisation grandissante d’engrais et de pesticides. La pêche dans les bassins en amont du sous-bassin du Chari-Logone est particulièrement à risque.

En dépit du nombre d’initiatives lancées, on connaît peu tant les ressources en eau que le fonctionnement des systèmes aquatiques au sein du bassin. Il n’y a ni système effectif de gestion de la quantité et de la qualité des ressources en eau douce ni programmes performants de protection de la qualité de l’eau. La gestion de la demande en eau est inexistante et très peu d’attention a été portée à la compatibilité des méthodes de production avec les ressources naturelles réelles. Enfin, les politiques économiques de l’eau et de l’environnement sont faibles, et aucun instrument économique, ou mesure incitatrice ou programme spécifique n’a été mis en place pour promouvoir et appuyer les initiatives locales. Ces problèmes mettent en évidence celui de la politique à court terme. En effet, des programmes de gestion environnementale coûteux ne peuvent être considérés comme prioritaires pour des gouvernements qui se débattant déjà avec des niveaux de malnutrition et de pauvreté très élevés.

Quelques progrès ont été accomplis pour harmoniser les cadres juridiques au niveau régional, afin de protéger et rendre durable l’usage des ressources en eau partagées. Si la coopération régionale ne parvient pas à renverser la tendance, des dégradations plus importantes apparaîtront dans l’environnement naturel du bassin du lac Tchad. La FAO a offert des conseils techniques et légaux à la CBLT, notamment pour la proposition de transfert de l’eau de l’Oubangui (bassin du Congo) aux eaux en amont du sous-bassin du Chari-Logone en République centrafricaine. La viabilité économique et les implications environnementales du transfert proposé seront analysées avec soin, en tenant compte du problème des espèces aquatiques envahissantes. De plus, sera nécessaire le consentement des riverains en aval du bassin du Congo, non membres de la Commission du bassin du lac Tchad.

D’après les informations disponibles, l’utilisation actuelle de ressources en eau non conventionnelles (dessalement, réutilisation des eaux usées traitées) concerne moins du tiers des pays. Elle est donc appelée à se développer beaucoup plus à l’avenir pour pallier le manque de ressources disponibles dans de nombreux pays arides.

Les deux tendances confirmant une nette progression en matière de gestion de l’eau dans les pays africains sont la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) et le développement de la petite irrigation. La première apparaît dans les diverses politiques ou propositions de lois, et s’accompagne de la protection des ressources hydriques pour garantir leur durabilité à long terme. Huit pays l’ont incorporée dans leur politique ou se proposent de le faire. Quant à la petite irrigation, c’est le principal type de construction retenu pour les pays cherchant encore à développer leurs superficies d’irrigation. Elle prévoit la gestion par les usagers et donc une participation beaucoup plus active, et va souvent de pair avec l’introduction de technologies à coût réduit (pompes à pédales, «drip kits», etc.). Les pays qui ont déjà aménagé l’ensemble de leurs superficies irrigables potentielles, tels que l’Afrique du Sud ou la Jamahiriya arabe libyenne, ne réalisent plus de travaux de construction, mais se sont engagés dans le développement de techniques efficientes d’utilisation de l’eau (aspersion, irrigation localisée) dans le but de réduire les volumes d’eau utilisés pour les cultures.

Enfin, au cours des dix dernières années, une des tendances de l’irrigation a consisté dans l’équipement de superficies auparavant en contrôle sommaire de l’eau, tels que les bas-fonds et les zones de décrue. Cela permet en effet de réduire les coûts d’aménagement et d’augmenter la maîtrise de l’irrigation et, par là même, la productivité agricole des parcelles. On peut supposer que cette tendance se poursuivra dans les prochaines années en vue d’intensifier l’irrigation sur les terres les plus facilement irrigables.


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